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Saturation du milieu amplificateur IV.5.4

Nous avons vu jusqu’à présent les grandeurs à l’équilibre, avant l’amplification des deux faisceaux. Analysons maintenant leur évolution temporelle et leurs valeurs dans un cas saturé.

Inversion de population saturée IV.5.4.1.

La Figure IV.21 présente le profil spatial et fréquentiel de l’inversion de population dans le cas saturé, lorsque les puissances ont atteint l’équilibre.

En comparaison avec la Figure IV.14, on observe une très nette réduction de l’inversion de population sur l’axe du capillaire. Celle-ci est de l’ordre d’un facteur 30 par rapport à l’inversion de population à faible signal. L’amplification du laser se fait donc avec des populations d’atomes très proches du centre, typiquement sur une largeur égale au waist du

Figure IV.20 : Profils de gain fréquentiel du milieu amplificateur. A gauche, profils de gain par isotope pour chaque faisceau. A droite, profil de gain total pour chaque faisceau.

Figure IV.21 : Profil spatial et fréquentiel de l’inversion de population saturée. A gauche le graphique 3D et à droite sa carte 2D respective.

laser au niveau radial. Par conséquent, un résidu de gain pour chaque isotope subsiste au-delà de cette largeur après l’amplification. Comparé, à l’inversion de population centrale à faible signal, ce résidu a une population environ deux fois inférieure. Dans un calcul local, ce résidu est passif alors que dans le calcul non-local il est actif, puisque le transport à partir de ce résidu, tend à repeupler par transfert radiatif et diffusion, la zone amplificatrice.

Dans les deux cas, local et non-local, ce résidu est à même d’être la source d’amplification de modes transverses d’ordres plus élevés. Comme on l’a vu précédemment, un diaphragme est requis pour augmenter les pertes de ces derniers. Dans [4], les résultats concernant le calcul du gain de ces modes transverses en utilisant le profil radial de l’inversion de population saturée donné par NADIA, ont été calculés. On montre que la contribution du transport radiatif diminue d’environ 10% les gains à faible signal des modes transverses. En fonction du rayon du diaphragme et d’un décalage de sa position par rapport à l’axe du capillaire dans le plan tangentiel, les pertes de chaque mode ont également pu être calculées. Ainsi, on peut déterminer pour chaque mode le rapport gain sur pertes en fonction des caractéristiques du diaphragme. La valeur obtenue sur le rayon de diaphragme, dans un cas strictement monomode, est alors à quelques % près égale à la valeur opérationnelle.

Au niveau fréquentiel (cf. Figure IV.21), le hole-burning spectral est difficilement observable du fait de la largeur collisionnelle importante de la transition et de la forte saturation du gain. Pour mieux le visualiser, nous donnons sur la figure suivante le profil fréquentiel de l’inversion de population proche de l’axe du capillaire (r=95µm) dans le cas saturé. Deux cas sont donnés : à gauche le cas non-local et à droite le cas local.

La position des trous creusés dans ces profils correspond à celle des maximums de gain observés sur la Figure IV.20.

Du fait de l’élargissement collisionnel important de la transition, ces profils se distinguent clairement des profils généralement donnés dans la littérature du gyrolaser, notamment dans [7] et schématisés sur la Figure IV.9. Ceux-ci tiennent généralement compte d’une amplification très inhomogène. Or dans notre cas, au niveau fréquentiel une grande partie des atomes participent à l’amplification bien que de manière non-uniforme, c’est pour cela qu’on peut la qualifier de moyennement inhomogène. Par exemple, les populations au centre de chaque transition isotopique interviennent dans l’amplification puisqu’on observe une réduction de l’ordre d’un facteur 30 sur chaque isotope.

En comparant les deux cas présentés, nous observons facilement l’effet du transfert radiatif. A gauche, les trous sont partiellement bouchés par rapport à la figure de droite. Ceci est dû aux processus de transport, notamment au transfert radiatif, qui s’installent en réponse aux gradients de densité créés par le phénomène de hole-burning. Par conséquent, le transfert radiatif tend à diminuer la saturation du gain. Un exemple : la valeur du gain nécessaire pour

Figure IV.22 : Profil fréquentiel de l’inversion de population proche de l’axe du capillaire (r=95µm) pour le cas non-local (gauche) et le cas local (droite).

obtenir la puissance lasée opérationnelle est 12% plus grande dans le cas local par rapport à celui du cas non-local.

Evolution temporelle du gain et des puissances lasées IV.5.4.2.

La Figure IV.23 présente l’évolution temporelle simultanée du gaing±(traits pleins) et de la puissanceP±de chaque faisceau, en supposant des pertes symétriques. On représente ces deux grandeurs, dans un cas local (bleu) et dans un cas non-local (rouge) à partir des résultats respectifs obtenus avec le code cinétique pour un courant de décharge à 0.5mA.

Figure IV.23: Evolution du gain et de la puissance lasée de chaque faisceau au cours du temps, dans les cas local (bleu) et non-local (rouge).

A l’instant initial, le gain à faible signal de chaque faisceau est de l’ordre de 3100 ppm. On note une diminution de 15% de ce gain par rapport à un cas purement local, pour les raisons déjà évoquées un peu plus tôt. A cet instant, les puissances lasées sont nulles.

