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La portée de la spécialisation par fonction économique

STRATEGIES D’INDUSTRIALISATION EN ALGÉRIE DE 1967 À1990

3.2. Les effets liés aux activités des EPE

3.2.2. La portée de la spécialisation par fonction économique

L'objectif était de motiver les travailleurs pour améliorer la productivité et augmenter la production. Dans la réalité la restructuration a favorisé les activités de commercialisation au détriment des activités de production. En effet, les activités de production supportent toutes les charges liées à la production et la loi les oblige à livrer leurs produits finaux à des prix de vente fixés administrativement et qui sont souvent inférieurs aux coûts de production. Par contre les entreprises de commercialisation reçoivent le produit final, lui appliquent une marge bénéficiaire et le livrent au consommateur. En fait elles ne supportent aucune autre charge importante à part celle du stockage. De plus il n'y avait pas de stockage dans certaines branches quand la demande était forte. Finalement la législation ne considérait que les secondes (entreprises de commercialisation) étaient bénéficiaires et méritaient donc des primes alors que les premières étaient déficitaires et n'ont recevaient aucune.

Dans ces conditions l'esprit de réformes est-il de stimuler la production ou bien la commercialisation sachant au départ que le volume de production est généralement très faible?

Dans ce contexte nous avons comme exemple concret les découverts bancaires qui illustrent le résultat négatif de la gestion quotidienne des EPE.

* Découverts bancaires

Les découverts bancaires ou avances bancaires sont nés effectivement au sein des EPE et ils n’existent pratiquement pas dans les entreprises privées. Comment se forment ces découverts bancaires ?

Les EPE utilisent les avances bancaires pour le financement d'une partie du fonds de roulement et particulièrement les charges salariales. C'est l'autorité de tutelle (ministère de finance) qui ordonne aux banques l'octroi des facilités de financement aux EPE , moyennant des « agios » (intérêts) dont le taux varie entre 20 à 30% calculées mensuellement ou trimestriellement. Au fond il n'y à pas de plafonnement concernant le

montant du découvert. Comme la structure financière pour différentes raisons (manque d'intrants, pléthore de personnel, faible utilisation des capacités productives) éprouve un déséquilibre à court terme (tout ce qui est lié à la liquidité de l'entreprise), l’entreprise ne dégage pas de liquidités suffisantes par son activité pour payer le découvert bancaire et même pas pour payer les « agios » qui résultent de ce découvert. . Cette situation exacerbe son déséquilibre financier ce qui entraîne l'insolvabilité de l'entreprise au point où la majorité des entreprises financent leurs fonds de roulement globaux par les découverts bancaires. Par ailleurs, le diagnostic de la situation financière à travers l'état des découverts bancaires de quelques entreprises locales et nationales est présenté dans le tableau suivant :

Tableau : 2.26. Découverts bancaires des EPE, en millions de DA

Nature de l’ E/se Nombre d’E/se enquêtée Nombre d’E/se Ayant un solde débiteur Solde d'E/se créditeurs Soldes débiteurs (découverts Bancaires) Observation EPL EPL 25 24 12 14 30 76 43 416 Du 31/01/91 Au 31/01/94 Avec dissolution d’une e/se EPE 12 5 888,5 1182,6 Au 31/12/94

[Source : Sondage effectué par nous auprès des entreprises et banques commerciales] EPL : Entreprise Publique Locale ; EPE : Entreprise Publique Economique

E/se : Entreprise EPL : 40 < N < 870 EPE : 600 < N < 5000 N : Effectif

Après deux ans et malgré la dissolution d'une entreprise le découvert bancaire des EPL s'est aggravé passant de 42,7 millions de DA à 416 millions de DA. Un nombre important d'EPL a bénéficié de la consolidation (assainissement financier : effacement de découvert bancaire) des découverts arrêtés au 31 décembre 1992.

Au lieu de constater une amélioration de la situation financière de ces EPL en raison de l'assainissement financier on a constaté plutôt une détérioration financière de la situation

des entreprises. Pour bien comprendre les causes on a pris le TCR (Tableau de Compte de Résultat) d'une EPL représentative, la COMAMO de Constantine :

A partir du TCR on remarque que :

- Les frais du personnel dépassent la valeur ajoutée, - Le chiffre d'affaire est très faible.

Ceci a engendré automatiquement des résultats déficitaires. Maintenant voyons le classement rationnel des bilans (CRB).

A partir du TCR, on a vu la rentabilité, à l'aide du CRB, on va voir la trésorerie de l'entreprise.

La structure financière de cette entreprise est déséquilibrée, principalement en raison des résultats déficitaires enregistrés en l'absence de fonds propres. L'entreprise est dépendante totalement de l'extérieur (banque). Elle repose uniquement sur les emprunts donc c'est une entreprise déstructurée.

