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UNE TRAGÉDIE AUTRICHIENNE

ENTRE SCHADENFREUDE ET HAGIOGRAPHIE D’UN MARTYR

La perception de l’assassinat de Dollfuss, le 25 juillet 1934, par la presse valaisanne est directement liée aux événe- ments qui l’ont précédé, et en particulier à l’écrasement de la révolution social-démocrate des 12-16 février 1934. Les fronts qui se dessinaient lentement depuis le premier pas vers l’établissement d’une dictature corporatiste125se cris- tallisent à ce moment-là, la répression engagée par le chan- celier et la Heimwehr étant le signal d’une forme de durcis- sement des fronts au sein de la presse valaisanne, sauf peut-être pour les deux titres qualifiés d’« électrons libres »,

123 Nouvelliste valaisan, 15 février 1934. 124 Ibidem.

125 A savoir la date du 4 mars 1933, et la mort clinique du parlementarisme autrichien.

qui peinent à définir une ligne claire dans leur appréhension du phénomène autrichien. Dès lors, la nouvelle de la mort du chancelier est commentée en fonction de ces perceptions préexis- tantes, en gestation depuis le début de l’année 1933 et ayant atteint, en quelque sorte, leur pleine maturité avec les évé- nements de février 1934.

On retrouve donc clairement à l’une des extrémités du spectre Le Peuple valaisan, l’ennemi le plus acharné du régime doll- fussien, alors que le Confédéré ainsi que les différents titres conservateurs se répartissent sur le reste de l’échiquier dans une condamnation unanime de l’ac- tion terroriste nazie. Cette unanimité est toutefois nuancée par l’expression de dif- férentes sensibilités, tant au plan du juge- ment porté à l’égard du régime autoritaire autrichien lui-même qu’au niveau de la dénonciation plus ou moins claire, plus ou moins violente du rôle joué par l’Alle- magne national-socialiste dans les affaires intérieures autrichiennes.

Le Peuple valaisan résume en une for-

mule lapidaire les sentiments suscités par la nouvelle de la mort du chancelier autrichien chez les socialistes valaisans : « Dollfuss a été assassiné à son tour. Le

bourreau des socialistes autrichiens a eu une fin qu’il a bien méritée. » On lit plus loin : « Dollfuss a péri comme il a agi » et « Dollfuss a succombé après 16 heures, seul, aban- donné, sans aucune assistance. Six mois après que, par sa volonté, des centaines d’honnêtes gens qui ne voulaient que défendre leur liberté, avaient subi ce même sort ». La rancune est tenace, et on voit là à quel point l’analyse de la mort de Dollfuss est conditionnée par le jugement porté sur les événements qui l’ont précédée. Cela est vrai pour

Le Peuple valaisan, mais également pour l’ensemble de la

presse valaisanne, quelle qu’ait été finalement la nature de ces perceptions préexistantes. Dans cette logique, le sort de Dollfuss apparaît presque comme une conséquence logique, un juste retour des choses après son rôle dans la répression de février, puisque c’est bien lui qui a « inauguré, il y a cinq mois, et avec quel luxe de moyens, les méthodes politiques dont il vient d’être la victime ». Par conséquent, c’est « depuis le jour où Dollfuss renonça à gouverner sous

le contrôle de la représentation du pays » que l’Autriche « vit politiquement dans une sorte d’anarchie dont les événe- ments d’hier ne sont qu’un incident »126.

Œil pour œil, dent pour dent, pourrait-on résumer, même si ce sont en l’occurrence les nationaux-socialistes autri- chiens qui vengent à leur corps défendant les pertes subies par la social-démocratie. L’extrait ci-dessus, signé par Léon Nicole (qui siège alors au Conseil d’Etat genevois), résume un état d’esprit qui dépasse le cadre étroit du socialisme valaisan : une forme de Schadenfreude, presque de sentiment qu’une forme de justice immanente a fait son œuvre. Il n’y a donc pas de place, dans l’édition du 27 juil- let, pour une éventuelle réflexion sur les conséquences que le vide laissé à la tête de l’Etat autrichien pourrait entraîner, notamment sur le plan des relations germano- autrichiennes.

