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UNE TRAGÉDIE AUTRICHIENNE

AU SEIN DE LA PRESSE MAJORITAIRE

De son côté, le bloc catholique-conservateur fait preuve d’une claire hétérogénéité dans son appréciation des évé- nements autrichiens de février 1934. Après les premiers

signes de désunion perceptibles quant à l’appréhension du côté autoritaire et antidémocratique de la politique menée par Dollfuss, le conflit civil autrichien de 1934 permet au désaccord d’éclater au grand jour.

Si aucun des périodiques étudiés ne pourrait bien entendu être défini comme philo-marxiste, tous ne partagent cepen- dant pas les positions de La Patrie valaisanne lorsque celle-ci qualifie l’austromarxisme de « cancer » qui enfin « disparaît au cœur de l’Europe »105. Le Rhône se garde par exemple de suivre La Patrie valaisanne sur cette voie, rappelant à ses lec- teurs que, « tandis que le chancelier Dollfuss est aux prises avec les socialistes, les nazis attendent leur heure… »106 Deux blocs s’esquissent ainsi au sein de la presse majori- taire, bien qu’il faille garder à l’esprit que les frontières de ces « blocs » sont éminemment mouvantes et instables, l’un ou l’autre périodique pouvant quitter un jour le groupe auquel on s’évertue à le rattacher, pour le rejoindre de nou- veau deux jours plus tard. Cependant, si l’on se contente de les considérer comme des catégories souples aux limites perméables, il devient possible de travailler avec ces concepts de « blocs », qui acquièrent une véritable utilité méthodologique. Cette répartition en groupes apporte aussi son lot de surprises, en ce sens que les lignes de démarcation qui s’esquissent dans l’analyse des événe- ments autrichiens ne suivent pas forcément les frontières habituelles entre périodiques conservateurs « progres- sistes » (au sens tout relatif que peut prendre ce mot dans le contexte de la presse valaisanne) ou « neutres » et titres « traditionalistes intransigeants ». Pour ne prendre qu’un seul exemple, La Patrie valaisanne et le Courrier de Sion, qui partagent d’habitude un positionnement très marqué à droite (antisémitisme plus ou moins avoué, antimarxisme virulent), défendent tout à coup des positions radicalement différentes en ce qui concerne l’appréhension des événe- ments autrichiens de février 1934.

Finalement, on voit apparaître deux pôles, avec leurs lea- ders respectifs, et des électrons libres gravitant aux limites floues de ces groupes et peinant à se fixer. Dans un premier temps apparaît un pôle intransigeant qui, dans sa critique de la social-démocratie, ne fait aucun compromis. Pour ce bloc, le socialisme représente en quelque sorte le mal absolu. Il n’est donc pas question de remettre en cause le bien-fondé de la lutte entreprise par Dollfuss et la Heim- wehr contre la social-démocratie autrichienne, et ce quelles que soient les pertes humaines subies. Le leader de cette orientation au sein de la presse catholique-conservatrice valaisanne est sans conteste La Patrie valaisanne.

Dans un second temps, on peut isoler un pôle « neutre ». Ce groupe voit dans le socialisme une force nécessaire à la défense de l’indépendance de l’Autriche, même si ce constat, de raison bien plus que de passion, ne l’enchante pas. De plus, des considérations d’ordre chrétien et huma- nitaire poussent les deux périodiques qui composent ce groupe à remettre partiellement en cause l’argumentation antimarxiste généralement invoquée pour justifier les mas- sacres viennois. Si la nécessité d’une action décidée contre la social-démocratie n’est pas foncièrement remise en cause, des doutes subsistent sur la forme : une réaction si sanglante était-elle vraiment nécessaire ? Les principaux représentants de ce groupe des « neutres » sont Le Rhône et le Journal et

feuille d’avis du Valais et de Sion. Le qualificatif « neutre » est

certes un peu abusif concernant la Feuille d’avis : le rédacteur Alexandre Ghika peine à cacher son manque de sympathie à l’égard de la social-démocratie autrichienne, même s’il reste persuadé que cette dernière demeure un réel rempart contre les prétentions allemandes.

