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Les enseignements tirés de l’ouverture sur l’extérieur des NPI

PRÉSENTATION DES STRATEGIES INDUSTRIELLES DE DEVELOPPEMENT

Section 2 : La stratégie d'industrialisation par substitution d’importations

3.2. Les enseignements tirés de l’ouverture sur l’extérieur des NPI

La mesure de l’ouverture sur l’extérieur, à partir du ratio (importations + exportations) rapportées au PIB, conduit à une classification des pays. Selon ce critère, l’ouverture des quatre NPI de l’Asie est très forte. L’ouverture par contre est faible dans le cas du Mexique et le Brésil.

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1 Pierre Judet (1986), op.cit.

2 Athmane Cheriet (1997), « Les zones franches, aspects théoriques : avec référence à la zone franche économique de Bellara, Communication présenté au séminaire international sur les Zones franches, Jijel 1997.

3Ibid.

Pays Ouverture forte pays Ouverture faible Corée du Sud Taiwan HongKong Singapour 30 % 55 % 81 % 134 % Mexique Brésil Espagne Grèce 6,7 % 7 % 10,4 % 11 %

[Source : Banque Mondiale, 1983]

Selon les pays, au cours de la période 1985-1995, le ratio varie de 50 % à 70 % en Amérique latine et de 50 % à 70 % en Asie du Sud Est. Singapour et HongKong ont des ratios qui dépassent les 100 %, respectivement 360 % et 300 % en 1994, grâce à leur rôle de villes Etats Commerciales. D’après les observateurs, les bonnes performances des NPI de l’Asie du Sud Est sont dues, d’une part à la délocalisation des FMN, au milieu des années 1970, et d’autre part, au rôle interventionniste de l’Etat.

En premier lieu, les FMN ont délocalisé un certains nombres d’industries en quête de bas salaires et à une main d’œuvre trop chère et exigeante dans les pays industrialisés. Si, au début, dans les pays hôtes la main d’œuvre abondante et à bon marché n’était pas qualifiée, l’installation des filiales des FMN a exigé :

« - une meilleure formation de la main d’œuvre ;

- la suppression partielle des barrières douanières dans les pays de l’OCDE qui ont laissés entrer les produits manufacturés originaires des pays en voie de développement ;

- l’intervention de l’Etat, dans bien des cas partenaire dans les entreprises qui - faisaient appel aux capitaux étrangers, pour orienter dans une certaine mesure - l’intervention du capital national ;

- une situation politique et sociale stable et une classe dirigeante accueillant sans réticence

le capital étranger »1.

Ces mesures ont favorisé l’afflux de capitaux internationaux ce qui a permis le _________________________

1

Diana Hochraich (2000), op.cit., p.19.

« titrisation des dettes, la levée des restrictions sur les avoirs détenus par les étrangers,

la privatisation des entreprises ont accru la taille des marchés boursiers : en Asie du Sud Est, la capitalisation boursière est passée de 79 milliards de $ us en 1983 à 1430 milliards

de $ us 10 ans plus tard »1.

Au total, les PED se sont accaparés, en 1978, 13 % des investissements globaux réalisées par les FMN dont 55 % uniquement pour les NPI 2. Cette activité a permis une augmentation significative des investissements surtout dans les NPI d’Asie du Sud Est, comme le montre le tableau (1.5) ci-dessous.

Tableau : 1.5. Investissements en Asie et en Amérique latine, (U = % du PIB)

1985 1990 1994

Amérique latine 20 21 22

Pays émergents d’Asie 27 29 34

[Source: E. Kesler et al. (1997), op.cit., p.323.]

En comparaison au modèle de substitution d’importation qui a débuté à partir de capitaux locaux, la production des exportations a démarré grâce à l’afflux de capitaux étrangers. Malgré leur base nationale ″ les entreprises globales ″ sont venues de ″ nulle part ″ ou de ″ partout ″. Au début des années 1970, la capacité d’absorption des pays d’accueil était limitée, la plupart de la production est exportée. Ces entités filiales des FMN sont d’origine américaine, japonaise, européenne et enfin de période de la diaspora chinoise comme le montre le tableau (1.6) dans le cas des trois pays de l’Asie.

