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Montréal en ruelles : le récit de l'appropriation du lieu par les résidents de Rosemont-La Petite-Patrie

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Academic year: 2021

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Montréal en ruelles

Le récit de l’appropriation du lieu par les résidents de

Rosemont-La Petite-Patrie

Mémoire

Charlotte Kelly

Maîtrise en ethnologie et patrimoine

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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III

RÉSUMÉ

Les ruelles sont situées en plein cœur de la ville et bien qu’elles soient un espace urbain qui peut intéresser les géographes et les urbanistes, les ruelles témoignent d’une vie de quartier riche qui peut être abordée sous l’angle ethnologique. Ce lieu de passage qui marque notre imaginaire est l’objet de plusieurs pratiques et utilisations, tantôt ponctuelles, tantôt quotidiennes, selon les personnes, selon les saisons, selon les âges. De plus, la ruelle semble aujourd’hui redécouverte par les citoyens qui la modifient et la mettent à leur main, phénomène qui intéresse aussi les environnementalistes et les spécialistes du développement durable.

Nous avons donc choisi d’en faire notre sujet de recherche en nous penchant sur les manières de vivre un tel espace. En effet, nous nous sommes posé la question : comment les Montréalais de l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie s’approprient-ils leurs ruelles? C’est en nous intéressant au temps et au lieu que nous avons pu dégager des activités de la ruelle, établissant les prémisses d’une analyse sensorielle et tenant compte de l’imaginaire de ce lieu en dehors de la ville. La proéminence de la verdure ainsi que l’esprit de communauté semblent participer à la création du lien de confiance, puis à l’appropriation de l’espace.

Notre sujet de recherche s’inscrit dans une nouvelle tendance des citoyens à poser des actions en faveur du développement durable, permettant également de reporter l’espace à une échelle humaine. À une époque où l’on tend à croire que la ville est un lieu où chacun est seul parmi les autres, la création de petites communautés de ruelle nous montre le contraire. Témoins privilégiés de cette nouvelle tendance, les ruelles constituent un lieu de départ pour l’établissement de ce renouveau du mode de vie communautaire urbain.

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V

T

ABLE DES MATIERES

RÉSUMÉ III

TABLE DES MATIERES V

REMERCIEMENTS XI

INTRODUCTION 1

CHAPITRE 1 : ETHNOLOGIE DE L’ESPACE ET IMAGINAIRE URBAIN : LES ASSISES DE LA

RECHERCHE 5

1.1ETHNOLOGIE URBAINE, GÉOGRAPHIE SOCIALE ET URBANISME 5

1.1.1ESPACE, LIEU ET TERRITOIRE 5

1.1.2L’IMAGINAIRE, L’IMAGE ET LE DISCOURS 6

1.1.3L’AMBIANCE ET L’EXPÉRIENCE 8

1.1.4LE VOISINAGE 9

1.1.5LE DÉVELOPPEMENT DURABLE 11

1.2PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE : S’APPROPRIER LA RUELLE 12

1.3CADRE MÉTHODOLOGIQUE 14

1.3.1LA MÉTHODE ETHNOLOGIQUE 14

1.3.1.1 La sélection des participants 17

1.3.2AUTRES SOURCES 19

CONCLUSION 20

CHAPITRE 2 : DRESSER LE PORTRAIT DE SON ENVIRONNEMENT 21

2.1ROSEMONT-LA PETITE-PATRIE 21

2.1.1CONTEXTE GÉOGRAPHIQUE ET HISTORIQUE 21

2.1.2CONTEXTE SOCIO-DÉMOGRAPHIQUE 22

2.1.3CONTEXTE POLITIQUE 23

2.1.4LES RUELLES DE ROSEMONT-LA PETITE-PATRIE 24

2.1.4.1 Les ruelles vertes 24

2.2LES RUELLES 28

2.2.1LES RUELLES PRINCIPALES 28

2.2.1.1 Du Parc / Jeanne-Mance / Saint-Zotique / Beaubien 28

2.2.1.2 Christophe-Colomb / de la Roche / Jean-Talon / Bélanger 30

2.2.1.3 De la Roche / Normanville / Beaubien / Bellechasse 32

2.2.1.4 de Normanville / Chambord / Saint-Zotique / Beaubien 34

2.2.1.5 Garnier / Fabre / Jean-Talon / Bélanger 35

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VI

2.2.1.7 Louis-Hémon / des Écores / Jean-Talon / Bélanger 38

2.2.1.8 Louis-Hémon / des Écores / Rosemont / des Carrières 39

2.2.1.9 Molson / 1re Avenue / Bélanger / Saint-Zotique 41

2.2.1.10 2e Avenue / 3e Avenue / Beaubien / Bellechasse 43

2.2.1.11 2e Avenue / 3e Avenue / Holt / Dandurand 44

2.2.1.12 12e Avenue / 13e Avenue / Rosemont / Dandurand 46

2.2.2LES RUELLES SECONDAIRES 48

2.2.2.1 La visite des ruelles vertes 48

2.2.2.2 Chateaubriand / Saint-Hubert / Bellechasse / Rosemont 50

2.2.2.3 D’Iberville / Molson / Bélanger / Saint-Zotique 50

2.2.2.4 Lafond / 14e Avenue / Dandurand / Masson 51

2.2.2.5 L’ancienne ruelle d’HL et de sa famille 51

2.2.2.6 Du Parc / Jeanne-Mance / Van Horne / Bernard 52

2.2.2.7 Clark / Saint-Laurent / Bernard / Saint-Viateur 52

2.2.2.8 La ruelle d’enfance de CBD 52

CONCLUSION 53

CHAPITRE 3 : VIVRE LA RUELLE AU QUOTIDIEN 55

3.1LA RUELLE ET LES JOURS 55

3.1.1À L’ANNÉE 55

3.1.2À LA SEMAINE 57

3.1.3À LA JOURNÉE 57

3.2UTILISER 59

3.2.1JEUX DES ENFANTS 59

3.2.2FILMS 61

3.2.3FÊTES DE RUELLES 62

3.2.4AUTRES ACTIVITÉS 63

3.2.5CIRCULATION 63

3.2.6CHATS ET AUTRES ANIMAUX 65

3.2.7SOCIALISATION 65

3.2.8SÉCURITÉ 68

3.3AMÉNAGER 70

3.3.1L’AMÉNAGEMENT STANDARD DES RUELLES DE RPP 70

3.3.2RUELLES VERTES 72

CONCLUSION 74

CHAPITRE 4 : FAIRE LA CONQUÊTE DU LIEU : S’APPROPRIER LA RUELLE 75

4.1LE RÔLE DES SENS 75

4.1.1VOIR 76

4.1.2ENTENDRE 78

4.1.3SENTIR 80

4.1.4TOUCHER 82

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VII

4.1.6IDÉALISER 84

4.2S’ATTACHER À LA RUELLE 86

4.2.1PRIVÉ ET PUBLIC : LE LIEU DE LA RUELLE 86

4.2.2LA VERDURE 89 4.2.3DÉCRIRE LA RUELLE 92 4.3S’APPROPRIER LA RUELLE 93 4.3.1L’ESPRIT DE COMMUNAUTÉ 93 4.3.2EXPÉRIMENTER LA RUELLE 95 4.3.3LA CONFIANCE 96 4.3.4L’IMAGINAIRE DE LA RUELLE 98 CONCLUSION DE RECHERCHE 99 CONCLUSION 101 BIBLIOGRAPHIE 105 SOURCES ORALES 105 SOURCES MANUSCRITES 106

SOURCES IMPRIMÉES ET ÉLECTRONIQUES 108

SOURCES AUDIOVISUELLES 111

ÉTUDES ET OUVRAGES 111

ANNEXE A ANNONCE DE RECRUTEMENT 115

ANNEXE B PLAN D'ENQUÊTE 116

ANNEXE C CARTE DE L’ARRONDISSEMENT RPP 118 ANNEXE D CARTE DES RUELLES VERTES DE L’ARRONDISSEMENT RPP 119 ANNEXE E CARTE DES RUELLES À L’ÉTUDE 120 ANNEXE F TABLEAU RÉCAPITULATIF DU PROFIL DES PARTICIPANTS 121

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(9)

IX

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(11)

XI

R

EMERCIEMENTS

Dans un premier temps, nous aimerions remercier sincèrement notre directrice de recherche, Martine Roberge pour son soutien et son écoute de chaque instant. Sa patience et sa rigueur ont été des exemples pour nous dans la production de ce mémoire et le resteront dans la suite de notre vie. Merci également à tous les participants à cette recherche qui nous ont permis de constater que la vie dans la ruelle n’était pas que fabulation de notre enfance et que bien d’autres découvrent le monde par ce lieu. Merci à l’Écoquartier Rosemont-La Petite-Patrie pour s’être prêté au jeu et avoir fait circuler notre annonce, une aide inestimable.

