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La libéralisation du marché de travail

STRATEGIES D’INDUSTRIALISATION EN ALGÉRIE DE 1967 À1990

10. Garantie des droits de propriété: les droits de propriété doivent être biens définis et

3.4. La libéralisation du marché de travail

En réponses aux exigences de l’ajustement structurel, l’Etat tend à se désengager progressivement du secteur social (l’éducation, la santé, le logement et le travail). A cet effet le marché du travail a été profondément touché. Cette situation s’est présentée comme une adaptation du marché du travail à la conjoncture que traverse l’Algérie. Ces adaptations qui répondent au souci d’efficacité économique sont réglementées par deux grandes séries de textes législatifs (1990 et 1994), comme le montre le tableau ci-dessous :

[Source : JORADP : 1990 ; 1994 et 1997]

- la loi 90/02 du 21 avril 1990, relative aux relations de travail, traite des modalités d’indemnisation de licenciement pour raison économique ;

- Le décret 94/09 du 26 mai 1994, portant préservation des salariés susceptibles de perdre de façon involontaire leur emploi et ;

- Le décret 94/10 du 26 juin 1994, instituant la retraite anticipée, a introduit l’assurance chômage en faveur des salariés.

- Le décret 97/473 du 08 décembre 1997, instituant les modalités d’exercice de travail partiel.

La première leçon que l’on peut tirer de cette première série de textes législatifs fait que pour des raisons d’efficacité la loi confère à l’entreprise publique et privée le droit de licencier le personnel superflu. Le mythe des postes de travail à vie est révolu en Algérie. Dorénavant les EPE peuvent se libérer de l’excédent en facteur travail. En contrepartie, les employés reçoivent une indemnité de licenciement comme le stipule les articles 69 et 72 de la loi 90 / 2 : « lorsque des raisons économiques le justifient, l’employeur peut procéder à

une compression d’effectifs », «en cas de licenciement ... le travailleur recruté pour une

durée déterminée a droit à une indemnité de licenciement » 1. Cette indemnité est due à

raison d’un mois par année de travail dans la limite de 15 mois après épuisement du droit au congé rémunéré.

La seconde série, de mesure (décrets 1994) aborde la compression du personnel des effectifs d’une façon plus « rationnelle », moins contraignante pour les entreprises. Le

décret 94 / 09 précise clairement cette question : « Les salariés devant faire l’objet

d’une cessation de la relation du travail dans le cadre d’une compression d’effectif et qui bénéficient en compression soit d’un emploi, soit d’une admission à la retraite ou à la retraite anticipée n’ont droit à aucune indemnisation autre celle que leur est due au titre

des droits au congé payé » 2.

Le salarié ayant fait l’objet d’un licenciement bénéficiera d’une admission au régime d’assurance chômage dans les deux mois qui suivent la date de son licenciement et ne bénéficie et n’ouvre droit qu’à une indemnité de licenciement égale uniquement à 3 mois de salaire à la charge de l’employeur.

Au total, cette loi règle le problème de sureffectif, dans l’entreprise par le recourt progressif à l’une des trois solutions suivantes :

- le législateur algérien cherchera d’abord à préserver l’emploi par l’organisation et la conduite d’actions de formation - reconversion - des salariés nécessaires,

- ensuite, il tentera de réduire le sureffectif de personnel par le recours à la mise en retraite anticipée et,

- lorsque les deux premières solutions sont épuisées, l’employeur pourra recourir carrément à un licenciement du personnel qui va bénéficier de l’assurance chômage.

Par ailleurs, nous avons noté que le problème de chômage tend à s’exacerber, même s’il touche principalement les jeunes à la recherche d’un premier emploi, néanmoins il touche une proportion de plus en plus importante des personnes qui risquent de perdre leur emploi. Les différentes raisons de cessation d’activités des chômeurs ayant déjà travaillés sont résumées dans le tableau suivant :

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1 Jora. N° 17 du 25 / 04 / 1990.

Tableau : 3.13. Structure des chômeurs ayant déjà travaillé selon la raison de cessation d’emploi, 1989-1992, (en %) Raison Année Fin de chantier Fin de contrat Licenciement individuel Licenciement collectif Cessation d’activité démission Total 1989 26 17 13 4 11 29 100% 1990 23 18 14 4 11 30 100% 1992 22 19 11 6 13 29 100%

[Sources : ONS, collections statistiques n° 36 et 58, 1993]

Le tableau (3.12.) laisse apparaître de nouvelles causes de cessation de payement, entre autre l’encouragement au départ volontaire avec indemnisation (licenciement individuel et collectif) à partir de 1989 jusqu’au premier juillet 1994, date d’application du décret 94 / 09. En fin d’année 1994, le nombre de chômeurs est estimé à 365.000 contre 330.000 en décembre 19931.

