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Rouge feu et blanc nuage

2.4. Autres maladies

2.4.3. Se battre contre l’Invisible

Illustration 29 : graines de zyé bourik (krg ; Mucuna sloanei), considérées par plusieurs informateurs comme protectrices contre les mauvais sorts. M-A Tareau.

Au total, 229 citations de plantes sur 3683 (soit 6,3 % du total des citations) et 103 espèces distinctes ont été mentionnées pour une utilisation à visée médico-magique (ICF = (229-103) / (229-1) = 0,55), soit pour « ouvrir la chance » (pratiques propitiatoires, préventives) soit pour agir directement et lutter contre le mauvais sort (pratiques expiatoires, curatives). Ces remèdes ont été cités par 65 informateurs sur les 205 qui ont été interrogés, soit par 31.7 % d’entre eux, ce qui permet de mettre en lumière la grande vivacité des pratiques médico-magiques sur le littoral guyanais. Parmi les nombreuses plantes citées, 13 d’entre elles se démarquent en ayant été citées chacune à plus de trois reprises durant l’enquête (tableau 14).

Dans ce domaine de convocation de la chance et de (ré)conciliation avec le monde spirituel, tout d’abord, des bains225 de plantes (82 URs ; cf.« Les bains de plantes ») peuvent être pris avec des espèces considérées comme spirituellement protectrices, qu’il

225 Depuis la Grèce ancienne (Twigg, 2000), ainsi que dans la tradition judéo-chrétienne du baptême, en effet, les Hommes ont considéré les bains comme un moyen de purification spirituelle.

s’agisse de bains favorisant le succès226 (krg : ben chans) ou de désenvoûtement (krg : ben

démaré ; ndk : kin sikin, qui littéralement signifie « corps propre »227). « Se baigner » (parfois seul et, lorsque la gravité l’impose, par un soigneur), dans les cultures afro-américaines, signifie avant tout s’expurger symboliquement (à l’aide de plantes propitiatoires*, donc) de forces négatives qui entravent l’âme puis s’en prémunir (à l’aide de plantes considérées comme protectrices, expiatoires*). Les témoignages suivants permettent d’un peu mieux appréhender ces bains de protection pris par des individus d’appartenances culturelles variées :

« Si yo maré’w, ou ka alé koté dlo ka koulé pwan an ben. An ben pou ladjé’w,

pou dépri kò’w, épi gwan bonm, douvan douvan, pwa dangòl, maho nwè tou. Menm moman ou ka bennyé épi tousa lanmè oben larivyè, ou ka fwoté kò’w épi zoranj anmè. Ou pé mété ti bren grésyl tou, wonm épi blé. Ou ka’y démaré, ou ka’y rifè kò’w [Si on t’ensorcelle, tu vas là où de l’eau coule prendre un

bain. Un bain pour te lâcher, pour détacher ton corps, avec gwan bonm (Piper

peltatum), douvan douvan (Petiveria allicea), pwa dandòl (Cajanus cajan) et

aussi maho nwè (Cordia curassavica). Au même moment où tu te baignes avec tout cela à la mer ou à la rivière, tu te frottes avec de l’orange amère. Tu peux ajouter aussi un peu de grésyl, de rhum et de bleu (cf. « encart 3 »). Tu vas te « démarrer », tu vas te refaire]. » Homme d’origine sainte-lucienne, 86 ans, Rémire-Montjoly.

« Quand j’étais enfant, il m’est arrivé à plusieurs reprises d’aller avec mes parents chez un guérisseur de l’Acaraouany228 pour prendre des bains de chance. On venait demander certaines bénédictions. On pouvait même commander nos bains avant de venir ! Il y avait beaucoup de plantes, et aussi des « offrandes » que nous devions ramener, des bonbons, du coton, de la bière et du rhum. Le guérisseur préparait le bain puis nous baignait au bord d’une crique, mes parents et moi, en nous aspergeant à l’aide d’un kwi229.

