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LA TENTATION FASCISANTE

LE PILON VALAISAN

La fin de l’année 1933 voit l’apparition, sur la scène jour- nalistique valaisanne, d’un nouveau titre : Le Pilon – Organe

de rénovation nationale. A droite de la bande de titre flotte

un drapeau à fond sombre (rouge en l’occurrence) où la croix chrétienne blanche, flanquée de part et d’autre des initiales F et V, est entourée des treize étoiles (toutes blanches cette fois) de l’écusson cantonal, puis encore d’un cercle blanc. Sous le drapeau figure l’indication « Front valaisan ». De fait, Le Pilon est l’organe officiel du mouve- ment frontiste valaisan tout juste constitué. Mensuel à fai- ble tirage, Le Pilon ne peut être comparé, en termes de dif- fusion, à aucun de ses concurrents analysés ici. Son importance, son influence effective et son poids journalis- tique sont plus que limités.

Insignes du Front valaisan sur la bande de titre du Pilon. (Le Pilon, no1, décembre 1933)

« A l’instant où se levait en Allemagne la croix gammée de Hit- ler, on voyait en Suisse refleurir la véritable croix chrétienne, la croix allongée des anciens Suisses. Au cours de la fête célé- brant le centenaire de la Société suisse des officiers, à Zurich, le Front national pavoisait la ville de ses armes : l’ancienne croix fédérale (rien de commun avec les cinq carrés de la croix fédérale du général Dufour) sur fond rouge. […] Le Front valaisan ne pouvait rester en arrière des cantons protestants, et, si belles que soient nos treize étoiles à cinq pointes, il était légitime de souhaiter qu’un symbole mieux adapté à notre histoire vienne ajouter quelque chose à la représentation du nombre de nos districts. C’est pour cela que nous avons adopté la croix allongée sur fond rouge ; 13 étoiles blanches entourent cette croix et un cercle réunit le tout en un groupe- ment symbolique. » (Le Pilon, no1, décembre 1933)

181 JOSEPH1977, pp. 156-157.

182 Le Front national présente, au niveau suisse et dès son origine, une trop forte accointance avec le régime national-socialiste persécutant le clergé catholique, pour être bien accueilli en terre valaisanne. Le

Front valaisan, puis la section valaisanne de la FFS n’ont, à l’inverse, jamais rompu avec le catholicisme : le fascisme valaisan, issu du conservatisme traditionnel, ne saura se défaire d’une orientation catholique consubstantielle à l’identité cantonale.

Quels buts se propose le nouveau périodique, flanqué de ses armes de pourpre à la croix et aux étoiles d’argent ? Un éditorial-fleuve mêle dans une étrange rhétorique les diffé- rents objectifs du mouvement et, partant, du journal qui s’en fait la voix. Corporatisme, antiparlementarisme, anti- sémitisme, antimaçonnisme, « lutte contre toutes les conséquences néfastes des principes de la Révolution fran- çaise »183, soutien aux petits entrepreneurs et aux indépen- dants face aux grosses entreprises qui les grugent, le tout en établissant « un lien entre tous les éléments du peuple » et en protégeant ce dernier « de toutes exactions dont il peut être la victime inconsciente »184. En Valais, comme ail- leurs en Suisse et en Europe, le mouvement frontiste n’hé- site pas à recourir aux outils que le populisme185met gra- cieusement à sa disposition (et que le contexte de crise économique et de dépression rend particulièrement effi- caces), affirmant qu’il « défendra toutes les victimes de l’égoïsme et de l’accaparement ; elles se rencontrent surtout dans les classes moyennes des paysans, artisans, commer- çants, petits bourgeois, tous grugés par le gros commerce du dehors ou par l’usure qui a établi son empire sur toute la vie économique des peuples dont elle a séquestré les biens ». Dans ce manifeste, il est également précisé que « Le

Pilon défendra sur le terrain national le travail de l’ouvrier

indigène, livré jusqu’ici à la merci et au bon vouloir de quelques gros employeurs »186. Les grandes lignes du pro- gramme sont donc établies.