Merci à Élyse Arcand pour ses commentaires qui, tout au long de l’écriture nous ont permis d’exprimer nos idées de manière claire. Merci également à Marie-Josée Arcand pour la deuxième relecture rendant le texte plus fluide. Merci à Mathieu Arcand pour la création d’une carte permettant de situer géographiquement nos ruelles dans l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie.

Merci à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines pour le soutien financier du Plan d’attribution facultaire à la réussite.

Merci à nos compagnons de ruelles étant enfant chez nos grands-parents, cousins, cousines, voisins et voisines, vous avez inspiré et guidé nos idées tout au long de ce mémoire.

Enfin, merci à tous ceux qui au long de ces deux dernières années nous ont écouté parler sans cesse des ruelles. Parmi ceux-ci, merci à Andréanne, Jean-François, Lucie, Maude, Coralie, Cassandre, Kathleen, Catherine, Anik, mes parents, mes frères et plusieurs autres.

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1

INTRODUCTION

Enfant, nous avons toujours adoré nous rendre chez nos grands-parents. Outre les muffins toujours chauds à notre arrivée et les bonbons au beurre, leur domicile avait un certain pouvoir attractif : une ruelle. Tous les vendredis après l’école, c’était le point de rendez-vous. On y rejoignait les voisins d’en arrière, la voisine d’à-côté, les cousins d’en haut et nous étions parés pour la soirée. Vélos, trottinettes, craies, cordes à danser et ballons étaient nos instruments. Notre imagination nous menait à divers endroits : en Nouvelle-France, en Irlande, en Suisse, en France, au temps des mousquetaires ou encore celui des chevaliers. Le kickball, le ballon chasseur, la « tag », la cachette, le hoola-hoop et les élastiques nous faisaient dépenser notre énergie. La nuit tombée, c’était les histoires qui font parfois un petit peu peur qui nous occupaient. Occasionnellement pendant le souper, on entendait parents, oncles, tantes et grands-parents parler de la ruelle telle qu’elle était 30 ans auparavant : « il y avait un gros orme au coin de la cour, la ruelle n’était pas asphaltée », « une année, une patinoire naturelle s’est formée, du haut de la ruelle, jusqu’aux bosses. On a patiné pas mal cet hiver-là », etc. Les chicanes avec les petits voisins, la rivalité du haut et du bas de la ruelle, les clubs que nous nous créions, ont aussi contribué à nous construire un monde de tous les possibles dans cet espace qui était littéralement le nôtre : celui des enfants où l’imagination était reine. Aujourd’hui, nous sommes devenue adulte. La ruelle n’est plus habitée par nos cris d’enfants depuis plusieurs années. D’autres nous ont depuis remplacés, mais depuis peu seulement.

C’est en nous remémorant cette époque que nous nous sommes montré intéressée par les ruelles de Montréal. Après avoir fait quelques recherches sur l’ethnologie urbaine, il nous est apparu qu’elles feraient un bon sujet de recherche dans ce cadre. Situées en plein cœur de la ville et bien qu’elles soient un espace urbain qui peut intéresser les géographes et les urbanistes, les ruelles témoignent d’une vie de quartier riche qui peut être abordée sous l’angle ethnologique. Ce lieu de passage qui a marqué notre imaginaire est l’objet de plusieurs pratiques et utilisations, tantôt ponctuelles, tantôt quotidiennes, selon les personnes, selon les saisons, selon les âges. De plus, la ruelle semble aujourd’hui redécouverte par les citoyens qui la modifient et la mettent à leur main, phénomène qui intéresse les environnementalistes et les spécialistes du développement durable. Un intérêt grandissant pour cet espace et le désir de retourner vivre à Montréal ont suffi à nous convaincre d’approfondir le sujet. À la suite de nos lectures sur le sujet, nous avons été amenée à poser un regard bien différent sur les ruelles que celui que nous avions enfant. Notre formation d’ethnologue nous a permis d’appréhender la ruelle, non seulement comme un terrain de jeu, mais d’abord et avant tout comme un espace social

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qui possède ses propres habitudes et son propre sens. Un espace propice à la sociabilité offrant de nombreuses possibilités quant à son utilisation, mais surtout un espace peu touché par la communauté scientifique et qui nous était à nouveau offert comme terrain de jeu!

La ruelle est apparue au cours du XIXe siècle à Montréal. Il s’agit d’une « voie d’accès secondaire, publique ou privée, à l’usage des terrains riverains1 déjà desservis par une voie publique » (Ville de Montréal). D’origine britannique, elles ont été installées d’abord pour des fins pratiques, soit pour la livraison du bois de chauffage ou pour accéder aux écuries à l’arrière de la maison dans des quartiers ouvriers (Centre d’histoire de Montréal : Ville de Montréal). Après la disparition de ces usages, on a continué à inclure les ruelles dans les plans des nouveaux quartiers. Certaines d’entre elles sont toujours utilisées par la Ville, notamment pour la collecte des déchets durant l’été, et d’autres sont déneigées en hiver, pour les usages de la Ville ou pour les résidents ayant une place de stationnement à l’arrière de leur maison. Pour la Ville de Montréal, il existe une distinction entre la ruelle commerciale et la ruelle « ordinaire ». La ruelle commerciale est un « passage entre des bâtiments ou des propriétés dont la longueur linéaire de façade est occupée majoritairement (50 %) par des commerces ou industries » (Ville de Montréal). Parfois dotées de deux ou quatre entrées, elles permettent à toutes les résidences d’un même quadrilatère de se rejoindre à l’arrière. Elles ont été en majorité bétonnées dans les années 1960–1970 comme ce fut le cas pour notre ruelle d’enfance chez nos grands-parents. Ce bétonnage était vu par certains et par la Ville comme un élément témoignant du progrès mais avait apparemment causé un désaccord entre notre famille et la Ville.

En faisant quelques recherches, nous avons pris connaissance de quelques blogues, articles et films portant sur les ruelles. En 1974, Pierre Poirier filme des enfants du quartier Hochelaga-Maisonneuve qui jouent aux cow-boys dans le court-métrage Paow paow t’é mort. Bien que le tout soit mis en scène, on peut y voir les enfants évoluer dans leur ruelle et utiliser l’espace pour y jouer, mettant à profit les moindres recoins. Le documentaire Les fleurs c’est pour Rosemont de Jacques Giraldeau, montre cinq étudiants en architecture qui tentent de réaménager une petite rue de Rosemont où résident des gens défavorisés à la fin des années 1960. La blogueuse Lucie Bataille, Montréalaise d’adoption, écrit « Ode aux ruelles de Montréal » en 2011. Elle y témoigne des activités qui se déroulent dans sa ruelle et ce qu’elle y fait elle-même en plus de montrer un grand attachement à cet endroit. Suzanne Lafrance publie dans la revue Cap-aux-Diamants un court article sur la ruelle de son enfance intitulé « Le pays des

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enfants ». Enfin, plusieurs autres témoignent de l’activité de leur ruelle sur des blogues, ce qui nous démontre qu’effectivement la ruelle est un lieu dynamique qui reste à découvrir pour le monde universitaire. Le sujet étant déterminé, nous nous sommes lancée dans cette aventure par les recoins et racoins de Montréal, et plus précisément de l’arrondissement Rosemont-La-Petite-Patrie (RPP)2. La présente étude expose la démarche, son déroulement et les résultats de la recherche.

