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9 Administration et fonctionnement

10.2 Services à caractère militaire

Les services à caractère militaire comprennent les dépenses nécessaires à la protection des habitants de la ville et de leurs biens.

Comme nous l'avons déjà expliqué, à la différence de Menjot et Sánchez Martínez, nous avons préféré réunir les dépenses de fortification aux travaux publics. Dans ce chapitre, nous avons donc rassemblé uniquement les rubriques comptables concernant le maintien de l'ordre public et les services militaires proprement dits, tels que la garde de la ville, l'achat d'artillerie, la formation d'hommes d'armes, et les expéditions militaires.

Les dépenses relatives à la vie militaire ont principalement un caractère récurrent. Une partie de ces débours relevait de l'organisation de la garde de police de la ville, ou garde intérieure, qui veillait à la tranquillité et au feu: chaque jour de l'année, les quatre bannières étaient surveillées par des guets, avec une attention particulière aux périodes de foire. La formation militaire d'archers, d'arbalétriers et, dès 1443, de canonniers faisait l'objet d'une autre rubrique, alors que l'achat et l'entretien de la nouvelle artillerie nécessitait une dépense d'argent continue à partir de 1443. Parmi les frais extraordinaires liés à la défense, les registres comptables listent en particulier les coûts des expéditions militaires entreprises au secours des alliés de Fribourg, lors d'événements belliqueux.

La totalité de ces dépenses s'élevait à environ 9% des débours globaux, avec des frais semestriels moyens de 427 livres. Après 1443, la ville investit constamment de l'argent dans l'acquisition d'engins d'artillerie et, naturellement, lors des périodes troublées de l'histoire fribourgeoise, les charges augmentaient considérablement, pouvant même dépasser le seuil de 50% des dépenses semestrielles212. Des sommes importantes furent dépensées au deuxième

semestre 1405 (plus de 2'250 livres213), au deuxième semestre 1440 (plus de 1'065 livres214), entre

1443 et 1448 (plus de 21'400 livres – une moyenne de 1'784 livres par semestre215), entre 1475 et

1476 (plus de 10'000 livres – une moyenne de 2'517 livres par semestre216), et au deuxième

semestre de 1479 (plus de 4'000 livres217).

212 Cela fut le cas au deuxième semestre 1405, avec un achat important de canons, au premier semestre 1443,

lorsque les Fribourgeois partirent au secours du duc de Savoie contre les écorcheurs, et au premier semestre de 1475 et de 1476.

213 50% des dépenses semestrielles. 214 20% des dépenses semestrielles. 215 22% des dépenses semestrielles.

216 42% des dépenses semestrielles globales. Au premier semestre 1475, les débours pour les services militaires

atteignirent 56% des dépenses du semestre.

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Les frais pour les services à caractère militaire augmentent, naturellement, pendant les périodes troublées de l’histoire de la ville (autour des années des guerres de Savoie et de Bourgogne). Le pic du deuxième semestre 1405 (50% des dépenses globales) est dû à un achat important d’artillerie.

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125 10.2.a Service de guet

Les registres comptables fribourgeois attestent, au XVe siècle, l'organisation d'un service de guet efficient (escharwait), qui surveillait l'espace urbain pendant la nuit et assurait l'ordre à l'intérieur de la ville. Cet office était assuré par une vingtaine de salariés et parfois aussi par des bourgeois, qui étaient astreints à veiller depuis les principales tours de la ville, sur les chemins de ronde des fortifications ou dans les rues citadines218. Paul Hilber, dans son étude sur les abbayes

de métier de la ville de Fribourg, avança l'hypothèse que ces dernières auraient joué un rôle particulier dans le service du feu et la garde de la ville; cette question doit encore être étudiée219.

