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Services divers à caractère social ou économique et frais divers

9 Administration et fonctionnement

10.5 Services divers à caractère social ou économique et frais divers

Dans ce chapitre nous avons réuni plusieurs rubriques extraordinaires liées à des événements particuliers: il s'agit essentiellement de dépenses à caractère social, religieux ou économique.

Parmi ces dernières, nous avons choisi d'inclure les frais engendrés par l'achat de fiefs et de terres, dont les fins économiques sont incontestables. Une partie importante de ces sommes fut mobilisée pour l'acquisition de la seigneurie de Grasbourg faite de moitié avec Berne en 1423327,

pour l'achat des fiefs du comte de Thierstein dans les actuels districts du Lac et de la Singine – conclu et ratifié par Frédéric de Habsbourg en 1442 – et pour l'acquisition de Pont-en-Ogoz en 1482. L'achat du château et de la seigneurie de Pont-en-Ogoz à Antoine de Menthon pour la somme de 16'000 florins, par acte du 19 novembre 1482, engendra la dépense la plus importante du siècle (le deuxième semestre de l'année la ville déboursa au total 28'157 livres 6 sous 1 denier).

Les versements d'argent de la ville pour l’assistance et la charité étaient plus fréquents que ce que la liste suivante, présentant uniquement les frais d'une distribution de pain aux pauvres en 1405, laisse deviner. Normalement, cette typologie de dépenses, qui comportait des débours de faible importance, était traitée dans la rubrique consacrée aux charges administratives et diverses328. En outre, des comptabilités parallèles étaient tenues par les institutions caritatives

chargées par le gouvernement fribourgeois de l'assistance aux pauvres et aux indigents329. Ainsi,

aux aumônes faites par la ville avec l'argent public s'ajoutaient les nombreuses libéralités ordonnées par le gouvernement et executées par ces œuvres caritatives. Trois institutions en particulier était surveillées par le gouvernement fribourgeois: l'hôpital communal, fondé en 1248330, la léproserie de Bourguillon331 et la confrérie du Saint-Esprit ou Grande Confrérie332. Les

recteurs de ces trois œuvres caritatives, dont la gestion était indépendante de l'administration municipale, une fois par an, devaient rendre leurs comptes devant le Conseil des Vingt-Quatre. Ces magistrats étaient souvent eux-mêmes membres du Conseil. La ville était donc solidement engagée, aux côtés de l'église, dans le domaine de l'assistance333. Ce modèle, présentant une

327 Le compte du deuxième semestre 1423, ayant été mutilé, ne conserve plus les dépenses relatives à cet achat. 328 Cf. par exemple une distribution de blé faite en 1438: "Item pour les despens fait per les IIII banderet et per les IIII dou Conseil qui furent ordonnés avecque lour quant l'on cherchast les grenyers et que l'on delivrast lo bla eis

pouvres gens enclo lo vin appres table – 37 lbr. 4 s." (CT 72 (1438/II), p. 69).

329 MORARD,"Une charité bien ordonnée", p. 289.

330 Dès le début du XVe siècle, un nouvel hôpital dépendit du gouvernement urbain: l'hôpital de Saint-Jacques en

l'Auge (NIQUILLE, "Les premières institutions sociales", p. 232).

331 La ville subsidiait aussi les léproseries de Villars-les-Joncs et des Marches, réduites dans la première moitié du

XVe siècle à celle de Bourgouillon (JeanneNIQUILLE, "La léproserie de Bourguillon", dans Annales fribourgeoises, 42

(1956), p. 47-61).

332 Jeanne NIQUILLE, "La confrérie du Saint-Esprit de Fribourg au XVme et au XVIme siècle", dans Revue

d'histoire ecclésiastique suisse, 19 (1925), p. 190-205. "La profusion des ressources [de la Confrérie] eut pour conséquence

inévitable l'intervention des pouvoirs publics dans l'administration, puis dans l'organisation de la Confrérie. [...] dès les années années 1350 au plus tard, la Confrérie du Saint-Esprit est entièrement soumise au contrôle des autorités municipales" (MORARD, "Une charité bien ordonnée", p. 287-288).

333 Jeanne NIQUILLE, "L'hôpital de Notre-Dame à Fribourg", dans Archives de la Société d'histoire du canton de

SERVICES COMMUNAUTAIRES

151 administration sous le patronat de la ville, mais avec la gestion des finances indipendante du gouvernement urbain, était similaire à celui appliqué par d'autres villes334.