Si on se retrouve là face au schéma théorique classique « petits contre gros », il n’est pas besoin de chercher très loin une application pratique de cette opposition dans la

vie quotidienne, où la simple jalousie personnelle se mêle bien souvent à la politique dans la dénonciation des « gros ».

Ce discours populiste va prendre assez vite une orientation typique des pays de tradition fédéraliste, qui n’est pas sans rappeler le cas de la contestation agraire qui avait secoué les Etats-Unis dans les années 1890187. Face à une autorité cen- trale (qu’il s’agisse de Washington dans un cas ou de Berne dans l’autre) considérée comme lointaine, corrompue et ven- due aux intérêts de la grosse entreprise, et, de ce fait, délégi- timée, la défense du fédéralisme et des périphéries face au centre prend un sens nouveau : « Quand des lois lui seront proposées, [Le Pilon] exposera en toute franchise et indépen- dance sa façon de penser. D’une façon générale, il rejettera celles venant de Berne, et qui sous un masque moral tendent toujours à priver les cantons et les individus de leurs biens et de leurs libertés. Partisan du fédéralisme et des libertés cantonales, le journal épaulera toutes les propositions anti- étatistes qui se feront jour dans les cantons confédérés et appuiera les mouvements patriotiques désintéressés. »188

« Le frontiste René en compagnie d’un ami rencontre un pro- fitard ventru auquel ses « fonctions » ont permis l’acquisition d’une auto. Il pousse son ami du coude.

– Tu sais, ce type-là, il n’a pas de nombril ! – Pas de nombril ? Comment cela ?

– Oui, il l’a usé en se traînant à plat ventre devant le Grand Chef ! Et il paraît qu’en Valais il y en a beaucoup de ces types- là. » (Le Pilon, no1, décembre 1933)

183Le Pilon, no4, mars 1934.

184Idem, no1, décembre 1933.

185Le populisme sera compris ici comme une méthode, un ensemble d’outils rhétoriques, et non comme une doctrine en soi. Ces outils peuvent être mis au service de nombreuses idéologies, de droite comme de gauche, et relèveraient ainsi plus du domaine de la forme – ou de l’enveloppe, en quelque sorte – que de celui du contenu.

Margaret Canovan présente d’ailleurs le populisme avant tout comme un discours centré sur le peuple et visant à produire chez ce dernier une réaction émotionnelle, et non comme une idéologie. Voir CANOVAN1981.

186Le Pilon, no1, décembre 1933.

187MÉNY, SUREL2000, pp. 63-69. 188Le Pilon, no1, décembre 1933.

Mais Le Pilon ne se limite pas à une simple critique de l’« uni-

tarischer Bundesstaat » tel que le définit Klaus von Beyme.

Selon ce dernier, le nombre des compétences déléguées par les parties vers le centre s’accroît au fil d’une évolution conduisant l’Etat fédéral d’un modèle fédéraliste de type « confédéral » à un modèle de type « coopératif »189. C’est cette évolution, à laquelle le modèle suisse n’échappe pas, qui est mise en cause par le discours du Front valaisan, lorsqu’il élabore sa théorie du « fédéralisme intégral ». Quel est le remède proposé ? Au-delà du simple retour d’un maxi- mum de compétences aux cantons, c’est bien une remise en cause du parlementarisme dans son ensemble (perçu comme la cause principale de cette évolution centralisa- trice) qui s’esquisse, au profit d’un modèle corporatiste. La dénonciation d’un fédéralisme dévoyé, si elle a son impor- tance en soi, est également prétexte à une remise en cause fondamentale du parlementarisme libéral et du système de la représentation. Le journal se tourne dès lors vers le cor- poratisme comme alternative au modèle démocratique libé- ral : « Estimant que toutes les corporations doivent jouir des mêmes droits, [Le Pilon] défendra leurs intérêts et prônera leur institution à la place du régime parlementaire soumis à quelques puissants personnages de comité. »190

Enfin, au-delà de ce programme purement politique, inter- vient une dimension plus irrationnelle, symbolisée par la lutte contre la « Maçonnerie » et la « Juiverie », responsables occultes des problèmes bien visibles auxquels la société suisse se voit confrontée : « Ennemi de toutes les combinai- sons où se joue l’intérêt du peuple, [Le Pilon] contrôlera les sources des décisions intervenues et il dénoncera l’ingérence de la Maçonnerie et de la Juiverie dans la vie économique de la nation qu’elles ont épuisées et du canton où elles ont intro- duit l’école libre et une démoralisation sans précédent. »191