Les rétributions pour les guets étaient versées par le trésorier quatre fois par année: aux temps de Carême (Carema), de Pentecôte (Penthecoste), de la Saint Michel (Sain Michié), et de Noël (Challandes). La rubrique comptable qui reporte les noms et les salaires des veilleurs fribourgeois ne fut pas notée au temps de Pentecôte 1432 et au temps de Noël de la même année; elle fait également défaut au deuxième semestre 1442, entre le temps de la Saint Michel 1444 et le temps de Pentecôte 1455, entre le temps de la Saint Michel 1462 et le temps de Pentecôte 1470, entre le temps de Carême 1476 et le temps de Noël 1479. Une partie de ces manques semble coïncider avec des périodes troublées de l'histoire fribourgeoise, quand la garde extérieure de la ville se mêlait à la garde intérieure et que les services de guet ordinaires étaient substitués par d'autres moyens de surveillance; ce fut notamment le cas entre 1447 et 1450 (lors de la guerre avec la Savoie), quand le trésorier nota dans un nouveau chapitre les dépenses pour veiller la nuit sur les cinq portes de la ville (mission por les portey qui gardent le V portez). Le service de garde pouvait aussi

être assuré par des habitants qui à tour de rôle étaient astreints à se poster sur les remparts220.

L'interruption des chapitres consacrés aux guetteurs dans la comptabilité fribourgeoise est certainement l'indice d'un changement de système – qui d'ailleurs était en continuelle évolution – mais il ne faut surtout pas en déduire que, en ces moments, le guet n'était pas organisé.

L'expression temperes, qui désignait les quatre temps de l'année, était employée par extension pour indiquer le salaire versé aux officiers urbains pendant un trimestre de service, comme en 1413, lorsque les deux guets du Bourg furent privés de leur rémunération après avoir maltraité des Juifs la nuit du Vendredi Saint:

Est acorda per les quel desus que les dos escharwaix dou Bor qui non mirent remie in l'offense,

juraent per ung moix furs de la ville et deis termez et que haent perduz lour temperes [...]221

218 Cet office mériterait de plus amples études. Cf. les quelques notices contenues dans le texte de Max DE

DIESBACH, "La garnison de Fribourg", dans Annales fribourgeoises, 3 (1914), p. 97-106; 4 (1914), p. 145-149; 6 (1915),

p. 241-248. La figure du guet de la cathédrale de Lausanne, toujours actif, a fait l'objet d'une publication par Gaspard

DE MARVAL, Le guet de la cathédrale, Chapelle-sur-Moudon, Editions Ketty & Alexandre, 1992.

Le compte du premier semestre 1403 atteste que les bourgeois pouvaient être astreints au guet en réparation d'une infraction à la loi "Item a Lemnan recehuz per Jacquet Lombart por son wait de dimiez ant in rebattemant d'un bant jadix per lwi commis dou temps que Morsel estoit borseir – 100 s." (CT 2 (1403/I), p. 68).

219 Paul HILBER, "Les anciennes abbayes de la ville de Fribourg", dans Annales fribourgeoises, 6 (1916), p. 247-248. 220 En temps ordinaire, La garde de Fribourg était financée par une taxe perçue par les bannerets de la ville (PCL

395).

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Les veilleurs de nuit guettaient leur bannière jusqu'au son des cloches de Saint-Nicolas qui appelaient à la Messe matinale222. Naturellement, avant d'avoir la fonction d'agents de l'ordre

public, les guetteurs étaient chargés de repérer le développement d'incendies pendant la nuit et en particulier lors d'orages:

Item a l'oste dez affeytiours en l'Ogi pour despens per certains compaignions qui ont vellié per

temps d'orage – 7 s.223

Chaque bannière était surveillée par deux, trois ou quatre hommes; des guetteurs étaient également prévus dans le quartier des Places et hors la porte de Morat (vraisemblablement entre la deuxième porte de Morat et la porte de Donnamary)224. Pendant les premières décennies du

siècle, ils étaient quatre à l'Auge et deux à la Neuveville, aux Hôpitaux, aux Places, au Bourg et hors de la porte de Morat225. Au temps de Carême 1408, les hommes du guet aux Places furent

augmentés à quatre et, probablement en conséquence des travaux de fortifications qui eurent lieu dans le quartier, entre 1411 et le premier semestre 1412, des guetteurs supplémentaires veillaient sur les murs et vers les Curtils novels. Chaque guetteur recevait 50 sous par trimestre d'activité, c'est-à-dire 5 livres par semestre.