Viennent enfin les électrons libres. Le Nouvelliste valaisan, comme ses collègues du groupe « neutre », ne peut pas cau- tionner sans réserve ce qui n’est qu’un massacre – même

perpétré au nom de la défense de l’ordre –, ne serait-ce qu’au vu des principes chrétiens qui fondent sincèrement la pensée de Charles Saint-Maurice. Par contre, la nécessité d’un combat contre le marxisme est particulièrement exa- cerbée chez Charles Haegler. Ces deux orientations contra- dictoires (antimarxisme et profonde orientation chrétienne et humaniste) rendent la position du Nouvelliste face aux événements autrichiens quelque peu ambiguë, et difficile- ment lisible. De même, mais de façon plus surprenante, Le

Courrier de Sion d’Adolphe Sauthier, pourtant défenseur

habituel d’une ligne antisocialiste intransigeante, ne prend absolument pas la défense de l’action gouvernementale autrichienne, dénonçant au contraire un sang inutilement versé. Cette prise de position est étonnante et peu compré- hensible : les motivations humanistes de Charles Haegler paraissent difficilement applicables à Adolphe Sauthier – quoique, dans ce cas, quelles autres motivations lui trou- ver ? Mais il faut pourtant bien la prendre en compte : le rédacteur du Courrier de Sion, pourtant proche du mouve- ment frontiste valaisan, dont il a corédigé le manifeste en 1933, ne suit pas Dollfuss sur le terrain de la lutte entre- prise contre la social-démocratie. La position du Courrier

de Sion sur ce point, comme celle du Nouvelliste, pâtit de

l’absence de toute ligne directrice claire.

En Valais, La Patrie valaisanne constitue donc le soutien journalistique le plus solide de la politique dollfussienne. Charles Allet se félicite que « le socialisme autrichien [qui], en s’organisant militairement, avait acquis une puissance formidable, [soit] en train aujourd’hui de s’écrouler défini- tivement »107. Pour La Patrie valaisanne, « Vienne-la-Rouge a vécu, et avec elle le plus fort bastion de la IIeInternationale est tombé, celui qui résistait encore, fier de sa puissance, sûr de son triomphe »108. En éliminant la menace rouge, Dollfuss a œuvré pour le bien de son pays et de l’Europe,

et il serait mesquin de l’accuser d’avoir fait preuve de trop de rigueur dans sa répression, comme le rappelle Charles Allet quelques mois plus tard, dans le contexte de l’assassi- nat du chancelier : « On l’a accusé [Dollfuss] de sévérité exagérée dans la répression, on l’a rendu responsable du sang versé. Ses critiques, qui ne se rencontrent pas tous parmi l’extrême-gauche – il en est de soi-disant réaction- naires – feraient bien de prendre contact avec la réalité et [de] se rendre compte qu’entre Dollfuss et les socialistes, c’était une lutte décisive et qu’une faiblesse du chancelier eût amené la victoire définitive de ses adversaires. En pro- cédant comme il l’a fait, en état de légitime défense, Doll- fuss a sauvé son pays. »109

Les périodiques visés par cette critique sont, plus sans doute que Le Peuple valaisan, ces « soi-disant réaction- naires » qui, au nom de principes humanistes et chrétiens, s’indignent de la violence exagérée de la répression en Autriche. Particulièrement visés doivent être le Nouvelliste

valaisan de Charles Haegler et, surtout, le Courrier de Sion,

qui dans son édition du 14 février 1934 s’indignait que « le sang répandu » par le gouvernement soit « d’une telle pro- fusion que les journaux font ressortir que les révolutions hitlériennes ou fascistes ont coûté moins de sang qu’une seule journée viennoise »110. Ce genre de prise de position est inacceptable pour le rédacteur de La Patrie valaisanne, qui cite à l’appui de son interprétation l’avis autorisé de René Leyvraz, pour qui Dollfuss, face à la situation qui était celle de son pays, « a fait preuve, dans la répression, du maximum de retenue et d’humanité compatible avec la sécurité générale »111. Dans cette polémique, La Patrie valai-

sanne se positionne comme « intransigeante », en ce sens

qu’elle refuse que les bénéfices de l’œuvre de Dollfuss soient relativisés au nom de quelque motif que ce soit (reli- gieux, humanitaire ou autre).

