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La contestation de l’arbitrabilité des litiges : l’argument de l’incompétence du CIRDI

d’Afrique de l’ouest

P- Paragraphe 2 : La considération néanmoins méfiante du mécanisme d’arbitrage investissement

3) La contestation de l’arbitrabilité des litiges : l’argument de l’incompétence du CIRDI

croissante de « système CIRDI » et de la contribution de la jurisprudence du « Centre » en matière d’investissement389, les pays en développement, particulièrement, ceux d’Afrique de l’ouest n’hésitent pas à contester dans le principe, l’arbitrabilité de certains litiges.

3) La contestation de l’arbitrabilité des litiges : l’argument de l’incompétence du CIRDI

110. L’arbitrage institutionnel CIRDI présente une bizarrerie juridique. En effet, entre les deux acteurs reconnus comme ayant la capacité de saisine sur des « litiges en relation directe

avec un investissement », rappelons que les États sont toujours défendeurs390, tandis que les investisseurs sont toujours demandeurs391. La question de l’arbitrabilité ou non du litige éventuel constitue, d’une certaine manière, une insuffisance manifeste de la convention CIRDI qui est essentiellement procédurale. La Convention n’a aucun contenu substantiel sur l’investissement étranger et ses différents aspects (principes et normes de traitement et de

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Voir Affaire Klochner c. Cameroun (N°ARB/81/2) où le Cameroun à obtenu gain de cause de sa décision d’annulation de la sentence pour motif « d’excès de pouvoir manifeste » 1er procédure d’annulation (1er février 1984).

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Voir l’opinion dissidente de l’arbitre sénégalais M. Kéba Mbaye dans l’affaire d’arbitrage CIRDI SOABI c. République du Sénégal (N0 ARB/82/1), sentence du 25 février 1988 où le Sénégal a été condamné à payer des dommages et intérêts dans cette affaire relative à la signature d’un contrat entre la Société SOABI et l’Etat du Sénégal pour la construction de 15 000 logements.

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Le CIRDI est devenu- aujourd’hui- une enceinte incontournable en matière d’arbitrage Etat-investisseur. Dans les législations internes relatives aux investissements (Code des investissements) et les Traités Bilatéraux d’investissement ont y fait référence à la »Clause CIRDI » concernant les litiges éventuels. Parlant « d’universalisme », le professeur F. Horchani note et souligne : « Sur les 2600 traités bilatéraux

d’investissement existants, un nombre important (plus de 1200 sans doute) prévoient une clause CIRDI soit à titre alternatif soit à titre exclusif. Un nombre de plus en plus important de législations nationales incluent des clauses prévoyant l’arbitrage du CIRDI », Voir Horchani F. Rapport introductif in CIRDI 45 ans après SD de

Horchani Actes du colloque de Tunis 11,12 et 13 mars 2010, ED A. Pedone, pp.17-39, p.23 Un auteur le professeur Emmanuel Gaillard embouche la même trompette que. M. Horchani pour noter l’importance majeure qu’a prise l’arbitrage CIRDI sur le fondement des TBI Il affirme : « Il reste que le phénomène le plus marquant

de l’histoire du CIRDI a été le développement spectaculaire qu’a connu récemment l’arbitrage sur le fondement d’instruments de protection des investissements dans lesquels le consentement de l’Etat d’accueil et celui de l’investisseur sont dissociés », Voir Gaillard (E.) La jurisprudence du CIRDI, ED A. Pedone, Paris 2004, p.2

390Exception faite par la République du Gabon qui a saisi le 5 octobre 1976, le CIRDI d’une requête contre la

Société française Serete (N°ARB/76/1) pour une affaire de construction de maternités. Ce litige a trouvé une solution à l’amiable le 27 février 1978. Cité par Saidou N. Tall p. 54

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C’est le sens de la nouveauté de la procédure d’arbitrage CIRDI » reconnaitre et introduire » la personne morale privée dans le contentieux international relatif aux investissements étrangers. C’est la raison pour laquelle,, conçue dès le départ comme une enceinte accordant un traitement « non-discriminatoire dans les différends portés devant le Centre, Ce dernier a renforcé au fil des années sa jurisprudence, en y ajoutant et systématisant des « principes hautement protecteur » qui profitent, certes à l’environnement des investissements, mais plus aux investisseurs étrangers.

protection etc.). Cette absence de définition conventionnelle constitue une insécurité juridique pour les pays d’accueil de l’investissement international392.

