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CHAPITRE 2 : DRESSER LE PORTRAIT DE SON ENVIRONNEMENT 2.1 R OSEMONT L A P ETITE P ATRIE

2.1.4 LES RUELLES DE ROSEMONT-LA PETITE-PATRIE

Le quartier s’étant principalement développé selon la méthode des damiers, les quadrilatères sont presque tous faits de la même manière. En effet, bien que l’on note certaines différences dans l’un ou l’autre (les terrains sont plus petits vers l’ouest et on y trouve moins de verdure, alors qu’il y a plus d’espaces verts et plus de maisons unifamiliales dans le Nouveau-Rosemont), on peut observer une constante, soit la présence d’une ruelle, dans la très grande majorité de ces quadrilatères.

Au fil du temps, les ruelles et ce qui les entoure ont fait l’objet de différentes initiatives pour les rendre plus agréables selon les critères de l’époque. C’est notamment le cas lors du bétonnage des ruelles13 dans les années 1960 ou encore de l’opération pour la destruction des hangars. Ces derniers étaient très nombreux jusque dans les années 1980 et représentaient un danger d’incendies. Plusieurs informateurs s’en souviennent : pour HL, ils étaient synonymes de gris, d’épeurant, de nid à feu, alors que, petit, GL allait y jouer à la cachette. Principalement à cause des risques d’incendies, la Ville de Montréal a alors lancé les projets « Opération Tournesol » et « Place au Soleil » dans les années 1970 et 1980. Le premier projet subventionnait la démolition des hangars et le deuxième le réaménagement des espaces vides pour planter des arbres et de la verdure (Stafford, 1985 : 2-3).

2.1.4.1LES RUELLES VERTES

13 Cet aménagement était considéré à l’époque comme positif, puisqu’il limitait la création de boue en cas de pluie et

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Plus récemment, ce sont les projets de ruelle verte qui semblent avoir gagné en popularité. Ce genre d’initiative est sous la responsabilité de la SODER, dont nous avons rencontré deux employés dans le cadre de cette recherche. RG1 et FS sont chargés de projet en verdissement et s’occupent de l’implantation des nouvelles ruelles vertes. Ils sont tous les deux de nouveaux employés de l’année 2013, mais ont déjà quelques semaines d’expérience avec les comités.

La ruelle verte est « un endroit aménagé pour recevoir de(s) plantes vivaces, arbres et arbustes. Les plantes indigènes sont privilégiées. Différents aménagements peuvent compléter les plantations : murales, nichoirs, composteurs, bacs de récupération d’eau de pluie. » (Éco-quartiers, 2014). Selon Paul-Antoine Troxler, directeur général d’Éco-quartier Peter-McGill, il y a une possibilité de 4 000 ruelles vertes dans toute l’île de Montréal (Perrault, Voir.ca, 2010). La plupart des ruelles vertes de RPP ont été implantées en 2011 et 2012 et seulement un petit nombre l’a été auparavant. 2013 est la plus grosse année avec la réalisation de 16 nouvelles ruelles et quatre en phase deux. À la fin de l’été 2013, on compte 49 ruelles vertes dans l’arrondissement14.

Dans RPP, on s’est doté d’outils précisant les objectifs à atteindre à deux niveaux : dans un premier temps, la politique pour la réduction des îlots de chaleur et la politique concernant les ruelles vertes (Ville de Montréal, 2014). Dans la première on prévoit, entre autres résolutions, l’installation de dix nouvelles ruelles vertes par année. Dans la deuxième, on reconnaît les bienfaits environnementaux et sociaux des ruelles vertes. On y identifie « la réduction des îlots de chaleur, l’amélioration de la qualité de l’air, une meilleure gestion des eaux pluviales, l’enrichissement du paysage et de la biodiversité végétale et le renforcement du sentiment de sécurité et d’appartenance au quartier. » (Ville de Montréal, 2014).

