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La restructuration financière

STRATEGIES D’INDUSTRIALISATION EN ALGÉRIE DE 1967 À1990

2.3. Application de la restructuration des EPE

2.3.2. La restructuration financière

La restructuration financière remonte aussi à 1982/83 et elle constitue la phase finale de l’opération de restructuration. L’opération vise l’assainissement financier des entreprises publiques. Mais comment a-t-elle était abordée ? D’abord il était convenu de constituer le capital ou de reconstituer les fonds propres de l’entreprises publique caractérisée par des déficits considérables et cumulatifs, ensuite l’opération visait une " gestion équilibrée " 4 de l’entreprise socialiste qui consistait à :

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1

Mokhtar Belaiboud (1986), op. cit. , p.269.

2 Ibid, p.271.

3 Abdelhamid Brahimi (1991), OP. cit., p.287

4

Bronslay Minc (1974), Economie politique du socialisme, Maspero, Paris, pp.325-236.

- Modifier la dette à long terme de l’entreprise vis à vis du trésor public et vis à vis du secteur bancaire national,

- L’application du juste prix par le recourt progressif à la comptabilité analytique jusque là proscrite. Ainsi l’entreprise pourrait dégager un surplus financier investissable lui permettant de s’autofinancer.

En effet, l’endettement structurel auprès des banques primaires et du trésor, a induit malgré les faibles taux d’intérêt nominaux, se stabilisant à leur plus bas niveau à 37% de la valeur ajoutée en 1985; un volume de charges financières très lourdes.

Les découverts bancaires des EPE sont dus d’une part, au partage du passif, et d’autre part à des dettes héritées de la restructuration 1. L’endettement est dû aussi aux prélèvements fiscaux anormaux qui n’épargnaient même pas les entreprises déficitaires, ceci occasionnait des transferts indirects des ressources du système bancaire vers le trésor public.

Au total, la ponction fiscale atteint approximativement en 1981 et 1982 environ 50% de la valeur ajouté, 70% en 1983, 65,5% en 1984 et 45% en 1985 2. Le relèvement des taux d’intérêt en 1986 et la dépréciation du cours officiel du Dinar depuis 1987 détériorent d’avantage la situation financière des entreprises publiques algériennes.

Donc, l’absence d’équilibre financier des entreprises publiques économiques a entraîné un recours intensif au découvert bancaire et l’accumulation des impayés interentreprises 3. Concernant le déséquilibre financier des entreprises publiques algériennes Benissad les ramènent aux hésitations à changer le « carcan institutionnel » par la bureaucratie des services du plan et ceux des finances sont la cause patente de l’échec de la politique de restructuration financière des entreprises publiques menée entre 1982 et 1985.

Au total, la multiplication du nombre de sociétés ne faisait qu’amplifier les problèmes d’ordre juridiques et comptables entre les nouvelles entités et leurs anciennes directions centrales.

Après la restructuration, l’activité économique reste concentrée dans de grandes entreprises industrielles puisqu’en 1985 26% des entreprises publiques algériennes ont encore plus de 200 salariés 4.

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1 Chouam B. (1987), Evaluation et partage du capital au sein de l'entreprise publique restructurée, Revue CREAD, n°12/1987, p.57.

2 Belkharoubi H. (1987), flux fiscaux et trésorerie de l'entreprise publique, Ibid, p.40.

3 Chouam B, (1987), op.cit., p.59

4 Bouyacoub A. (1987), activité économique et taille des entreprises, CREAD, Alger, pp.80-81.

En conclusion, l’échec de la restructuration organique et financière confirme comme les autres réformes (statut général du travailleur, fiscalité, finance) que le processus

d’assainis ment de l’économie n’est qu’à ses début. C’est ce qui a contraint les décideurs algériens à proclamer la nécessité de l’autonomie des entreprises d’Etat d’ou la loi 88/011.