On observe ensuite un plateau de quelques ms avant que le gain ne varie. Sa durée dépend en fait des conditions initiales sur les puissances, ici très faibles (<10-9W). Pendant ces quelques ms, la puissance lasée varie en fait très rapidement, de manière exponentielle. La diminution du gain intervient lorsque ces puissances sont suffisamment élevées pour engendrer des processus stimulés de l’ordre de grandeur des processus collisionnels et radiatifs du plasma. Dans les deux cas, cette puissance est de l’ordre de 10-5 W. L’étape suivante montre une forte réduction du gain sur un temps court, de l’ordre de 5 µs, avec une forte augmentation de la puissance. Typiquement, l’évolution de puissance suit une loi en exp ( ( )

(

g t±p t)

)

où p sont les pertes de chaque faisceau. A faible signal, la différence gain-pertes est grande, ce qui explique l’augmentation très rapide de la puissance. Ensuite, cette différence diminue au cours du temps jusqu’à tendre vers 0, du fait du dépeuplement du niveau haut par les processus stimulés. On observe alors, tant sur les puissances que sur le gain, une courbure puis un caractère asymptotique typique de la saturation du milieu. Cette saturation se caractérise par l’égalité g±=p. Au final, les puissances lasées atteignent un équilibre au bout d’environ 40 µs, avec une diminution de l’ordre de 7% dans le cas non-local par rapport au cas local.

Caractéristique gain-puissance IV.5.4.3.

Intéressons-nous maintenant à la caractéristique puissance-gain de l’amplification. Dans le chapitre III nous avons présenté une relation (III.2) décrivant la saturation du gain dans un cas homogène, qui peut être généralisée par:

0 (1 )ci s g g P P ± ± ± = +

,

(IV.113)

où ci=1 dans le cas homogène, g0±est le gain à faible signal de chaque faisceau etPsest la puissance de saturation des faisceaux, proportionnelle au taux de recouvrement du gainγ . c

Dans une limite fortement inhomogène, l’exposant est modifié en ci=0,5 [24],[7]. Cela implique une saturation plus lente du milieu, liée au fait que les atomes ne participent pas de manière uniforme à l’amplification comme dans un cas homogène. Le cas du gyrolaser est un cas intermédiaire. Certes, il y a un élargissement inhomogène lié à la vitesse thermique des atomes mais il y a également un important élargissement collisionnel. De ce fait, on se trouve dans un cas moyennement inhomogène. A partir des résultats de la Figure IV.23, la caractéristique puissance-gain respective est présentée sur la Figure IV.24.

Figure IV.24 : Evolution du gain en fonction de la puissance lasée pour 3 cas considérés : non-local et local inhomogènes et non-local homogène.

Cette figure présente 3 cas. Le premier est le cas non-local fitté par la relation (IV.113) avec Ps et ci utilisés comme paramètre du fit. Les résultats de ce fit donnent ci=0.79 et Ps=18mW. Le second cas est le cas local, fitté de la même manière. Les résultats de ce fit donnent ci=0.77 et Ps=15mW. Enfin, le dernier cas montre le fit du cas non-local obtenu dans une approximation homogène du gain (ci=1), avec une puissance de saturation Ps=33mW. Comme prévu, l’approximation homogène n’arrive pas à décrire correctement la saturation du gain aussi bien à faible signal qu’à forte saturation. L’exposant c doit donc être diminué pour prendre en compte l’aspect inhomogène de l’amplification. Comme le montre l’équation (IV.113), l’inhomogénéité du gain se caractérise pour une réduction du gain (g g±/ 0±) donnée, par un rapport des puissances des faisceaux sur la puissance de saturation plus grand. Par conséquent, plus l’inhomogénéité augmente (i.e. ci diminue) moins le milieu sature rapidement.

On observe également de légères différences de saturation entre les deux premiers calculs (Non-local et Local inhomogènes). En effet, l’exposant obtenu augmente légèrement lorsqu’on passe du cas local au cas non-local. Ceci peut s’expliquer par la diminution de 186

l’inhomogénéité du gain du fait de la diminution de la largeur Doppler liée au transfert radiatif (cf. Figure IV.17). La puissance de saturation est aussi plus faible dans le cas local du fait d’un taux de recouvrement gain plus petit (cf. chapitre III).

Il est aussi intéressant d’analyser la dépendance de l’exposant ci au niveau de saturation du milieu, par exemple avec l’augmentation du courant de décharge tout en gardant les pertes de la cavité constantes. Cette dépendance est représentée sur la figure suivante où sont reportées les valeurs du coefficient ci, obtenues par le fit des caractéristiques gain-puissance du modèle NADIA en fonction du courant de décharge, dans les cas local et non-local.

Figure IV.25 : Variation de la valeur de l’exposant ci en fonction du courant de décharge pour les cas

local et non-local.

On observe une augmentation relativement modérée, de l’ordre de 7% (Non-local) à 9% (Local) entre 0.2mA et 2mA, et dont la dynamique se fitte assez bien avec une fonction puissance dont les coefficients sont reportés sur le graphe. Cette augmentation montre que l’augmentation de la saturation du milieu amplificateur peut s’interpréter par une diminution de l’inhomogénéité du gain. En effet, il est généralement bien reporté dans la littérature [24, 7] que la largeur du hole-burning spectral dans le profil d’inversion de population croît avec le rapport de la puissance lasée sur la puissance de saturation. Cette dernière augmentant moins rapidement que la puissance lasée à l’intérieur de la cavité lorsque le courant augmente (~20% entre 0.2 et 2mA), le champ électrique interagit avec des atomes ayant des vitesses de plus en plus éloignées par rapport à la population d’atomes en résonance directe avec le champ électrique. De ce fait, l’inhomogénéité du gain diminue.

La relation (IV.113) a été souvent utilisée dans la détermination expérimentale du gain à faible signal expérimental, en utilisant le résultat homogène (ci=1) du fait de la méconnaissance de la valeur de l’exposant ci. Ici, la modélisation présente une grande utilité opérationnelle en nous fournissant une valeur de ci qui va nous permettre d’avoir une estimation expérimentale beaucoup plus précise du gain à faible signal.

Calibration du modèle