• Aucun résultat trouvé

9 Administration et fonctionnement

10.1. g Fortifications Murs, tours et portes

Les dépenses pour la construction et l'entretien des fortifications furent l'un des chapitres majeurs des fiscalités municipales au Moyen Âge et l'historiographie a souvent constaté que la nécessité de répondre à ces frais contribua à l'essor du système fiscal urbain. À Fribourg, au XVe siècle, ces dépenses concernaient seulement 5% des frais semestriels de la ville, correspondant à une moyenne de 190 livres, avec des pics isolés atteignant 32% des dépenses totales (plus de 2'585 livres) au deuxième semestre 1444175. Néanmoins, pendant les premières décennies du

siècle, l'argent dépensé dépassa à plusieurs reprises les 1'000 livres par semestre. En effet, les travaux les plus importants eurent lieu durant la première moitié du XVe siècle, avec des frais semestriels moyens de 262 livres (soit 7% des dépenses globales) contre 90 livres (2%) dans le demi-siècle suivant.

Étonnamment, les livres comptables fribourgeois inscrivent ces dépenses sous de nombreuses rubriques extraordinaires sans leur consacrer une rubrique récurrente, sauf pour les interventions sur les tours de la ville (les tors), auxquelles un chapitre est réservé dès 1426. Pendant la deuxième moitié du siècle, ce dernier se limitera à exposer les dépenses pour couvrir les tours et les remparts, suivant une ordonnance du 4 janvier 1437 qui arrêta de pourvoir l'enceinte de la ville d'une couverture en tuiles, afin de ralentir le délabrement des murs176.

Au XVe siècle, les villes de l'Occident médiéval durent adapter leurs fortifications à l'extension du territoire et à la nouvelle artillerie employée lors des attaques, qui, dans ces décennies particulièrement troublées, menaçaient la sécurité urbaine. Outre sa valeur défensive, l'enceinte urbaine, avec ses tours et portes de plus en plus imposantes, avait une importante valeur symbolique. Les entreprises de fortification furent ainsi des investissements et des programmes d'urbanisme assez importants tout au long du siècle177.

À Fribourg, la construction de la quatrième enceinte occidentale, qui eut lieu entre 1397 et 1416 suite à l'extension de la ville vers la porte de Donnamary et les Grands Places au nord et à l’ouest et vers Montorge au sud178, occupe plusieurs rubriques des sources comptables179. Les

174 CT 92 (1448/II), p. 199-206.

175 Ces constats s’allignent aux analyses de Mylène Didiot pour la ville de Metz, qui constate que: "les frais liés à la

muraille ne dépassaient que très rarement un tiers des recettes de la ville […]. Dans ces conditions, dire que l’entretien de la fortification était un gouffre financier aux XVe et XVIe siècles est une erreur, mais parler d’investissement défensif est tout à fait justifié" (Metz, une ville fortifiée. Etude des comptes des Gouverneurs des murs (1463- 1543), Thèse de doctorat, Université de Lorraine, 2017, p. 492-527, 1062).

176 PCL 472.

177La fiscalité des villes au Moyen Âge - 3. La redistribution de l'impôt, p. 235. 178 PCL 114, RUDELLA, 112, 120, 121, 122.

SERVICES COMMUNAUTAIRES

119 fortifications constituées de terrassements (terraul) et de palissades en bois (palices)180 furent

remplacées par des murs en pierre reliant les tours datant de la première moitié du XIVe siècle et complétées par de nouvelles constructions. L'édification de ce grand ouvrage de défense semble avoir commencé au sud, avec notamment l'élévation des nouvelles portes des Places (puis porte de Romont)181 et des Étangs182, de la tour ronde des Étangs ou tour d'Aigroz183, et des murs et de

la tour carrée des Curtils novels184. Entretemps fut terminée la construction de la tour du Blé (tor

rionda deis Curtil novel) entre 1402-1414185, de la tour Henri (tor rionda ver lo jordil, jadix Cursilimuot186)

entre 1411-1415187, de la tour-porte du pont de Donnamary188 et de la tour des Rasoirs (pitteta tor

rionda dou Publoz) entre 1410-1416189. Les travaux de renforcement des fortifications aux Places se

succédèrent pendant tout le XVe siècle et ils engendrèrent des charges globales d'environ 5'000 livres190.