226 Notamment avant une épreuve d’examen, un entretien d’embauche ou à l’occasion du commencement de l’année scolaire ou civile.

227 Il est intéressant de noter que chez les Businenge (Fleury, 2015), la maladie est appelée doti sikin (« peau sale ») et les pratiques propitiatoires sont appelées kin sikin (« peau propre »). 228 Il s’agit d’un fleuve situé sur la commune de Mana, à l’ouest, et le long duquel se sont regroupées plusieurs petites communautés bushinenge (notamment durant la guerre civile au Suriname, de 1986 à 1992).

229 Mot d’origine tupi-guarani. Il s’agit d’une demi-calebasse (Crescentia cujete) évidée servant de récipient à des fins diverses (alimentation, hygiène, rituels, rangement…).

Avec le cœur, on disait les buts que l’on souhaitait atteindre. » Homme d’origine créole guyanaise, 24 ans, Matoury.

« Pour bien commencer l’année, enlever les ondes négatives, quoi, on a pris un bain de chance au mois de décembre avec ma copine. Elle a acheté un paquet de feuilles de basilic (Ocimum sp.) au marché qu’on a laissé tremper dans une bassine d’eau pendant deux/trois heures ; ensuite on s’est baigné avec l’eau et frotté en même temps avec les feuilles sur tout le corps. » Homme d’origine haïtienne, 26 ans, Cayenne.

Comme cela a également pu être souligné ailleurs dans d’autres enquêtes ethnographiques, comme en Martinique (Vilayleck, 2002) ou dans la cérémonie de la

limpia (« nettoyage ») au Mexique (Motte-Florac, 2017), c’est le principe de purification

– réelle et symbolique – du corps et de l’esprit qui préside dans ces bains magiques, comme le montrent plusieurs éléments significatifs relevés durant l’enquête. Tout d’abord, à la façon d’un objet que l’on astique, le corps doit être « frotté », « récuré », « pour bien enlever la crasse », pour reprendre quelques expressions entendues sur le terrain. Du citron (Citrus aurantiifolia), de l’orange amère (Citrus aurantium) et du gros-sel (ces trois ingrédients sont grandement utilisés pour nettoyer la viande ou le poisson et les mettre à mariner pour les rendre propres à la consommation) sont parfois utilisés, tout comme dans certains cas des produits de nettoyage ménagers (« bleu »230, eau de javel, grésyl, parfois ammoniac231), montrant à quel point on cherche inconsciemment à éliminer un ennemi invisible, aussi invisible en tout cas que les microbes et bactéries contre lesquels ces substances sont efficaces. Enfin, le rejet bien souvent au plus loin des eaux « souillées » de ces bains, qui sont parfois jetées à la mer ou à la rivière, confirme la dimension très hygiéniste de celui-ci, associant de facto la purification spirituelle à une grande propreté physique : il faut que le corps soit le plus propre que possible pour que l’esprit le soit aussi232. Cependant, ce nettoyage du corps peut être rendu caduque sans le nettoyage conjoint de l’habitation qui elle aussi peut être souillée, polluée, par ce mal envoyé. Ainsi, d’autres pratiques subsistent également, comme la purification de la

230 Cf. « Encart 3 ».

231 Dont l’odeur répulsive extrêmement forte est également considérée comme rebutante contre les esprits malfaisants (cf. « Ail et jasmin »). C’est dans cette logique que de l’alcali est également régulièrement vidé à l’entrée des maisons suspectées d’être la cible d’attaques sorcières.

232 Un homme créole interrogé a ainsi mis en garde, en cas de contact physique avec un tjenbwa (paquet de sorcellerie dont le sort agresse la première personne qui s’en saisira ; cf. « Glossaire ») dans les termes suivants : « Prèmyé bagaj pou to fè, to ka lavé to lanmen byen byen pròp, ké javel, ké gro savon [la première chose à faire est de se bien laver les mains, très proprement, avec de l’eau de javel et du savon]. »

maison avec des plantes mises à macérer dans de l’eau, brûlées ou placées à l’entrée des pièces, afin de chasser les mauvais esprits.