Dès le deuxième semestre 1421, les effectifs furent augmentés dans presque tous les quartiers, avec quatre guetteurs postés à l'Auge et à la Neuveville et trois aux Places et aux Hôpitaux, alors qu'au Bourg et hors de la porte de Morat ils étaient encore deux. Pendant les semaines hivernales, en plus de leurs salaires, les guetteurs recevaient un remboursement pour l'achat de bois de chauffage.

Au temps de la Saint-Michel 1428, pour un motif non précisé, la surveillance de la ville fut renforcée avec deux hommes sur la tour Rouge et sur les portes des Places, des Etangs, de Donnamary et du Bisemberg.

En 1432, les guets furent déposés par le gouvernement fribourgeois:

Primo est assavoir que messeigniours hont deposey les escharwaix anciennement acoustumé de

veillier permie ville qui sont cy per script le XXX jour de janvier et lour doit l'on payer dix les

temperes de Challandes jusque oudit XXX jour de janvier hont il haz XLIII Nuyts c'est assavoir

pour chascune Nuyts XII d. ensi comment esté ordonney per messeigniours. Et ensi les haz l'on

payer a chascun de lour por dimie temperes XLV s. per kont cy appres [...]226.

222 PCL 261.

223 CT 148 (1476/II), p. 62.

224 Les guetteurs hors de la porte de Morat apparurent au deuxième semestre 1404.

225 Les deux guets qui veillaient entre la porte de Donnamary et la porte de Morat furent institués au deuxième

semestre 1404. Entre la Saint-Michel 1416 et le temps de Carême 1418, les guets à l'Auge furent réduits à deux personnes.

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127 Cette année-là, ils furent rémunérés par nuit de travail. Dès l'année suivante, l'organisation précédente fut rétablie, toujours avec quatre guets à l'Auge et à la Neuveville, trois aux Places et aux Hôpitaux, et deux au Bourg et hors de la porte de Morat227.

Le 4 avril 1443, lorsque les soldats fribourgeois partirent en Bresse au secours de l'armée savoyarde, les conseils de la ville ordonnèrent aux guetteurs de nuit de veiller de 8 heures du soir à 4 heures du matin, alors que les portiers et les gardes des clés devaient fermer les portes à 7 heures du soir et ouvrir à 5 heures du matin228.

Entre 1445 et la Saint-Jean 1455, les comptes n'attestent plus l'organisation habituelle du guet des bannières de la ville. En pleine période de guerre avec la Savoie, les conseils de Fribourg mirent en place un système de surveillance ponctuel des portes et d'autres points stratégiques. À ces nouveaux guetteurs, actifs jour et nuit, était versé chaque samedi un salaire hebdomadaire, à moins qu'ils ne fussent payés à la journée. Ce régime extraordinaire dura jusqu'au deuxième semestre 1450. À cette époque était actif aussi un "petit guet", composé par les habitant de la ville, qui veillaient sur les murs et les portes du coucher du soleil à l'aube: deux guetteurs se relayaient, ainsi lorsque le premier veillait, le deuxième pouvait se reposer229.

Au temps de la Saint-Michel 1455, la rubrique ordinaire consacrée aux guetteurs recommença à être inscrite dans la comptabilité fribourgeoise. Désormais étaient engagés deux gardes à la Neuveville, à la Planche, au Bourg, à l'Auge, aux Hôpitaux, au Dürrenbühl, au Bisemberg et aux Places230.

Entre le deuxième semestre 1462 et le premier de 1470, ces rubriques font à nouveau défaut. Le guet fut rétabli à la Saint-Jean 1470, mais, déjà dès l'année suivante et jusqu'en 1475, un service de veilleurs fut organisé seulement au Dürrenbühl231:

Primo a B. Cuony Ruppen et Bendicht Suomis waictes jadis sur le Dùrrenbuel pour la rata du temps

encoru dix lez temperes de la Penthecoste passee jusques au jour que l'on mis bas ledit gait et fust

ordonne d'aller a tor – 59 s.232

Entre 1476 et 1479, le guet ordinaire ne fut plus organisé. Au premier semestre 1480, réapparaissent deux guetteurs au Dürrenbühl et, au semestre suivant, deux gardes furent rétablis également au Bisemberg, à la Planche, aux Hôpitaux, aux Places, à l'Auge et au Bourg.