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1 E. Kesler et al. (1997), Economie politique contemporaine, Armand Collin, Paris, p.323.

2

Dominique Redor (1985) : La multinationalisation des entreprises: des stratégies mondiales, les multinationales confrontées au pouvoir des Etats, collection profil, économie/sociologie, Hatier, Paris, pp.20 et 21.

Tableau : 1.6. Les investissements étrangers dans les NPI d’Asie selon leur provenance,

pays 1990 1991 1992 1993 Corée du Sud Japon Etats-Unis Europe Autre 236 317 207 43 226 296 823 51 154 380 282 79 286 340 306 112 Total 803 1396 895 1044 Singapour Etats-Unis Japon Europe Autre 583 391 240 11 563 415 398 55 698 490 357 185 901 483 532 41 Total 1225 1431 1730 1957 Taiwan Etats unis Japon Europe Autre Sous total Chinois d’outre mer

540 826 282 366 2080 220 588 527 161 223 1559 219 183 417 164 305 1149 312 207 272 214 397 1090 123 Total 23000 1780 1461 1213

[Source : OCDE (1994), Politiques industrielles dans les pays de l’OCDE, Paris, p.197]

Ces flux financiers étaient la contre partie de la délocalisation industrielle et provenaient des pays de l’OCDE. Ils sont constitués d’aides publiques, d’IDE, banques commerciales, capitaux publics et capitaux privés 1.

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1 Diana Hochraich (1998), Globalisation de la production industrielle des exportations : une sortie du sous développement ? Revue de l’IRES, n° 27, p.78.

En second lieu, nous évoquerons le rôle de l’Etat comme support de la réussite économique de l’Asie du Sud Est. Pour cela, nous nous référons au caractère interventionniste de L’Etat coréen.

La Corée du Sud représente l’archétype sur lequel s’appuient, en général, les experts de la Banque Mondiale, pour dicter la liaison de ″ l’ajustement réussi ″ et le triomphe du libre jeu des forces du marché. En Corée du Sud, la promotion des exportations n’est pas nouvelle. Elle a été, déjà, encouragée par le gouvernement coréen en 1948, à l’aide de mesures incitatives telles que :

- le financement préférentiel aux activités exportatrices ;

- l’octroi de primes à l’exportation avec attribution préférentiel de devises en 1951, et ; - l’exonération des droits de douanes sur les intrants utilisés pour la production des produits manufacturés à l’exportation, en 1957 1. Contrairement au schéma préconisé par l’OCDE, déjà dans les années 1970, en particulier en Amérique latine où l’on commence d’abord à faire de l’import-substitution avant de démanteler les barrières douanières, de libéraliser et de promouvoir les exportations. Dans ce sens, la stratégie coréenne a un caractère particulier car elle s’appuie sur deux principes :

Le premier principe c’est ″ exporter pour importer ″. Les exportations étaient sacrées pour les coréens parce qu’exporter c’est un devoir national. Il fallait exporter pour acquérir des devises indispensables pour importer les intrants nécessaires au procès de production et à la croissance continue de l’économie. Selon cette perspective, le gouvernement coréen a mis : « un système de compensation industrielle selon lequel l’accès au marché intérieur –

marché intérieur fortement protégé jusqu’à maintenant, quelles que soient les annonces de libéralisation – est devenu un privilège concédé par l’administration à ceux qui prenaient

l’engagement d’exporter et qui effectivement exportaient »2.

Fréquemment, les réunions du conseil des ministres, élargies aux présidents des grands groupes industriels et les responsables d’associations industrielles, se réunissaient pour faire le point sur la question sur l’exportation. Aujourd’hui ces réunions ont disparu et ont été remplacées par des rencontres qui ont pour thème : ″ la technologie et la maîtrise des technologies de plus en plus avancées ″.

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1

Bak-soo Kim (1987), op.cit., p.54.

2

Pierre Judet (1988), « De la planification bureaucratique au libre jeu des forces du marché », Document ronéotypé, ISGP, Alger, p.16.