Du point de vu des liquidités : cette entreprise a d'une part, des créances clients très importantes qui augmentent d'une année à une autre du fait qu'elle éprouve des difficultés pour recouvrir ces créances et d'autre part, cette EPL pour éviter les problèmes de pénurie de stock, elle essaie de constituer des stocks très importants de matières et fournitures. Au niveau des dettes : cette entreprise possède beaucoup de dettes surtout fiscales et parafiscales (organismes sociaux) et aussi des dettes fournisseurs. La différence entre les créances et les dettes nous montrent que l'entreprise éprouve des besoins de financement très importants pour lesquelles elle sollicite des crédits auprès des banques non pas pour financer ses besoins d'exploitation normaux mais plutôt pour survivre .Cette exemple typique d'entreprise est assez représentatif de l'ensemble des EPL.

Les EPE employant un effectif de personnel supérieur à 600 salariés soufrent elles aussi de la même difficulté financière. Ces entreprises déstructurées constituent un grand fardeau pour les pouvoirs publics puisqu’ elles emploient une grande masse de personnel car elles continuent de bénéficier du soutien de l'Etat.

D'une manière générale, les entreprises publiques soufrent d'un certain nombre de problèmes comme :

(i) la faiblesse de la productivité ;

(ii) stagnation des prix de vente et homologation des prix ;

(iii) augmentation des prix de matière première et des fournitures du fait du glissement continu de la valeur du dinar (dévaluation) ;

(iv) la pénurie parfois des matières premières et fournitures prolonge le cycle de production ce qui entraîne des coûts supplémentaires à l'entreprise ;

(v) les frais du personnel sont très importants par rapport au plan de charge : mauvaise rentabilisation des effectifs de personnel ;

(vi) les frais financiers bancaires - intérêts des emprunts à moyen et long terme plus les agios des découverts bancaires - sont très importants puisque l'entreprise ne survit qu'avec les emprunts et les découverts bancaires.

Les pouvoirs publics ont essayé de redresser les entreprises publiques qui éprouvent des difficultés financières par l'épongement de leur découvert bancaire. Or, comme on vient de le constater la politique d'assainissement des entreprises s'est avérée inefficace, pourquoi ? Parce que l'opération d'assainissement s'est effectuée dans les entreprises en situation de faillite - c'est comme si on injectait du sang dans un cadavre humain - car la majorité des entreprises sont dans une situation désastreuse, c'est une situation de faillite.

Actuellement la tutelle n'accorde plus de subventions, donc la majorité de ces entreprises vont déposer leur bilans (EPL) et/ou être privatisées ou vendues (EPE), d'autant plus que l'Etat n'intervient dorénavant que dans le cas où il impose des suggestions particulières à l'entreprise : service public, activités de nature stratégique et aménagement du territoire.

Conclusion du second chapitre

A partir des années 1980, les dirigeants, ayants fait un constat d'échec des EPE et de déséquilibre global de l'économie, décident de restructurer les entreprises du secteur industriel. Cette opération a entraîné l'éclatement des sociétés nationales en entités plus petites spécialisées par fonction économique : la production, la consommation ou l'étude et la réalisation de projets nouveaux. Cette nouvelle mesure a permis une réorganisation organique des EPE qui a multiplié les centres de décision mais elle n'a pas concerné le mode de gestion.

La première déduction que l'on peut tirer, c'est que l'idée de spécialisation n'a pas été menée convenablement au niveau microéconomique. La gestion bureaucratique a beaucoup gêné l'entreprise et elle ne lui a pas permis d'être le creuset du développement économique.

Secundo, l'idée de réformes a germé, dans le temps, en Algérie bien avant les pays de l'Est (ex: URSS) mais la variable temps très importante dans le cas de l'Algérie, d'opportunité elle s'est transformée en facteur d'exacerbation des contraintes externes, en l'occurrence l’endettement externe. De nombreuses distorsions ont été enregistré et pour les dépasser, les pouvoirs publiques ont crée ex-nihilo de nouvelles entreprises publiques afin de garantir la complémentarité interbranches et intersectorielles. Par ailleurs, l'échec de la restructuration des contrôles étatiques vont conduire le pouvoir public à proclamer en 1988 de nouvelles mesures de réforme : l'autonomie des entreprises, la réforme de la planification, la loi sur la monnaie et le crédit et les lois sur les relations du tarvail.

C'est en quelques sortes une reconnaissance implicite de l'échec de la politique de la restructuration des entreprises publiques qui ouvre la voie à d'autres moyens de régulation. L'essentiel, l'autonomie des entreprises d'Etat permet à l'EPE, désormais, de prendre les mesures nécessaires en vue de réaliser le profit financier. Donc l'Etat commence son désengagement des secteurs socio-économiques non stratégiques.