Le mémoire se divise en quatre chapitres permettant de bien isoler chacune des étapes de notre démarche. Le premier chapitre se penche sur les considérations théoriques ayant mené à la question de recherche. L’ethnologie urbaine, l’imaginaire urbain, la géographie sociale ont fait l’objet de nombreuses recherches et il est important d’identifier les concepts théoriques sur lesquels s’appuient ces champs d’études. Nous nous pencherons également sur les concepts d’ambiances et d’expérience, ainsi que sur le développement durable. Les objectifs de l’étude y sont expliqués, en plus des hypothèses qui orientent la recherche. La méthode ethnologique choisie est détaillée dans ce chapitre, faisant un retour sur l’enquête de terrain qui a été réalisée dans le cadre du mémoire.

Le deuxième chapitre présente dans un premier temps l’arrondissement RPP dans ses caractéristiques et ses limites avant de décrire le processus des ruelles vertes tel que proposé par l’Écoquartier. Dans un deuxième temps, les ruelles et les participants à notre étude y sont présentés. Douze ruelles principales ont été identifiées, chacune d’elles permettant de tracer le portrait d’informateurs qui sont au nombre de quatorze en tout. Les douze ruelles secondaires ont ensuite été décrites, permettant de compléter les informations données par les participants quant à leur expérience des ruelles, plusieurs n’en étant pas à leur premier contact avec les ruelles. Enfin, ce sont les sources tierces qui concluent ce chapitre, puisque nous avons pu croiser quelques informations avec certains articles de journaux récents ainsi qu’avec des blogues créés par des résidents de l’arrondissement ou d’ailleurs à Montréal. Le troisième chapitre se penche sur les caractéristiques de fréquentation de la ruelle. En effet, la première section de ce chapitre porte sur le rapport au temps. La ruelle est fréquentée selon certains moments de la journée, de la semaine ou de l’année et c’est ce avec quoi nous commençons ce chapitre. Ensuite, nous avons dressé la liste des activités effectuées dans la ruelle qui sont somme toute assez nombreuses. Celles-ci peuvent se regrouper en trois catégories : le divertissement, la circulation et la sociabilisation semblent être les activités de prédilection. Enfin, les enjeux de l’aménagement sont

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exposés. Les ruelles dites « normales » et les ruelles vertes ont plusieurs éléments en commun, mais ces dernières constituent une catégorie à part aux yeux des résidents de l’arrondissement.

Enfin, le quatrième chapitre s’attarde à répondre à notre question de recherche. L’appropriation du lieu par les résidents se fait de différentes manières, mais est perceptible à plusieurs niveaux. La première étape de cette appropriation se fait par l’appréhension par les sens. La vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher et le goût ont été mis à profit pour permettre aux participants d’exprimer leur vision de la ruelle ainsi que l’image qu’ils en ont. L’attachement au lieu est également significatif dans la compréhension de l’appropriation. Le fait d’apprécier un endroit et la peur de le perdre montrent un attachement certain qui s’illustre par le vocabulaire des participants, mais aussi par leur intérêt pour la verdure et le sentiment de se trouver à l’extérieur de la ville, qui leur permet de conserver leur intimité dans le lieu public qu’est la ruelle. Enfin, l’esprit de communauté, les expériences et la confiance qu’on accorde au lieu achèvent la démonstration de l’appropriation par les résidents et permettent de composer l’image et l’imaginaire de la ruelle.

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CHAPITRE 1 : ETHNOLOGIE DE L’ESPACE ET IMAGINAIRE URBAIN : LES ASSISES DE

LA RECHERCHE

Dans ce premier chapitre, il sera question d’établir les assises théoriques et méthodologiques retenues pour notre étude. La première partie présente, à partir de lectures scientifiques, les concepts en ethnologie, géographie, urbanisme et environnement qui ont été utilisés. Nous nous pencherons dans un premier temps sur les notions d’espace, de territoire et de lieu, puis sur celles d’imaginaire, d’image et de discours de la ville. D’autres notions corollaires comme celle de l’expérience urbaine, des ambiances et du voisinage complèteront ce bref état de la question. Enfin, un bref aperçu de la notion de développement durable sera également fait dans ce premier chapitre pour son importance dans le renouvellement de l’aménagement des ruelles. Dans un deuxième temps, la question de recherche sera clairement exposée avec les hypothèses que nous proposons. Finalement, la dernière partie de ce chapitre sera consacrée à la démarche méthodologique.

1.1

E

THNOLOGIE URBAINE

,

GÉOGRAPHIE SOCIALE ET URBANISME

1.1.1 ESPACE, LIEU ET TERRITOIRE

Le sujet de recherche portant sur un espace donné, il apparaît important de déterminer ce qu’est un espace par rapport à un lieu et même à un territoire. Les définitions étant variées d’une discipline à l’autre, nous nous intéresserons à celles proposées par les géographes qui rejoignent davantage notre objet d’étude et l’angle d’approche retenu. L’espace n’est pas déterminé selon ses limites : « la notion d’espace se définit par rapport à la capacité de mouvance personnelle » (De Sablet, 1991 : 49). Il est un ensemble approximatif formé autour d’un sujet. Ce sujet peut-être mobile et orienté (Tuan, 2006 : 16). L’espace est non seulement sans limite, mais il englobe tout : « L’espace est un concept, qui tente de décrire le monde, mais ce n’est pas le monde. Physiquement l’espace n’a pas d’existence […] et il ne peut donc pas être idéalisé […] puisqu’il est déjà idée au départ. » (Regnauld, 1998 : 10).

Le lieu est plutôt identifié par des limites et des attributs physiques : « Le lieu est un type particulier d’objet. C’est une concrétion de valeurs, et pas une chose associée à une valeur unique, qui peut facilement être traitée ou manipulée; il s’agit d’un objet dans lequel on peut se fixer. » (Tuan, 2006 : 16). Le lieu est alors plus précis que ne l’est l’espace pour la simple raison qu’il est identifiable. En plus d’être identifiable, il doit être réfléchi et sensible : « Un objet et un lieu deviennent réalité lorsque leur expérience est totale, c’est-à-dire partagée par tous les sens aussi bien que par l’esprit actif et la réflexion. » (Tuan, 2006 : 22). De Sablet quant à lui parle plutôt d’espaces collectifs. Il le définit comme

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étant délimité par les bâtiments qui l’entourent et permettant la réalisation d’activités collectives (De Sablet, 1991 : 13).

Le territoire quant à lui, est, selon Yves Barel, un « milieu de vie, de pensée et d’action dans lequel et grâce auquel un individu ou un groupe se reconnaît, dote ce qui l’entoure de sens et se dote lui-même de sens, met en route un processus identificatoire et identitaire. » (Tizon, 1996 : 21). Il est composé de lieux spécifiques et peut occuper plus ou moins de superficie. Le territoire se trouve à être le résultat de l’organisation de l’espace par les humains : « Par sa simple présence, l’être humain impose un schéma à l’espace, ce dont il n’est pas conscient la plupart du temps. » (Tuan, 2006 : 40). Bien que le concept de territoire semble trop large pour les besoins de l’enquête, il est intéressant de s’y arrêter pour la symbolique que comprend cette notion. En effet, toujours selon Barel, le « territoire social est un phénomène immatériel et symbolique » et « tout territoire social est un produit de l’imaginaire urbain » (Tizon, 1996 : 21). Joël Bonnemaison parle même du territoire comme étant la relation entre les humains et leur terre qui fonde l’identité culturelle de ces derniers (Tizon, 1996 : 22).

L’appréhension de l’espace se fait de manière individuelle par les sens mais aussi selon diverses variables se rapportant principalement à l’expérience, au statut et aux origines de l’individu (Tizon, 1996 : 25). Qu’il soit public ou privé, l’espace provoque des « réactions psychologiques et […] sensations », créant ainsi des « espaces émotionnels » (De Sablet, 1991 : 15) qui touchent l’utilisateur en lui permettant de se composer une image de la ville.

1.1.2

L’

IMAGINAIRE

,

L

IMAGE ET LE DISCOURS

L’imaginaire de la ville est un concept s’appuyant sur l’ethnologie urbaine qui permet de mettre l’accent sur les citoyens en cherchant le sens et les significations que ceux-ci accordent à l’espace. L’imaginaire de la ville a été défini par Gérard Althabe en 1984. Il s’agit de confronter l’espace de la ville tel que dessiné par les architectes, les urbanistes et les décideurs publics aux pratiques de ceux qui habitent cet espace. Ces pratiques démontrent l’appropriation de l’espace par les habitants qui le côtoient tous les jours. Il s’agit d’appréhender l’imaginaire qui se traduit dans les paroles (Althabe, 1984 : 4). On parle alors de mettre l’accent sur la conception que les gens ont du monde qui les entoure, comme le mentionnait Herbert Mead en parlant de l’interactionnisme symbolique. Ce sont les symboles qui construisent l’univers social de l’individu permettant ainsi de comprendre sa vision des choses (Coulon, 2002 : 14). L’imaginaire est donc constitutif des relations au monde (Torgue, 2012 : 151).

