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Les risques liés à la transparence de la procédure et de la sentence

d’Afrique de l’ouest

P- Paragraphe 2 : La considération néanmoins méfiante du mécanisme d’arbitrage investissement

2) Les risques liés à la transparence de la procédure et de la sentence

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Voir article 61 de la Convention de Washington du 18 mars 1965 portant CIRDI 372

Ainsi dans différentes affaires et procédures d’arbitrage CIRDI : « Les honoraires des avocats et des experts

vont de moins d’1millions de dollars (Patrick Mitchell c. République Démocratique du Congo, aff.CIRDI n°ARB/99/7, 9 février 2004) à 35 millions de dollars par partie( Libananco Hodings Co.Limited c. Turquie ,aff.CIRDI n°ARB/06/8, sentence, 2 septembre 2011). En moyenne, ils se situent aux alentours de 4 à 5 millions de dollars (ADC Affiliate limited et ADC& ADMC Management limited c. Hongrie, aff. CIRDI n° ARB/03/16, sentence, 2 octobre 2006, ou les frais de représentation de plus de 7 millions de dollars des demandeurs étaient raisonnables et se situaient d’après l’expérience des arbitres, dans la fourchette prévisible). Ces frais de représentation généralement plus élevés pour l’investisseur qui supporte la charge de la preuve, que pour l’Etat défendeur. Dans l’affaire Libananco c.Turquie , l’Etat a consacré aux honoraires de ses avocats 25 millions sur une dépense totale de 35 millions de dollars, contre 18 millions pour la demanderesse, sur une dépense totale de 25 millions de dollars, cela dans un arbitrage frauduleux , avec des dommages et intérêts en jeu chiffrés par la demanderesse à plus de 10 milliards de dollars », V. Heloise Hervé op cit.p.194 et 195

373« Dans l’affaire Plama consortium Ltd c. Bulgarie, la partie demanderesse a été condamnée à payer tous les

frais de procédure, y compris les honoraires et frais des arbitres, ainsi que les frais de représentation raisonnables de la partie défenderesse. En l’occurrence, le total des honoraires et frais des arbitres s’élevait à environ 804 000 dollars américains et les frais de représentation de la Bulgarie à sept millions de dollars américains », voir Nassib G. Ziade , « Les frais et dépens dans l’arbitrage CIRDI », in « CIRDI 45 ans aprèsBilan d’un systéme », SD de Ferhat Horchani , actes du colloque de Tunis 11, 12 et 13 mars 2010, Paris, Ed

Pedone, pp263-276, p.268

374Voir Robert-Cuendet S. « Crise ou renouveau du droit des investissements internationaux ? Réflexions sur

l’objet des mécanismes de protection des investissements étrangers » pp545-578 RGDIP tome 120, 2016 n°3 ed

A. Pedone p. 549 375

Voir Edoardo Stoppioni « La réparation dans le contentieux international de l’investissement Contribution à

107. Malgré les avancées réelles de l’arbitrage-institutionnel comme un moyen de régulation juridique des contentieux des investissements internationaux, beaucoup de critiques ont été adressées au CIRDI376. Déjà, le droit international demeure une matière très déséquilibré en faveur de l’investisseur et au détriment des Etats. Le CIRDI participe et renforce, d’une certaine manière, ce déséquilibre. Les pays d’Afrique de l’ouest sont, pour l’essentiel des pays en voie de développement (dépourvus de technologies, savoir-faire et épargne intérieur suffisamment important) pour amorcer leur décollage économique. C’est la raison pour laquelle, ils comptent sur le partenariat avec les entreprises étrangères et les immenses possibilités qu’offrent l’accueil et la contribution des investissements étrangers dans le développement socio-économique et l’attractivité des territoires. Même si la procédure de l’arbitrage CIRDI est gouvernée par le consentement377 réciproque pour la saisine, il faut dire, que dans les faits et en pratique378, seules les personnes morales, en l’espèce l’investisseur saisit le Tribunal379.