111. Les pays d’Afrique de l’ouest posent souvent, dans les procédures où ils sont impliqués, comme moyen de défense le non épuisement des voies de recours internes393 et l’argument fondée sur l’incompétence394. Les pays d’Afrique de l’ouest se fondent souvent sur la compétence rationae personae395, mais aussi la compétence rationae materiae pour enlever tout caractère d’investissement à la nature du litige en cause396. Ce moyen de défense a été avancé par le Sénégal dans une procédure au CIRDI. Ainsi, dans l’affaire SOABI C. Gouvernement du Sénégal397, ce dernier a soulevé :

« l’incompétence du Centre au motif d’une part que la SOABI étant contrôlé par une société de droit panaméen, elle ne remplirait pas la condition de nationalité requise par l’article 25(2) b in fine de la Convention de Washington et d’autres part que l’Etat du Sénégal n’aurait pas consenti à la compétence du Centre pour connaitre du litige relatif à la construction des 15 000 logements prévus par des contrats en date des 24 juillet et 17 septembre 1975, la clause d’arbitrage CIRDI n’étant prévu que par un contrat en date du 3 novembre 1975 intitulé « convention d’établissement relative à une usine de préfabrication d’éléments en béton armé » dont l’objet, selon le Gouvernement, serait limité à la construction de l’usine de préfabrication des éléments devant servir à l’édification de ces logements »398Le Tribunal mis en place statuant à l’unanimité le 19 juin 1984 a tranché le moyen fondé sur l’incompétence en estimant :

« que le contrôle exercé indirectement par des ressortissants d’Etats contractants(Belges, français et suisses) sur la SOABI par l’intermédiaire de la Société panaméenne dont ils sont actionnaires et qui, elle-même ,contrôle la société de droit local, suffisait à satisfaire à la

392Beaucoup de pays essayent de s’en prémunir en essayant de dresser un « listing » des investissements qu’il souhaite éventuellement soumettre au contentieux et les investissements dont ils admettent qu’ils ne peuvent pas faire l’objet de connaissance de la part du Tribunal.

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La Convention de Washington établissant le CIRDI pose le consentement à l’arbitrage par le biais de l’article 26. Même, en matière d’investissement international, il y a un lourd héritage fondée sur la « protection diplomatique( dont les pays exportateurs de capitaux ont toujours pratiqués pour défendre leurs ressortissants) et la controverse liée à l’épuisement des voies de recours internes (dont les pays receveurs d’investissements) ont toujours fait cas pour affirmer leur souveraineté dans la procédure relative au règlement des différends., Il n’est pas exclu parfois qu’ un « État peut faire dépendre son consentement de l’épuisement de tout ou partie des voies

de recours disponibles dans son ordre interne », Voir Laviec J-P Protection et Promotion des investissements

Etude de droit international économic, Ed PUF, 1985, p.286 394

Les pays d’Afrique en général et d’Afrique de l’ouest ont fait valoir ce moyen de défense dans certaines affaires qui les ont opposés aux investisseurs étrangers : Voir Cirdi N° ARB/74/1 Adriano Gardella Spa .c/République, sentence du 29 aout 1977 ; CIRDI N° ARB/97/8 Compagnie Française pour le développement des fibres Textiles c/République de Côte d’Ivoire, Sentence du 4 avril 2000

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Là il s’agit pour l’Etat de contester la Nationalité de la personne morale en face pour échapper aux dispositions de l’article 25 de la Convention qui dispose :

396Voir Affaire SOABI c. État du Sénégal CIRDI chroniques des sentences arbitrales, JDI, 1 1990 397

Le 5 novembre 1982, la Société Ouest Africaine de Bétons Industriels(SOABI), société de droit sénégalais contrôlée par des intérêts étrangers , a saisi le CIRDI d’une requête d’arbitrage tendant à voir condamner la république du Sénégal à lui payer une somme de 5.048.688.689 francs CFA en réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait de la rupture par le Gouvernement d’un contrat de construction de 15 000 logements sociaux » Voir Gaillard (E.) CIRDI Chroniques des sentences arbitrales, J.D.I., 1, 1990 p. 193

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condition que la filiale de droit local considérée par les parties comme « ressortissant d’un autre État contractant en raison du contrôle exercé sur elle par des « intérêts étrangers » au sens de l’article 25(2)(b) in fine de la Convention de Washington »399.