2.3.3. La politique d’Autonomie des E. P. E.

L’autonomie est accordée à des entreprises qui connaissent de graves problèmes financiers dans un contexte ou le budget de l’Etat est durement affecté par la chute des recettes fiscales et pétrolières. La loi 88-01 du 12 janvier 1988 portant loi d’orientation sur les entreprises publiques économiques, concept se substituant à l’entreprise nationale ou d’entreprise locale, stipule que l’EPE est une personne morale de droit privé. Les EPE sont des sociétés par actions ou à responsabilité limité (SARL) 2. L’EPE est dotée d’un capital social et de l’autonomie financière sa gestion est régie par les règles du droit commercial, elle n’est plus de fait, soumise aux règles rigides du code des marchés publics. En conséquence, la démarche ici n’est pas le démantèlement du secteur public par la technique de la privatisation, mais à faire entrer les EPE dans l'enjeu de l’économie de marché 3. D’ailleurs en dehors des branches jugées stratégiques le droit de fonder de nouvelles entreprises publiques et reconnu aux entreprises déjà existantes et aux fonds de participations. Le fonds de participation est un agent fiduciaire chargé de gérer un portefeuille de valeurs mobilières (actions) des EPE pour le compte de l’Etat dont il est le mandataire. Le fonds de participation est appelé à exercer une certaine influence sur ces EPE sans pour autant s’immiscer dans leur gestion. La philosophie de la réforme 88/01 consiste donc à ce que le fonds agissant par l’intermédiaire de ses représentants dans les assemblées générales et les conseils d’administration. Enfin, une EPE, qui n’arrive pas à honorer ses créances vis à vis des tiers, peut être déclarée en cessation de payement et être amenée à déposer son bilan ou à être déclarée en faillite. En revanche, l’EPE est libre de choisir l’organisation qui lui convient telle que: fusion, scission, création de filiales et la formation de groupement. Dorénavant l’EPE est libre d’établir :

(i) établir librement son organigramme,

(ii) fixer les prix rémunérateur pour ses produits,

(iii) choisir les circuits de distribution qu’elle juge adéquat pour l’écoulement des produits, _____________________________

1ANEP (1991), op. Cit.,p.5.

2

Ibid., P.7.

3

(iv) déterminer les modalités de rémunération des travailleurs au moyen de conventions collectives et pour des raisons économiques procéder à la compression du personnel, (v) conclure tout contrat entrant dans l’objet social de l’entreprise et obéissant à son intérêt

sans autorisation préalable de la tutelle,

(vi) retenir les investissements à efficacité physique et productivité financière patente. Ceci n’empêche pas de veiller à une cohésion sectorielle qui s’inscrit à son tour dans le cadre de la « planification indicative » annuelle et à moyen terme.

La période 1988/90 a vu ainsi le passage des entreprises d’Etat à l’autonomie. Cette opération s’est effectuée dans des conditions pénibles marquées par :

a) un sous-emploi dramatique des facteurs de production (travailleurs et équipements) dû au manque d’intrants importés (matière première, produits intermédiaires, pièce rechange) à cause de la contrainte « devises étrangères »,

b) la persistance des déséquilibres financiers et une capacité d’autofinancement négative, objectivement ce fait est incompatible avec la commercialité dont elles se réclament et pouvant conduire à des sanctions de faillite reconnu par la loi 88/01.

c) la présence d’effectifs pléthoriques hérités de la période antérieure à l’autonomie connaîtra des compressions successives autorisées par les textes de loi 90/11 ; relatifs aux relations du travail,

d) des conflits sociaux d’autant plus importants que le droit de grève est inscrit dans la constitution de 1989 et dans la loi 90/01.

Les réformes ont également impliqué le secteur privé et le secteur agraire. Concernant le secteur privé, il est comme un démon nécessaire. L’hostilité à son égard débute après l’indépendance bien que cela ne l’empêche pas d’activer, à l’ombre du protectionnisme, sous de petites entreprises dont les 9% ne dépassent pas 10 salariés jusqu’en 1982 1. En 1979-80, lors des travaux d’évaluation émerge un courant politique inopiné qui discréditait les entreprises d’Etat et il plaidait ouvertement les avatars du secteur public. En conséquence, sur le plan doctrinal (Charte Nationale 1986 et Constitution 1989) et juridique (lois 82/02 et 88/85) marquent un net succès en matière de crédit et reconnaissance de l’intégrité de la propriété privée. Au total, la loi 90-10 sur la monnaie et le crédit (LMC) abolit toute discrimination entre le secteur privé et le secteur public en matière d’octroi de crédits et particulièrement en devises fortes.