Le deuxième principe est : ″ la maîtrise des flux externes ″.

promouvoir l’industrie nationale et d’écarter tout produit et projet susceptible de menacer l’industrie nationale. En définitive, sous des dehors ″ libéralisant ″, l’Etat coréen a mené une politique interventionniste. Ce qui est remarquable en Corée, c’est que l’Etat est omniprésent par : « … l’action des ministres, des fonctionnaires, de l’office de planification

économique, des différents départements ministériels et organismes annexes, le gouvernement a occupé l’environnement industriel. Ayant participé à la planification, aux négociations avec les fournisseurs étrangers, à la création ou à la direction d’entreprises invitées à utiliser des technologies étrangères, en leur procurant les fonds, l’équipement et le personnel nécessaires, en ayant été présents lors de la construction de l’usine, de démarrage des installations, puis de leur fonctionnement et de leur amélioration ultérieure, les fonctionnaires de l’Etat ont rapidement été au fait des manquements aux plans de travail et des insuffisances matérielles et humaines. Il a été plus facile d’imposer des contrôles, et des contrôles plus efficaces, puisque les contrôleurs étaient constamment

présents sur le terrain »1.

Certes, les contrôles les plus stricts des années 1960-70 ont été assouplis. Mais, malgré tout, la gestion ferme de tous les organes officiels reste la norme.

En résumé, l’Etat coréen est capable de combiner toute une série de stratégies qui font que, sous des dehors ″ libéralisant ″, nous avons affaire à un Etat interventionniste, efficace et répressif.

Pour souligner le rôle de l’Etat dans le développement il serait, peut être, utile de revenir à la distinction, que faisait Gunnar Myrdal, au début des années soixante, entre l’Etat ″ mou ″ et l’Etat ″ dur ″ L’absence d’entrepreneurs dit-il a poussé l’Etat à planifier et gérer l’économie. C’est ainsi que s’est installé la bureaucratie en Asie du Sud. Il insinuait l’Inde, le Bangladesh et l’ensemble de la péninsule indienne. L’installation d’un contrôle discrétionnaire qui tend à freiner la dynamique économique plutôt qua la promouvoir. Dans ce cas, on est en présence d’un Etat autoritaire, d’un Etat ″ mou ″. Les Etats ″ durs ″ sont ceux qui sont : « exempts de corruption, qui sont en mesure d’utiliser efficacement les

instruments dont ils disposent, qui s’appuient enfin sur une forte cohésion sociale et

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1

John Enos (1986), ″ Korean industrial policy ″ , Pormetheus, Volume 4, n°2, December , p.245.

culturelle […] l’Etat japonais, plus concentré mais beaucoup moins envahissant et

omniprésent est un Etat ″ dur ″ » 1. En conclusion, même si le politique et l’économique

demeurent intimement liés, il n’est pas dans notre sens de lier autoritarisme et industrialisation et moins encore croissance économique. Sachant que dans toutes les

expériences de développement où l’Etat était répressif la situation a débouché sur une exploitation de la main d’œuvre. De même, on explique la répression par la très grande inégalité de répartition du revenu et des richesses que procure la politique d’industrialisation. Toutefois, quatre ensembles de facteurs sont communs à la stratégie d’ouverture des NPI de l’Asie du Sud Est 2.

Premièrement, les gouvernements se sont fixés comme objectifs la mise en œuvre d’un essor économique. Ils ont circonscrit la corruption et les situations de rente pour les substituer par la croissance économique. Par ailleurs, l’Etat a encouragé les ressortissants étrangers, qui détenaient des capitaux, à investir leurs capitaux dans le pays.

Deuxièmement, la gestion des économies était saine. Il n’y a pas trop de déficit budgétaire. L’inflation modérée et les taux de change gravitent autour de ceux fixés par le marché. Troisièmement, la flexibilité des marchés était importante. Les marchés du travail n’étaient pas entravés par les contrôles. En dépit de l’encadrement du crédit, les emprunteurs non favorisés pourraient chercher des prêts sur des marchés de crédits parallèles et actifs (Corée du Sud et Taiwan) ou sur les marchés étrangers, comme c’est le cas des cinq autres pays. Quatrièmement, les importateurs avaient le droit d’importer et de vendre à des prix voisins du marché mondial.