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7

L’image que les citoyens ont de leur ville est propre à chacun mais c’est lorsque ces images sont mises en commun que se crée la représentation collective de la ville (Lynch, 1969 : 8). Cette image, individuelle dans un premier temps, se compose à partir des éléments physiques qui se trouvent sur le territoire de la ville et qui sont divisés en cinq catégories : les voies, les limites, les quartiers, les nœuds ou points de jonction et les points de repères comme les éléments physiques naturels. À titre d’exemple, il peut s’agir des immeubles et bâtiments importants ou ayant une forme ou une fonction particulière, des grandes artères, des voies ferrées, des ponts, des cours d’eau, etc. (Lynch, 1969 : 54-56, Raulin, 2007 : 164-165). Comme Lynch, Raulin croit que ce sont les éléments physiques qui construisent en partie l’image. Nous pouvons également parler de ces éléments comme des hauts-lieux qui, selon Noschis, donnent au quartier une charge symbolique : les magasins, marchés, aires de jeux, places et arcades, cinémas de quartier, bistrots, les formes d’extension du logis comme les cordes à linge, les images sur les murs et les messages iconiques (Raulin, 2007 : 166-167).

La perception que chacun a de ces éléments est différente, puisque la relation entre ceux-ci et le citadin diffère selon les expériences et le contexte immédiat (Raulin, 2001 : 138). Cette image mentale des citoyens est celle qui donne à la ville son « âme » et son activité quotidienne : « Les citoyens imaginent leur ville, ils la pensent selon leur conception personnelle et s’identifient à l’environnement qui est le leur » (Delorme, 2005 : 24). C’est en effet en s’intéressant à l’image qu’ont les citoyens de leur environnement qu’il est possible de voir s’ils s’approprient celui-ci ou encore s’y identifient. Noppen et Morrisset ajoutent que « la ville engendre des représentations tout autant que les représentations engendrent la ville » (Delorme, 2005 : 51). Cette proposition nous rapproche d’Hannerz qui avance l’idée de la malléabilité de la ville, soit l’influence mutuelle entre le citadin et celle-ci. Ces entités auraient chacune une personnalité qui se modifie au contact l’une de l’autre. La personnalité de la ville est très proche de l’image, puisque la première est certainement provoquée par la deuxième.

Tout comme l’image, le discours se construit d’abord de manière individuelle pour constituer le discours collectif de la ville (Mondada, 2000 : 39). Ces discours la façonnent en fonction du contexte (lieu, moment, expérience de l’individu, expérience de la personne qui le reçoit, etc.) dans lequel il est exprimé. Ces discours, bien qu’ils n’aient pas tous la même force et ni les mêmes répercussions, se superposent pour constituer une image de la ville particulière à cet ensemble (Mondada, 2000 : 41). La cueillette du discours permet donc de récolter l’image collective et individuelle en regard du vécu des citadins. Freney identifie les guides touristiques (livres) comme constructeurs de l’image du Vieux-Montréal à partir de leur discours (Beaulieu et Thériault, 2004 : 170). L’auteure s’intéresse à la mémoire,

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qui, selon elle, comme l’image et le discours, se construit d’abord de manière individuelle pour finalement s’amalgamer avec celle des autres et former la mémoire collective (Beaulieu et Thériault, 2004 : 184). Selon elle, la mémoire peut être écrite dans un ouvrage, mais également dans le tissu urbain qui traduit certains éléments de l’histoire de l’espace dont il est question. Toutefois, il est important de garder en tête que cette mémoire n’est pas toujours complète, puisque tous les événements historiques ne se sont pas traduits dans l’architecture (Beaulieu et Thériault, 2004 : 176).

1.1.3 L’AMBIANCE ET L’EXPÉRIENCE

L’expérience urbaine est pour beaucoup dans l’image et le discours que l’on accole à la ville. Elle a une influence directe sur le regard qu’on lui porte. Elle est composée de nombreuses significations propres à l’espace urbain (Ledrut, 1973 : 16). Cette expérience urbaine permet donc d’identifier les activités et les pratiques urbaines, comme le fait Du Berger. Celui-ci cherchait justement à établir comment les citoyens de Québec ont vécu leur ville. En effet, « l’expérience de la ville se fait par des pratiques culturelles dans le cadre de fonctions urbaines » (Du Berger, 1994 : 22). Les pratiques culturelles constituent les différentes pratiques qu’il est possible d’effectuer au quotidien. Les fonctions urbaines sont plutôt les éléments du contexte dans lequel se déroulent les pratiques comme performances, qui créent l’action concrète de la pratique. Toutefois, chaque performance est unique à son contexte, selon une série de variables qui fondent l’expérience : l’acteur social, le groupe d’appartenance, la pratique culturelle elle-même, les objets impliqués, le temps, l’espace, l’organisation et la principale fonction urbaine (Du Berger, 1997 : 45).

La théâtralité urbaine rend également la ville vivante selon Maffesoli : « Ses lieux de rendez-vous, ses odeurs, ses bruits sont constitutifs de la théâtralité quotidienne qui en fait, dans le sens fort du terme, un objet animé, une matérialité douée de vie » (Delorme, 2005 : 41). C’est ce qui permet la continuité sociale au même titre que l’imaginaire. En bref, c’est par l’espace commun que le sentiment d’appartenance est affirmé, sentiment qui permet la création d’une identité collective. On y trouve des symboles, des émotions qui permettent ce processus selon Maffesoli. C’est d’ailleurs ce sentiment d’appartenance qui permet le maintien de la continuité sociale (Delorme, 2005 : 42). Le lieu de cette théâtralité occupe également une place importante puisqu’il l’influence : « Dans toute présentation les choses, marchandises ou non, constituent un spectacle par elles-mêmes et instituent la vie – ici la vie urbaine – en spectacle, banal ou pittoresque. » (Ledrut, 1973 : 230). L’espace et les objets qui le composent participent alors à la création de la performance théâtralisée du quotidien.

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L’ambiance est un hybride entre la matérialité, soit les objets présents, et l’intériorité, soit l’émotion ressentie. Il existe une différence entre l’ambiance et les ambiances. Alors que la première concerne l’appréhension globale, les deuxièmes se rapportent plus précisément aux sens. C’est l’ensemble de ces sens qui crée l’ambiance globale, elle est plurisensorielle (Torgue, 2012 : 224-225). Chacun des sens permet la création d’une ambiance ou d’un monde qui lui est propre. Certains peuvent d’ailleurs être améliorés par la pratique, comme c’est notamment le cas pour le toucher, le goût et l’odorat. Malgré tout, la construction et la perception d’une ambiance propre à un lieu est favorisée par la présence de tous les sens (Tuan, 2006 : 14). Solène Marry note toutefois que même si tous les sens sont stimulés, il existe une certaine hiérarchie parmi ceux-ci dans l’appréhension de l’ambiance. En effet, la vue est souvent le principal sens pour son interprétation immédiate (Marry, 2013 : 17). Les autres sens sont toutefois également importants et à titre d’exemple, nous nous pencherons sur le monde sonore tel qu’il a été exploré par Henri Torgue et Solène Marry. Nous sommes constamment entourés de bruits et de sons qui organisent un paysage sonore urbain traducteur de l’identité de la ville (Torgue, 2012 : 114). Le son aide donc l’individu comme l’entité urbaine à se définir une identité territoriale grâce à des marqueurs sonores particuliers comme les cloches des églises, le sifflement des trains, les cris des enfants, etc. (Torgue, 2012 : 134). Les espaces sonores sont liés à l’ambiance qui vient particulariser chaque espace pour un temps limité mais reproductible (Torgue, 2012 : 242) puisque, en effet, « L’ambiance est mouvante temporellement, un même espace public évoquant différentes ambiances dans une même journée selon les activités qui s’y déroulent. » (Marry, 2013 : 18).