Par ailleurs, on présente, ci-dessous les raisons de cessation d’activité salariale des entreprises publiques, de certaines wilayas de l’Est du pays 2.

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1 ONS, Collections Statistiques n° 58, p.19.

2

Tableau : 3.14. Départs volontaires au chômage de quelques Wilayas du 01/01/1993 au 30/11/1993 Effectif personnel Wilayas secteur juridique branche d’activité économique global concerné catégories socio-profes. concernées Motif de la compression Modalité d’indemnisa-tion Procédure de mise en oeuvre Skikda 7 EPE 1 privé national 6 BTPH 2 industriel e/se 12580 202 - cadre - maîtrise - exécution - sureffectif - fermeture du dépôt - fin de travaux base prévue par la législation contrat direct avec les agents

Constantine 6 EPE 4 BTPH 1services 1 industrie 10772 917 idem -sureffectif -manque de matière 1ére -réduction de travaux idem idem Mila 2 EPE BTPH 129 59 exécution fin de

chantier idem idem

Collo 1 privé étranger BTPH 96 66 exécution réduction

de travaux idem idem

[Sources : Sondage auprès d’entreprises et inspection régionale de travail Constantine]

Du précédant tableau, on déduit que les secteurs concernés par la compression du personnel sont surtout le BTPH (Bâtiment Travaux Publics et Habitat) l’industrie et dans une moindre mesure les services. Tous les secteurs juridiques ont été touché (EPE, EPL, secteur privé national et étranger).On a constaté aussi que les travailleurs qui partent volontairement (indemnisation) sont ceux qui habitent les grandes villes parce qu’elles arrivent à s’installer à leur propre compte (artisan, commerçant, etc.).

L’autre modalité de compression du personnel a été mise en oeuvre à partir du mois de juillet 1994 selon la législation en vigueur (décrets 1994).A titre d’illustration, à partir du mois de juillet 1994 au 31 juillet 1994 on a recensé concernant le volet social une importante compression de l’effectif de personnel des entreprises. La ventilation de cette opération là précise le tableau récapitulatif suivant :

Tableau : 3.15. Etats de compression de personnel des entreprises de la circonscription régionale de Constantine, juillet 1994-juillet 1995

Effectif Wilayas Secteur juridique Branche d’activité économique Global concerné Motif de la compression

Modalité de mise en oeuvre

Constantine - EPE - Privé national - BTPH - service industriel 22835 1633 -baisse d’activité -fin de chantier - sureffectif -redéploiement : 25 -allocation chômage: 229 -retraite anticipé : 1379 Skikda - EPE - privé national BTPH 5894 1259 - sureffectif -fin de chantier - redéploiement: 94 -allocation chômage: 857 -retraite anticipé: 262 - indemnisation: 46 Mila EPE BTPH 187 19 - difficultés financières -allocation chômage : 12 -retraite anticipé : 7

Djidjel EPE service

19 15 -fermeture du point de vente -redéploiement : 04 -allocation chômage : 11

[Sources : Sondage auprès d’entreprises et inspection du travail de Constantine, septembre 1995]

Le secteur le plus touché est le BTPH. Les motifs de compression sont variés. On enregistre :

- le sureffectif, - la fin de chantier,

- manque de matière première, - les difficultés financières.

Les responsables d’entreprises recourent en premier lieu à la retraite anticipée puis à l’allocation chômage. Le recyclage (redéploiement) vient en dernier, il est moins utilisé. En parallèle, le marché de travail observe une amélioration structurelle car le taux de chômage régresse de 29 % en 2000, à 17,7 % fin 2004 1. Cependant, les paramètres concernant la variable population pèsent toujours sur le marché de travail.

Eu égard des mesures prises par les pouvoirs publics, on peut déduire que la politique de l’emploi algérienne a suivi deux axes principaux :

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1

Brahim Ghanem : Délégué auprès du chef de gouvernement à la planification, forum El-moudjahad, Alger, le 25/04/2005.