Le processus d’implantation d’une ruelle verte comporte plusieurs étapes, mais il faut savoir qu’il naît toujours d’une initiative citoyenne. Ce n’est qu’à la suite d’une demande d’un résident qu’un projet de ruelle verte peut être amorcé. Dans un premier temps, les gens intéressés établissent un comité de la ruelle formé de résidents et de voisins. Ce comité doit alors monter un dossier avec photos, énumérant les enjeux de la ruelle et expliquant la raison de la demande et les avantages à choisir leur ruelle. Il peut également y avoir une rencontre d’information dans la ruelle, s’il y a une demande. Avec le dossier, le comité doit soumettre une pétition représentant au moins 51 % des logements du quadrilatère. On compte ici une signature par adresse, peu importe le nombre de résidents dans le logement. Dans le

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cas où le comité envisage un blocage partiel de la ruelle (dans une ruelle à quatre entrées et où on bloque une ou deux voies d’accès), le comité doit recueillir 75 % de signatures et 100 % s’il envisage un blocage complet de la ruelle. En 2013, la SODER avait un budget pour mettre en place 16 nouvelles ruelles vertes, tandis que plus d’une trentaine ont soumis un dossier. Il a alors fallu faire une sélection sur la base du taux de mobilisation, du nombre de signatures et de l’effet escompté sur les îlots de chaleur.

Une fois que la ruelle est sélectionnée, la SODER étudie le projet et soumet un plan des potentiels où ont été identifiés tous les lieux où l’on pourrait excaver une plate-bande en tenant en compte des entrées de stationnement et autres éléments physiques. Dans le cas où aucun blocage ne vient changer l’accès à la ruelle, on doit garder une largeur de 3,5 mètres pour permettre ce passage et ce, partout dans la ruelle. Dans le cas d’un blocage complet, cette largeur n’a pas à être respectée et, dans un blocage partiel, elle doit l’être dans les parties de la ruelle où se trouvent des entrées de stationnement. Par contre, il doit y avoir en tout temps une largeur dégagée permettant le passage d’un fauteuil roulant, soit 1,5 mètre. Le plan est soumis à tous les résidents, qui sont convoqués à trois consultations où les demandes ou restrictions sont prises en compte, diminuant ainsi le nombre de plates-bandes réellement excavées. La restriction la plus souvent évoquée est celle de l’espace nécessaire pour entrer et sortir des entrées de stationnement : les rayons de braquage. De nombreuses plates-bandes sont éliminées pour cette raison, parfois un peu trop selon CBD, participante à la recherche. Lors de la troisième concertation, des marquages sont faits au sol pour identifier les lieux des plates-bandes. Parfois, des ajustements sont apportés pour diminuer ou supprimer une plate-bande. La prise de décision est une étape qui n’est pas aisée pour plusieurs résidents, notamment pour les locataires qui ne veulent pas prendre de décisions sans consulter le propriétaire de leur habitation. Or, avec le programme des ruelles vertes, la Ville de Montréal autorise les citoyens, locataires comme propriétaires, à décider de ce qui se déroule sur son territoire. Un autre défi de la SODER est l’indifférence de certains résidents. Ces derniers n’ont parfois tendance qu’à s’opposer lorsqu’ils voient des marques au sol ou encore la machinerie qui s’apprête à excaver alors qu’ils n’ont pas voulu prendre part aux discussions. Ces gens ne se déplacent pas pour les consultations, mais exigent des annulations ou des changements à la dernière minute, compliquant de beaucoup l’étape de l’excavation effectuée par les employés de la compagnie Pousse-Urbaine qui travaillent pour la SODER. Le coût des excavations est assumé par l’arrondissement et voté en conseil d’arrondissement.