Ce n’est que dans l’édition du 31 juillet que la question se pose de savoir si l’Allemagne va risquer ou non l’Anschluss, puisqu’il apparaît clairement que « Munich et Berlin conti- nuent à soutenir matériellement et moralement les nazis en Autriche »127et que la responsabilité allemande est « nette- ment établie »128. Cependant, ce constat de la responsabilité de Berlin dans la tentative de putsch en Autriche, et donc de la pluralité des modèles fascistes et nazi, ne débouche pas sur un soutien au gouvernement légal (à défaut d’être démocratique) de Schuschnigg qui se met en place. C’est là, sans grande surprise, le point de rupture patent entre Le

Peuple valaisan et la presse de droite.

Du côté du Confédéré, à l’image de ce qui s’était déjà passé pour la question des événements de février, c’est presque le silence. Tout au plus s’y borne-t-on à commenter une brève relatant le meurtre du chancelier autrichien : « Venant après la Saint-Barthélemy allemande [à savoir, la « nuit des Longs

Couteaux »], la tentative de révolution autrichienne prouve une fois de plus que toute dictature, de droite ou de gauche, aboutit à des événements sanglants. »129 Rien de plus, ni sur la mort violente de Dollfuss, ni sur l’avenir qui se dessine pour l’Autriche. Les prises de position nettes face au modèle allemand ou italien n’empêchent pas l’organe libéral-radical de faire passer la question autrichienne, visi- blement, au second plan.

Pour ce qui est de la presse conservatrice, on retrouve cer- taines des lignes de force esquissées au moment des événe- ments de février. La Patrie valaisanne, notamment, reste sur le plan du soutien inconditionnel au gouvernement autri- chien chrétien-social. Cependant, l’assise du gouverne- ment autrichien dans la presse catholique-conservatrice valaisanne est bien plus large qu’au moment de la révolu- tion social-démocrate : à la figure d’un Dollfuss agresseur en février succède l’image d’un Dollfuss victime en juillet, « lâchement assassiné »130. On voit que la formule citée iro- niquement par la presse socialiste continue à faire recette dans les chapeaux de la presse conservatrice.

« L’Europe chrétienne, disons l’Europe tout court, est dans le deuil. Le chancelier Dollfuss n’est plus. […] La vie humaine, que compte-t-elle aux yeux de gens revenus aux méthodes sanglantes de la Rome païenne ? »131, lance Charles Allet, donnant le ton dans l’organe du Parti conser- vateur valaisan. Le réflexe d’associer l’image, suggérée ou formellement évoquée, du martyr chrétien joue de nou- veau ; on a vu que les socialistes eux-mêmes n’y répugnent pas lorsqu’il s’agit d’évoquer le sort des leurs. En ce sens, la mort du chancelier autrichien représente pour la presse conservatrice une sorte de cas d’école : tous les éléments sont présents pour élever le compte rendu de la mort de Dollfuss au niveau du récit hagiographique contant le martyre d’un

126 Le Peuple valaisan, 27 juillet 1934. 127 Idem, 31 juillet 1934.

128 Idem, 3 août 1934.

129 Confédéré, 27 juillet 1934.

130 La Patrie valaisanne, 28 juillet 1934. 131 Ibidem.

nouvel apôtre de la foi chrétienne face à la violence déchaî- née par l’Allemagne païenne. Charles Allet s’engouffre dans la voie rhétorique qui s’ouvre à lui ; le mouvement « néo- hagiographique » est lancé dans la presse catholique- conservatrice valaisanne.