1.1.4 LE VOISINAGE

Le voisinage est un élément essentiel à la compréhension de la ville. La proximité qu’on y observe nécessite de nouer une entente avec le voisinage, mais également de comprendre celui-ci. « Le voisinage […] est autre chose qu’un simple lieu physique de résidence : il est surtout constitué de gens avec lesquels on est appelés à entrer en interaction à un certain moment » (Lavigne et Douville, 1975 : 138). Le voisinage abrite alors principalement des gens qui habitent un espace proche du sien mais ne comprend toutefois pas la ville en entier et peut se composer des gens, de l’espace ou des deux (Lavigne et Douville, 1975 : 139). De plus, le voisinage est marqué par les intérêts et valeurs communes entre ses membres. En effet, bien souvent les gens de même classe sociale et situation monétaire se regroupent, volontairement ou non, dans certains quartiers : « Thus neighbourhoods are territories containing people of broadly similar demographic, economic and social caracteristics, but are not necessarily significant as a basis for social interaction. » (Knox et Pinch, 2006 : 193).

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L’espace de voisinage est bien difficile à cerner. Plusieurs ont de la difficulté à le délimiter (Lavigne et Douville, 1975 : 145). Notre premier rapport au voisinage est flou, mais se construit au fil du temps : « Le voisinage est d’abord une vague image pour un nouvel habitant ; un espace flou “quelque chose au dehors”. Apprendre à connaître le voisinage demande l’identification de lieux signifiants, tels un coin de rue ou des repères architecturaux à l’intérieur de l’espace voisin. » (Tuan, 2006 : 21). Pour Lavigne et Douville, il est important de distinguer le quartier et le voisinage : le deuxième est certainement plus variable que le premier, notamment à cause de la diversité des activités ou de nouvelles rencontres qui peuvent mener à un changement des limites (Lavigne et Douville, 1975 : 148). Le rapport au territoire est particulier à chacun. Il ne s’agit pas simplement d’un espace selon Brunet, puisque ce territoire crée un sentiment d’appartenance (Di Méo, 1996 : 22). Pour Di Méo, ce rapport est personnel entre l’espace et l’individu, mais peut également créer chez un groupe une certaine cohésion se rapportant à un espace donné (Di Méo, 1996 : 23). Cette territorialité, ou voisinage, est en quelque sorte une école du lien social pour Tizon. Le voisinage est un espace qui s’étend à l’extérieur du lieu de résidence selon les activités et les rôles de chacun. Berger et Luckman ajoutent que le tissu spatial est ce qui différencie les relations avec les voisins et les autres (Di Méo, 1996 : 24-25). Les activités de voisinage amènent différentes relations avec les voisins. Certains se parlent plus que d’autres, ce qui entraîne un rapport différent avec le concept même : un plus grand nombre d’activités de voisinage engendre une vision plus positive des relations avec les voisins. Le quartier, proche de la notion de voisinage, est mitoyen entre le privé et le public. Il s’agit de l’espace où le privé s’installe tranquillement dans les lieux proches du lieu de résidence (Mayol, 1980 : 16). La socialisation passe par l’apprentissage du quartier, notamment chez les enfants, mais aussi entre les adultes qui coexistent par la proximité et le quotidien (Mayol, 1980 : 15, 21). Pour Mayol, « le quartier est une notion dynamique, nécessitant un apprentissage progressif qui s’accroît par la répétition de l’engagement du corps de l’usager dans l’espace public jusqu’à y exercer une sorte d’appropriation » (Mayol, 1980 : 18). Il semble donc que c’est le rapport à l’espace et aux autres individus qui compose les notions de voisinage et de quartier menant à la création du sentiment d’appartenance ou d’appropriation.

Avec le quartier, la communauté forme un ensemble permettant aux individus de s’approprier et d’apprécier un endroit. Le fait de pouvoir compter sur un groupe rend l’expérience urbaine plus humaine :

Communities are « taken-for-granted » worlds defined by reference groups which may be locality-based, school-based, work-based or media-based. Communality, or « communion », exists as a form of human association based on affective bonds. It is

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community experience at the level of consciousness, but it requires an intense mutual involvement that is difficult to sustain and so only appears under conditions of stress. (Knox et Pinch, 2206 : 193).

Ainsi, non seulement le groupe qui occupe un lieu lui donne-t-il du sens : « Reconnaître qu’un lieu est la propriété d’un groupe ou qu’un groupe en possède l’usage de façon privilégiée c’est lui accorder un caractère particulier aussi important que sa fonction (son utilisation). » (Ledrut, 1973 : 220), mais il permet à l’individu de se construire un espace de confort où il peut avoir confiance en son environnement.

1.1.5 LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Avec la popularité de plus en plus grandissante du développement durable, nous pourrons constater que son importance s’observe également dans les ruelles où la tendance est au verdissement. Avec les différentes initiatives de développement durable, il nous semble important de se pencher sur cette notion qui, comme nous le verrons, est étroitement relié avec les initiatives citoyennes d’urbanisation. C’est en 1972 que les bases du développement durable sont jetées à l’Organisation des Nations Unies dans le cadre du premier Sommet de la Terre qui a eu lieu à Stockholm. Il y sera émis 26 principes établissant les éléments de la relation entre les humains et l’environnement. Le premier principe établit d’ailleurs en partie la définition du développement durable :

L’homme a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisante, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures. (Conférence des Nations Unies pour l’environnement, 1973 : 3).

Après la Déclaration de Rio en 1992, celle de Johannesburg établit, en 2002, les trois piliers du développement durable : social, économique et environnemental. La Déclaration de Rio +20 de 2012 s’attaque au problème mondial de la pauvreté. L’évolution du concept de développement durable est constante et nous a permis d’arriver à cette définition adoptée dans le cadre de la Loi sur le développement durable du Québec en 2006 :

un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Le développement durable s’appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement. (Loi sur le développement durable, 2006 : 2)

Au Québec, comme il est prévu dans les pays membres de l’ONU, le développement durable se veut intégré dans toutes les sphères du gouvernement. En effet, nous pouvons observer un

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exemple de cette volonté dans le domaine du patrimoine, comme nous pouvons le retrouver dans Les Principes de Dublin sur le patrimoine industriel :

La conservation du patrimoine bâti industriel prolonge pourtant la vie utile des constructions et de l’investissement énergétique qu’elles représentent. Sa contribution à la réalisation des objectifs de développement durable local, national et international, à ses dimensions sociales, physiques ou environnementales du développement doit être reconnue. (ICOMOS, 2011 : 2).

Cette volonté s’observe de plus en plus au niveau international, national et même local. La réutilisation des espaces du patrimoine industriel3 dans une optique de développement durable peut s’appliquer assez facilement aux ruelles montréalaises. Nous en verrons d’ailleurs des exemples dans les prochains chapitres de ce mémoire.

1.2

P

ROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE

:

S

APPROPRIER LA RUELLE

Habiter un lieu se fait de différentes manières. Le rapport à l’espace et au voisinage est propre non seulement au lieu même, mais également à tous ceux qui le fréquentent. À la lumière des lectures effectuées, il nous est apparu que les ruelles montréalaises se confirmaient comme un sujet de recherche idéal. Le sujet n’ayant pas, à notre connaissance, fait l’objet de travaux scientifiques, elles ont rapidement attiré notre attention. À la suite de la lecture de plusieurs témoignages trouvés dans les journaux, revues ou encore sur des blogues, nous nous sommes posé quelques questions que nous avons mises en commun avec notre propre expérience des ruelles. Qu’est-ce qui rend cet espace aussi cher à nos yeux? Pourquoi préférons-nous parfois y jouer plutôt que d’aller au parc étant enfants? Comment cet espace généralement bétonné et en plein cœur de la ville peut-il être apaisant? Pourquoi certaines odeurs et certains sons nous rappellent-ils la ruelle? Quelles sont les motivations qui poussent les résidents à améliorer l’aménagement des ruelles? Pourquoi peut-on être fiers de faire découvrir sa ruelle? Ces multiples interrogations nous ont alors menée à nous poser une question plus large, qui sera celle qui dirigera notre étude : « Comment les Montréalais s’approprient-ils leurs ruelles? ». Nos

3 « Le patrimoine industriel comprend les vestiges de la culture industrielle qui sont de valeur historique, sociale,

architecturale ou scientifique. Ces vestiges englobent : des bâtiments et des machines, des ateliers, des moulins et des usines, des mines et des sites de traitement et de raffinage, des entrepôts et des magasins, des centres de production, de transmission et d’utilisation de l’énergie, des structures et infrastructures de transport aussi bien que des lieux utilisés pour des activités sociales en rapport avec l’industrie (habitations, lieux de culte ou d’éducation) ». (ICOMOS, 2003 : 1).