« A la nouvelle année, ma mère avait l’habitude de mettre des plantes dans une bassine d’eau, puis de nettoyer toute la maison avec. C’était du douvan

douvan [Petiveria alliacea] je crois bien. Aujourd’hui elle a arrêté mais c’est

mon frère qui a pris la relève. » Femme d’origine créole guyanaise, 29 ans, Cayenne.

« Lorsque je sens que ça ne va pas bien, j’ai l’habitude de brûler féy lay [Mansoa alliacea] avec tingi moni [Protium spp.]. Ça chasse les mauvais esprits, ça purifie la maison. » Homme d’origine kali’na, 25 ans, Cayenne.

D’autres pratiques propitiatoires apparaissent, comme le port d’ amulettes233 (ndk, ska :

kumanti buj234 ; krg : gadkò ; kra : pòtbonnè ; krh : pwen235 ; slu : gawanti, lowizon).

Toutes ces « protections » ou « porte-bonheurs » peuvent ainsi prendre des formes extrêmement variées (souvent des bijoux : bagues, pendentifs, bracelets… ; petits paquets contenant des plantes, graines, objets divers) et sont en quelque sorte « chargés » d’une puissance divine, c’est à dire habités par une entité spirituelle dont ils sont à la fois le réceptacle et le véhicule et qui les rend eux-mêmes agentifs, capables de soigner ou de protéger. Chez les Créoles, on dit d’ailleurs de ces objets qu’ils sont « montés », reprenant la métaphore du cheval utilisée pour caractériser les rites de possession :

« M toujou maché avè grenn maldyok pou anpéché kalamité rive’m [Je porte toujours sur moi des grenn maldyok (graines de Mucuna sloanei, illustration 29) pour empêcher qu’une calamité ne m’arrive]. ». Femme d’origine créole haïtienne, 22 ans, Rémire-Montjoly.

« Quand l’enfant est petit, pour ne pas qu’il se fasse attaquer par des mauvais esprits, on lui attache un buj autour de la taille. Ça le protège. Si vraiment on voit qu’il est perturbé, tout ça, on peut lui attacher un petit paquet de tissu autour du cou, dans lequel se trouvent certaines feuilles qui protègent,

233 Du latin amuletum qui désigne tout objet ayant une fonction de protection. Gadkò et bouye… 234 Il s’agit d’anneaux métalliques ou de cordelettes de protection, dont le port engage la protection de l’individu par des esprits kumanti.

235 Un pwen, dans le lexique vodou, est une énergie spirituelle utilisée pour un acte de magie et pouvant être fixée dans un objet matériel (bouteille, bague, pierre…).

comme man gaasi [Eleusine indica236] ou amooman [Lycopodiella

cernua]. Pour ouvrir la chance, il faut se baigner pendant sept jours avec une

plante qu’on appelle aganja imayi [Tapirira guianensis], du pemba237» Femme d’origine paamaka, 59 ans, Mana.

Des espèces protectrices sont également régulièrement plantées à l’entrée ou autour des maisons238, seules ou sous forme de haies vives et de parterres , afin de préserver le lieu de vie des atteintes d’esprits malfaisants errants ou envoyés. Très bien documentée en Guadeloupe par Benoît (2000), cette pratique se retrouve également chez les Créoles guyanais sous l’appellation gadò kaz (littéralement « gardien de maison »). L’espèce la plus mentionnée dans ce sens chez les Créoles guyanais est Cordyline fructicosa (krg : féy

way), alors qu’il s’agit plutôt des espèces Dracaena fragrans (slu : sandwagon) et Codiaeum variegatum (slu : kwoton) chez les Saint Luciens. Les Haïtiens les connaissent

sous le nom de gad mezon (« gardien de maisons ») et plantent en particulier les espèces

Jatropha gossypiifolia (krh : medsiyen barachen), Euphorbia lactea (krh : kandelab) et Polyscias sp. (krh : parese239). Il s’agirait peut-être d’un héritage africain, comme le suggère en tous cas l’importance des plantes cultivées à fonction protectrice en Afrique sub-saharienne (Chevalier, 1937 ; illustration 30). Enfin, dans certains villages businenge, des haies (ndk : maipa musoko240) constituées de feuilles du palmier Maximiliana maripa (ndk : maïpa), suspendues horizontalement à des bâtons, sont placées à l’entrée du chemin principal du village (ndk : lanti pasi), voire tout autour du village, afin de le protéger d’éventuels esprits maléfiques en provenance de la forêt.