108. Peut-on se demander si la procédure n’est pas biaisée dès le départ ? En effet, les modes de constatation de la preuve ne sont pas suffisants (pas de déplacement sur le terrain/pays de la commission des manquements, agissements et omissions de l’investisseur ou les Etats) pour vérifier réellement la véracité de la prétention des parties. Certaines mesures prises par la puissance publique en vertu de sa Souveraineté et pour le compte de l’intérêt général, mais

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Outre la cherté de la procédure, à quelques exceptions près, les mêmes arbitres s’y relaient et last but not least, il y a toujours la toute-puissance des investisseurs qui abusent parfois de la procédure. Et parmi les acteurs de l’arbitrage-investissement : l’Etat est toujours défendeur dans la procédure. Il a aussi tendance pour se protéger de la procédure à multiplier les exceptions d’incompétence. La professeur Geneviève B. Burdeau n’hésite pas à dire à ce propos que le « CIRDI se trouve confronté à la stratégie des acteurs du système qui sont

essentiellement les investisseurs …, que les investisseurs ont quelquefois des stratégies assez perverses. De leur côté, les Etats, ont, eux une attitude qui est évidement différente, qui tient à leur position défensive dans l’arbitrage qui est essentiellement un arbitrage par requête unilatérale», voir Geneviève B. Burdeau , Rapport

de synthèse, in Le CIRDI 45 ans après Bilan d’un système SD de Ferhat Horchani Actes du colloque de Tunis 11,12 et 13 mars 2013, pp.429-443,pp438-439. Malgré sa légitimité comme enceinte de règlement des différends relatifs aux IDE, le « Centre » ne fait pas toujours l’unanimité : en effet, comme déjà évoqué, des pays d’Amérique latine tels la Bolivie, l’Equateur et le Venezuela ont dénoncé la Convention de Washington et s’en sont sont sortis en bonne et due forme. « La Bolivie avait initié le mouvement en notifiant à la Banque Mondiale

son retrait le 2 mai 2007. Deux ans plus tard, le 9 juillet 2009, la Bolivie sera suivie dans sa démarche par l’Equateur. Le Venezuela se joint enfin à cette action le 24 janvier 2012 », Voir Cazala (J.) la Dénonciation de la

Convention de Washington établissant le CIRDI, AFDI LVIII-2012-CNRS ED, Paris, pp.551-565, p.551 377

Voir Convention de Washington du 18 mars 1965 portant CIRDI art.36 378

L’une des innovations majeures de la Convention de Washington relative au CIRDI c’est la « reconnaissance expresse accordée à l’investisseur privé de saisir par requête le Tribunal arbitral » Cette position a été à l’origine du renforcement considérable de la protection juridique et judiciaire de l’investisseur étranger. Toutefois, aussi avancée soit –elle, cette position présente une faiblesse majeure dans le contexte actuel : le monopole de l’intérêt à agir et la qualité à agir par deux acteurs( l’Etat(s) et les entreprises) posent problème dans la mesure où les effets, parfois négatifs de l’investissement étranger, touchent certaines communautés du pays d’accueil de l’investissement, et que ces dernières ont un intérêt réel à agir pour saisir le Tribunal arbitral du fait des agissements d’un investisseur quelconque, mais, ils ne peuvent pas le faire. Ils ont un intérêt légitime, mais ils ont dépourvu de qualité pour ester devant la justice arbitrale. L’évolution des relations économiques internationales avec la prise en compte de facteurs et d’enjeux nouveaux (comme le réchauffement climatique, préservation du bien commun et du patrimoine de l’humanité) doivent pousser à une « recevabilité des requête » « plaintes groupées »s intentées par divers groupes ou communautés locales affectées par les pratiques néfastes de certains investissements sur leur environnement immédiat.

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Voir Saidou N. Tall L’arbitrage des différends avec les investisseurs privés étrangers : les États d’Afrique

qui heurtent « les attentes légitimes380 » de/des(l)’investisseur(s) ne sont pas à l’abri d’une procédure en bonne et due forme, en vertu de la Convention du 18 mars 1965. Il s’y ajoute que la procédure et le fond n’examinent pas toujours avec la profondeur requise certaines allégations de la part de pays faisant l’objet d’attrait devant le CIRDI du fait des mesures prises en cas de crise381. De même qu’il y a des défis concernant la garantie d’une procédure équitable, il y a pas mal de remarques à faire sur la/les Sentence382(s) prononcées par le Tribunal. Les sentences, certes dispensées d’exéquatur, ne sont pas définitives et son attaquables de différentes manières : Ainsi, il est consacré dans l’article 50 que celle-ci peut faire l’objet d’une « demande en interprétation adressée au secrétaire général383 », de l’article 51 : d’une « demande par écrit adressée au secrétaire général pour révision en

raison de la découverte d’un fait de nature à exercer une influence décisive sur la sentence384 » et même, l’article 52 « demander, par écrit au secrétaire général l’annulation

de la sentence pour …des motifs suivants385 ».

