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CHAPITRE 4 CONCLUSION-OUVERTURE « Connais-toi toi-même » : la préservation de

3. Des compétences au capital émotionnel

3.2 Ressources et retombées du capital émotionnel

Le capital émotionnel a des impacts sur la constitution du capital humain et l’utilisation optimale du capital humain, social et culturel de l’individu et des retombées à la fois individuelles (en termes de satisfaction, de bien-être, ou de mieux-être, d’épanouissement, de satisfaction, etc.), sociales (relations et interactions sociales, intégration et cohésion sociale), et économiques (individuelles sur la constitution de capital humain, la performance et productivité au travail, et collectives sur les performances et rendements dans et des organisations). Les retombées plurielles personnelles et collectives sur la performance (Heckman, 2000), le bien-être, la résilience, le développement de la personne, la cohésion sociale, l’apprentissage, etc., en font un véritable capital (Gendron, 2004-2008).

Le capital émotionnel est plus qu’un capital additionnel. Il est un « booster » du capital humain et du capital social. Il peut permettre de potentialiser et d’utiliser de manière optimale et maximale ces deux capitaux du fait qu’il intervient dans le processus de constitution du capital humain au sens de Becker et qu’il interfère également dans le capital social. Le capital émotionnel intervient dans le procès de construction du capital humain. Il constitue les pré-requis du développement cognitif. Pour Izard, Kagan et Zajonc (1984), du point de vue de l’apprentissage, considèrent la conation et la cognition dans un rapport « synergiste ». Ces compétences s’avèrent nécessaires pour autoriser l’apprentissage et des interactions adéquates. D’autres recherches (Kort, Reilly et Picard, 2000, Ocde 2002 ; Ocde-Ceri 2004) en neuro-cognition mettent en avant ce lien et les effets des émotions sur l’apprentissage. D’autres travaux soulignent l’impact des émotions lors de la construction de connaissances professionnelles (Ria et ali. 2003). Dans l’interaction pédagogique, elles facilitent ou handicapent l’apprentissage et donc, à terme la constitution du capital humain. En outre, Palmer, Donaldson et Stough (2002) ont constaté que les personnes ayant une intelligence émotionnelle élevée, renvoyant aux compétences émotionnelles, permettait de prévoir la satisfaction dans la vie ; entre autres, que ces personnes étaient plus susceptibles d’avoir recours à un style de défense d’adaptation et de manifester par conséquent une adaptation psychologique plus saine. Le capital émotionnel participe à l’équilibre de la personne, à sa résilience. Cependant, il dépend des contextes et du milieu social des expériences de vie de la personne.

La diversité des cadres premiers de socialisation conduit aujourd’hui à une hétérogénéité (différence de valeurs, de normes…) et une diversité importante au sein des personnes en terme de dotation en capital émotionnel. Et ces différences en dotation