Aux yeux de Charles Allet, la position des socialistes autri- chiens n’est pas seulement marquée par l’opposition au modèle corporatiste chrétien-social dollfussien ; à son sens, elle est également caractérisée par une forme évi- dente de duplicité, puisque « les socialistes, partisans de l’Anschluss aussi longtemps que leurs camarades gouver- naient le Reich, changèrent d’idée du moment de l’arrivée de Hitler au pouvoir ; ils perdirent de leur superbe, leur position devenant de plus en plus critique entre le natio- nalisme germanique d’un côté, le gouvernement chrétien- conservateur Dollfuss de l’autre ». Dès lors, lorsque les sociaux-démocrates commencent à disputer à Dollfuss son rôle de champion anti-Anschluss, ils peuvent difficile- ment être considérés comme de bonne foi, étant donné qu’ils n’ont pas toujours été les défenseurs acharnés de l’indépendance autrichienne qu’ils prétendent être, et aucun crédit ne peut à ce moment être accordé à la social- démocratie autrichienne lorsque cette dernière rejette « la responsabilité de cette lutte fratricide sur M. Dollfuss ». Tout au plus peut-on se demander pourquoi une certaine

109 Idem, 31 juillet 1934.

110 Courrier de Sion, 14 février 1934.

111 La Patrie valaisanne, 31 juillet 1934.

Protestant converti au catholicisme, René Leyvraz (1898- 1973) est rédacteur en chef au Courrier de Genève entre 1923 et 1935. Il est assez souvent cité par la presse conservatrice valaisanne en raison de son orientation chrétienne-sociale marquée d’une certaine attirance pour l’expérience corpora- tiste. Il est député au Grand Conseil genevois pour le parti indépendant chrétien-social entre 1923 et 1940 et membre fondateur de la Ligue du Gothard. Adhérant très tôt à la doc- trine sociale de l’Eglise, René Leyvraz tend à défendre un modèle social et politique corporatiste, à l’instar d’une frange importante de la mouvance catholique-conservatrice et chré- tienne-sociale des années 1930.

presse, et pas forcément de gauche, se plaît à véhiculer cette image falsifiée du conflit civil autrichien : « [La presse socialiste] trouve malheureusement des alliés inattendus dans certains journaux “ bourgeois ” prompts à s’apitoyer sur le sort de la socialdémocratie [sic] autrichienne, “ der- nier rempart de la démocratie ”, qu’ils disent. » L’argument de la social-démocratie autrichienne comme rempart contre la dictature à l’interne, et comme bouclier contre la menace étrangère à l’externe, n’a donc aucune valeur aux yeux de La Patrie valaisanne. En effet, l’austromarxisme n’est en rien une force constitutive de l’idée nationale, ou même un simple moyen de la défense de l’indépendance autrichienne ; c’est tout au plus le fruit bâtard de l’erreur de 1918, de « la faute la plus lourde, dictée par les passions maçonniques : la dislocation de la monarchie austro-hon- groise »112.

A l’inverse de La Patrie valaisanne, Le Rhône et la Feuille

d’avis défendent une position plus neutre, voire, pour Le Rhône, une quasi-absence de positionnement, le commen-

taire se cantonnant, comme souvent chez le périodique martignerain, à un niveau purement descriptif. Le Journal

et feuille d’avis du Valais et de Sion se contente, du moins

dans un premier temps, d’une approche pondérée basée plus sur les faits que sur leur interprétation : « A la suite

