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Les données ont été collectées entre janvier 2016 et juin 2017, soit durant 18 mois de terrain, auprès de 209 informateurs répartis sur une bande large couvrant l'ensemble du littoral guyanais (figure 1)29. Les communes suivantes sont concernées par l’enquête de terrain : Apatou, Cayenne, Iracoubo, Kourou, Mana, Matoury, Ouanary, Régina, Rémire-Montjoly, Saint-Georges de l’Oyapock, Saint-Laurent du Maroni et Sinnamary, soit 12 communes sur les 22 municipalités que compte cette région. Mon terrain de thèse a pu être enrichi par des travaux collaboratifs, en particulier avec la géographe Lucie Dejouhanet à l’occasion d’un terrain à Saint-Georges de l’Oyapock entre octobre 2016 et avril 2017 et d’un autre terrain dans l’ouest guyanais en avril 2018 (ce dernier terrain avait pour but de consolider les informations recueillies au sujet de la cueillette de plantes dans le bassin du Maroni ; les usages n’ont pas été interrogés et aucun échantillon d’herbier n’a été collecté).

Eu égard aux différences démographiques et socio-culturelles assez marquées entre les régions de l’ouest, du centre-littoral guyanais et de l’est frontalier avec le Brésil, il nous est apparu assez évident de pouvoir découper le terrain d’enquête en trois grandes zones correspondantes : le nord-ouest guyanais comprenant les communes d’Apatou, Saint-laurent du Maroni, Mana et Iracoubo ; le centre-littoral, de Sinnamary à Roura ; et enfin le nord-est s’étendant sur un triangle entre Ouanary, Régina-kaw et Saint-Georges de l’Oyapock. La délimitation entre ces trois zones est concrétisée, d’une part, par les frontières administratives que sont les fleuves Oyapock et Maroni, et, d’autre part, par les barrages de police permanents – peut-être les frontières réelles ? - installés dans les années 2000 sur les communes de Régina et d’Iracoubo, respectivement sur les routes Nationale 1 et 2, afin de tenter d’endiguer les flux migratoires vers la conurbation cayennaise (Nicolas, 2016).

29 Au départ, la thèse devait couvrir l’ensemble du territoire guyanais. Cependant l’accès au « sud » (périmètre du Parc Amazonien) impliquant des demandes d’autorisation complémentaires auprès de la CTG et du PAG, il a été fait le choix de se focaliser aux communes littorales dans un souci de simplification administrative et de gain de temps.

Figure 1 : carte représentant les principaux lieux d’étude de cette enquête et le découpage du terrain en trois zones.

Les premières personnes interviewées ont été approchées de façon plus ou moins inopinée et informelle, dans la rue ou sur leur lieu de travail. Ensuite, par effet boule de neige d'autres enquêtés ont été contactés progressivement. D’autres personnes ont été approchées et rencontrées au hasard, afin de minimiser au maximum le biais inévitable engendré par les rencontres organisées30. En m’appuyant sur ma trame d’entretien (annexe 4) j’ai pu conduire des entretiens plus ou moins ouverts selon le niveau de connaissances, la disponibilité et la bonne volonté de chacune des personnes interrogées. Ainsi, certains individus se sont montrés bien plus loquaces que d’autres et il serait malvenu d’avancer une moyenne de temps attribuable aux enquêtes tant les écarts entre la durée de chaque entretien sont importants (les plus courts ayant duré trente minutes

30 En effet, beaucoup de personnes cherchaient par exemple à m’orienter vers des personnes reconnues pour leurs grandes connaissances de la médecine par les plantes dans le but, bien intentionné, de faciliter mes recherches à ce sujet.

et le temps cumulé passé auprès de certaines personnes rencontrées plusieurs fois pouvant être comptabilisé en dizaines d’heures). La plupart des entretiens ont eu lieu soit directement au domicile des enquêtés, soit au centre de recherches IRD/CNRS sur la route de Montabo, à Cayenne. D’autres ont eu lieu in situ, sur les lieux de collecte de plantes des personnes afin de pouvoir avoir des informations sur un plus grand nombre d’usages (Thomas et al., 2007). Ce fut le cas en particulier de personnes faisant montre de connaissances plus importantes et dont il a été jugé utile de les rencontrer à plusieurs reprises pour des entretiens plus poussés. Cette démarche a notamment permis la collecte d’échantillons d’herbiers en présence de ces personnes mais également de beaucoup mieux définir un certain nombre d’aspects anthropologiques liés aux pratiques de phytothérapie, en prenant le temps de les aborder de façon beaucoup plus détaillée que lors des entretiens habituels. Ces entrevues multiples ont surtout rendu possible l’instauration d'une relation et un climat de confiance réciproque, garant d'échanges et de discussions plus détendus et donc plus sincères.

Bien que conscient qu’une enquête de terrain ne peut jamais s’affranchir totalement d’un certain nombre de biais méthodologiques, j’ai néanmoins veillé à ne pas être orienté systématiquement vers des individus qui seraient particulièrement intéressés par la phytothérapie, afin d’obtenir au final un échantillon qui seraient le moins biaisé que possible par la présence de « spécialistes », mais plutôt une photographie assez fidèle de la population guyanaise dans son rapport avec les plantes médicinales. Cependant, comme dans toute enquête ethnographique de ce type, on ne peut jamais prévenir totalement ce genre de limites méthodologiques et, lors de l’analyse statistique, nous avons dû enlever de l’échantillonnage total deux individus « marginaux » du point de vue statistique, ayant mentionné un nombre de recettes bien supérieur à la moyenne générale et dont les occurrences de réponses biaisaient les résultats31. Il s’agissait de deux septuagénaires Saint-Luciennes, Mme B et Mme J, dont les connaissances enrichiront mon analyse qualitative tout au long de cet exposé.

Des photos ont été régulièrement prises afin d'illustrer les pratiques de phytothérapie des habitants du littoral guyanais. De même, les plantes collectées afin d'être conservées en herbiers ont été systématiquement photographiées à l’état frais afin d'aider à leur détermination botanique par la suite. Les photos présentées dans cette étude ont été prises soit par l’auteur lui-même soit par d’autres personnes l’ayant accompagné sur le

31 Ce double retrait peut par ailleurs se justifier par le fait que ces personnes ont été entrevues à plusieurs reprises, en rupture donc avec le protocole d’échantillonnage mis en place pour les autres informateurs – interrogés une seule fois (même si elles ont pu être vus à plusieurs reprises pour des collectes et des identifications de végétaux).

terrain, notamment : Michel Rapinski (doctorant en ethnobiologie), Véronique Kanor (photographe et réalisatrice), Rina Sherman (photographe, anthropologue documentariste) et Karl Joseph (photographe).