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Une fois les plates-bandes excavées, il est de la responsabilité des résidents de les planter et de les entretenir. Dans les dernières années, la SODER était en mesure, à l’aide d’une subvention de Desjardins, de fournir les végétaux pour toutes les plates-bandes. En 2013, cette subvention a beaucoup diminué, ne permettant plus à la SODER de faire une telle chose. Cette situation a d’ailleurs engendré quelques frictions avec l’un des comités. Malgré tout, il existe plusieurs moyens de se procurer des plantes gratuitement lors de la distribution municipale qui offre des annuelles et des vivaces, où chacun a droit à un certain nombre de plantes, en présentant simplement une preuve de résidence. De plus, en tant que groupe communautaire, le comité de la ruelle a droit à une autre distribution municipale par Accès Montréal. Certains groupes se procurent eux-mêmes les plantes dans les pépinières ou ailleurs. En plus des végétaux, certains résidents décorent également leur plate-bande en ajoutant des pierres ou des petits murets pour la personnaliser ou encore la protéger des voitures et des passants.

L’entretien des plates-bandes est ensuite un enjeu important des ruelles vertes. À la SODER, une employée, agente de mobilisation, est responsable de faire le suivi avec les comités de ruelle. Lors des consultations, RG1 et FS doivent identifier un résident qui s’engage à entretenir chaque plate-bande. Ils veulent éviter que toutes les plates-bandes soient parrainées par un ou deux membres du comité, le but étant que la charge soit partagée pour assurer un entretien sur le long terme. Par ailleurs, certains résidents exigent de très grandes plates-bandes, comme c’est le cas dans la ruelle 6e avenue / 7e avenue / Dandurand / Masson, mais ne réussissent pas à s’en occuper adéquatement. Dans ce cas-ci, un résident a demandé une plate-bande étroite, d’environ un pied et demi par 50 pieds (0,5 m sur 15,2) qui ne contient que cinq petits arbustes à une extrémité, le reste étant simplement rempli de terre où on peut même voir des traces de roues.

En 2013, pour la première année, la SODER a également offert à certains comités de ruelles vertes établies dans les années précédentes de faire des bonifications en ajoutant des plates-bandes ou du mobilier comme des bancs ou des bacs. Quatre ruelles ont ainsi fait l’objet de bonifications en 2013. On l’a vu, l’un des objectifs des ruelles vertes est le renforcement du sentiment de sécurité et d’appartenance au quartier. C’est effectivement ce que soutiennent RG1 et FS, qui identifient cependant quelques effets des ruelles vertes. Le fait de créer un tel projet peut favoriser les échanges dans la ruelle, tout en permettant aux conflits de refaire surface. FS compare la ruelle à un catalyseur qui permet un mélange et un partage de connaissances. Toutefois, certains ne veulent pas discuter avec

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leurs voisins, prenant la SODER à témoin. RG1 et FS se retrouvent alors dans la position inconfortable de médiateurs.

2.2L

ES RUELLES

Dans le cadre de la présente recherche, les entrevues qui ont été réalisées ont permis de découvrir, grâce à 14 informateurs, 24 ruelles différentes de RPP15. Elles seront ici présentées et divisées en deux catégories. Dans un premier temps, nous nous pencherons sur les 12 ruelles qui constitueront le corpus d’analyse principal. Ces ruelles sont toutes identifiées à un informateur, nous permettant d’en dresser le portrait. Ensuite, les 12 ruelles restantes nous fournissent des informations complémentaires et des précisions sur différents thèmes abordés par les informateurs. Enfin, d’autres témoignages provenant d’articles, de blogues ou de films compléteront la présentation de nos sources.

Dans tous les cas, les ruelles seront identifiées de la manière qu’elles le sont à la SODER, c’est-à-dire en identifiant les rues : ouest-est-nord-sud. Les informateurs seront désignés par leurs initiales, par respect pour la demande de certains d’entre eux de rester anonymes. Toutefois, deux informateurs ayant les mêmes initiales, un chiffre (1 ou 2) a été ajouté à celles-ci pour nous permettre de les différencier.