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La recherche du modèle de partenariat égalitaire : les joint-ventures ?

d’Afrique de l’ouest

Section 1 : Des instruments juridiques aux contenus internationalisés

2) La recherche du modèle de partenariat égalitaire : les joint-ventures ?

a- Un modèle d’investissement historiquement marginalisé en Afrique de l’ouest

194. L’implantation d’une entreprise dans un pays peut se faire juridiquement de différentes manières532. Dans beaucoup de pays en développement, le cadre juridique relatif aux investissements étrangers prévoit l’association la coentreprise avec une/un partenaire local ainsi de la Chine à la fin de la décennie 70533. En effet, la constitution de joint-venture devient la condition sine qua non pour s’implanter dans un pays en développement. C’est ce qui a fait le succès économique de certains pays asiatiques tel que la Chine534. Les pays d’Afrique de l’ouest ont longtemps choisi d’adopter des réglementations souples en matière d’accueil, de traitement et de protection des investissements étrangers. En effet, dans leurs volontés d’accorder beaucoup de facilités et d’avantages aux investisseurs étrangers, ces derniers ont-dans leurs législations relatives aux investissements étrangers- laissés aux entreprises étrangères le soin d’adopter le modèle juridique qui convient pour leurs activités, y compris en détenant 100% du capital de la société ou filiale nouvellement créées.

195. Le code des investissements de la Guinée témoigne de cette « unipolarité d’intérêt » en faveur de l’investisseur étranger. Cet instrument dispose : « Sous réserve des dispositions

de l’Article 6 ci-dessus, les investisseurs privés étrangers peuvent librement détenir jusqu’à 100% des parts sociales ou actions de l’entreprise qu’ils envisagent de créer en Guinée »535.La marginalisation de ce modèle d’affaires en matière d’investissement étrangers

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Création d’une filiale locale (dans le pays d’accueil de l’investissement) dont le capital est détenu à 100% par la société mère, création d’une société dont le capital est partagé (répartition majoritaire/ minoritaire du capital entre intérêts étrangers et locaux) et création d’un modèle de société sous forme de Joint Venture égalitaire (entre capitaux étrangers et capitaux locaux). L’investissement étranger peut faire l’objet de marché public à exécuter à la suite d’un appel d’offre public qu’une entreprise étrangère a remporté. Voir plus en détail Louis T. Wells, Jr ibid p.51

533La loi sur les Joint-Ventures en Chine adoptée lors de la seconde session du 5é Congrès national chinois du 1er juillet 1979 dispose dans son article 2 : « The Chinese government protects, in accordance with the law, the

investment of foreign partner in a joint venture, the profits due them and their other lawful rights and interest in a joint venture, pursuant to the agreement, contract and articles of association approved by the Chinese government. All the activities of a joint venture shall comply with the stipulations of the laws and the legal regulations of the People’s Republic of China. The state shall not nationalize or take over joint venture; under special circumstances and according to legal procedures with due compensation” cite Valerie Pironon dans Les

“joint ventures Contribution à une etude juridique d’un instrument de cooperation international” , Ed. Dalloz 2004 p.682

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Voir Nicolas (F.) « Chine et investissements internationaux : vers une normalisation » pp.411-434 in

« L’investissement et la nouvelle économie mondiale Trajectoires nationales, réseaux mondiaux et normes internationales » SD de Arès(M.) et Boulanger (E.) Bruxelles, Ed. Bruylant, 2012 ; OCDE, China- Encouraging

Responsible Business Conduct, OECD Investment Policy Reviews, OECD, Paris, 2008 535

Voir République de Guinée Assemblée Nationale article 8 de la Loi L/2015/N° 008/AN portant code des

investissements de la République de Guinée. Toutefois, l’article 6 « secteurs d’activités réservés » de la même loi

et apporte une nuance (interdiction des détentions de capital de plus de 40%. IL dispose : « Les personnes

physiques ou morales de nationalité étrangère ne peuvent détenir, directement ou à travers des sociétés de droit guinéen, plus de 40% des titres sociaux d’entreprises engagées en Guinée dans les activités suivantes :

dans les pays d’Afrique de l’ouest a conduit à un déséquilibre manifeste et continue. La conséquence est le déséquilibre manifeste entre les intérêts de l’Etat et des communautés locales, faiblement défendus, et ceux des investisseurs-dont les faveurs et avantages ont toujours promus par les instruments juridiques nationaux relatifs aux investissements étrangers.