En plus du recours classique à un nécessaire bouc émissaire devant prendre la forme d’une organisation diffuse, cachée au sein même du corps social pour mieux le mener à sa perte, on passe cette fois clairement dans le domaine de l’ir- réaliste et de l’arbitraire : les dix-neuf Israélites que compte le canton en 1930192seraient par exemple à la base de l’ex- périence de l’école libre et laïque telle qu’esquissée au Châ- ble (commune de Bagnes), où aucun Israélite n’habite par ailleurs. Cette expérience de l’école libre est condamnée au même titre que la « Maçonnerie » et la « Juiverie » censées l’avoir inspirée. Ce trait est révélateur d’un aspect particu- lier du fascisme valaisan : l’attachement à la religion catho- lique. Celui-ci justifie le choix de la croix allongée comme emblème : « Nous n’avons pas conservé la croix fédérale aux côtés égaux parce que, comme l’étoile à cinq branches [qui sera quant à elle conservée…], elle n’a aucune signifi- cation chrétienne mais seulement occultiste. L’une et l’au- tre sont des emblèmes imposés par la franc-maçonnerie et ayant leur origine dans l’ancienne langue hébraïque et son système scriptural. »193 L’éditorial-programme du Pilon se termine d’ailleurs par une recommandation, « selon l’usage traditionnel, à la providence divine »194.

La condamnation de la « Juiverie » et de la « Maçonnerie » se double donc d’une fidélité sans faille à une certaine idée de la religion catholique, ce qui fait du frontisme valaisan un cousin du courant maurrassien, fédéraliste, conserva- teur, catholique et autoritaire français plus que du nazisme athée allemand. Pour le reste, c’est un antisémitisme tout ce qu’il y a de plus classique que l’on retrouve dans Le Pilon. Du no1 au no3, puis encore dans le no5, une chronique inti- tulée « Les fidèles du Talmud » se propose d’expliquer au lecteur valaisan les « secrets » de la religion juive. Quelles sont les sources du mystérieux « Anthie » (transcription à la

189 BEYME2007, p. 19. 190 Le Pilon, no1, décembre 1933. 191 Ibidem. 192 JOSEPH1977, p. 138. 193 Le Pilon, no1, décembre 1933. 194 Ibidem.

grecque du nom de famille Antille ?) qui rédige cette série d’articles ? En tête viennent, l’étonnement n’est pas grand, les Protocoles des Sages de Sion, présentés en l’occurrence comme une source de première main. Puis suit un ouvrage au titre non moins explicite : Le Péril judéo-maçonnique de Mgr Jouin, prêtre et écrivain français théoricien du « com- plot ». En dernier lieu seulement, on en arrive au Talmud proprement dit, ensemble des « livres saints de la secte » dont « la puérilité est immense ». Fort de cette bibliogra- phie présentée comme exhaustive, le rédacteur peut décrire à ses lecteurs les grandes lignes du « plan destruc- teur des Juifs », car, « aujourd’hui comme il y a 19 siècles, les Juifs attendent le Messie de leur race, race élue et domi- natrice ». Selon cette logique, il apparaît que c’est en vue de la venue du Messie « que les Juifs cherchent à accaparer l’univers, car pour eux, chaque Juif est un Messie et chacun sera roi le jour où la race pourra, sur les ruines d’un monde décomposé, établir la domination de la race élue et réduire le reste du monde en esclavage »195.