Dès le milieu du siècle, les portes de la ville et la tour des Curtils novels furent munies de boulevards (belluard) en bois et en pierre, en protection des nouveaux dangers de l'artillerie et de son potentiel destructif191. Au premier semestre 1476, lors de la guerre de Bourgogne, le trésorier

versa plus de 2'000 journées de salaires pour l'amélioration des boulevards aux Places, aux Etangs, à la Maigrauge et au Bourguillon192.

Tous ces grands travaux d'érection, de remaniement, de renforcement et d'entretien d'éléments des fortifications urbaines s'étalent sur plusieurs années et donc sur plusieurs registres comptables. D'autres grandes interventions, qui eurent lieu pendant le XVe siècle, concernent la reconstruction de la porte de Jaquemart et de son horloge (1427-1439)193, la réfection de la tour et

180 Les palissades en bois étaient des éléments provisoires levés entre les portes, les tours ou les pans de rempart

en pierre pendant l'édification de la nouvelle enceinte; elles étaient détruites au fur et à mesure que le chantier progressait.

181 En 1344 existait déjà une première porte des Places (cf. PLB, 174). STRUB,Les monuments, vol. 1, p. 152-162. 182 STRUB,Les monuments, vol. 1, p. 167-169.

183 Déjà citée en 1392: "[...] tor reonda ou chavon deis estans" (PCL 114). STRUB,Les monuments, vol. 1, p. 169-

170.

184 Les travaux aux tours et murs d'enceinte des Curtils novels eurent lieu entre 1402-1407, 1410-1414 et 1444-

1446. STRUB,Les monuments, vol. 1, p. 170-177.

185 Voir en particulier CT 16 (1410/II), 18-24 (1411/II-1414/II), mais également CT 1a (1402/II), 2 (1403/I), 4

(1404/I), 9 (1407/I). STRUB,Les monuments, vol. 1, p. 177-178.

186 Du nom du propriétaire voisin, probablement originaire de Courchelmont (STRUB,Les monuments, vol. 1, p.

165; et Chronique fribourgeoise du dix-septième siècle, p. 99, n. 6).

187 CT 17-23 (1411/I-1414/I), 25 (1415/I). STRUB,Les monuments, vol. 1, p. 162-166.

188 CT 16-24 (1410/II-1414/II). STRUB, Les monuments, vol. 1, p. 180-186; GillesBOURGAREL, "La porte de

Morat: la plus imposante tour-porte de la ville de Fribourg revisitée", dans Cahiers d'archéologie fribourgeoise, 12 (2010),

p. 144-149. Bourgarel suppose que la fonction de cette bâtisse, avec une hauteur de 34 mètres, était principalement dissuasive et ostentatoire. Nous partageons cette hypothèse car, sur la tour-porte, qui n'était pas conçue pour garantir une protection contre l'artillerie, n'étaient pas postés des veilleurs permanents comme c'était le cas sur le clocher de Saint Nicolas ou sur la tour Rouge.

189 CT 18-23 (1411/II-1414/I). STRUB,Les monuments, vol. 1, p. 178-180.

190 Des améliorations des murs d'enceinte aux Places eurent lieu en 1402-1403; 1409-1410; 1415-1419 (mur dou

terraul deis Places); 1466-1470 (belluar devant la pourta dez Places); 1476-1480 (terraul et mur dez Places).

191 Entre 1444 et 1446, à la porte des Etangs et aux Curtils novels; entre 1468 et 1470, à la porte des Places; entre

1480 et 1482, à la porte de Morat.

192 CT 147 (1476/I), p. 77-96.

193 Plus de 1'120 livres dépensées entre 1427 et 1439. STRUB,Les monuments, vol. 1, p. 123-128. Sur la construction

DAMIANO ROBBIANI

120

de l'enceinte au Bisemberg (1415-1417; 1421-1424; 1441-1447)194, plusieurs travaux vers la tour

Rouge (1440-1443)195, l'entretien et la construction des fortifications sur la Sarine (1466-1483)196

et à la Neuveville (1467-1471)197, et la construction du boulevard de la porte de Morat (1480-

1482)198.

Pendant les premières décennies du siècle, les frais de fortification dépassèrent à plusieurs reprises les 1'000 livres par semestre.