196. Cette forme d’investissement est une association gagnant-gagnant pour un partenariat profitable dans un milieu ouest africain complètement différent concernant le risque perçu, les potentialités du marché domestique et le niveau de développement. Dans son ouvrage consacré exclusivement à la question Valérie Pironon note à ce propos : « Dans chacune de

ces étapes, des accords dits de ventures ont joué un rôle important. Les « joint-ventures » ont d’abord permis à des entreprises de s’associer dans des « voyages » risqués pour accéder à des matières premières ou offrir leurs produits sur des marchés étrangers. Les « coentreprises » ont ensuite favorisé les investissements dans les pays du « sud » et de « l’est » en échange de savoirs scientifique et technique. Enfin, les « alliances stratégiques » sont aujourd’hui à l’origine de réseaux de partenariats intergroupes »536.

197. Le modèle d’investissement dynamique par joint-venture n’est pas une préoccupation des cadres législatifs et règlementaires des États pour un certain type de raisons. En effet, il y a toujours eu un déséquilibre manifeste des intérêts : entre les investisseurs-surprotection notamment les avantages octroyés- et les États d’accueils- intérêts faiblement promus-. Le déséquilibre a traditionnellement promu juridiquement certains types d’investissement : les investissements extractifs dont les clauses juridiques relatives au -transfert de technologie à l’implication des entreprises locales, fiscalité, aux normes environnementales et au règlement des différends- sont plus ou moins léonines ou carrément favorables aux investisseurs internationaux. Toutefois, ce modèle d’investissement par joint-venture tant chanté et promu dans les pays en développement en particulier (pour un partenariat plus équitable et profitable à tous les acteurs) n’en présente pas moins de difficultés liées à sa complexité et son montage juridique.

b- Les difficultés liées à la mise en œuvre pratique de joint venture: la complexité contractuelle

198. En matière d’investissement international-protection contre les risques et traitement- le choix du modèle d’implantation conditionne le succès de l’entreprise. Le modèle de joint-venture ne pouvait pas et ne peut être mise en œuvre actuellement dans les pays d’Afrique de l’ouest. Il y a deux arguments qui s’y opposent : les arguments juridiques et les arguments extra-juridiques. Parmi les arguments juridiques, il y a la délimitation sectorielle pour savoir s’il faut (la généraliser ou la réserver à quelques secteurs particuliers). Il y a aussi le caractère égalitaire ou inégalitaire du pourcentage de participation, - le droit qui lui est applicable et il y a enfin la faible capacité des administrations publiques en matière d’exécution des lois et de suivi concernant de tels montages de cadre d’investissements. Ce modèle d’investissement

- la diffusion de programmes télévisés ou radiophoniques. La direction effective des entreprises visées à l’alinéa précédent est assurée par des personnes physiques de nationalité guinéenne résidant en Guinée »

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Voir Pironon (Va). « Les joint-ventures contribution à l’étude juridique d’un instrument de coopération

exige une pluri contrats. En effet, le contrat principal en amont (entre partenaires d’affaires l’Etat d’accueil ou le privé national et le/les partenaire(s) extérieur(s)) est accompagné de plusieurs contrats en aval pour le démarrage de l’investissement prévu. Une étude résume bien le caractère « complexe de contrats interdépendants ». Elle souligne que: « l’opération

de joint-venture est une opération économique globale qui prend sa source dans un ensemble contractuel composé d’un contrat cadre et d’un nombre important de contrats d’application 537» Elle souligne aussi et assimile la pratique des joint-venture au contrat

complexe qu’elle définit comme « un contrat unitaire qui résulte de la combinaison de

plusieurs contrats spéciaux, et dont le régime n’est emprunté aux règles régissant les contrats qui le composent que dans la mesure où elles sont compatibles avec son essence »538. 189. 199. Il y a également des arguments extra juridiques qui ont découragé la nécessité de la mise en œuvre d’une telle pratique d’accueil des investissements internationaux en Afrique de l’ouest. Ces derniers étaient dépourvus d’infrastructures et de savoirs faire économiques, financiers. En effet, historiquement, c’est la puissance publique qui a pris en charge les questions de développement de l’indépendance jusqu’à nos jours. Dans leur politique de partenariat avec les firmes transnationales, les pays d’Afrique de l’ouest n’ont jamais (ou timidement) exigé comme conditionnalités à -l’octroi d’un marché de travaux, d’extraction ou d’un investissement international quelconque- la faisabilité sous format de joint-venture. Ces difficultés s’expliquent, entre autres, par la faiblesse voire l’absence historique d’un secteur privé local fort et organisé. Le secteur privé local qui existe actuellement est dans la plupart des pays dans un état embryonnaire.