Au-delà des poncifs de la rhétorique antisémite, la dénon- ciation du fléau juif prend, dans Le Pilon, un tour particu- lier. Le mouvement frontiste valaisan se prétendant pro- fondément catholique, une place particulière est accordée à la lutte entre Juifs et chrétiens, au plan confessionnel plus que racial. On s’emploie donc à souligner le « mépris le plus complet » dans lequel le Juif tient le chrétien, puisque « divers traités du Talmud […] comparent les non-juifs aux chiens ou les assimilent aux ânes » et que « le traité Aboda Zara déclare que les chrétiens doivent être tenus pour des êtres immondes dont le contact souille toute chose », les accusant « de toutes les horreurs sexuelles et de tous les crimes ». On explique également qu’« un Juif ne doit pas venir en aide à un chrétien en dan- ger de mort, sauf dans le cas où il voudrait expérimenter un remède »196. Et de toute manière, que peut attendre le chrétien du Juif, puisque, « dans la règle générale, le Talmud recommande la fourberie et l’hypocrisie »197? Inutile

195Le Pilon, no 1, décembre 1933.

196Idem, no2, janvier 1934.

197Idem, no1, décembre 1933.

Ernest Jouin (1844-1932) officia en tant que curé dans plu- sieurs localités d’Ile-de-France, de même qu’à la paroisse Saint-Médard à Paris. Auteur de nombreuses brochures et de quelques ouvrages historiques, il se spécialise dans les ques- tions traitant des sociétés secrètes (franc-maçonnerie notam- ment) dans une vision marquée par la dénonciation de la conspiration. Il fonde d’ailleurs en 1912 la Revue internatio-

nale des sociétés secrètes, où il fait paraître en 1921 Le Péril judéo-maçonnique. Conservatrice, antirévolutionnaire et cléri-

cale, marquée par un antisémitisme certain, la pensée d’Ernest Jouin inspirera les théories antimaçonniques et antisémites du complot des années 1930 et de l’après-guerre, ainsi qu’un cercle d’intellectuels qui porte son nom.

E r n e s t J o u i n

La « Rénovation nationale » vue par Le Pilon. (Le Pilon, no1, décembre 1933)

de citer plus avant, le sens de la chronique qui s’étale sur quatre numéros est clair, et les arguments ressassés tou- jours les mêmes.

Il faut pourtant relever, sur un plan plus politique cette fois, deux prolongements intéressants de cet antisémitisme que l’on qualifiera de « classique ».

En premier lieu, il est clair au Pilon que seule la « Juiverie » a inspiré le régime bolchevique, en particulier lorsque ce dernier s’est refusé à reconnaître les dettes contractées par le régime tsariste à l’égard des pays occidentaux : « De nom- breuses défenses interdisent aux Juifs de payer les dettes aux Gentils et c’est pour cette raison sans doute que les Juifs au pouvoir en Russie ont décidé de ne rien rembour- ser des dettes contractées envers les autres peuples. »198Le téléscopage des figures du Juif et du bolchevik n’est en soi pas nouveau, et n’a rien d’original.

Dans un second temps cependant, un autre amalgame bien plus étonnant est proposé : la religion juive – même si le terme de « secte » est employé bien plus souvent – est décrite comme une « religion raciste dont les mouvements fascistes (romanité païenne) et hitlériens (germanisme du dieu Wotan) ne sont que de pâles mais réelles copies »199. Ainsi, l’Allemagne de Hitler, loin de faire l’unanimité chez les frontistes valaisans, est critiquée presque au même titre que le régime bolchevique. Le modèle nazi irait même pui- ser son inspiration raciste et élitiste dans la religion juive – ce qui justifie d’avance toute critique portée contre l’Alle- magne hitlérienne. On avait déjà trouvé des traces de cette assimilation du nazisme à la « Juiverie » dans le Courrier de

Sion d’Adolphe Sauthier, assimilation qui débouchait déjà

sur une position ambiguë face à l’Allemagne. De fait, le regard ambivalent que pose Le Pilon sur l’Allemagne nazie est proche de celui du Courrier : l’attache chrétienne empêche toute identification totale à un régime considéré