236 Deux informateurs (une personne d’origine ndjuka et une autre d’origine saamaka) ont indiqué que porter sur soi cette espèce était gage de chance et de protection spirituelle. Il s’agit très certainement d’une pratique héritée d’Afrique (l’espèce elle-même est africaine : Carney, 2013) puisque les habitants de l’Oubangui l’utilisent d’une façon semblable : « pour gagner au jeu et faire tourner la chance, on la noue en formulant son désir » (Vergiat, 1970 ; p. 85).

237 Argile blanche très utilisée dans les rites et la médecine des Marrons.

238 Ces plantes sont le plus souvent indiquées comme ornementales. Cependant, des discussions plus approfondies permettent de savoir qu’elles « protègent la maison » ou sont « bonnes contre les mauvaises choses ». En Guadeloupe, Benoît (2000 ; p. 166) constate également que « la fonction bénéfique ou protectrice des plantes ornementales ou thérapeutiques est rarement précisée ».

239 Ces deux dernières espèces ont également été observée dans de nombreuses haies vives de la région de Fond des Nègres en Haïti par Mintz (1962).

Illustration 30 : photographie tirée de l’ouvrage « Plantes magiques et médicinales des Féticheurs de l'Oubangui » (Vergiat, 1970), montrant un arbuste « protecteur » cultivé aux abords d’un village du Congo.

Comme nous l’avons vu plus haut (cf. « Une médecine sensorielle »), les plantes les plus couramment convoquées dans ce domaine sont avant tout des espèces à odeur forte (Petiveria alliacea, 17 URs ; Mansoa alliacea, 12 URs ; Piper marginatum, 8 URs ;

sélectifs non-chimiques interviennent également241, tels que le rapport à l’ancestralité de certaines espèces242, le caractère « hors-norme » (Vilayleck, 2002) de certains végétaux (à l’instar de Kalanchoe pinnata, cf. « encart 4 ») ou encore certaines associations symboliques entre la beauté de certaines fleurs ou la dureté243 et la résistance et l’appropriation de caractéristiques magiques particulières, réputées transmissibles aux humains au corps à travers la pratique du bain notamment et sont également interprétés comme des « signes positifs » opposés à la notion de mal :

« Chez nous, au Suriname, on prend des bains de fleurs en début d’année ou à la rentrée. Les jolies fleurs sont synonymes de joie et de vitalité, elles expriment du bonheur et c’est ce que ces bains te véhiculent pour bien commencer l’année. A travers elles, tu introduis en toi le bonheur et la chance. » Femme d’origine paamaka, 26 ans, Cayenne.

« Lò mo fatigué bokou, mo bizwen ripran fòrs, mo ka bennyé ké dé pyé bwa

kosto. Pou yé ba mo enpé annan yé fòrs osi. Mo ka bennyé ké ékòrs gayak, ékòrs balata, wapa, lichel tòti, tou sa. Pi pyé bwa a wo épi gwo, pi i ké ba’y to roun bon fòrs [Quand je suis très fatigué, que j’ai besoin de reprendre de la

force, je me baigne à l’aide d’arbres costauds. Pour qu’ils puissent aussi me donner un peu de leur force. Je me baigne avec de l’écorce de gayak [Dipteryx spp.], de balata [Manilkara bidentata], de wapa [Eperua falcata], lichèl toti [Bauhinia guianensis.], tout ça. Plus l’arbre est haut et gros, plus il te donnera une bonne “force”. » Homme d’origine créole guyanaise, 54 ans, Saint-Georges de l’Oyapock.