« Ce patrimoine comporte plusieurs dimensions immatérielles comme les savoir-faire techniques, l’organisation du travail et des travailleurs ou un héritage complexe de pratiques sociales et culturelles résultant de l’influence de l’industrie sur la vie des communautés et sur la mutation des sociétés et du monde en général ». (ICOMOS, 2011 : 3).

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balises spatiales sont celles de l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie et nous nous pencherons sur les expériences de citoyens résidents dans l’arrondissement au cours du XXe et du XXIe siècles. Ces citoyens y résident depuis deux ans et plus4.

En tentant de répondre à cette question, nous avons pu dès le début de la recherche proposer quelques hypothèses selon lesquelles l’appropriation de la ruelle se fait de différentes manières, soit par son utilisation, autant par les enfants que par les adultes, ou soit par son aménagement, tant par les programmes de la Ville que par les initiatives citoyennes.

Parmi les observations préliminaires à la recherche, nous pensons que l’utilisation des ruelles passe par les enfants dans la mesure où ils y jouent. Il s’agit d’un des premiers lieux de socialisation qui leur est accessible : ils y rencontrent leurs voisins qui, lorsqu’ils ont environ le même âge, deviennent parfois leurs premiers amis. Cette utilisation par les enfants peut amener leurs parents à l’utiliser également, si cela n’est pas déjà le cas. Il se peut que la présence de familles facilite l’appropriation de cet espace grâce aux enfants. Lorsque ces derniers sont petits, les parents vont bien souvent les accompagner dans la ruelle. Par la suite, avec les amitiés qui se forment, les parents apprennent à se reconnaître entre eux, surtout lorsqu’ils cherchent leurs enfants chez l’un ou chez l’autre, et à se connaître. Les parents ne sont toutefois pas les seuls adultes à utiliser les ruelles. En effet, celles-ci sont utilisées comme raccourcis pour se déplacer dans le quartier par de nombreuses personnes, ou encore comme accès à une place de stationnement.

L’aménagement des ruelles peut certainement occasionner leur appropriation, tout particulièrement pour les gens qui participent aux divers projets d’aménagement. Le fait d’y initier un projet ou de mettre la main à la pâte favorise le sentiment d’appartenance. Il est donc probable que les exemples des ruelles vertes, des ruelles blanches ou de toute autre initiative des citoyens pourront nous le démontrer.

Il est important ici d’établir quelques distinctions de vocabulaire qui sera utilisé dans le cadre de cette étude, à commencer par la distinction à faire entre les termes utiliser et fréquenter. En effet, nous emploierons le terme « fréquenter » pour désigner tous les moments passés dans la ruelle ou le simple

fait d’y être de manière générale sans effectuer d’activité précise. Le terme « utiliser » fait référence aux

4 Le choix de ce critère tient du fait qu’il nous apparaissait nécessaire de nous entretenir avec des résidents ayant eu le

temps de prendre le pouls de leur environnement. Toutefois, nous voulions aussi ouvrir la possibilité que de nouveaux résidents nous donnent leurs impressions.

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activités effectuées dans la ruelle, qui n’ont pas de lien direct avec l’aménagement. L’utilisation et l’aménagement seront donc directement liés aux hypothèses soumises précédemment.

1.3

C

ADRE MÉTHODOLOGIQUE

1.3.1 LA MÉTHODE ETHNOLOGIQUE

La méthode ethnologique est la plus appropriée pour répondre à la question. En effet, celle-ci s’intéressant à l’appropriation du lieu, il est essentiel de saisir l’imaginaire de ce dernier, ainsi que sa relation aux habitants. Cette méthode permettant de recueillir le témoignage direct d’un échantillon de résidents nous semble la plus adéquate pour arriver à nos fins.

La méthode ethnologique propose l’utilisation d’observations directes ou indirectes. Celles-ci permettent de prendre connaissance et d’examiner des phénomènes, des événements et des pratiques. L’observation directe fait référence à l’observation participante et à l’observation in situ, alors que l’observation indirecte correspond aux entretiens, interviews et questionnaires que l’on peut faire passer à des participants. Ce type d’observation consiste principalement à faire de l’enquête de terrain pour des sujets de recherche où les sources écrites ne peuvent que peu ou pas fournir d’informations, comme des pratiques, des habitudes, des fêtes, etc. (Roberge, 1995 : 3). Toutefois, comme le rappelle Martine Roberge, « l’enquête est plus qu’un simple prélèvement d’informations, puisqu’elle permet de reconstituer des expériences passées qui prennent sens dans des situations sociales collectives; elles permettent de dégager des représentations » (Roberge, 1995 : 4). Il est alors important d’observer le phénomène dans son ensemble, en portant son regard sur l’acteur, la pratique mais aussi le contexte. Il s’agit de l’objectif que nous poursuivons dans cette recherche, puisque nous désirons étudier un espace contemporain dans lequel évoluent des acteurs dans leur relation avec les autres et avec l’environnement. C’est notamment grâce aux pratiques des citadins que nous pourrons étudier un tel phénomène. L’observation et les entretiens nous permettront de former un corpus de données pour confirmer ou infirmer notre hypothèse.

Cette méthode permettant de récolter principalement des témoignages pose des limites quant au nombre de participants à une telle recherche. L’arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie (RPP) a été choisi pour le grand nombre de ruelles qu’on y trouve, en plus d’être un des arrondissements pionniers dans le phénomène des ruelles vertes. Il offre en outre l’avantage d’être un quartier différent de celui que nous avons connu enfant, pour créer une certaine distance avec le sujet. Comme il a déjà été précisé, nous avons nous-même expérimenté l’utilisation des ruelles dans notre enfance. La position

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du chercheur par rapport à son sujet est très importante, tout particulièrement lorsque celui-ci s’intéresse à un sujet qui est près de lui. La prudence est alors de mise et ce, tout au long de la recherche, afin de ne pas induire les réponses des participants et ainsi biaiser les résultats.

Dans le contexte d’une étude de cas, la diversification des données est un élément essentiel. Il est important d’avoir accès à des sources de formes et de provenances différentes afin de dégager le plus d’informations significatives (Albarello, 2011 : 49). Les entretiens et les observations, soit les sources orales, ainsi que certains éléments manuscrits, constituent donc les sources d’information principales de cette recherche alors que les sources complémentaires sont diverses et constituées de documents photographiques, iconographiques, imprimés, audiovisuels et cartographiques.

La collecte de données s’est faite au moyen d’une enquête de terrain, soit des entretiens et des observations. Les entretiens ont pris la forme d’entrevues semi-dirigées, comprenant un récit de pratiques et d’épisodes. L’entrevue semi-dirigée donne la place à l’informateur, qui est libre de construire son récit à sa guise. L’intervention du chercheur n’est toutefois pas interdite et permet même d’enrichir la collecte (Roberge, 1995 : 13-14). Le chercheur peut relancer l’informateur dans le but de donner plus de détails ou simplement de confirmer et d’encourager l’informateur dans son récit. Cette démarche du chercheur peut permettre également de centrer les échanges sur le sujet principal de l’entretien et éviter les dérives (Jones, 2000 : 139). Il est toutefois important que celui-ci ne prenne pas toute la place et s’interpose. De cette méthode d’entrevue peuvent résulter trois types de récits, selon Martine Roberge. Elle les nomme récit de vie, récit de pratique et récit d’épisode (Roberge, 1995 : 15). Le premier est un témoignage mettant en vedette la personne qui le raconte et les grands événements de sa vie constituent la trame du récit. Le deuxième « porte sur une pratique, une technique ou une activité » et contient des informations spécifiques à celles-ci. Le troisième type de récit se centre sur une période précise de la vie de l’informateur, souvent caractérisée par un âge ou un événement important. Ces types de récits permettront donc de voir ce que les informateurs vivent ou ont vécu. Nous ajoutons toutefois qu’il s’agit plutôt dans ce cas précis de « récits de lieu ». Il nous apparaît que cette expression est la plus appropriée dans le cadre de notre recherche, car nous nous intéressons certes aux pratiques, mais également au lieu comme tel. Son « esprit » et son aménagement physique doivent être décrits par les informateurs. Nous ne nous intéressons pas qu’aux pratiques effectuées dans la ruelle, mais aussi et surtout à la manière dont les gens y vivent. Si le récit de vie excède le contexte de notre recherche, le parcours biographique du participant peut être intéressant pour le situer par rapport à d’autres et contextualiser le propos. Grâce à cette méthode de collecte des données, nous

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recueillerons des renseignements sur les activités des informateurs, soit des faits, mais aussi des perceptions. Ces derniers devront donc construire le récit de leur fréquentation de la ruelle et de sa signification pour eux.