comme athée, païen, et donc enjuivé. Dans la vision bipo- laire qui est celle des frontistes (« nous », les citoyens hon- nêtes, les fidèles patriotes et les bons catholiques, et « eux », les gouvernants corrompus, les représentants des élites cantonales, fédérales, étrangères ou des puissances écono- miques et financières transnationales, toutes infiltrées par la « Juiverie »), il n’existe que deux catégories : celle des amis et celle des ennemis. Puisque l’Allemagne nazie ne se construit pas autour d’un modèle clairement et explicite- ment chrétien, c’est qu’elle a choisi le deuxième terme de l’alternative, soit le modèle juif. Dans de telles conditions, et puisqu’un troisième terme est exclu, l’Allemagne est à ranger dans la catégorie des ennemis. Ce mouvement tour- nant opéré dans le raisonnement, mouvement qui permet d’assimiler la Russie soviétique, l’Italie fasciste et l’Alle- magne nazie à des expressions diverses de la puissance de la « Juiverie » en lutte contre la chrétienté, est un trait clai- rement original du frontisme catholique représenté par le Front valaisan, mais également présent dans d’autres can- tons catholiques, comme à Fribourg. Cette vision frontiste catholique tend à privilégier le modèle helvétique (certes redessiné dans un sens confédéral) et chrétien face à tous les modèles que l’Europe de 1933-1934 peut lui proposer, dictatures fasciste ou nazie comprises.

Dans son second numéro, mais sans recourir cette fois à l’ar- gument antisémite, Le Pilon poursuit sur sa lancée et cri- tique à la fois l’Allemagne nazie et la pusillanimité du Conseil fédéral face au voisin du nord : « Le manque d’éner- gie de la part des autorités fédérales en face des violations des frontières, du manque de parole de l’Allemagne envers ses créanciers » montre bien à quel « sentiment de fierté nationale » la Suisse se retrouve réduite200. L’Allemagne n’est pas en odeur de sainteté chez les nationalistes valaisans. Cependant, ne craignant pas les contradictions, Le Pilon fait

198 Le Pilon, no1, décembre 1933.

199 Ibidem.

figurer au-dessous de l’article où il étrille l’Allemagne hitlé- rienne un dessin de presse qui vante justement les actions nazies à l’encontre des Juifs, du parlementarisme et du com- munisme.

Dans son troisième numéro, Le Pilon consacre un article complet à l’antisémitisme de l’Allemagne hitlérienne. Après avoir décrit les mesures prises par le régime nazi à l’égard des Juifs et manifesté son étonnement quant au fait qu’on parle finalement beaucoup plus des vexations et des vio- lences à l’encontre des Juifs que de celles faites aux sociaux-

démocrates, aux communistes ou aux membres du Zen- trum catholique (bien plus nombreuses assurément, au dire de l’auteur), le rédacteur en vient au constat et au questionnement suivants : « Chose bizarre, il est interdit aux Juifs de quitter le territoire allemand. Faudrait-il prêter à Hitler le dessein de faire périr tous les Juifs du Reich d’une mort lente à la chinoise ? »201Chez les frontistes valaisans, une telle question n’est pas rhétorique. Malgré le peu de sympathie qu’inspire Hitler, il est clair qu’on le croit capa- ble de perpétrer un tel massacre, et qu’on envisage une telle

(Le Pilon, no2, janvier 1934)

issue comme relevant du domaine du possible. Car même si on rejette ouvertement chez les frontistes valaisans le modèle national-socialiste allemand, on ne peut s’empê- cher de ressentir en même temps une sorte d’attirance ambivalente pour le IIIeReich qui se construit : « C’est une lourde erreur de juger l’hitlérisme avec notre mentalité d’Occidentaux. C’était une insanité pure de le juger en fonction du parlementarisme. Que sont devenus les quatre millions de membres du SPD, les millions de syndiqués socialistes, le grand parti du Centre, les Etats particuliers et l’immense puissance juive ? Tout cela a été balayé en peu de mois par quelques chiquenaudes du Führer. Qu’on aime l’hitlérisme ou qu’on le déteste, il représente une force que le monde entier a sous-estimée. »202

« Qu’on aime l’hitlérisme ou qu’on le déteste… » C’est là précisément le point douloureux. Le milieu frontiste valai- san ne sait comment se positionner face à un mouvement qui présente pour lui de nombreux aspects positifs, mais qui risque également de devenir une menace tant pour la foi catholique que pour l’indépendance de la Suisse. L’article s’avance ensuite sur une voie moins sûre encore ; il ne s’agit ni plus ni moins que de déterminer l’origine de