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CHAPITRE 3 : VIVRE LA RUELLE AU QUOTIDIEN

3.1 L A RUELLE ET LES JOURS

3.3.1 L’AMÉNAGEMENT STANDARD DES RUELLES DE RPP

Dans le cadre de l’enquête de terrain, nous avons visité plusieurs ruelles qui ne sont pas vertes selon les critères établis par la ville et pour lesquelles, lorsqu’il était question d’aménagement, les participants ont principalement mentionné des éléments se trouvant dans les cours des voisins. Nous trouvons alors les cordes à linge, hangars, clôtures et stationnements, qui reviennent de manière récurrente au cours de l’enquête, tant dans les ruelles vertes que les autres.

Les cordes à linge sont bien présentes dans le paysage et l’imaginaire montréalais et nous avons pu en observer dans toutes les ruelles visitées. Leur présence s’entend et se voit, en plus de dévoiler une partie de l’intimité des voisins. YB en a installé une de son balcon, malgré le fait que son propriétaire n’aime pas l’objet. Utiliser sa corde à linge est, pour lui, un plaisir lui permettant de profiter de sa ruelle, tandis qu’il souligne que « c’est un actif d’une ruelle » (YB, Visite, 2013 : 00:27). LG est d’avis que la présence

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de cordes à linge réfère à une autre époque : « Il y a cet aspect-là que j’aime beaucoup aussi. Pour moi, Montréal, c’est des cours avec les anciens hangars puis les cordes à linge partout. Je trouve que ça fait très très Montréal, très ruelle de Montréal […]. Il y a quelque chose des années [19]50 qui est resté. » (LG, Visite, 2013 : 06:51 à 07:07). HL possédait également une corde à linge, mais elle a été désinstallée en raison de la croissance des arbres qu’elle a plantés dans sa cour. Elle utilise plutôt la corde à linge du logement du dessus où réside sa fille.

On note également la présence des hangars qui, à une certaine époque, ont été caractéristiques de la ruelle montréalaise. Il en reste peu aujourd’hui suite aux initiatives « Opération Tournesol » et « Place au Soleil » des années 1980 et dont il a été question dans le précédent chapitre. Les hangars – entièrement en bois – représentaient un grand risque d’incendie, coupaient bien souvent le soleil, en plus d’occuper beaucoup d’espace. HL déplore justement la présence de ces hangars parce qu’ils empêchent le soleil de se rendre dans les cours et limitent les espaces verts, tout en mentionnant le danger d’incendie qu’ils posent. Dans son ancienne ruelle, elle et son conjoint avaient fait enlever le leur. Le voisin de YB a récemment enlevé les deuxième et troisième étages de son hangar : « L’enlèvement du hangar a ajouté pour moi, de la lumière, mais pour l’allure générale de la ruelle, ça a enlevé une laideur. » (YB, Visite 2, 2013 : 03:01 à 03:12). Ces hangars sont donc peu appréciés de certains citoyens qui les qualifient de laids et de dangereux, et leur reprochent de couper la lumière. GL a toujours son hangar, qu’il a cependant modifié pour en faire une salle de séjour au rez-de- chaussée. Le deuxième étage du hangar a gardé sa fonction de rangement d’origine pour le locataire de l’étage. C’est d’ailleurs dans cette partie de la maison que s’est déroulée l’entrevue, pièce qui offre, selon lui, la meilleure vue de la ruelle. La présence du hangar lui permet de conserver une certaine intimité par rapport aux voisins qui habitent au nord. Pour GL, « [les ruelles] sont toutes construites de la même façon. Il y a les maisons, il y a une cour, des hangars, une place pour remiser tes biens. » (GL, Entrevue, 2013 : 29:42 à 29:49).

Les différents types de clôtures participent également à l’aménagement de la ruelle. Qu’il s’agisse des clôtures Frost standard, de celles avec des bandes de plastique intégrées ou camouflées dans une haie de cèdre ou de hautes clôtures en bois, la variété de ces équipements est très vaste. Les grandes clôtures comme les hautes haies de cèdres cachent les cours des résidents, leur procurant une grande intimité, alors que les plus petites gardent une ouverture vers la ruelle et les passants. Selon plusieurs participants, de plus en plus de grandes clôtures suggérant une fermeture par rapport aux voisins et aux relations avec ceux-ci sont installées dans leurs ruelles, ce qui n’est pas nécessairement pour leur

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plaire. Les participants s’entendent pour avancer que les propriétaires de ces clôtures sont plus refermés sur eux-mêmes. Dans la ruelle chez GL, on observe de grandes clôtures dans la section sud, où il nous informe qu’il y a beaucoup d’Italiens. Pour lui, le fait d’avoir construit de grandes clôtures s’explique par le besoin de se protéger et se cacher alors qu’à son goût, il est intéressant de voir son espace, mais aussi au-delà de celui-ci comme pour l’agrandir. HL estime qu’il est possible d’aspirer à une certaine intimité dans sa cour, mais qu’il est préférable de la créer au moyen de plantes et d’arbres. Sa cour est d’ailleurs pleine de verdure et la clôture Frost a complètement disparu sous les vignes. Pour elle, l’utilisation de plantes est plus conviviale, ne fermant pas complètement les possibilités de contact. L’ouverture sur la ruelle est aussi importante pour LG, qui avoue aimer regarder dans les cours de ses voisins et déplore que de plus en plus de résidents installent de grandes clôtures l’empêchant de satisfaire sa curiosité. KD commente plutôt l’uniformité des clôtures qui bloquent la vue, ce qu’elle n’apprécie pas non plus. D’autres participants ont eux-mêmes de grandes clôtures et n’ont pas fait de commentaires à ce sujet. C’est notamment le cas de RG2, qui a de grandes portes qu’il ouvre quand ses enfants jouent dans la ruelle afin de garder un œil sur eux. Sa clôture s’ouvre alors seulement lorsqu’il est présent. Dans sa ruelle, il note la présence de verdure, ici des tournesols, du côté extérieur de certaines clôtures : « C’était la première fois qu’on voyait un propriétaire chercher à aménager son terrain jusqu’à la limite de la ruelle. Parce qu’un peu partout ailleurs, il y a comme une zone grise. Il y a la clôture, mais de l’autre bord de la clôture, c’est comme pour tout le monde. » (RG2, Visite, 2013 : 01:11 à 01:33). Ainsi, l’apparence de la clôture est changée et la frontière qu’était celle-ci est éclatée par ces résidents qui profitent de chaque parcelle de leur terrain.

La présence de stationnements dans les ruelles est assez répandue. Dans toutes les ruelles visitées dans le cadre de cette recherche, nous avons pu noter la présence de ceux-ci. Dans certaines ruelles, on trouve des stationnements d’entreprises, mais également plusieurs privés. Beaucoup de résidents utilisent leur cour pour garer leur voiture et, par le fait même, transitent par la ruelle pour s’y rendre. Comme on l’a vu plus tôt, l’accès est alors un enjeu important dans la majorité des ruelles et il devient un sujet très sensible. La voisine de GL était méfiante au moment de nous rencontrer, pensant que notre présence était liée à l’installation d’une ruelle verte. Elle a finalement compris qu’il n’en était rien et s’est montrée beaucoup plus ouverte à la discussion par la suite. Pour GL et sa voisine, le fait d’avoir des stationnements dans leur cour permet de libérer des espaces de stationnement dans la rue, pour le bénéfice de tous les voisins des alentours.