En 1445, on estima la fortune de l'hôpital à 40'000 livres et celle de la confrérie à 20'000 livres. Au XVe siècle, l'hôpital consacrait à l'assistance 3'000 livres chaque année, alors que le budget moyen de la ville était d’environ 8'500 livres; entre autre, dès le début du siècle, une distribution de pain était organisée chaque Mercredi Saint et, dès 1475, suite au testament de Perrissona Misey, le jour d'anniversaire de sa mort et la veille de Noël335. La confrérie dispensait aux pauvres

environ 14'000 kg de pain chaque année336 et distribuait aussi de l'argent (le lundi de chaque

semaine), du froment337, du porc salé (les dimanches et mardis de carnaval), des souliers et des

draps (à la Toussaint). Plusieurs autres aumônes publiques enrichissaient ce mouvement caritatif, suivant les volontés des donateurs et les dispositions des rentes.

Les dépenses présentées dans ce chapitre furent parfois si importantes, qu'elles absorbèrent une part considérable des recettes semestrielles. Ce fut notamment le cas en 1443, avec l'achat des fiefs Thierstein (3'237 livres 12 sous 6 deniers, soit 23% des dépenses annuelles), et en 1482, avec l'acquisition de la seigneurie de Pont-en-Ogoz (18'173 livres 10 sous 4 deniers, soit 66% des dépenses globales). Sinon, au cours du XVe siècle, pour ces dépenses extraordinaires à caractère social, religieux ou économique, la ville déboursa, en moyenne, seulement 1% de ces dépenses globales.

Rubriques extraordinaires à caractère social ou économique et frais divers

1405/II Mession por les ovriers tramis a Bernaz338 124 lbr. 15 s. 8 d. CT 7, p. 115-118

Mession por IIconfrarie novellemant faites339 28 lbr. 4 s. CT 7, p. 122-123

1406/II Mession por chareir buenes in Gauterron340 70 s. 8 d. CT 9, p. 141-142

1418/I Mission por l’achet deis fey venduz a la ville

per lo contte de Tierstei341 246 lbr. 19 s. 6 d. CT 31, p. 127-128

1424/II Pour querir les bens ver lo pont de l’Ogi 20 lbr. 18 s. 6 d. CT 44, p. 135

1428/II Mission por empron fait per la fabrique de

l'egliese de Sain Nicolay de la ville de Fribor a cause deis orguines342

193 lbr. 10 s. CT 52bis, p. 29

334 CAESAR, Le pouvoir en ville, p. 217-219.

335 NIQUILLE, "Les premières institutions sociales", p. 238. 336 MORARD,"Une charité bien ordonnée", p. 293-294.

337 En 1392, une ordonnance arrêta qu'une fois par année, la confrérie du Saint-Esprit devait délivrer huit coupes

de froment à chacun des lépreux de Bourguillon (PCL 103).

338 Le 14 mai 1405, un grand incendie frappa la ville de Berne détruisant 600 maisons et Fribourg donna son aide

en biens et en hommes (cf. RUDELLA, 126, 127; Armand BAERISWYL, "'Die gröste brunst der stat Berne' - der

Sadtbrand von 1405", in Berns grosse Zeit. Das 15. Jahrhundert neu entdeckt, Bern, 1999, p. 36-40).

339 Il s'agit de la fabrication et donation de pain pour les pauvres. 340 Transport de bornes pour délimiter les pâturages au Gottéron.

341 Une partie des fiefs des Thierstein fut vendue en 1418 à Berne, Soleure et Fribourg par Othon II, mais cette

vente fut annulée en 1434, suite à des revendications des héritiers de la famille. Les fiefs furent définitivement achetés par les Fribourgeois en 1442 pour 2'000 florins du Rhin (DE ZURICH,"Les fiefs de Tierstein"; cf. aussi PCL

DAMIANO ROBBIANI

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1431/II Mission pour les pasquier encloz les boenes /

Cy appres sont perescript ceaulx qui hont

queruz les pasquiez et ceulx eisquelx

messeigneurs hont donney pour lour peyna

cen qui s'ensuyt, ordonna per messeigneurs

Conseil LX343

195 lbr. 6 s. 10 d. CT 58, p. 181-183

1432/I Pour les pasquier et assettar les boenes 120 lbr. 4 s. CT 58, p. 115-117

1432/II Mission pour les pasquiers encloz les boenes 60 lbr. 5 s. CT 59, p. 113-114

