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CHAPITRE 3 : VIVRE LA RUELLE AU QUOTIDIEN

3.1 L A RUELLE ET LES JOURS

3.3.2 RUELLES VERTES

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Tel que présenté dans le chapitre précédent, le projet de ruelles vertes consiste à réaménager les ruelles pour diminuer les îlots de chaleur, favoriser la fréquentation des ruelles et créer un sentiment d’appartenance au quartier. Dans les ruelles ayant cette appellation, on intègre souvent du mobilier en complément à la verdure, comme des bancs, fournis par l’Écoquartier, fabriqués ou achetés par les résidents. Nous avons pu également observer un bac composteur dans la ruelle Cartier / Chabot / des Carrières / Dandurand ainsi que des balançoires pour bébé, des modules pour enfants, une table et un terrain de pétanque. Le cas de cette ruelle est toutefois particulier car elle est inaccessible en voiture, priorisant la circulation piétonne et permettant ainsi aux voisins d’y laisser des installations plus permanentes. Les plates-bandes excavées par la Ville sont assez nombreuses dans chacune des ruelles et elles justifient la fréquentation accrue des résidents venus entretenir ces plantations. C’est le cas notamment de CBD, qui s’occupe de ses plates-bandes le matin avant d’aller au travail. Selon GD, le fait d’installer des plates-bandes et des bacs peut permettre une fréquentation plus respectueuse de cet espace. Certains de ces espaces verts sont garnis de fleurs et d’autres de fruits et légumes. Ces derniers nécessitent un entretien un peu plus régulier, mais comme nous avons pu l’observer dans la ruelle 2e Avenue / 3e Avenue, / Holt / Dandurand, les enfants ne sont jamais bien loin et s’acquittent bien de la tâche de grignoter ce qui est prêt.

L’accès à la ruelle est généralement préservé dans l’aménagement des ruelles vertes, puisque nous n’avons pour exemple qu’un cas dans RPP où on ne peut circuler en voiture sur les dix visitées. Dans tous les cas, la circulation piétonne et cycliste doit pouvoir se faire, même en fauteuil roulant. L’accès à la ruelle est un enjeu considérable dans l’approbation du projet par les résidents, puisqu’il est très important pour certains de conserver la possibilité de stationner leur voiture dans la ruelle. Cette situation a engendré quelques conflits, comme ce fut rapporté par LB et corroboré par RG1. Un voisin habitant au coin de la ruelle s’est vivement opposé, par l’entremise de sa fille, lui-même ne parlant que portugais, au blocage partiel de la ruelle dans « son » côté de la ruelle, arguant que le blocage allait l’empêcher d’entrer dans sa cour. Cette ruelle comporte quatre entrées dont une seule est bloquée, selon la proposition d’un autre résident voulant réduire la présence automobile près de sa porte de cour où ses enfants circulent régulièrement. Ce désaccord a provoqué quelques discussions enflammées entre les voisins, mais le blocage, approuvé par la Ville suite à la récolte des signatures d’au moins 75 % des résidents du quadrilatère, a été fait. Pour l’installation et l’excavation du potager, les membres du comité ont choisi, pour éviter davantage de discorde, de l’installer dans la deuxième moitié

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du blocage, soit vers les cours des voisins résidant sur la rue Holt, laissant un espace assez large de l’autre côté de la ruelle.

D’anciens différends peuvent également refaire surface dans le processus d’aménagement des ruelles vertes, comme en témoigne RG1 à propos de la ruelle 6e Avenue / 7e Avenue / Dandurand / Masson. Ainsi, deux voisins dont les cours se font face tenaient chacun à avoir une plate-bande à l’arrière de leur terrain. Refusant de discuter entre eux, ils ont demandé à RG1, qui les invitait à partager une plate- bande qui serait plus large si elle occupait un seul côté de la ruelle, de trancher. N’ayant pu arriver à un compromis, les protagonistes ont finalement obtenu deux étroites plates-bandes en raison du 3,5 mètres de dégagement à conserver sur la largeur de la ruelle. Dans la ruelle Christophe-Colomb / de la Roche / Jean-Talon / Bélanger, CBD exprime sa déception face à l’élimination de nombreuses plates-bandes planifiées en raison de l’inquiétude de certains voisins quant à leur capacité de circuler en voiture. Elle estime que trop de plates-bandes ont été ainsi sacrifiées.

C

ONCLUSION

Ce chapitre a présenté les différents temps de la ruelle, l’utilisation ainsi que l’aménagement de celle-ci permettant de contextualiser le temps et l’espace du lieu. La ruelle étant utilisée de manière générale en dehors des temps de travail (principalement les soirs et les fins de semaine), elle l’est également davantage en été, ou autrement quand la température le permet. Ses utilisations sont multiples, passant du terrain de jeux au lieu de socialisation et à l’aire de circulation cyclable, piétonne et automobile. La présence d’animaux ajoute considérablement à l’expérience visuelle, sonore ou même tactile de la vie dans la ruelle. Enfin, on y retient que les préoccupations de sécurité discutées dans cette section ont une incidence certaine sur l’utilisation de la ruelle. Le deuxième volet de l’hypothèse se penchait sur l’aménagement, qui a fait l’objet de la dernière section de ce chapitre. En effet, avant de tirer quelque conclusion que ce soit à ce sujet, il est important de connaître les éléments d’aménagement qui attirent l’œil des résidents et qui influencent leur quotidien. Dans le prochain chapitre nous serons en mesure d’infirmer ou de confirmer nos hypothèses suite à ces précisions quant au cadre de la fréquentation de la ruelle présenté ici.

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CHAPITRE 4 : FAIRE LA CONQUÊTE DU LIEU : S’APPROPRIER LA RUELLE

Maintenant que le contexte de la ruelle a été établi, le présent chapitre sera consacré à l’analyse du sujet et à son interprétation. L’appropriation du lieu est un processus complexe qui compte plusieurs étapes, débutant par un premier contact guidé par l’appréhension par les sens ou encore les relations de voisinage, les motivations des résidents et les enjeux de ce lieu. Le rôle des sens dans le processus d’appropriation de la ruelle fera donc l’objet de la première partie de ce chapitre, où nous tenterons de mieux saisir, en complément avec le chapitre précédent, les activités qui s’y passent à travers la perception que les résidents ont de l’endroit.

Dans une deuxième partie, nous nous attarderons à l’attachement que les résidents peuvent développer envers la ruelle selon deux thèmes principaux, soit la dualité privé / public ainsi que la verdure. Nous nous pencherons également sur le vocabulaire utilisé par les participants pour décrire leur ruelle. Il sera intéressant de voir que ces derniers transmettent beaucoup d’information par le choix des mots. Enfin, la dernière partie de ce chapitre et de ce mémoire sera dédiée à l’interprétation finale et à la réponse à notre question de recherche. Dans un premier temps, nous aborderons l’importance de l’esprit de communauté qui règne dans le lieu de la ruelle avant de nous pencher sur les expériences qui y ont été vécues. En effet, ces expériences peuvent modifier la vision que les résidents ont de l’endroit, mais aussi la confiance qu’ils lui accordent, ce qui constituera la troisième partie de cette section. Enfin, pour conclure, un retour sur l’imaginaire et l’image de la ville nous permettra de répondre précisément à notre question de recherche : Comment les Montréalais s’approprient-ils leurs ruelles?