200. Autrement dit, en Afrique de l’ouest, l’incapacité à nouer des coentreprises pour accompagner (de façon plus dynamique et profitable) l’attractivité du cadre juridique et institutionnel de la protection de l’investissement direct étranger a été préjudiciable aux secteurs privés locaux. En outre, il y a un concours de facteurs complexes qui ne plaident pas pour la mise en place d’une telle pratique en matière d’investissement. Il s’agit de la difficulté pratique et opérationnelle liée à la bureaucratie étouffante, la mauvaise exécution des lois et règlementations et les compétences lacunaires des administrations publiques des pays de la sous-région ouest africaine. En définitive, les « impréparations à différentes échelles » des États de cette sous-région( faibles capacités des administrations, secteurs privés non associés aux politiques de développement et des cadres juridiques non adaptés) n’ont pas permis de faire des joint-ventures une modalité d’entrée en matière de pratique des investissements étrangers en Afrique de l’ouest. Dans l’environnement juridique et institutionnel actuel, il est d’une nécessité absolue d’inscrire les joint-ventures comme modalités d’entrée des investissements internationaux.

c- La nécessité d’en faire une modalité d’entrée des investissements protégés

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Voir Pironon (Va.) Les joint-ventures p. 161 précité p .13 538

201. En matière d’investissement étranger et-pour des raisons promotionnelles et d’attractivité aussi- les États d’Afrique de l’ouest ont tout essayé sauf une modalité de joint venture qui a fait pourtant la preuve de son efficacité ailleurs539. Pour que la protection de l’investissement puisse être une solution réellement gagnant- gagnant, il faut que la pratique des affaires ne soit pas unilatérale. C’est-à-dire il ne faut pas réserver à un investisseur étranger l’exclusivité sectorielle, le monopole d’activités stratégiques en l’absence d’un partenaire local. Cela aura comme conséquence que celui-ci se sent tout puissant et que le pays d’accueil n’y gagne que peu de choses en termes d’avantages fiscaux et économiques. Cette modalité de « J-V » nécessite une institutionnalisation c’est-à-dire la consacré expressément et prévoir des structures désignées pour s’en occuper540.

202. Les pays d’Afrique de l’ouest gagneraient beaucoup en empruntant ce chemin. Il consiste à adopter d’instruments juridiquement hautement protecteurs avec une signification réelle : venir faire des affaires dans un environnement transparent mais égalitaire « bi-protecteur » et non venir faire des affaires dans un environnement juridique « uni ou mono protecteur »541. Ces pays, du fait des fortes convoitises économiques dont ils font l’objet, doivent conditionner l’implantation des investissements étrangers dans certains secteurs hautement stratégiques à la nécessité de pratiquer les joint-ventures. Autrement dit, les facilités et avantages de diverses natures exigent que l’investisseur étranger se soumette à une coentreprise égalitaire ou inégalitaire542. Ceci nécessite un toilettage ou une modification textuelle ou des lois spéciales générales ou sectorielles pour l’institutionnalisation de la technique des co-entreprises pour une dynamique réellement Win-Win543. Une nouvelle méthode de transfert de technologie- adaptée au retard technologique-doit être le cœur voire

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Notamment en Asie (Japon, Corée puis la Chine… avec la pratique et l’expérimentation des Zones

économiques spéciales ZES dans le cadre de la politique de la « Réforme et l’ouverture ») Voir (E.) Boulanger

« Le Japon et les investissements étrangers : libre-échange, libéralisation et ouverture politique », pp.379-408 in

« L’investissement et la nouvelle économie mondiale Trajectoires nationales, réseaux mondiaux et normes internationales » SD de Arès(M.) et Boulanger (E.), Bruxelles, Ed. Bruylant, 2012 p. 386

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A moyen et long terme, le cadre juridique relatif investissements étrangers généraux et sectoriels au niveau national :( Codes des investissements », « Codes miniers » et « Codes pétroliers » et au niveau Communautaire (Droit originaire et droits dérivés : Règlements, Directives et Décisions concernant les investissements doivent l’exiger comme un objectif à réaliser pour un renouveau de la protection juridique de l’investissement étranger 541

Même si les textes dans les pays d’Afrique de l’ouest- à l’instar de la Cote d’Ivoire- prônent toujours «

l’égalité de traitement » Voir, l’article 6, de l’Ordonnance N°2012-487 du 07 juin 2012 portant Code des investissements en Côte d’Ivoire

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Les États ouest africains peuvent adopter cette démarche : c’est-à-dire l’accès aux ressources en échange d’avantages fiscaux et surtout l’implication de partenaires locaux (la constitution de la société et la répartition des parts) et l’effet d’entrainement réel pour le reste de l’économie locale.