Sanguis martyrum semen christianorum, le sang des martyrs

est semence de chrétiens : la formule attribuée à Tertullien doit certainement venir à ce moment à l’esprit de Charles Allet, qui voit le meurtre de Dollfuss non comme un coup porté à l’esprit de résistance autrichien, mais comme une raison supplémentaire pour ce peuple catholique de s’éle- ver contre la menace païenne que le Reich hitlérien fait peser sur lui : « L’assassinat du plus illustre chancelier d’Autriche, loin de servir la cause de ses meurtriers, aura

pour effet de galvaniser la force de résistance et la volonté d’indépendance du peuple autrichien et le trouvera plus uni que jamais derrière son gouvernement. »132

Pour Charles Allet, il est certain que l’Allemagne a joué son rôle dans les événements autrichiens. Loin de l’ancienne orientation germanophile en vigueur à la fin de 1933 – Hit- ler est alors encore présenté comme « animé d’un sincère désir de paix »133et comme un rempart contre le « bolché- visme », le « marxisme », les « Sans-Dieu » et l’« immoralité toute-puissante »134– La Patrie valaisanne a révisé ses posi- tions à l’égard de l’Allemagne nazie. Le 31 juillet 1934, Charles Allet saisit d’ailleurs l’occasion d’une seconde déploration dédiée au chancelier autrichien pour définir les grandes lignes de son nouveau positionnement, en ges- tation depuis le début de l’année, face au Reich hitlérien. Premièrement, l’étatisme centralisateur du modèle nazi n’a rien à envier, finalement, à l’étatisme marxiste : les théories de Hitler « sur le rôle […] et la déification de l’Etat », à ce titre, « ne laissent pas d’être inquiétantes », au même titre que « l’autoritarisme prussien de cet Autrichien renié par les siens ». Deuxièmement, il apparaît que le racisme exa- cerbé du régime pousse à des excès condamnables : on ne pense pas là à la dérive antisémite (loin s’en faut), mais à la volonté de « préserver la race », c’est-à-dire à l’eugénisme et « aux mesures les plus immorales telle la loi de stérilisa- tion ». Troisièmement, Hitler ramène l’Allemagne vers le paganisme, qui est une forme de communisme 135: « Après avoir courageusement extirpé le communisme, après avoir purgé le pays des publications immorales et modes obs- cènes, ce dont nous lui savions gré, ne voilà-t-il pas qu’en prêchant un néo-paganisme, le chef de l’Allemagne ne fait que s’acheminer vers un néo-communisme, suite logique ou complément du paganisme. »136

132La Patrie valaisanne, 31 juillet 1934. 133Idem, 17 octobre 1933.

134Idem, 23 novembre 1933.

135A peine esquissé au temps de la loi sur la stérilisation, ce thème est nouveau, ne serait-ce que par l’importance qu’il prend soudain. 136La Patrie valaisanne, 31 juillet 1934. La mise en caractères italiques

de certains passages respecte la présentation originale.

« L’homme qui avec un courage admirable avait sauvé son pays du marxisme international, n’était pas disposé à capitu- ler devant le second péril, distinct, et cependant tout aussi dangereux, qui menaçait son pays : le racisme païen. Face au néo-paganisme voisin, il entendait maintenir chez lui les droits de la pensée chrétienne ; face au mythe raciste, magni- fiant l’orgueil d’un peuple et le déclarant élu parmi les autres peuples, il affirmait la primauté des valeurs spirituelles et la fraternité des nations rachetées par le sang du Christ ; face aux théories économiques et sociales démagogiques du IIIeReich,

il confessait la bienfaisance d’institutions basées sur les ensei- gnements pontificaux. Seul parmi les Etats européens, le chancelier Dollfuss avait fait de l’Autriche un Etat authenti- quement et officiellement chrétien et corporatif, comme il aspirait à lui rendre son rang et son influence comme repré- sentant de la vraie culture allemande dans le monde. […] Dollfuss fut un chrétien sans peur, un apôtre de la foi, un mar- tyr. » (La Patrie valaisanne, 28 juillet 1934)