241 Comme souligné également par Shepard (2004).

242 Van Andel (2013) montre par exemple que chez les Marrons certaines espèces sont considérées comme magiques pour des raisons historiques comme le fait que certaines plantes sylvestres riches en eau (entre autres : Begonia glabra, Costus spp.) aient sans doute permis aux esclaves fugitifs de survivre lors du marronage en s’hydratant lorsque l’eau manquait grâce à ces espèces qu’ils connaissaient déjà d’Afrique. Le rapprochement peut également être fait avec les « paysages médicinaux » décrits par Pesoutova et al. (2019) à Cuba et en république Dominicaine, au sujet de lieux mémoriels dont les traces matérielles de vies passées (précolombiennes en particulier) apportent une dimension thérapeutico-spirituelle auquelle ont recours les tradipraticiens. Cuerrier et al. (2015) parlent ainsi dans ce sens de « site culturellement important » (cultural keystone place).

243 Fleury (1991 ; p. 137) note également cela chez les Aluku : « une caractéristique de plusieurs des arbres utilisés [dans les bains] est la dureté de leur bois ». Cela rejoint également l’attribution de propriétés par association comme l’ont développé Odonne et al. (2017).

« Moi, quand je me sens fatigué, je me baigne avec des feuilles de mombin [Spondias mombin] ; c’est un arbre qui est résistant, il est toujours bien portant, jamais fatigué. Sala nou ka aplé bwa fè osi [Celui que l’on appelle bwa

fè (« bois-fer », Bocoa sp.) aussi]. Pendant que tu te baignes, tu parles aux

feuilles, tu leur demandes d’enlever la maladie pour toi. » Homme d’origine kali’na, 65 ans, Iracoubo.

Tableau 14 : liste des 13 espèces les plus citées (≥ 2 % du total des citations), dans la catégorie des plantes à usage médico-magique.

Espèces

Familles

URs (total 229)

URs par communauté % des citations Modes d’administration Petiveria alliacea L. Phytolaccaceae 17 krg : 7 ; slu : 5 ; kpa : 2 ; kra : 1 ; krh : 1 ; plk : 1

7,3 plantée à l’entrée des maisons / bain Mansoa alliacea (Lam.) A.H.

Gentry Bignoniaceae 12 kpa : 2 ; ndk : 2 ; ska : 2 ; slu : 2 ; glb : 1 ; kra : 1 ; krg : 1 ; slu : 1 5,2 bain / clôtures Jatropha gossypiifolia L. Euphorbiaceae 8 krg : 4 ; slu : 2 ; kpa : 1 ; kra : 1

3,4 plantée (ou protégée) à l’entrée des maisons /

bain Piper marginatum Jacq.

Piperaceae

8 kla : 2 ; krg : 2 ; alk : 1 ; krh : 1 ska : 1

3,4 bain / consummée / parfum Tetradenia riparia (Hochst.)

Codd Lamiaceae

8 krg : 4 ; slu : 2 ; kra : 1 ; plk : 1

3,4 plantée à l’entrée des maisons / bain / parfum

Siparuna guianensis Aubl. Monimiaceae 8 plk : 2 ; kla : 1 ; kpa : 1 ; kra : 1 ; krg : 1 ; ndk : 1 ; slu : 1 3,4 bain Gossypium barbadense L. Malvaceae 6 krg : 3 ; ndk : 1 ; slu : 1 2,6 bain

Cyperus prolixus Kunth Cyperaceae

5 ndk : 3 ; ska : 1 2,2 bain

Arrabidaea chica (Bonpl.) B. Verl.