Primo, un objectif de libéralisation de marché de travail institué par les lois sur le travail légalisant le départ volontaire, le licenciement pour des raisons économiques concrétisant la flexibilité du facteur de travail pour une gestion plus souple de l’entreprise. Secundo, un objectif d’offre de poste d’emploi par l’utilisation « des dispositifs d’insertion,

en particulier à l’égard des jeunes et le recours à la cessation d’activité sous forme de

préretraite. » 1 Dorénavant, la loi confère à l’entreprise privée ou publique le droit de

licencier le personnel superflu : le mythe des postes permanents à vie est révolu en Algérie. Maintenant, on estime que l’objectif de flexibilité du marché de travail a été atteint mais « les lourdes variables du marché de travail sont l’adéquation du système éducatif qui se

délabre à un moment ou la qualification et le perfectionnement sont de plus en plus

recherchées, et, la démographie, qu’elle soit forte ou faible, constituent un handicap »2.

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Abdelhamid Arib (2001), Mondialisation et droit du travail, in les actes du colloque international sur la législation sociale : la question de l’emploi, Faculté de droit, Université d’Oran, 2001, pp.215 - 222.

Leila Borssali – Hamdan et consorts : Synthèse des actes du colloque international sur la législation sociale : la question de l’emploi, Faculté de droit, Université d’Oran, 2001, pp.227.

Conclusion du troisième chapitre

Au début des années 1990, l’économie algérienne en stagnation était fortement endettée. Les recettes d’exportation des hydrocarbures ne lui permettent plus de subvenir en même temps aux besoins du service de la dette et du payement de la facture des biens importés. En cessation de payement l’Algérie a été obligé de rééchelonner sa dette .Cette opération lui permet d’établir le payement de la dette sur une période allant de 8 à 16 ans avec une période de grâce de 4 ans .Cependant pour garantir une relance économique il lui faut des ressources complémentaires. D’où l’Algérie les procurera t-elle ? Comment l’Algérie pourra exploiter son potentiel industriel et ses ressources naturelles pour accroître ses recettes d’exploitation en baisse. L’Algérie étranglée financièrement n’avait pas le choix. Elle accepta le PAS.

A travers le PAS, l’Algérie visait une des fondements d’une nouvelle politique économique basée sur la rentabilité financière du secteur public, et envisage même de préparer les conditions de sa privatisation.

Le coeur du problème est de désengager le rôle de l’Etat en tant que support financier des déficits du secteur public mais la préoccupation fondamentale est de savoir où trouver les ressources financières qui permettront à l’activité économique de fonctionner convenablement en d’autres termes de renouer avec la croissance. Or le problème demeure posé car les informations disponibles montrent que les EPE ont continué de souffrir d’un problème de trésorerie et que leur activité de production était souvent en deçà de ce quelle fût une décennie plutôt. Même si une privatisation est appliquée qui pourra financer les besoins en intrants qui sont toujours importés car le système productif algérien dépend dans une grande proportion de ces produits.

Enfin, L’analyse empirique des données statistiques démontre que le pays continuait des problèmes structurels majeurs suivant :

- le problème du chômage, 25% en 1995, touchait particulièrement les jeunes qui représentaient environ 75% de la population dont le nombre en 1995 est estimé à 27 millions d’habitants1;

- le problème de financement des importations en intrants (matières premières et produits

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semi-ouvrés), en équipement et produits alimentaires ayant coûtés 2 milliards de dollars US, uniquement pendant les dix premiers mois de l’année 1995.

Considérant ces contraintes majeures et l’Algérie qui se meut dans le cadre du commerce international, on estime que la résolution, du moins l’atténuation, de ces contraintes économiques doit s’effectuer progressivement par la conjugaison d’une gestion rationnelle des ressources financières nationales qui représentent d’une part de bons atouts et l’acceptation d’autre part, de sacrifices par la communauté algérienne.