Une forme de boucle se ferme : l’extrême droite nazie rejoint l’extrême gauche bolchevique dans un modèle qui, selon le mot attribué à William Gladstone au sujet du pouvoir des Bourbons de Naples, se résumerait à « la negazione di Dio eretta a sistema di governo » (la négation de Dieu érigée en système de gouvernement). Le paganisme introduit par le nazisme pousse l’Allemagne « vers l’abîme » et « l’anar- chie »137, et justifie donc que La Patrie valaisanne revienne sur le soutien qu’elle lui avait dans un premier temps accordé. Ce repositionnement de La Patrie valaisanne et de Charles Allet, le Courrier de Sion ne le relève pas, puisque Adolphe Sauthier entame son propre panégyrique à la mémoire de Dollfuss (alors même, on s’en souvient, qu’il l’accusait de trop de rigueur sanguinaire en février !) en stigmatisant la ligne jugée trop pro-allemande de La Patrie valaisanne : « Voilà donc servie à souhait la Patrie valaisanne admiratrice de Hitler et de ses semblables qui méprisent la vie humaine à la façon de ceux dont parle l’Apocalypse : le chancelier Dollfuss est mort […] »138L’image d’admiratrice du national- socialisme que La Patrie valaisanne s’était donnée dans un premier temps sera difficile à effacer, tant il est vrai que la ligne rédactionnelle réelle d’un périodique importe moins que la représentation qu’en donnent ses concurrents… Pour le reste, le Courrier de Sion tente de donner à son éloge

du chancelier autrichien une tonalité différente de celui de

La Patrie valaisanne. Dans un souci de se démarquer de

Charles Allet, Adolphe Sauthier rappelle sa position de février, sa condamnation de la violence de la répression dollfussienne, et sa dénonciation des journaux intransi- geants qui voyaient dans le bain de sang autrichien l’abou- tissement logique d’une lutte contre le socialisme menée jusqu’à son terme.

La formule « les partisans de la force et du mâtage » s’adresse à Charles Allet. Quatre jours plus tard, l’organe du parti conservateur réagit d’ailleurs à cette attaque en traitant le

Courrier de Sion de journal « prétendument conservateur »

trahissant la cause qu’il serait censé défendre.

Au-delà des querelles interpersonnelles Sauthier-Allet, il apparaît que c’est une autre image de Dollfuss que celle construite par La Patrie valaisanne que le Courrier de Sion cherche à évoquer : celle du pécheur repenti au seuil du tré- pas. L’esquisse d’une forme de rédemption chrétienne ou d’un chemin de Damas tardif chez Adolphe Sauthier fait face à la représentation évoquée par Charles Allet d’un Dollfuss-martyr qui a fait tout juste du début à la fin de son existence terrestre et qui, au moment de sa mort, semble déjà irradier d’une lumière bienheureuse au milieu d’un monde tout de ténèbres.

« [Dollfuss] fut cent, mille fois plus grand au moment de son agonie que lors de la répression du socialisme autrichien. Il fut grand en demandant à ses amis du gouvernement d’éviter l’ef-

fusion de sang. Lui qui en avait fait couler des ruisseaux com-

prenait l’atrocité de notre époque où l’on tue des compatriotes avec la même désinvolture que des cochons d’Inde. Espérons que son appel sera entendu par-dessus les frontières et que l’on songera encore à redevenir humain, à ne pas abattre les gens sans nécessité. Les centaines de morts en prévision de la révolte socialiste feront une tache dans l’histoire du chancelier Dollfuss qu’un long usage du pouvoir aurait rendu parfait. Les partisans

de la force et du mâtage n’ont pas trouvé assez de termes pour faire l’éloge de la répression gouvernementale autrichienne. Ces gens-là font abstraction de la divinité et oublient la fin régulièrement tragique de ceux qui ont méprisé la vie humaine et le retour régulier de la fortune vers ceux qui ont préféré se sacrifier plutôt que de risquer la guerre civile. […] Dollfuss devait avoir médité de ces exemples, lorsqu’il demanda à ses amis d’éviter l’effusion de sang. Il a montré là qu’il avait acquis la qualité maîtresse des dictateurs et des chefs de gouverne- ment : le respect et l’amour de la vie des autres. » (Courrier de

Sion, 27 juillet 1934)

Si les images sont sensiblement différentes et si le tableau proposé par Adolphe Sauthier a le mérite d’être un peu plus nuancé que celui de Charles Allet (quoique parler de « l’amour de la vie des autres » chez un dictateur responsa- ble de plus d’un millier de morts soit sujet à interprétation), les ressorts utilisés sont de même nature : le lecteur a l’im- pression de se retrouver à mi-chemin entre le prêche domi- nical et l’article d’actualité. Mais qu’on ne se trompe pas : cet effet est délibéré, il est sciemment recherché. Dollfuss représente une forme de modèle dont le souvenir doit être perpétué dans une optique chrétienne.