Le démantèlement du secteur public posa le problème de répartition de la dette, du matériel de l'ancienne entreprise. La reconduction des charges alimente des litiges qui vont gonfler les déficits financiers. La désignation des nouveaux responsables des EPE s'est faite non pas selon leur compétence, le critère de la méritocratie, mais selon leur appartenance au parti FLN, comme le stipule le fameux article 1201.

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1 Le fameux article 120, des nouveaux statuts du FLN, stipule que tous les responsables des organisations d’encadrements de la société doivent obligatoirement être membres du FLN.

Le tarissement des ressources financières va entraîner une autre vague de réformes en 1989-1991 et qui ont conduit à l’ajustement structurel.

Le secteur social a été très touché, les citoyens habitués à vivre dans une certaine euphorie voient leur niveau de vie régresser. Comme le vide social n'a pas été comblé par une croissance économique, ses retombés négatifs ont conduit à une contestation populaire à Constantine (1987) puis à Alger (1988). Le politique va paver le chemin à des changements économiques plus prononcés avec le gouvernement Hamrouche. Le premier ministre en 1989-1991 abandonna carrément la planification socialiste pour une politique de « laisser-faire ». Et, il présenta l'économie de marché comme une solution aux problèmes socio-économiques puisque son ministre de l'économie, Gouméziane, annonça : « après le plan, le marché ... » beaucoup de lois sur les réformes ont été signé par l'APN (Assemblée Populaire Nationale), il était en quelques sortes pour les gouvernements qui vont venir impossible de revenir en arrière. Le remboursement immédiat de la dette absorbe les 2/3 des ressources financières du pays en 1991 et les 2,61 milliards de dollars restants ne couvrent plus les importations de produits alimentaires et moyens de production pour l'industrie. L'Algérie étranglée financièrement accepte le rééchelonnement de sa dette. En bref, la politique de restructuration a été interrompue en octobre 1988. Des changements successifs ont caractérisé les années 1989-1990. A cause de ces changements fréquents il est apparu préférable d'analyser directement l'ajustement structurel à partir de 1990.

CHAPITRE 3

ARRET DE LA PLANIFICATION ET AJUSTEMENT STRUCTUREL 1990-2000

Ironie du sort ou plus exactement du sort de la théorie économique et avec, celui des PED, à leur tour les politiques keynésienne subissent le même sort que leurs consœurs libérales en 1929 1. Par ailleurs, les critiques acharnées des monétaristes à l’encontre des politiques interventionnistes et l’essoufflement, à la moitié des années soixante dix, des politiques keynésiennes de relance budgétaire et la crise de l’Etat providence remettent en cause l’intervention de l’Etat dans l’économie. En réaction à cette situation, les institutions monétaires et financières internationales se sont manifestées avec un esprit réformiste destiné aux PED. On leur proposa une recette préconçue. A cette effet, les programmes d’ajustement structurels du FMI et de la Banque Mondiale, sous tendu par le consensus de Washington, ont été la traduction concrète de cette démarche : l’ouverture économique. Dans un monde en plein effervescence, on assiste à un vaste mouvement de démocratisation. Ce changement s’est accompagné d’une ruée des Etats-nations vers l’économie de marché, ayant pour truchement le désengagement de l’Etat de la sphère économique. Par ailleurs, la coïncidence du couple ″ démocratisation- libéralisation ″ a compliqué l’appréhension de ces profondes transformations de l’économie mondiale. L’Etat est appelé à assurer les fonctions classiques (la sécurité et la justice).

Au début des années 1980, la planification connaît un déclin et l’économie algérienne, proie à une crise latente, ne résiste pas aux chocs externes. Alors sans réticence, elle décide de faire des réformes. A l’instar de nombreux PED, l’Algérie accepte la politique d’ajustement structurel, au début des années 1990. Ce type de remède est exécuté unilatéralement par le gouvernement. Le pays engage, de sa propre initiative un PAS pour bénéficier de crédits nécessaires à la correction d’un déséquilibre sectoriel. Cette situation est fréquente dans les pays développés. Par contre de nombreux PED très endettés se trouvent dans l’impossibilité d’honorer leur dette. Ces pays sont obligés de passer par le FMI. Ce dernier exige l’application d’un PAS. Après « étude de la situation économique du pays concerné, le FMI exige certaines conditions qu’il présente sous forme de recommandations (Consensus de Washington). Après ça, le FMI donne un ″ visa ″ aux pays créditeurs obligés d’appliquer le PAS afin de bénéficier de nouveaux crédits. L’acceptation d’un tel enjeu se traduit par un accord (Stand by court terme puis un Ajustement structurel à moyen terme) avec le FMI. Il constituât une opération de garantie du FMI vis-à-vis des autres créanciers. Cette garantie restaure la confiance et permet au pays débiteur de se diriger vers les créanciers pour demander de nouveaux crédits et /ou rééchelonnement de la dette. Le pays débiteur est traité de la même façon, sans aucune

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réserve, par les banques publics ou privées (Club de Londres et de Paris) et, même s’il se dirige vers la Banque de Développement Arabe, il sera traité de la même façon parce que cette dernière suit la politique du FMI.