Bignoniaceae

5 kpa : 1 ; kra : 1 ; krg : 1 ; slu : 1

2,2 bain / plantée à l’entére des maisons

Aristolochiaceae Ferula assa-foetida L. Apiaceae

5 krg : 2 ; slu : 2 2,2 application topique de la résine Protium heptaphyllum (Aubl.) Marchand Burseraceae 5 kla : 1 ; krg : 1 ; krs : 1 ; slu : 1 2,2 bain / consummée

Pfaffia glomerata (Spreng.) Pedersen

Amaranthaceae

5 krg : 2 ; krh : 1 ; slu : 1 2,2 bain / plantée à l’entrée des habitations

Encart 4 : Kalanchoe pinnata, la « plante merveilleuse ».

Illustration 31 : propagules en bord de feuilles de Kalanchoe sp. G. Odonne.

Kalanchoe pinnata (illustration 31) dont la capacité à pousser et à se régénérer dans des

potentiellement transmissible aux humains - est une plante magique dans de nombreuses cultures présentes en Guyane : à Sainte-Lucie, où elle est appelée wonder of the world (« merveille du monde »), elle est placée à l’entrée des maisons (Fredrich, 1978), tout comme au Antilles où elle est appelée chans (Benoît, 2000 ; Nossin, 2010). Au Suriname elle est appelée afoondo par les Saamaka et wonderblaat en sranan tongo244, ce qui signifie « la feuille merveilleuse »245. C’est en tous cas ce que semblent vouloir indiquer ses appellations vernaculaires puisque dans le Candomblé brésilien elle est appelée

conmigo ninguem pode (Voeks, 1997), ce qui signifie « personne ne peut rien contre moi ».

Plus éloquent encore sur la possibilité que cette plante ait voyagé d’un continent à l’autre en tant que plante magique, le botaniste français Chevalier note en 1937 à propos de cette espèce quasiment les mêmes usages qu’observés aujourd’hui chez les Marrons : «

Plante spontanée à Madagascar, introduite en Afrique tropicale où elle a pris souvent l'apparence d’une plante sauvage. On la cultive encore dans certains villages de la région forestière. On lui attribue des propriétés magiques. On s'en sert aussi pour panser les plaies » (Chevalier, 1937 ; p. 97).

244 Sinon directement du néerlandais wonderblad, littéralement « feuille miracle ».

245 Dans la seconde moitié du 19ème siècle, déjà, le voyageur français Bouyer (1867), de passage au Suriname, écrivait au sujet de cette plante : « C’est dans ce jardin que je vis cette singulière feuille qu’on nomme la feuille merveilleuse et dont j’expérimentai les étranges propriétés. On peut la piquer avec une épingle le long d’une boiserie, et si on a la précaution de la mouiller chaque jour, on voit sortir de chacun de ses angles qui se couvre lui-même de feuilles. C’est l’emblème le plus parlant de cette nature exubérante qui porte la vie en elle-même et ne peut sé décider à mourir. »

2.4.4. « Malad an tet » (krg) : troubles psychologiques

Illustration 32 : Mimosa pudica. M-A Tareau

Les espèces les plus utilisées dans cette catégorie sont les espèces considérées comme sédatives, avec un indice de consensus fort (tableau 15 ; ICF =(125-35) / (125-1) = 0,73). En effet, pour combattre l’insomnie, mais également réduire les états de nervosité ou de dépression résultant d’un état psychique détérioré, il est communément recommandé de retrouver au préalable un sommeil normal. Dans ce domaine, deux plantes jouissent d’une réputation certaine dans la médecine hybride guyanaise puisqu’elles totalisent à elles seules la moitié des réponses exprimées par les informateurs : Annona muricata et

Lippia alba dont des usages similaires ont été observés dans d’autres régions tropicales

(Hennebelle et al., 2008). La tisane de ces deux plantes et, dans une moindre mesure, de la panacée Cymbopogon citratus (12 URs) est prescrite en cas d’épisode nerveux246 et les bains macérés de feuilles de corossol ont également été citées chez les Créoles (krg :

246 Annona squamosa est au contraire réputée excitante chez les Créoles de Guyane (krg : ponm kannel ; 3 URs), comme le note également Longuefosse (2006) pour les Antilles, où les feuilles sont reconnues cardio-toniques.