En complément des entretiens, nous avons invité les participants à dessiner leur ruelle. Ces croquis ont été utilisés comme support visuel. En plus d’illustrer la perception du participant, ils ont servi de relance durant l’entrevue afin d’indiquer les parcours ou les endroits importants dans la ruelle. Ils ont également permis de traduire la perception personnelle de l’espace pour chacun des participants :

Dessiner les cartes est indubitablement la marque d’un pouvoir à conceptualiser les relations spatiales. […] L’habileté cartographique présuppose non seulement un talent pour l’abstraction et la symbolisation de la part du cartographe primitif, mais également un talent comparable chez la personne qui regarde la carte, parce qu’elle doit savoir comment traduire des lignes irrégulières et des points dans le langage du terrain réel. (Tuan, 2006 : 81)

Avec les commentaires émis par les participants au cours de l’entrevue, les croquis participent à la construction du discours nous permettant de saisir et d’interpréter la relation du participant à son environnement.

Enfin, après chaque entrevue, nous avons demandé au participant de nous faire faire une visite commentée de sa ruelle. D’être sur les lieux mêmes stimulait les sens des participants, qui ajoutaient des informations significatives durant la visite. D’autres chercheurs, qui ont également utilisé une méthode semblable, ont permis d’établir la pertinence d’une telle démarche. Dans le cas de Raymond Ledrut, il s’agissait toutefois de photographies plutôt que du lieu comme tel, ce qu'il appelle un questionnaire photographique :

Cette technique repose sur le commentaire de photographies représentant des lieux urbains diversement caractérisés. [...] Les réponses aux questionnaires-photos n'étaient pas des récits pouvant être considérés isolément: elles ne développaient aucun thème, elles ne racontaient aucune histoire. C'était seulement de brèves réactions verbales à un stimuli complexe, des associations sommaires entre des “images” et des formulations simples réduites souvent à quelques mots. Les commentaires qui répondent au message visuel le “traduisent” et font ainsi appel à un code verbal. Ce sont des “lectures”, des interprétations. (Ledrut, 1973 : 197, 199)

En circulant dans le lieu, ce sont tous les sens qui étaient stimulés, et non seulement la vue comme dans le cas d’une photographie ; nous avons pu bien saisir l’ambiance du lieu, autant selon notre perception en tant que chercheure, mais également et surtout selon les commentaires et remarques des participants.

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1.3.1.1LA SÉLECTION DES PARTICIPANTS

Les entretiens ont été effectués au cours de l’été et à l’automne 2013, en grande majorité au mois de juillet, le dernier ayant toutefois été réalisé au mois d’octobre de la même année. Notre technique de recrutement a d’abord consisté à contacter l’Écoquartier de RPP pour faire part de notre projet et demander de faire circuler notre annonce, par laquelle nous invitions les résidents à témoigner de leur expérience de vie dans la ruelle5. Le personnel de l’Écoquartier a été enthousiasmé et nous a proposé une rencontre avec un des responsables des ruelles vertes. Notre première entrevue s’est donc déroulée avec ce dernier qui a, par la suite, fait suivre notre invitation à différents comités de ruelles vertes. Nous avons alors eu plusieurs réponses montrant également un grand enthousiasme. En tout, cinq participants sont entrés en contact avec nous par l’entremise de l’Écoquartier. D’autres ont aussi manifesté leur intérêt par ce moyen, mais nous avons choisi de limiter le nombre de participants habitant aux abords des ruelles vertes pour une meilleure représentation. La sixième informatrice nous a été référée par une des participantes que nous avions déjà rencontrée. Ayant par la suite été invitée par l’Écoquartier à l’inauguration d’une ruelle verte, nous avons communiqué avec le septième informateur qui, bien qu’il ait accès à une ruelle verte, ne faisait pas partie du comité qui y est relié. Nous avons été dirigée vers la huitième informatrice par notre directrice de recherche et mis en contact avec les quatre derniers informateurs par des connaissances communes. Nos neuvième et dixième participants ont été recrutés au moyen d’affiches installées dans l’arrondissement. Trois appels ont été reçus suite à l’installation de ces affiches, mais pour des raisons de représentativité, nous avons choisi de garder les deux premiers seulement, le troisième semblant avoir le même profil que d’autres participants déjà rencontrés. Ainsi, neuf participants n’ont pas une ruelle verte adjacente à leur domicile, contrairement aux cinq autres rencontrés. À l’image de l’arrondissement, bien qu’il s’agisse d’un des quartiers de Montréal regroupant un très grand nombre de ruelles vertes, celles-ci sont beaucoup moins nombreuses que les ruelles « ordinaires » ou « normales », telles que qualifiées par les participants.

Les entrevues ont donc été effectuées auprès de quatorze informateurs et ont duré 1h-1h15 en moyenne6. Certains entretiens ont toutefois été plus courts, soit 20 minutes, par manque de temps pour les participants ou en raison de la concision des réponses. À la fin de chaque entretien, nous avons procédé aux visites des ruelles, de durées variables et non comptabilisées.

5 Voir Annexe A, p.123 pour l’annonce de recrutement. 6 Voir Annexe B, p.124 pour le plan d’enquête.

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Les informateurs retenus s’étant présentés sur une base volontaire, leur échantillonnage n’est pas nécessairement représentatif de la population recensée dans l’arrondissement. Les familles sont surreprésentées dans notre échantillon par rapport aux ménages constitués d’une seule personne. Cette particularité tend à corroborer notre hypothèse selon laquelle les familles tendent davantage à s’approprier la ruelle et sont par le fait même plus intéressées à en parler. Malgré la taille très restreinte de notre échantillon (14 participants), nous avons porté une attention particulière à la représentativité de nos informateurs, nous assurant qu’ils avaient des profils démographiques variés et que leurs lieux de résidence étaient bien répartis dans l’arrondissement.

Les participants ont été sélectionnés selon des critères préétablis. Ils devaient habiter le quartier Rosemont–La Petite-Patrie7 depuis au moins deux ans. Outre cette durée minimale, le nombre d’années de résidence devait être varié entre les participants. En effet, quatre informateurs habitent RPP depuis moins de cinq ans, cinq autres entre cinq et dix ans, une depuis 15 ans, alors que les quatre derniers y habitent depuis plus de 20 ans, un ayant même toujours habité sur la même rue, soit depuis 80 ans. Six des participants sont locataires, alors que six autres ménages8 sont propriétaires. Suivant cette observation, il peut être intéressant de considérer que, selon les statistiques démographiques (Ville de Montréal, 2009 : 6), 75 % des citoyens de RPP sont locataires. Cette proportion n’étant pas respectée dans notre groupe de participants, il pourrait être valable de dégager un élément d’analyse de cette observation. En effet, peut-on observer une différence entre l’intérêt des propriétaires et des locataires pour leur ruelle? Les participants, qui ont tous plus de 18 ans, sont d’âges variés. Sept d’entre eux ont entre 40 et 65 ans, un participant a 80 ans et les six autres ont moins de 35 ans. Dans l’arrondissement RPP, la majorité de la population du quartier ayant entre 25 et 35 ans, ces derniers, sans composer la majorité de la sélection de participants, sont assez bien représentés (Ville de Montréal, 2009 : 3). Cet éventail a alors permis de prendre en compte les expériences antérieures des participants quant à leur

7 Ce secteur de la ville est entouré des quartiers Plateau-Mont-Royal et Mercier–Hochelaga-Maisonneuve au sud et au

sud-est, Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension et Saint-Léonard au nord. Il a également une petite frontière commune avec Outremont à l’ouest. Bref, le quartier Rosemont-La Petite-Patrie se trouve au centre de l’île de Montréal. Selon le site de la Ville de Montréal, 133 618 personnes résident dans l’arrondissement, d’une superficie de 14,4 km2. On y

retrouve la Petite Italie avec le marché Jean-Talon, le Parc olympique, le Jardin botanique et l’Insectarium de Montréal, le cégep Rosemont, les stations de métro Rosemont et Beaubien, ainsi que de nombreux parcs. Différentes communautés culturelles habitent le quartier, notamment les Italiens dans l’ouest près du marché Jean-Talon et les Ukrainiens tout près du cégep Rosemont (Ville de Montréal, 2013).

