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2.3. L’évaluation

2.3.2. La satisfaction des usagers

Le cœur des démarches qualité et marketing est bien là, dans la réponse la plus fine possible aux besoins des usagers. Pour savoir comment cet objectif est atteint, le recueil du besoin des usagers (autant qu’il est possible) et de leur satisfaction est utilisé. Les enquêtes sous forme de questionnaires adressés aux usagers ou aux non-usagers d’une bibliothèque sont largement employées depuis le milieu des années 1970.

Les enquêtes à grande échelle, portant sur l’ensemble d’une population après échantillonnage, permettront d’obtenir des indicateurs généraux comme le taux de fréquentation, l’indice de satisfaction général du service. Les questionnaires sont constitués à majorité de questions fermées et permettent de connaître l’audience de la bibliothèque, la typologie des utilisateurs, leur niveau de

satisfaction par type de service rendu, la perception du service. Ces « macro-indicateurs de performance », selon David Bawden [BAWDEN1990], donnent des indications générales, qui pourront éventuellement servir à la comparaison entre plusieurs bibliothèques de même type, mais ne donnent pas d’indications sur l’amélioration du service. « Leur valeur est diminuée par l’inévitable distance entre évaluateur et évalué » (op. cit.) et la difficulté pour utiliser réellement les résultats de ces enquêtes comme outil de stratégie et de planification est pointée. Elles fournissent des résultats sur des descriptions générales des comportements de recherche d’information mais ne permettent pas de décrire les motivations de la recherche d’information ni de différencier différentes catégories d’utilisateurs [WILSON1981].

D’autres enquêtes, visent à étudier la perception d’un service particulier (une revue de presse, l’accueil, l’outil informatique). Il s’agit même de la majorité des enquêtes, d’après l’étude sur le sujet menée par l’ARL (Association of Research Libraries) en 1994. Elles peuvent avoir lieu dans la bibliothèque elle-même et contenir plus de questions ouvertes56. Pour David Bawden, elles ont l’avantage, en se focalisant sur des produits existant, d’être pointées sur des besoins réels et signifiants pour les utilisateurs et d’être porteuses d’implications directes pour l’amélioration du service.

Il existe beaucoup d’obstacles pour concevoir l’enquête, traduire les résultats en décisions et faire accepter les recherches par enquêtes aux bibliothécaires. Doris Schlichter se demande en 1992 pourquoi, bien que l’importance de l’enquête usager comme outil de planification soit largement acceptée dans la littérature, elle est si peu mise en pratique sur le terrain. Et surtout, pourquoi elle ne donne lieu que très rarement à des décisions de changement. Elle suggère une planification rigoureuse des différentes étapes de l’enquête [SCHLICHTER1992]. Ces étapes, accompagnées d’un échantillon de ce qui se fait dans les bibliothèques américaines, nous sont données par l’enquête de l’ARL en 1994 :

„ objectifs de l’enquête : les raisons pour commencer une enquête confirment les raisons plus générales de justification de l’évaluation évoquées par Bawden (cf § 2.3) : évaluer un service existant, évaluer un nouveau service, se donner des éléments de planification stratégique. Les services étudiés en premier lieu sont le service de référence, l’OPAC, la formation bibliographique, le prêt entre bibliothèques, la circulation ;

„ planification de l’enquête : la conception de l’enquête est réalisée par un groupe de travail, composé de bibliothécaires et parfois d’enseignants, d’étudiants ou de membres du comité de direction. Souvent, l’enquête est menée au sein de la bibliothèque, mais certains font appel à un prestataire extérieur ou à un centre de recherche interne à l’établissement. Dans 41% des cas, un budget est dévolu à l’enquête ;

„ méthodologie de l’enquête : un questionnaire dans la majorité des cas, la plupart du temps distribué par la bibliothèque. La publicité en est faite par journal interne, sur des écrans d’informations, sur le site internet. En général, un échantillonnage est réalisé. Dans certains cas, une population est échantillonnée et une autre ne l’est pas, pour un même questionnaire (par exemple, échantillonnage pour les étudiants et pas pour les enseignants). La plupart des questionnaires incluent des informations démographiques et de comportement. Tous les types de questions sont utilisés (ouvertes, fermées, à choix multiples) ;

„ collecte et analyse des données : généralement, les bibliothécaires collectent les données, parfois aidés par des étudiants. L’analyse des données est souvent sous-traitée à l’extérieur, par des consultants, des laboratoires de recherche, des associations ;

„ diffusion des résultats : les résultats sont distribués prioritairement à l’intérieur de la bibliothèque et aux administrateurs de l’université. Les décisions qui suivent, quand elles ont lieu (dans 76% des cas), sont prises en plusieurs étapes, au niveau des administrateurs et des services.

20% des bibliothèques qui ont conduit une enquête durant les 5 dernières années recommencent ce travail à intervalle régulier (de tous les ans à tous les cinq ans). 76% des bibliothèques ont changé un service au vu des résultats d’une enquête, mais seules 8% ont poursuivi l’enquête pour évaluer le service changé.

Les points problématiques qui ressortent de l’enquête de l’ARL font apparaître : „ la nécessité de construire un questionnaire à la fois simple et efficace ;

„ la nécessité de ne pas inclure des questions sur trop de services ;

„ le besoin de faire à l’avance des hypothèses de réponse afin de bien construire les questions. Une étude de la littérature montre aussi qu’il faut veiller à collecter des données qui soient ensuite comparables avec des résultats postérieurs, qu’il faut ne pas collecter trop de données et enfin qu’il faut essayer de collecter des données sur des « besoins réels », en tout cas par rapport à des problèmes qui seront pertinents pour prendre des décisions.

L’interprétation des données reste très difficile, en particulier si l’on veut analyser les non-réponses. Malgré le travail que nécessite la construction de l’enquête et son implémentation et le problème de la traduction des résultats en informations utiles, les bibliothécaires qui s'engagent dans cette démarche semblent la trouver bénéfique. Comme exemple des difficultés rencontrées par le gestionnaire d’une bibliothèque pour mettre en œuvre un tel processus d’évaluation des besoins, on trouvera en Annexe A (p. 274) les résultats d’une enquête menée à l’ENSAM en 1997.