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Au cours de la période de transition de l’économie centralisée à l’économie de marché, la LMC se veut plus libérale pour insérer (recycler) les liquidités détenues par le secteur privé et " trabendo " 1 dans le circuit économique. L’objectif est d’acquérir la confiance des partenaires économiques étrangers afin d’attirer les capitaux privés.

Quand au secteur agricole, nous avons vu qu’il est caractérisé par une crise durable dont les causes sont variées (naturelles et structurelles) ayant engendrées la régression de la production des principaux produits agricoles (céréales, légumes, lait et les viandes). Le déficit de la balance agricole est dû en partie au manque d’intrants et du monopole des organisations sur la distribution et d’autre part à la faible performance du secteur agricole socialiste qui bien que disposant de 40% du potentiel en terres fertiles n’a participé que pour 20% de PIB agricole.

L’échec de la mise en place du couple usine/exploitation intégré de grande dimension connu sous le nom District Agricole Socialiste (D.A.S.), d’une part, n’a pas engendré une croissance d’échelle permettant de répondre à la demande qui va en croissant et, d’autre part, cette situation a obligé les pouvoirs publics à prendre des mesures correctrices. Ils commencent par encourager financièrement le secteur agricole privé en lui facilitant l’accès aux crédits. Puis par petites tranches, ils procèdent à la « privatisation » fictive des terres domaniales et DAS.

La loi N°87/190 confère le droit aux attributaires un « droit de jouissance perpétuelle sur l’ensemble des terres constituant l’exploitation »; cependant que l’article 7 confirme « un droit de propriété sur tous les biens constituant le patrimoine de l’exploitation ». La cession (vente) des terres domaniales a été effectuée au dinar symbolique ensuite les coopératives de production de la révolution agraire ont été attribuées aux employés du secteur agricole public par cette mesure, l’Etat vise deux objectifs :

a) accroître la production et la productivité du secteur agraire afin d’atténuer le dépendance alimentaire,

b) désengagement progressif de l’Etat.

Toutes les précédentes mesures vont augmenter la superficie agricole privée d’environ 650.000 hectares en 1986 1. La naissance d’une nouvelle couche d’agriculteurs, constituée des employés (ouvriers, techniciens et cadres), bénéficie d’exploitations agricoles individuelles (EAI) et coopératives (EAC).

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1Slimane Bedrani (1989), bilan et perspective de l'agriculture Algérienne, In Ali El Kenz (dir.), L'Algérie et la modernité, CODESRIA, Dakar, p.161.

Des mesures d’accompagnement ont été aussi ciblées. On cite l’augmentation des surfaces agricoles utilisées par une politique de mise en valeur des terres de la steppe et au Sahara et d’autre part, la multiplication de l’irrigation par la construction de nouveaux barrages, le forage de puits et l’introduction d’une nouvelle technique d’arrosage, le goutte à goutte. Contrairement à ce que l’en pouvait croire, les anticipations sur une future amélioration de la balance en vue de réduire la dépendance alimentaire du marché mondial nous paraissent assez pessimistes parce que le secteur agricole dispose de ressources limitées. En effet, à la faiblesse de la superficie (0.3 ha/hab.) s’ajoute les aléas des conditions climatiques, les spéculateurs locaux et les contraintes du marché mondial. Ces derniers faussent toutes les

prévisions. Et l’objectif de réduire la dépendance alimentaire de 27% en 1988 à 6% en l’an 2010 se voit miné d’avance.

Section : 3 Les effets socio-économiques de la restructuration des années 1980

Dans cette section, on tentera d'évaluer la portée de la restructuration et en quoi les transformations des années 1980 ont amélioré les grands équilibres de l'économie algérienne ? Pour répondre à une telle question, on a retenu l’analyse de l'évolution d'effets au niveau macro-économique et les effets liés aux activités des EPE.