109. Les pays d’Afrique de l’ouest ont abondamment utilisés différentes demandes concernant la sentence. Les demandes concernent la révision386, mais aussi les plus utilisées

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La notion « d’attente légitime » montre le caractère évolutif des principes qui régissent le droit international des investissements, mais aussi, la protection accrue accordée à l’investisseur (à travers ce standard) pour lui permettre de jouir des fruits de son investissement. Pourtant, ce principe a une existence longue : « Ce concept

ancien appliqué par exemple en 1905 dans l’affaire Aboilard (S.A du 26 juillet 1905) (France c. Haïti ), RSA,vol.XI, p.80 : « Il y a eu (…) faute grave de la part du gouvernement lui-même, ont entrainé un préjudice dont réparation est due ») se trouve également dans la jurisprudence arbitrale contemporaine », voir Daillier,

P., Forteau M. et Pellet, A. Droit international public, 8e éd. LGDJ 2009, p.1217 381

C’est le cas de l’affaire opposant la Compania de Aguas del aconquija S.A. et Vivendi Universal (ex Compagnie générale des Eaux) c. République d’Argentine (2000) Affaire n°ARB/97/3, 3 juillet 2002 où le différend entre les parties a trait à l’interprétation et à l’exécution d’un contrat de concession signé en 1995 pour une durée de 30 ans relatif à l’exploitation du réseau de distribution et d’assainissement des eaux de la province de Tucuman. Dans le cas d’espèce, la prétention de l’Argentine, la procédure de saisine du Tribunal CIRDI est hâtive dans la mesure où, la compétence du Tribunal administratif de Tucuman était prioritaire pour connaitre des litiges naissant du contrat de concession et non du TBI signés entre la France et l’Argentine le 3 juillet 1991. Concrètement, cette décision pose de façon ferme la séparation nette entre le principe de la séparation entre les prétentions qui relèvent de la sphère contractuelle et les demandes qui ont pour sphère l’international et ayant leur fondement dans le droit international des investissements. Le tribunal rejette cette assertion en estimant que : « les prétentions des demandeurs n’ont pas être soumises à la compétence des juridictions administratives

de la Province de Tucuman pour la seule raison que, par hypothèse, ces demandes ne sont pas fondées sur le contrat de concession mais repose sur un droit d’action découlant du BIT », voir Fouret (J.)& Khayat (D.)

Recueil des Commentaires des Décisions du CIRDI (2002-2007), ed. Bruylant 2009, p41 382

Selon la Convention du 18 mars 1965 établissant le CIRDI dans son article 48 : « (1) Le Tribunal statue sur toute question à la majorité des voix de tous ses membres.(2) La sentence est rendue par écrit ; elle est signée par les membres du Tribunal qui se sont prononcés en sa faveur .(3) La sentence doit répondre à tous les chefs de conclusions soumises au Tribunal et doit être motivée.(4)Tout membre du Tribunal peut faire joindre à la sentence son opinion particulière- qu’ il partage ou non l’avis de la majorité –soit la mention de son dissentiment.(5) Le Centre ne publie aucune sentence sans le consentement des parties »

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Voir art.50 qui complète en soulignant : « La demande est, si possible, soumise au Tribunal qui a statué. En

cas d’impossibilité, un nouveau Tribunal est constitué à la section2 du présent chapitre. Le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, décider de suspendre l’exécution de la sentence jusqu’à ce qu’il se soit prononcé sur la demande en interprétation », Voir art. 50Convention de Washington établissant le CIRDI

384Voir art 51 de la Convention de Washington du 18 mars 1965 385

Voir l’art. 52 de la Convention de Washington du 18 mars 1965 relative au CIRDI 386

Voir Affaire Liberian Eastern Tumber Corporation c/République du Libéria (N°ARB/83/2) où la Sentence du 31 mars 1986 a fait l’objet d’une rectification d’erreur par une sentence du 10 juin 1986

restent les demandes d’annulation387. De même qu’il y est consacré l’interprétation de la sentence, il y a eu des « opinions dissidentes388 » dans les décisions rendues par le Tribunal