227 Au temps de Pentecôte 1442, une nouvelle ordonnance modifia l'organisation des guets, qui ne firent pas

l'objet d'une rubrique particulière au deuxième semestre de l'année: "Pour lour rate deis temperes de Penthecoste dix

les temperes de Caresme jusque ou loudit de laz Grand Sepmanne ou quel jour le wait encommenczast solung

l'ordonnance de messeigniours nommeement a chascun XXIX s. [...]" (CT 79 (1442/I), p. 109). En 1443, quatre guets

étaient à nouveau actifs à l'Auge et à la Neuveville, et deux au Bourg, aux Hôpitaux, aux Places et hors de la porte de Morat. L'année suivante le système changea à nouveau: d'autres guets entrèrent en fonction, notamment à l'Auge et au Dürrenbühl, et une nouvelle rubrique comptable atteste la mise en place d'un guet extraordinaire vers le Dürrenbühl et vers la tour Rouge ("Mission pour le wait extraordinaire" CT 83 (1444/I), p. 87-88; "Mission pour les

maistres dou wait" CT 84 (1444/II), p. 203-204).

228 AEF, Manual du Conseil 1, fol. 115; RD VIII, 627. 229 PCL 555, ordonnance du 10 janvier 1447.

230 Les guetteurs à la Planche et à la Neuveville ne furent pas mobilisés à la Saint-Michel 1456, et ceux à la

Planche non plus aux temps suivants.

231 Sauf au temps de Noël 1473, lorsque la ville rémunéra deux guetteurs au Bisemberg et aucun au Dürrenbühl. 232 CT 146 (1475/II), p. 175.

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Dans les périodes d'activité, la ville dépensait pour les guets entre 3 et 4% des dépenses globales (entre 60 et 165 livres par semestre). La rétribution initiale des guetteurs (5 livres par semestre) augmenta, dès le deuxième semestre 1424, à 6 livres, puis à 9 livres au deuxième semestre 1431.

Outre les guets mandatés pour la garde des bannières de Fribourg, d'autres hommes, salariés par la ville, étaient mobilisés jour et nuit sur des tours stratégiques: deux sur le clocher de Saint- Nicolas et un ou deux sur la tour Rouge. Ces guetteurs furent actifs tout au long du XVe siècle et leur rétribution était notée dans la rubrique consacrée aux salariés de la ville, ce qui témoigne de leur importance233.

Le graphique montre les dépenses de la ville pour garantir les services de guet ordinaires.

Service de guet aux foires de mai et d'automne

La surveillance des espaces urbains, en plus de prévenir les incendies et protéger la ville pendant les périodes de guerre, garantissait l'ordre public lors de grands rassemblements. La garde organisée les jours des deux grandes foires de l'année (fery de may et d'outomp), qui avaient lieu à l'Invention de la Sainte-Croix (le 3 mai) et lors de la fête de l'Exaltation de la Croix (le 14 septembre), est attestée pendant tout le siècle, sauf en 1448, lorsque l'on dût probablement renoncer à tenir la foire de mai à cause de la guerre. Durant ces périodes – les grands marchés

233 Dans les premiers comptes, la rubrique présentant les salaires versés aux officiers de la ville reporte aussi les

salaires versés aux veilleurs au Dürrenbühl et au Bisemberg, qui, comme les guetteurs des bannières, dès 1444, ne sont plus attestés, pour réapparaître en 1455, cette fois-ci dans le chapitre consacré au service de guet.

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129 pouvaient durer plusieurs jours234 – les portiers étaient souvent aidés par un à cinq hommes

supplémentaires, vraisemblablement pour le contrôle des marchandises entrant en ville. Les registres comptables listent également les rémunérations pour les officiers municipaux impliqués dans l'organisation et le déroulement de la foire – sautiers, bourgmestre, messager et musiciens – et parfois même les dépenses pour faire nettoyer les rues et la halle. Tous ces frais étaient notés dans deux rubriques ordinaires, gardar la fery d'outomp et gardar la fery de may, qui occasionnaient une charge semestrielle moyenne de 7 livres.