110. Au terme de la procédure (pour ce qui fut la première expérience du Sénégal pour le contentieux d’arbitrage lié à l’investissement, le Tribunal « condamne le Gouvernement du

Sénégal à procéder au remboursement des avances faites au Centre par la SOABI en substitution du Gouvernement partiellement défaillant »400. Dans cette affaire, ce qui a le plus défrayé la chronique, c’est l’opinion dissidente de M. Kéba Mbaye401. Cette opinion dont la teneur est parlante et en dit long sur le déséquilibre procédural et les rapports entre les pays d’Afrique de l’ouest et les investisseurs étrangers. L’arbitre défenseur des intérêts du Sénégal souligne : « la division du Tribunal, faisant coïncider les nationalités ou l’appartenance

géographique des juges avec les intérêts des parties, puisse faire penser, à tort, à la manifestation de deux sensibilités différentes sur des problèmes mettant en évidence les rapports conflictuels entre pays en développement et investisseurs étrangers …». Il relève

aussi « Comme le précise l’article 25 de la Convention, quand un différend oppose un État contractant à une personne morale qui possède sa nationalité, la compétence du CIRDI ne peut exister que dans la mesure où les parties sont convenues de considérer la personne morale en question comme ressortissant d’un autre État contractant, en raison du contrôle exercé sur elle par des intérêts étrangers. «Il est évident que les « intérêts étrangers » en

question en peuvent concerner que ceux d’un État partie à la Convention. En effet, il ne s’agit pas de considérer comme national de la Suisse (Etat contractant) une société sénégalaise contrôlée par des intérêts panaméens(le Panama n’étant pas un État contractant). Or au moment où les parties donnaient effet à l’article 25, paragraphe 2(b) dans la convention d’établissement du 3 novembre 1975, la Société Flexa apparaissait, par la faute des formateurs de la SOABI, comme une société ayant son siège social en suisse, autre État contractant de la Convention. Par contre le Panama (où la Société Flexa a effectivement son siège social) n’étant pas un État contractant, c’est à bon droit que le Sénégal a soulevé le moyen pris de ce que la SOABI ne remplit pas la condition de nationalité requise par la Convention »402. La protection des investissements étrangers par un système

399Voir Gaillard (E), p.193 400

Dans la logique des sanctions , le Tribunal « Tout en assortissant certaines de ces condamnations( réparation

des pertes au titre de frais généraux et immobilisations et remboursement des versements au Centre) d’un intérêt compensatoire de 10% par an jusqu’au 15 janvier 1988, le Tribunal arbitral condamne également le Gouvernement « à payer à la SOABI les intérêts moratoires qui pourraient être dus en application du droit sénégalais sur le montant auxquels le Gouvernement a été condamné. » , Voir Gaillard (E.) ibid p. 202

401

Cet ancien président de la Cour suprême du Sénégal, ancien juge de la CIJ à la HAYE et juge du Tribunal arbitral du Sport et membre du CIO, arbitre désigné du Sénégal dans le litige opposant ce pays à la SOABI déplore : « la division du Tribunal, faisant coïncider les nationalités ou l’appartenance géographiques des juges

avec les intérêts des Parties, puisse faire penser, à tort, à la manifestation de deux sensibilités différentes sur des problèmes mettant en évidence les rapports conflictuels entre pays en développement et investisseurs étrangers »

, voir Gaillard (E.) CIRDI Chronique des sentences arbitrales, JDI, 1 1990, p.202 402

Voir Kéba Mbaye cité p. Gaillard (E) p. 202 L’arbitre Sénégalais conclut en ces termes : « Voilà les raisons

pour lesquelles je n’ai pas pu m’associer à la sentence prononcée par le Tribunal arbitral constitué en application de la Convention de Washington pour connaitre du différend opposant la Société Ouest-africaine des bétons industriels(SOABI) à la république du Sénégal. La Convention de Washington est une contribution au développement des pays pauvres. En effet, elle tend notamment à renforcer le sentiment de sécurité juridique dont les investisseurs qui participent au développement économique et social dans les pays du Tiers-monde ont

institutionnel dans les pays d’Afrique de l’ouest est aussi accompagnée d’un autre mécanisme international qu’est la Garantie contre les risques politiques fondé par le traité de Séoul du 11 octobre 1985.

Section 2 : L’adhésion aux instruments internationaux de garantie et de promotion