de la décision du chancelier Dollfuss de dissoudre le parti socialiste, la guerre civile a éclaté en Autriche. On se bat dans les rues de Vienne, à coup de canons et de mitrail- leuses. Les troupes du prince Starhemberg paraissent avoir gagné la bataille. »113Quant à Dollfuss, il est simple- ment présenté comme un homme politique tentant de maintenir une forme d’équilibre entre les différentes menaces, tant internes qu’étrangères, qui pèsent sur le pays : « Le peuple autrichien passe par une crise terrible : le chancelier Dollfuss qui fait l’admiration du monde entier par son indomptable énergie, et par son désir ferme de sauver sa patrie, se trouve devant un problème très dif- ficile. Les socialistes, maîtres de la ville de Vienne, cher- chent par tous les moyens à renverser le gouvernement fédéral, et les nationaux-socialistes veulent introduire l’hitlérisme dans les mœurs politiques autrichiennes. »114 Alexandre Ghika, même s’il parle de l’« indomptable éner- gie » du chancelier autrichien, n’envisage pas l’écrasement de la social-démocratie comme une catharsis nationale nécessaire à la bonne santé politique du pays, ce qui est à peu près le point de vue de Charles Allet. Pour lui, la guerre civile autrichienne est une forme de fatalité, que Dollfuss n’a pas su prévenir et qu’il gère dans le cadre d’une vision à court terme, ni mieux ni plus mal finale- ment que ne le ferait un autre. De toute manière, les « déplorables événements d’Autriche » ne prouvent qu’une seule chose : que « nulle guerre n’est plus crimi- nelle, plus odieuse, plus dangereuse que la guerre civile ». Au final, cette guerre civile risque de « profiter à un troi- sième larron ». Alexandre Ghika se demande en effet si les événements meurtriers marquant l’actualité autrichienne auraient pu se produire « sans une bonne dose de compli- cité allemande »115.

112 La Patrie valaisanne, 31 juillet 1934.

113 Journal et feuille d’avis du Valais et de Sion, 15 février 1934.

114 Ibidem.

115 Journal et feuille d’avis du Valais et de Sion, 20 février 1934. (La Patrie valaisanne, 6 novembre 1934)

Entre ces deux pôles – intransigeance de La Patrie valai-

sanne et neutralité matérielle ou relative d’organes tels que Le Rhône ou la Feuille d’avis – gravitent ceux qu’on a appelés

les « électrons libres » de la presse conservatrice116. Arrê- tons-nous d’abord sur le cas du Courrier de Sion. La descrip- tion donnée par Adolphe Sauthier de l’Autriche de Dollfuss à la mi-février 1934 est pour le moins surprenante. Outre le fait qu’il parle des pouvoirs « démocratiques dictato- riaux » du chancelier – un oxymore au demeurant quelque peu obscur –, le rédacteur du Courrier de Sion étonne par sa dénonciation du caractère antidémocratique du régime autoritaire autrichien et par son dégoût exprimé face aux excès répressifs du gouvernement à l’encontre des sociaux- démocrates. On ne connaissait pas encore Adolphe Sau- thier comme défenseur du parlementarisme libéral, ni comme faisant preuve d’une sympathie exubérante pour les socialistes. Alors que quelques semaines auparavant Dollfuss représentait encore le type même de l’homme d’Etat responsable, courageux et digne de louanges117, le 14 février son gouvernement est voué aux gémonies pour avoir donné à assister « à un véritable massacre pendant deux jours à Vienne ».

Dans le style brutal qui lui est familier, Adolphe Sauthier accable le chancelier autrichien. Pourquoi ce revirement subit ? On aurait pu raisonnablement conjecturer que l’écra- sement d’une révolution socialiste aurait trouvé un soutien presque enthousiaste chez le rédacteur antimarxiste du

Courrier de Sion, corédacteur du manifeste du Front valai-

san. Deux hypothèses peuvent cependant être esquissées. Le thème de la restauration impériale en Autriche et de la recréation d’un espace danubien habsbourgeois revenant souvent dans la rhétorique d’Adolphe Sauthier depuis un article-fleuve du 8 février 1933, on peut tout d’abord ima- giner que le processus de restauration prend trop de temps aux yeux du rédacteur sédunois, et que, au mois de février 1934, ce dernier se rend compte que Dollfuss ne sera pas l’instrument efficace de la réalisation de ses fantasmes impé- riaux danubiens. Le chancelier chrétien-social, inapte à ramener les Habsbourgs sur le trône, s’aliénerait ainsi le soutien du Courrier de Sion. La seconde hypothèse, que le ton hystérique de certains des éditoriaux d’Adolphe Sau- thier rendrait plus que plausible, est que le journaliste exprime dans son article du 14 février un simple mouve- ment d’humeur, totalement irrationnel. Sur bien des sujets,