Du côté du Nouvelliste, on ne se démarque pas sur le fond de la ligne informelle suivie par l’ensemble de la presse : on y parle du chancelier « lâchement assassiné »139, en recou- rant exactement à la même formulation que La Patrie valai-

sanne. De même, la responsabilité allemande figure en

bonne place dans l’éditorial de Charles Saint-Maurice, puisque l’assassinat du chancelier est désigné comme « un scélérat coup de main de trois cents nazis qui ne sont que les hitlériens du Danube »140. Le plus intéressant est de voir que Charles Haegler, qui avait formulé au temps de la répression de février de sévères réserves quant à l’action gouvernementale de Dollfuss, abandonne cette position arbitrale et mesurée pour se ranger du côté des admirateurs du chancelier, au moment où celui-ci disparaît de la scène. Cela contribue à rendre la position du Nouvelliste de moins en moins lisible et conforte son statut d’« électron libre », même s’il est clair que l’émotionnel l’emporte face à la bru- talité de l’événement (chez Charles Haegler comme chez d’autres), et que les bilans de l’action dollfussienne esquissés à chaud juste après son assassinat ne sont, de manière géné- rale, pas marqués par l’objectivité la plus rigoureuse.

Charles Haegler oublie donc les réserves précédemment formulées et joint sa voix au concert des lamentations, saluant « le courageux Dollfuss » qui « eut raison du com- munisme et du socialisme ». La réécriture hagiographique, au Nouvelliste aussi, est en marche, plaçant le chancelier Dollfuss sur le même pied que les plus grands martyrs de l’Eglise catholique.

Parallèlement à ce début de procès en béatification, Charles Haegler salue en Dollfuss la figure de résistance au nazisme, dont « la main est partout » : « Quelle reconnais- sance ne devons-nous pas à l’Autriche et à son chef, Doll- fuss, aujourd’hui couché dans un tombeau, pour l’éclatante résistance qu’ils ont montrée à cette doctrine hitlérienne qui aurait fait reculer la civilisation de vingt siècles. »141Le

139Nouvelliste valaisan, 27 juillet 1934. 140Ibidem.

141Nouvelliste valaisan, 28 juillet 1934. A propos de la civilisation juste- ment, Haegler a ces mots révélateurs : « Il a fallu des siècles de christianisme, de chevalerie et de philosophie pour nous vêtir d’une surface décente d’humanité. Au premier remous politique, la frêle enveloppe s’écaille ; elle tombe ; la brute primitive apparaît. »

« Nous nous extasions devant les faits héroïques de la guerre de 1914-1918 ; nous nous attendrissons devant les grands caractères qui se sont révélés au cours de l’histoire : hommes d’armes, religieux et religieuses dont la sainteté est procla- mée, et nous avons raison de mettre en relief ces surhommes alors que tant et tant de citoyens s’appliquent sans vergogne à se montrer des sous-hommes. Le nom, désormais sacré, de Dollfuss, ne déparera pas ce martyrologe. Bravement, il a fait le sacrifice de sa vie sur l’autel de la patrie. Mieux que per- sonne, il savait qu’il succomberait un jour sous le sicaire d’un national-socialiste ou d’un communiste : il n’en continua pas moins de remplir les lourdes charges de sa fonction avec une conscience et une sérénité qui tiennent du surnaturel. Sur son cadavre, à peine refroidi, les membres du gouvernement ont juré, non pas de le venger – ce serait peu chrétien – mais de continuer son œuvre. Acceptons-en l’augure tout en pleurant le grand mort. » (Nouvelliste valaisan, 27 juillet 1934)

panégyrique de Charles Haegler reste marqué par une cer- taine orientation : le principal argument avancé est la résis- tance au nazisme, et non la politique intérieure corporatiste et anticommuniste engagée par Dollfuss. Jusque dans ce moment éminemment marqué par l’émotionnel, Charles Haegler tente de maintenir une ligne légèrement différente de celle de Charles Allet : il mentionne l’« autel de la patrie », la résistance au nazisme, mais non, comme le