Dans ce troisième chapitre, on soulignera, d’abord, la dimension internationale de l’endettement, sa genèse et son développement. Dans le prolongement du processus d’endettement, nous présentons les fondements de la politique d’ajustement structurel

(section 1). Partant du soubassement théorique, nous procéderons à une analyse

descriptive des mécanismes de l’ajustement structurel en Algérie (section 2).Dans le cadre de l'ajustement structurel, l'Algérie va opérer des changements dans sa politique économique et cela concerne plus particulièrement les prix, la fiscalité, les taux d'intérêt et les taux de change. La combinaison de ces mesures se substitue à la méthode de développement centralisé .Pour la plupart des économistes c'est le retour à la sainte orthodoxie monétaire. Cette politique vise la restauration des grands équilibres internes et externes. Comment l'Algérie, en appliquant ces mesures, arrivera t-elle à réduire ou à supprimer les carences et retards accumulés pendant les trois dernières décennies de développement ? Quels sont les résultats de cette stratégie ? Pour répondre à ces deux questions, nous avons retenu deux types de critères, les résultats économiques et les résultats sociaux. Mais, avant d’exposer ces critères, il est nécessaire de relater brièvement les faits du PAS en Algérie. Ensuite, on appréciera sa portée à l’aide de critères socio-économiques. Enfin, nous évaluerons la période post ajustement jusqu’à 2000 (section 3). Finalement, l’application du PAS a coïncidé avec l’embellie sur le marché de pétrole. Ce bon dénouement du marché des hydrocarbures, dans le cas de l’Algérie, a donné un second souffle aux réformes économiques. Dans ces conditions, l’Algérie continue la transformation de son économie. Dans ce sens, le gouvernement a lancé, à partir de 2001, deux programmes successifs de relance économiques. Ces programmes visent l’entretien d’une croissance durable et l’atténuation du chômage. Basé sur l’investissement en capital public, ces programmes sont réservés au renforcement, surtout, du parc de logement et au développement des infrastructures de base (transports et l’eau). Enfin, la troisième et

dernière section sera consacrée aux principaux effets macroéconomiques et sociaux de ces

investissements et de l’effet de la dette extérieur et la démographie sur ces investissements. Enfin, l’accord à court terme de mars 1994 puis à moyen terme d’avril 1995 marquent la fin de toutes les hésitations des gouvernements successifs et confirme le début d’une transition vers l’économie de marché en Algérie.

Selon ses promoteurs, l’industrialisation devait assurer une croissance rapide. Dans le premier chapitre, nous avons montré combien ce résultat est aléatoire. Combien il dépendait, à la fois de la fluctuation de la conjoncture financière mondiale. Et, aussi de la part de financement interne des PED. Au début des années 1970, le financement des PED a connu une grande expansion. Cette volonté de croissance nécessitait beaucoup de capitaux financiers que l’épargne interne (épargne domestique, épargne forcée : fiscalité, prix agricoles, etc.) était incapable de financer, d’où le recours à l’endettement extérieur (emprunts, aide publique, IDE, etc.).

Par ailleurs, on assiste à une transition de la régulation de la finance internationale (Cf. Section : 1, Chap.6). Essentiellement public, les prêts deviennent privés. En outre, les modalités du système monétaire international, c'est-à-dire l’ensemble qui régit le taux de change, le relèvement des taux d’intérêt aux Etats-Unis et les rapports de valeur entre les monnaies nationales influent considérablement sur les échanges et la construction économique des PED. Tous ces facteurs réunis ont collaborés au gonflement de la dette extérieure. La crise d’endettement, des PED des années 1980, a une forte composante structurelle qui découle directement de la stratégie d’industrialisation, d’une part et, la cause directe on peut la lire dans la privatisation rapide du financement des emprunts des PED (mondialisation financière), qui a prévalu surtout au cours des années 1960-1970. Eu égard de ces considérations, nous analyserons la genèse du processus d’endettement. En prolongement au processus d’endettement, nous montrerons comment les bailleurs de fonds, avec le soutient du FMI et la Banque Mondiale, ont su déplacer " l’effet boomerang ", dans le camp des PED : La politique d’ajustement structurel. A cet effet, nous passerons à la présentation le contenu de la politique d’ajustement structurel, telle que préconisée par les institutions monétaires et financières internationales, comme préambule à l’étude de l’ajustement structurel en Algérie et ses effets socio-économiques durant la décennie 1990.