« L’Autriche qui n’a plus qu’un semblant d’indépendance, tra- verse des heures tragiques. Dotée d’une capitale trop grande pour un pays amputé, elle a été livrée à toutes les factions socia- listes ou démagogiques. […] Dernièrement, sous la menace hit- lérienne, le chancelier Dollfuss, s’attribuant des pouvoirs démocratiques dictatoriaux […], déclarait vouloir s’opposer avec la dernière énergie et par tous les moyens aux coups de force contre l’Autriche. Alors qu’on attendait ce coup de force du côté de la droite, ce sont les socialistes qui se soulevèrent et, depuis lundi, les mitrailleuses gouvernementales fauchent

inlassablement les sujets du dictateur Dollfuss. Le sang répandu est d’une telle profusion que les journaux font ressor- tir que les révolutions hitlériennes ou fascistes ont coûté moins de sang qu’une seule journée viennoise. La révolution socialiste a été noyée dans le sang, mais d’une façon telle qu’elles [sic, les journées viennoises ?] amèneront le peuple férocement décimé à se jeter à bref délai dans les bras de l’Allemagne. Alors que l’on félicitait naguère le chancelier Dollfuss pour sa résistance à Hitler, son nom n’est plus prononcé qu’avec exécration. » (Courrier de Sion, 14 février 1934)

116 Il s’agit d’un qualificatif qu’on ne leur décerne que dans ce contexte très précis de la mi-février 1934 ; ce terme perdrait une grande part de sa valeur descriptive si on l’utilisait dans d’autres configurations.

117 Le 29 janvier, Adolphe Sauthier le décrit encore comme un « dictateur » – sans que, dans sa bouche, le terme n’ait quoi que ce soit d’insultant – à qui « sa fermeté » devrait valoir « les éloges universels ». Courrier de Sion, 29 janvier 1934.

la ligne éditoriale du Courrier de Sion n’est d’ailleurs pas mar- quée par une logique flagrante, et les revirements sont après tout nombreux. Ces derniers sont peut-être imputables au caractère même d’Adolphe Sauthier, qui rédige sans doute plus sous le coup de l’émotion momentanée que de manière posée et réfléchie. Bien de ses contradicteurs, au Nouvelliste ou à la Feuille d’avis, s’accordent d’ailleurs à décrire le rédac- teur du Courrier de Sion comme une sorte d’énergumène surexcité prompt à entrer tambour battant dans n’importe quelle controverse, sans réfléchir un instant aux consé- quences que ses volte-face successives pourraient générer. André Marcel, rédacteur à la Feuille d’avis jusqu’à l’automne 1935, puis passé au Confédéré, décrit la ligne rédactionnelle du Courrier de Sion dans un article rédigé à l’occasion de la disparition de ce dernier, au mois de mai 1935. Selon lui, cette ligne rédactionnelle est directement imputable au caractère excessif du personnage d’Adolphe Sauthier : « Ces cris, ces vociférations, ce ton injurieux et violent dont il était coutumier, tout cela n’était qu’un effet de la maladie qui devait l’emporter. »118L’avis des adversaires n’est certai- nement pas marqué par la pondération nécessaire à l’éta- blissement d’un jugement objectif, cependant, pris pour ce qu’il vaut, il est bel et bien révélateur.

Pour surprenante qu’elle soit, la réorientation du Courrier

de Sion face aux événements autrichiens ne doit finalement

pas être prise trop au sérieux, d’autant plus qu’elle sera suivie d’un nouveau rebondissement, puisque Adolphe Sauthier se fend d’un long panégyrique à l’occasion de l’as- sassinat de Dollfuss, où l’on relèvera notamment l’exclama- tion « Pauvre chancelier Dollfuss ! Qu’il fut grand sur son divan de mort ! »119Comprenne qui pourra…

De son côté, le Nouvelliste déplore ouvertement les « san- glantes conséquences » de la répression gouvernementale

autrichienne. Charles Haegler va même plus loin, récusant tout soutien à la Heimwehr, tenue pour principale respon- sable du choix de la voie violente : « Attendons-nous au pire : l’Autriche va tout droit au fascisme et son véritable maître sera sous peu le prince Starhemberg. » Ce qui dis- paraît dans l’effondrement des immeubles de logements sociaux construits par la municipalité de Vienne-la- Rouge, ce n’est rien moins que « la liberté individuelle »120, sacrifiée à une « guerre civile » amenant son cortège