1434/II Mission pour despens fait per nouble et

puissant seigniour Conte Bernhart de

Tierstein etc. quant l’on recehust lez fey de luy

106 lbr. 4 s. CT 64, p. 223-227

1443/I Mission pour l'achet deis fey 1'062 lbr. 12 s. 6 d. CT 81bis

1443/II Mission pour l’achet des fey de Tierstein 2'175 lbr. CT 82, p. 163

1456/II Mission pour lez orguez344 6 lbr. 16 s. 6 s. CT 108, p. 131-132

1460/II Mission pour lez formes 30 lbr. CT 116, p. 221

1461/I Mission pour lez formes 47 lbr. 18 s. 6 d. CT 117, p. 113

1462/I Mission pour les formes 88 lbr. 2 s. CT 119, p. 123

1471/I Mission pour lez forches de pierra345 79 lbr. 3 s. 10 d. CT 137, p. 161-167

1474/II -346 952 lbr. 8 s. 3 d. CT 144, p. 223

1482/II Mission por la preise de Pont 35 lbr. 6 s. 4 d. CT 160bis, fol. 140 Mission por achet de Pont 18'173 lbr. 10 s. 4 d. CT 160bis, fol. 40b-40c

342 Un orgue avait été installé dans le chœur de l'église des Cordeliers par Conrad Belius, en 1425 au plus tard

(Gabriel ZWICK, "La vie intellectuelle et artistique", dans Fribourg-Freiburg 1157-1481, p. 383). L'orgue pour l'église de

Saint-Nicolas fut construit par Conrad Wolf de Waldshut pour le prix de 500 florins du Rhin. La ville ouvrit une souscription qui permit de payer 400 florins. L'argent manquant fut versé par la fabrique de l'église qui emprunta l'argent à la ville (PCL 344; RD VII, 508, 509).

343 À la fin de 1431, les conseils ordonnèrent de faire un constat des communs de la ville et de poser des bornes

(boines) (AEF, Affaires de la ville, A 175 (2), A 175 (4), A 175 (5)).

344 L'orgue fut réparé par Heinrich Schnall. 345 RUDELLA, 475.

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11 Contributions

Au XVe siècle, contrairement à la majorité des autres villes européennes, et bien qu’elle resta ville seigneuriale jusqu’en 1477, Fribourg ne devait pas consacrer une partie importante de ses recettes semestrielles à celle que l’historiographie française des finances urbaines appelle la "part du prince", c'est-à-dire au paiement des contributions et transferts à son seigneur. En effet, la ville avait conquis, au cours du XIVe siècle, une réelle indépendance fiscale vis-à-vis des Habsbourg.

Une autre expression, "fiscalité déguisée", elle aussi empruntée à l'historiographie, indique les dons qui n'ont pas la forme d'une imposition forcée, mais qui comportent, souvent, des investissements financiers importants. Nous présentons ainsi dans cette catégorie de dépenses les frais extraordinaires engendrés par des dons offerts aux princes, aux ducs, aux papes et aux évêques, qu'ils soient ou non formellement seigneurs de la ville, et les débours pour les banquets donnés en l'honneur de leurs visites à Fribourg. Ce choix est légitimé par la constatation que cet argent était investi afin de garantir la paix politique avec les pouvoirs seigneuriaux proches de la ville.

Si les villes sujettes de l'Occident médiéval consacraient entre 15-40% de leurs dépenses à la part du prince, avec des pointes pouvant dépasser largement 50%347, Fribourg, entre 1402 et

1483, dépensa en tout environ 13'600 livres (soit 2% des dépenses globales). Naturellement, à ces débours on pourrait encore ajouter les dépenses militaires pour secourir son seigneur et ses alliés (plus de 30'000 livres), l'indemnité de guerre versée à la Savoie en 1448 (44'000 livres348) et les

prêts contractés par le pape Félix V en 1441 (10'000 florins) et par le duc d'Autriche en 1449 (plus de 6'000 livres349), ce qui augmenterait la part relative à 15% des dépenses globales. En tout

cas, il ne s'agît pratiquement jamais de véritables subsides ou de contributions fiscales, mais de prêts, d'indemnités et de cadeaux occasionnels.

347La fiscalité des villes au Moyen Âge - 3. La redistribution de l'impôt, p. 295-320.

348 Le versement de cet argent, anticipé par des créditeurs de la ville, on le trouve dans la comptabilité

fribourgeoise sous forme de remboursement de prêts.

349 Auxquelles s'ajouta la rançon de plus de 3'000 florins versée en 1450 par les prisonniers emmenés par le duc

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Les frais des contributions illustrés par le graphique, dépendent uniquement des dons et des entrées princières (chapitre 11.1).

CONTRIBUTIONS

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