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Ce qui n’est toujours pas le cas. La protection des investissements prône l’égalité de traitement explicitement. Dans un contexte où l’investisseur peut détenir jusqu’à 100% des parts sociales ou actions de la société créées. Ce qui suppose une « inégalité de traitement » au profit de l’investisseur étranger et au détriment des investisseurs de nationalité locale. L’exemple édifiant est donné par le Code des investissements du Mali. Où la Loi n° 2012 -016 / Du 27 février 2012, portant Code des investissements du mali, dispose dans son article 6 « égalité de traitement » que « Les personnes physiques ou morales visées à l’article 4 du présent Code,

reçoivent, dans les mêmes conditions d’éligibilité, le même traitement. Les investisseurs étrangers reçoivent le même traitement que celui des investisseurs de nationalité malienne sous réserve des dispositions contraires aux lois ou aux traités et accords conclus par la République du Mali avec les États dont ils sont ressortissants. Ils peuvent librement détenir jusqu’à 100% des parts sociales ou actions de la société qu’ils envisagent de créer sous réserve des dispositions applicables aux secteurs d’activités qui font l’objet d’une règlementation spécifique. »

une conditionnalité pour pénétrer les marchés des pays d’Afrique de l’ouest en matière d’investissements internationaux.

203. Outre la nécessité soulignée d’un « duo local et compagnie étrangère en

investissement », il faut voir les choses en profondeur -sur l’aspect institutionnel et

l’opérationnalité- pour une effectivité réelle de l’absorption scientifique et technique externe. Pour cela, les pays d’Afrique de l’ouest, pris individuellement sont faibles au plan technologique- gagneraient à mettre sur pied des structures sectorielles technologiques régionales où des pôles régionaux de recherche scientifique et technique avec un personnel qualifié et des objectifs clairs en termes de partenariat avec des structures de la sorte qui existent dans les pays exportateurs de capitaux et de la technologie. Cette solution gagnant-gagnant doit être désormais le cœur du partenariat juridique entre les États de la sous-région et les firmes transnationales et investisseurs des pays traditionnellement développés , mais aussi avec ceux qui viennent d’intégrer le club des pays à forte capacité scientifique et technique( certains grands pays du Sud). Le transfert de technologie, aussi ancien soit-il, est toujours réaffirmé en matière de protection des investissements dans les législations des pays de la sous région ouest africaine.

3) La réaffirmation du transfert de technologie

204. Elle passe par sa consécration à travers les textes(a). Elle constitue une vieille revendication des pays d’Afrique de l’ouest en matière d’investissement(b). Les limites et obstacles au transfert de technologies sont nombreux(c).

a- La consécration textuelle du principe en matière de protection

205. La force des investisseurs étrangers ne se résume pas seulement à la possession d’argent et l’accès facile au financement bancaire ou boursier. Il y a un aspect fondamental, dont les pays d’accueil d’Afrique de l’ouest en sont dépourvus qu’est la capacité scientifique et technique544. L’obtention de la technologie est devenue la condition sine qua non pour un partenariat Etat- investisseur profitable. Ainsi, le vocable transfert de technologie est inscrit dans beaucoup d’instruments relatifs aux investissements étrangers. Dans le Code guinéen des investissements il y est mentionné comme suit : h) « le transfert des technologies adaptées au

besoin de développement du pays »545.

206. C’est un procédé qui est aussi utilisé pour redynamiser la recherche-développement dans les pays d’Afrique de l’ouest, notamment par le Code des investissements du Burkina Faso qui le stipule ainsi : « L’utilisation de technologies appropriées, la modernisation des

544 La technologie (son transfert) a toujours été une dimension centrale des IDE et une revendication centrale des pays d’Afrique de l’ouest. Voir l’étude de la CNUCED, « Projet de Code international de conduite pour le

transfert de technologie » TD/Code TOT/47, 1985 ; CNUCED « Modes d’approche communs de la législation et des recommandations relatives au transfert et à l’acquisition de la technologie » TD/B/C.6/91, octobre 1982

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