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CHAPITRE 3 : VIVRE LA RUELLE AU QUOTIDIEN

3.1 L A RUELLE ET LES JOURS

3.2.1 JEUX DES ENFANTS

Des quatorze participants à la présente recherche, sept ont fréquenté les ruelles de Montréal étant enfants, neuf ont des enfants qui ont fréquenté ou qui fréquentent toujours les ruelles et les autres témoignent de la présence des enfants. Ceux-ci animent et vivent la ruelle. Certains participants soutiennent que leur motivation principale à fréquenter la ruelle est la présence d’un terrain de jeux pour leurs enfants. Ceci se traduit par l’observation d’YB : « La majorité des gens ne viennent pas dans la ruelle. Mais parmi ceux qui utilisent la ruelle, majoritairement ce sont de jeunes familles. » (YB, Entrevue, 2013 : 10:54 à 11:05). On note également l’établissement, parmi les résidents, d’un centre, un « point névralgique » de la ruelle. Il s’agit d’un espace où les enfants se rejoignent et autour duquel gravitent leurs jeux. Dans la plupart des ruelles, on peut identifier un tel espace, qui ne s’agit pas nécessairement du centre géographique de celles-ci. Parfois, la présence de bancs et de jouets laissés dans la ruelle nous permet de l’identifier physiquement, même lorsque les enfants ne sont pas présents. Les enfants y vaquent à différents jeux et occupations. La « tag », la cachette, le ballon (tous types : basketball, soccer, ballon chasseur, etc.) et la bicyclette sont les plus populaires, à toutes les époques

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abordées avec les participants40. Parmi les autres jeux des enfants, les participants ont nommé le badminton, les dessins à la craie, les courses, le hockey, le moineau41, la trottinette, le baseball, mais aussi les jeux de rôles, les mauvais coups et les discussions. Comme abordé plus tôt, les enfants utilisent beaucoup la ruelle les soirs de semaine et la fin de semaine. Toutefois, « il n’y a pas de rendez-vous pour jouer à un jeu précis. » (RG2, Entrevue V2, 2013 : 06:19 à 06:27). En effet, il semble que les enfants sortent dans la ruelle et jouent avec les voisins qui sont présents, parfois même ils vont frapper aux portes pour aller chercher leurs amis. La sortie dans la ruelle est donc une activité improvisée, comme les jeux qui y sont effectués.

La ruelle devient « comme une extension commune » (RG2, Entrevue V1, 2013 : 06:56). RG1 qualifie la ruelle de son enfance d’« endroit vraiment spécial », comme une extension de sa cour et qui devient la cour commune de tous. Pour GD, qui a grandi dans une ruelle d’un quartier ouvrier :

Dans ces quartiers-là, populaires, la ruelle c’est le seul terrain de jeux que t’as. Il n’y en a pas d’autres, c’est ton terrain de jeux, tu vas pas aller jouer dans la rue. Ta mère te donne même pas la permission, elle te dit va jouer dans la ruelle, parce qu’elle te voit, elle t’entend aussi les portes ouvertes l’été. Nous autres on a été élevés comme ça, jouer dans la ruelle, c’était super cool. (GD, Entrevue, 2013 : 40:40 à 41:03).

La ruelle devient donc le lieu idéal à proximité et avec un espace ouvert pour les jeux communs des enfants qui l’habitent : « C’était le terrain de jeux idéal » (GL, Entrevue, 2013 : 19:52). RG1 nous raconte avoir été surpris, lorsqu’il était petit, de ne pas voir de ruelle dans le quartier Saint-Léonard, demandant à ses amis comment ils pouvaient alors jouer avec leurs amis du quartier s’ils n’avaient pas cet espace commun. GL se souvient que lorsqu’il était petit, il y avait plusieurs « gangs » de jeunes composées de sept ou huit personnes qui parfois se mélangeaient pour faire des jeux à plus grande échelle comme la cachette dans les hangars à charbon. Toutefois, il semble que ce genre de situation est de plus en plus rare. Beaucoup de participants mentionnent qu’ils ont observé une baisse de fréquentation de la ruelle dans les années 2000. « Il y a moins d’enfants aujourd’hui. Il a été un temps où les familles, c’était cinq, six enfants. Dans la ruelle, il y avait de l’action beaucoup. » (GL, Entrevue, 2013 : 19:44 à 19:52). Dans les dernières années toutefois, il semble que de nombreuses jeunes familles se soient installées dans l’arrondissement et que les enfants commencent à être assez vieux pour jouer dans la ruelle. C’est ce qu’observent et confirment plusieurs participants. En effet, l’âge moyen varie d’une ruelle à l’autre,

40 En effet, ces jeux sont mentionnés par GL qui a joué dans sa ruelle dans les années 1930-1940, ainsi que par presque

tous les autres participants ayant fréquenté les ruelles dans les années 1970, 1980, 1990 et 2000. Il semble que ces jeux soient indémodables.

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mais beaucoup parlent d’enfants entre trois et huit ans, avec quelques plus vieux de dix à 14 ans. Lorsqu’ils vieillissent, il semble que les enfants agrandissent leur terrain de jeux et commencent à se promener plus loin dans le quartier. La ruelle devient un espace limité au goût des adolescents, mais même des plus jeunes comme le précise RG2, qui a des enfants de cinq et huit ans. Selon lui, la ruelle suscite principalement l’intérêt des enfants d’entre trois et sept ans alors qu’elle possède encore pour eux une certaine part « d’exotisme ».

Enfin, il est intéressant de noter qu’aucun des participants n’a mentionné les conflits entre les enfants. Seul LB a mentionné la présence d’un enfant difficile dans une ruelle voisine à la sienne. Toutefois, nous pouvons supposer que ces conflits existent dans les ruelles à l’étude comme ils existent probablement dans la vie quotidienne de ces enfants.

3.2.2

F

ILMS

Dans certaines ruelles, les voisins organisent différentes activités, dont le visionnement de films. Les exemples mentionnés par les participants ont lieu une à deux fois par été et sont organisés par un ou plusieurs résident(s). Ils se procurent un projecteur, installent une toile ou un drap blanc pour faire la projection et apportent chaises ou couvertures ainsi que des bonbons ou du maïs soufflé. Dans la ruelle Christophe-Colomb / de la Roche / Jean-Talon / Bélanger, CBD fait partie du petit groupe de résidents qui se rassemblent pour faire plusieurs activités organisées dans ce lieu commun. Dans les soirées cinéma de cette ruelle, il peut y avoir jusqu’à 50 personnes qui se déplacent à l’espace de stationnement du Syndic de faillite au milieu de la ruelle, où se déroule la projection. Dans la ruelle de LB, la projection de film est intégrée à la fête de la ruelle.

Les autres participants qui ont témoigné d’activités de cinéma ont précisé que les visionnements ne se font pas dans leur propre ruelle, mais à proximité. HL indique que c’est plutôt dans la ruelle voisine que l’organisateur les invitait à se joindre à eux. La soirée mettant à l’honneur des films de l’ONF, ils commençaient par des films pour les enfants et continuaient avec des films pour les plus vieux quand les enfants s’endormaient. CV témoigne d’un festival de cinéma dans la ruelle Alma (de Gaspé / Alma / Saint-Zotique / Beaubien) où il y a visionnement tous les mardis soir des mois de juillet et août. On

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y présente des documentaires qualifiés de « politiques », selon l’événement Facebook qui y est dédié42, en présence des réalisateurs des films au programme.