En fait, à la fin des années 1980, l’Algérie essaye de dépasser la contrainte financière en recourant à d’autres moyens de financement, autre que l’endettement. Au début la situation financière n’exigeait pas un rééchelonnement mais les contraintes de l’environnement international entraînent la détérioration des termes de l’échange et des fluctuations néfastes du taux de change. Ces contraintes conjuguées aux facteurs de blocages internes entraînent la stagnation de la PIB qui n’a pas progressé au même rythme qu’une population en croissance rapide. C’est ce qui a exaspéré la situation financière du pays. Par ailleurs, l’ouverture des économies planifiées à l’économie de marché a hâté l’approfondissement des réformes structurelles en Algérie. En conséquence, l’ajustement structurel passe sous la conditionnalité du FMI. Dans le cadre de cette politique plusieurs mesures concrètes ont été prises par l’Algérie :

- La dévaluation du dinar visait la restructuration des grands équilibres macro-économiques. Elle consistait à rendre moins chères sur place les facteurs de production afin d’attirer des investissements étrangers et les produits nationaux destinés à l’exportation. En fait, l’Algérie a dévalué brutalement le dinar, entre 1985 et 1995. A l’époque, le glissement du taux de change a entraîné seulement un rétrécissement de l’écart entre le taux de change sur le marché parallèle et le marché officiel. Au total la dévaluation a eu une faible portée. L’inflation a continué une ascension consumant la trésorerie des EPE et elle n’a pas pu attirer les capitaux étrangers. Donc la dévaluation n’a pas entraîné les effets attendus parce qu’elle suppose au préalable une offre flexible de biens et services sur le marché national or les PVD n’arrivent pas à dégager un surplus exportable, en l’occurrence l’Algérie.

- La libéralisation du commerce : l’Etat a exercé le monopole sur le commerce extérieur pendant les trois précédentes décennies. Ceci a découragé les exportations et il a conduit le secteur privé à prospérer par la spéculation sur les produits importés par le secteur public. C’est la loi de finance 1995 qui marquent la libéralisation totale du commerce extérieur. La tendance est d’arriver à l’élimination de toute forme de subvention. Enfin, ce sont là les prémices d’adaptation au marché mondial, en l’occurrence l’adhésion à l’OMC et l’accord d’association Euro-méditérranéen.

En guise de conclusion, l’Algérie a intérêt de profiter des dispositions spéciales concernant les PVD mono exportateurs. D’une part pour assurer la sauvegarde de la

production nationale de la concurrence impitoyable des firmes étrangères et, d’autre part, elle doit renforcer l’intégration de l’économie algérienne dans l’économie mondiale. Enfin,

le régime algérien doit encourager l’importation d’intrants et pièces détachés nécessaires à la rotation de l’industrie et contenir le gaspillage des moyens financiers en interdisant l’importation des produits qui ne répondent pas aux normes (produits inadéquats et/ ou périmés), préjudiciables à l’économie nationale.

- la libéralisation des prix et la suppression des subventions à la consommation :

Les prix étaient administrés et ils constituaient le ventre mou de la politique économique en Algérie. A partir de 1980, le système des prix a connu les premières réformes. Ce sont les produits alimentaires qui vont tirer les prix vers le haut puis les prix des produits industriels prennent le pas aux prix des produits alimentaires. Les résultats d’une telle action par les prix sont décevants puisqu’on assiste, suite à l’emballement des prix, à une paupérisation des citoyens.

L’argent thésaurisé et les rentes de situation continuent d’alimenter le marché mettant en échec toute contraction de la consommation en outre le facteur humain est considéré en partie comme responsable de l’inefficacité des EPE donc de la non performance du secteur public.

Dans ce cadre, l’Etat soucieux de la justice sociale réplique à l’aide du filet social. C’est un transfert aux familles les plus démunies. Mais est-ce qu’un salaire de 3000 DA par mois, dans le cadre de l’emploi de jeune, arrive à couvrir les besoins du fonctionnaire temporaire, des fois ce travailleur subvient une famille moyenne ? Lorsque l’UGTA (Union Générale des Travailleurs Algériens) estime pour que la famille algérienne moyenne vit correctement aujourd’hui, il lui faut un revenu d’au moins 25.000 DA par mois. En conséquence, les problèmes sociaux se posent avec acuité.

Enfin, l’analyse de la situation économique à l’aide de critères économiques nous a permis de constater que le pays est dans une situation ou le problème reste posé. Dans cet amalgame et à la recherche de la crédibilité politico-économique et la solvabilité financière, l’Etat ne s’est pas contenté de faire passer les textes législatifs sur les réformes mais elle les applique d’une façon rigoureuse. C’est pourquoi, on se pose la question suivante : Les politiques d’ajustement structurel n’ont pas donné de bons résultats dans les PED d’Amérique Latine et d’Afrique donc comment l’Algérie arrive-t-elle à décrocher la satisfaction du FMI ?

On cherchera des éléments de réponse, à cette question, en procédant à une analyse empirique de la période post-ajustement 1998 -2005.