peuvent venir freiner, altérer l’apprentissage, voire ne pas l’autoriser et influer sur le processus de constitution du capital humain et impacter leur performance. En effet, les carences, à l’inverse, en compétences émotionnelles dans les rapports humains peuvent diminuer la performance des personnes ainsi que les performances de l'ensemble des personnes qu’ils ont en chargent. Il en va ainsi des personnes en charge d’autres personnes, tels que les enseignants, les formateurs, les managers ou responsables d’équipe… Ainsi, un enseignant qui ne sait pas répondre aux situations de violence en classe risque vite de perdre la maîtrise de sa classe, son crédit et la confiance des enfants. Egalement, des critiques trop acerbes de l’enseignant ou du manager adressées à ses élèves ou collaborateurs qui ne sauraient pas relativiser, peuvent plonger certains élèves ou collaborateurs dans un état d’anxiété et dès lors les rendre fragiles, instables, agités, attendant le moment où tombera la sentence inexorable les chassant de la classe pour l’élève ou la nécessité d’un retrait momentané du travail (congé maladie) voire pire, le burnout pouvant conduire à l’auto-destruction, tel les suicides enregistrés chez France Telecom. Si un certain nombre de recherches montrent que l’anxiété, la dépression sont le lot des élèves présentant des difficultés émotionnelles perturbant leur performance scolaire, on retrouve ce même phénomène au travail dans le cadre des phénomènes de « Burn out ». Fridja et al. (1994) a montré qu’une personne réagit émotionnellement lorsque ses domaines d’intérêt et de préoccupation sont mis en cause. Cela déclencherait des processus de ressassement (rumination mentale) et impacte la performance au travail. Friedman (2003, p.195) montre dans le secteur éducatif que l’“educator endurance, efficacy and humanitarian discipline relate negatively to stress, burnout and illness, but positively to health and personal accomplishment. Teachers with a low sens of instruction efficacy tend to become mired in classroom problems, are stressed and angered by student misbehavior, pessimistic about student potential to improve, and focus more on subject matter than student development”. A l’inverse, Den Brok, Fisher, et Scott (2005) montrent qu'un enseignant au profil de leader, c’est-à-dire aux compétences émotionnelles développées peut accroître la motivation, l’intérêt pour la discipline et la performance de ces élèves. Il en va de même dans d’autres secteurs professionnels. De manière générale, un dirigeant ou patron qui arrivent en colère et s’exprime « sans trop le penser » ou encore est continuellement déprimé sera sans doute un très grand démobilisateur pour ses salariés qui l'entourent. Des études montrent que chez les salariés qui reçoivent moins d’attention, de considération ou moins de support, la régulation émotionnelle est plus difficile et entraîne plus de souffrance en milieu professionnel (Castro, 2004).Un climat délétère au travail mettant à l’épreuve les émotions peut, si mal géré, donner lieu à une contagion émotionnelle bloquante pour l’entreprise. Un associé qui ne comprend pas ses partenaires ou qui ne considère pas les besoins des autres s'attirera à la longue les reproches et le ressentiment de ses pairs. A l’inverse, une relation de bonne qualité avec des collègues crée un environnement professionnel positif qui suscite des sentiments de satisfaction et de bien-être professionnel pouvant se traduire par une productivité accrue et un moins fort absentéisme (voir amener jusqu’à un certain état de « fluidité »). Tout comme l’élève ou l’apprenant qui se sent bien en classe peut donner le meilleur de lui-même, un salarié travaille d’autant mieux qu’il se sent considéré (Mayo et l’effet Hawthorne). Et, la satisfaction d’un salarié n’est pas sans retour et retombée sur ses engagements au travail et avec son équipe comme le souligne Fischer (2002, p.7) « positive affect while working does appear to be important in predicting affective commitment and spontaneous helping behaviour ». Aussi, plus le travail et les responsabilités sont complexes plus les compétences émotionnelles sont nécessaires et présentes. Et, les compétences émotionnelles s’articulent en synergie avec l'intelligence intellectuelle et

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les connaissances. D’ailleurs, celles et ceux qui réussissent à un haut niveau allieraient les deux formes de compétences. Nombre de travaux menés dans le domaine du travail auprès d’entreprises, de directeurs d’établissements scolaires, de responsables d’équipe ou de leaders indiquent que les gens qui atteignent des sommets sont ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats aux tests d'intelligence émotionnelle (Goleman, 1999, Gond et Mignonac, 2002, Hess, 2003). Et plusieurs études montrent qu’il est économiquement avantageux d’embaucher des personnes en fonction de leur intelligence émotionnelle (Brown, 2004). Enfin, nombre de travaux montrent que les compétences émotionnelles permettent de meilleures relations interpersonnelles et développent la résilience des personnes face aux situations stressantes. D’autres confirment que les meilleurs programmes de promotion de la santé et de prévention des comportements à risque incluent à leur base le développement de ces compétences. Au- delà des retombées personnelles, les compétences émotionnelles profitent à la personne dans son activité professionnelle et donc à l’organisation. Entre autres, les travaux du consortium international sur l’intelligence émotionnelle dans les organisations apportent désormais la preuve de leurs liens avec la performance au travail. Particulièrement, ils s’intéressent aux compétences des managers dans les organisations. Ces nouvelles compétences sont essentielles pour répondre à l’évolution de l’économie dans la société de la connaissance et de la démographie. Dans le cadre de cette thèse, nous verrons si ce capital émotionnel peut être aidant dans le management personnel du stress. Nous tenterons de tester cette hypothèse dans le cadre d’interventions actions dans les champs du soin et de la santé.

Conclusion Partie I

Cette première partie a tenté de rendre compte de l’évolution des métiers du soin et de l’éducation, et de leurs mutations. De nombreuses recherches ont mis en évidence une pénibilité spécifique repérée dans les métiers impliquant une relation d’aide (soin et développement des personnes…) et une responsabilité morale, il en va des métiers de l’enseignement et de l’éducation. Cette spécificité des métiers émotionnels, de relation d’aide ou en contact avec la personne suppose-t-elle des modèles et des approches ad hoc ? La nature de la transaction de travail serait-elle au cœur de la tempête des maux ? Vers une approche par la qualité de vie au travail ? Quelles compétences nécessaires ? Et dès lors les compétences nécessaires sont-elles suffisamment développées dans les programmes de formation et suffisantes pour le management de leurs risques psychosociaux et pour en prévenir ? Est-ce une affaire ou question personnelle ? Un management personnel du stress suffit-il à lui seul pour prévenir et assurer une qualité de vie au travail ? Ce sont les questions que nous avons adressées dans cette première partie et avons tenté d’y apporter des éléments de réponse, tout au moins un éclairage à la fois factuels, notionnels et théoriques.