8 Comme trois informateurs résident sous le même toit, nous les avons comptabilisés ensemble pour cette

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vie dans les ruelles. Enfin, les personnes que nous avons rencontrées ont des occupations diverses pour ce qui est de leurs emplois et leurs loisirs9.

1.3.2 AUTRES SOURCES

En plus d’avoir recueilli des informations au moyen d’une enquête de terrain, nous sommes restée alerte aux témoignages de divers internautes et journalistes qui partagent leur expérience des ruelles. Ces récits n’ont pas tous pour objet RPP, mais nous supposons que l’expérience des ruelles ne devrait pas connaitre de différence significative selon les arrondissements, qui sont des limites, nous les prendrons donc en considération comme sources tierces.

Dans un premier temps, nous nous pencherons sur les médias. Grâce à ceux-ci, nous en sommes venue à apprendre l’existence des ruelles blanches. En effet, à l’hiver 2013, certains médias ont publié des articles et des reportages à propos de cols bleus venus épandre du sel et du sable sur des patinoires de ruelles (Despaties, Radio-Canada, 2013; Marchal, Journal Métro, 2013). Ces patinoires se trouvaient dans l’arrondissement Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension. Depuis, les autorités ont permis l’aménagement de ruelles blanches (Corriveau, Le Devoir, 2013), l’arrondissement de RPP ayant même produit un guide pour accompagner les citoyens dans la réalisation de ces installations en toute sécurité. Les ruelles blanches peuvent ainsi comporter des patinoires, glissades ou encore des forts (Écoquartier – RPP, 2014).

D’autres articles nous permettent d’en savoir plus sur les ruelles vertes dont « Vert, l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie » (Gobeille, Le Devoir, 2013) qui traite directement des ruelles vertes et des initiatives de l’arrondissement pour le verdissement. Il dresse le bilan de la situation, en date du 17 août 2013. D’autres articles portant sur des ruelles d’autres arrondissements traitent de la réflexion qui mène à l’installation d’une ruelle verte (Fortier, Le Devoir, 2013). La plupart de ces articles portent sur Montréal, en lien direct avec notre sujet de recherche. Pourtant, nous observons qu’à Québec, la ruelle occupe également les esprits, le concept de ruelle verte gagnant la faveur de plusieurs. Les objectifs sont les mêmes : réduction des îlots de chaleur et verdissement du quartier. Dans la Capitale, il s’agit principalement des ruelles du quartier Limoilou, que l’on compare à Montréal dans l’article « Ruelles : Montréal 1, Limoilou 0 » (Porter, Le Devoir, 2013). La situation dans Limoilou est toutefois différente

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puisque la propriété des ruelles semble plus ou moins établie (Gall, Le Soleil, 2013). Malgré tout, ceci n’empêche pas les résidents d’organiser des événements comme des ventes de garage dans les ruelles du quartier (Radio-Canada, 2013).

Enfin, une source d’information non négligeable sur les ruelles provient de blogues personnels. Nous en avons recensé quelques-uns qui témoignent d’une certaine activité dans le lieu et un attachement à celui-ci. En effet, « Quand la ruelle était un fabuleux terrain de jeux » (Lévesque, 2014) sur le blogue MonLimoilou.com, « Dans ma ruelle » (2011) du blogue Tribulations d’une Française à Montréal ainsi que « Enfant de la ruelle » (Bernier-Genest, 2013) de C’est toi ma ville, un regard sur Montréal traitent de ce qui se produit ou se produisait dans une ruelle. Le premier et le dernier texte sont surtout composés de souvenirs des auteurs qui ont utilisé les ruelles dans leur jeunesse, alors que le deuxième texte comporte les observations actuelles que fait l’auteure. Le dernier blogue s’intitule Vie de ruelle (2013) et est un lieu d’échange pour les résidents de la ruelle « Rocheville » entre les rues de la Roche / de Normanville / Saint-Zotique / Beaubien se trouvant dans l’arrondissement RPP. Sur le blogue, deux citoyens publient des invitations à différents événements se rapportant à la ruelle, par exemple une épluchette de blé d’Inde ayant eu lieu en septembre 2013. Cette ruelle n’a pas fait partie de l’enquête et n’est pas une ruelle verte dans le sens où l’entend l’arrondissement.

CONCLUSION

Les assises de la recherche dessinées, le sujet étant situé dans la littérature scientifique, la question de recherche ayant été posée et les hypothèses émises, il nous a été possible de déterminer les balises méthodologiques idéales pour une telle recherche. La question de recherche constituera notre fil directeur pour la suite afin d’y répondre de manière concise et précise. Nous pouvons dès alors nous pencher sur ce qu’est la ruelle montréalaise, situer le cadre de notre recherche dans l’espace montréalais, en plus de présenter plus spécifiquement chacun des participants à la présente étude.

(33)

21

CHAPITRE 2 : DRESSER LE PORTRAIT DE SON ENVIRONNEMENT

2.1

R

OSEMONT

-L

A

P

ETITE

-P

ATRIE

2.1.1

C

ONTEXTE GÉOGRAPHIQUE ET HISTORIQUE

L’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie est situé au centre de l’île de Montréal. Il est entouré des arrondissements Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension au nord, Mercier–Hochelaga-Maisonneuve au sud et à l’est, Plateau-Mont-Royal au sud et Outremont à l’ouest. L’arrondissement est séparé en trois quartiers, soit Petite-Patrie à l’ouest, le Vieux-Rosemont au centre et le Nouveau-Rosemont à l’est (Ville de Montréal)10.

Dès le XVIIIe siècle, on commence à exploiter les carrières de calcaire autour de ce qu’on appelle à l’époque la Côte-de-la-Visitation. En 1865, il y a création de la paroisse du même nom et moins de dix années plus tard, y réside une soixantaine de familles autour de ce que l’on appelle aujourd’hui le boulevard Rosemont. Rapidement, on inaugure la voie ferrée qui sépare la paroisse des autres plus au sud. En 1895, la Côte-de-la-Visitation devient le village de Petite-Côte avant d’être annexé à Montréal, en trois étapes entre 1905 et 1910, et de prendre le nom de Rosemont. L’arrivée du tramway favorise également l’installation de nouveaux résidents (Société historique de RPP).

En 1902, la compagnie ferroviaire Angus s’installe dans les environs et sera très importante pour le quartier, triplant la population de Rosemont grâce au travail des promoteurs qui suivent l’installation de l’usine. En effet, les shops Angus emploient jusqu’à 11 000 personnes pendant les deux guerres mondiales alors qu’on y construit des obus lors de la première et des chars d’assaut lors de la deuxième (Nadeau, 2009 : 157, 165). Dans le cadre des activités régulières, on y construit 1 056 locomotives jusqu’en 1944, dont on fait l’entretien jusqu’en 1960. Les ateliers construisent surtout des wagons pour passagers comme pour le transport de marchandises. Les shops Angus fermeront définitivement en 1992 (Ville de Montréal).

L’entreprise Rosemount Land and Improvement Company est chargée de développer les terrains au nord de l’usine au moment où celle-ci s’installe au début du XXe siècle. Ucal H. Dandurand est directeur et représentant de l’entreprise (Nadeau, 2009 : 49). Il développe dans le quartier la technique de la vente à tempérament, promettant des profits rapides aux acheteurs (Linteau, 2000 : 154). Il prévoit dans son plan de lotissement 2 553 lots à vendre d’une même grandeur, soit 25 pieds de largeur et 75

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