Ainsi, les modèles théoriques interactionnistes et transactionnels apportent des éclairages dans la régulation du stress en lien avec la personnalité et des facteurs d’environnement.

Ces modèles de stress visant à expliquer l'origine du stress reposent majoritairement sur des approches d'origines médicales et psychologiques. Ce sont des approches causalistes qui ont généralement pour but de dégager quelques traits fondamentaux du fonctionnement de l'individu lorsqu'il fait face à une situation stressante. Deux modèles en psychologie dominent actuellement la littérature : l'approche interactionniste et l'approche transactionnelle. L’approche interactionniste met en évidence l'écart entre la

situation et la personne, alors que l'approche transactionnelle montre l'influence de la perception de la personne de la situation.

Ces approches dominantes en psychologie fondées sur la réponse individuelle ou la personnalité ou les caractéristiques individuelles prennent en compte d’une part les perceptions individuelles expliquant le processus par lequel l’environnement influe sur la personne et d’autre part la variation de la réponse de la personne à l’environnement dans le temps en incluant le phénomène de l’apprentissage, c’est-à-dire l’évolution de la personne. Ramener au travail, le stress dans ces modèles est compris comme un décalage entre les exigences de travail et les capacités de l'individu. Il est dans l’interaction de la rencontre entre une personne et son environnement. Il va dépendre des ressources propres de la personne et particulièrement dans les métiers émotionnels de son capital émotionnel, ce que nous étudierons comme hypothèse dans la partie suivante en regardant si le capital émotionnel peut être un élément explicatif des différences de management personnel du stress et si son développement peut agir en prévention chez des populations se préparant à travailler dans des métiers du soin et de l’éducation. Egalement, le modèle de Lazarus et Folkman est intéressant à mobiliser pour analyser les régulations émotionnelles des personnes dans la situation de travail à travers le principe du processus de coping.

Enfin, ces différents modèles du stress professionnel présentent l’intérêt scientifique de partager une conception commune de la représentation théorique du stress fondée sur les dotations de l’individu et leur insuffisance ou de sa perception de sa dotation pour faire face à la demande et exigences de l’activité.

Cependant, ces premiers modèles ne détectent pas la dynamique du processus de changement dans le travail et l’environnement et ses cadres dans lequel s’effectue la transaction de travail. D’autres modèles de compréhension du stress au travail partant de l’analyse psycho-dynamique du travail vont permettre d’élargir la perspective pour ne pas la limité à la seule dimension personnelle. L'évaluation du stress doit être réalisée en tenant compte de trois dimensions : les caractéristiques contextuelles (le cadre de l’organisation, l’encadrant/manager) et environnementales (le cadre de travail) qui contribuent à modeler l'activité et les caractéristiques internes du collaborateur. Ils vont s’élargir aux ressources liées entre autres, au travail lui-même, aux relations, et conditions d’exercice de l’activité et sa satisfaction dans son équilibre vie privée et travail, dépendantes de la Qualité de vie au travail (QVT). Ainsi la mise en œuvre d'une démarche de prévention ne consistera pas seulement à prévenir les risques mais à concevoir de manière plus compréhensive un travail qui prenne en compte des enjeux de santé, de qualité de vie au travail. Travail et santé entretiennent une relation duale : la santé est la condition d’un travail de qualité et le travail, est facteur de santé et de réalisation personnelle.

Si le management du stress doit être envisagé de manière plurielle, voyons déjà ce qu’il peut en être du point de vue individuelle. Les caractéristiques de la personne, précisément, dans les métiers émotionnels, son capital émotionnel peut-il expliquer son mode de management. Est-il explicatif des différences individuelles de management du stress ? C’est ce que nous allons étudier dans le cadre d’une recherche intervention dans une seconde partie.

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PARTIE II

HYPOTHÈSES, MÉTHODOLOGIES

D’INTERVENTION, DE RECUEIL ET DE

TRAITEMENTS DES DONNÉES, RESULTATS

ET RÉFLEXIONS

PLAN

Chapitre 1

Méthodes de recherche et d’intervention commune aux deux études de cas des apprentis aides-soignants aux étudiants futurs personnels éducatifs : recherche action et

formation à la pleine conscience, l’acceptation et l’engagement Chapitre 2

Etude de cas 1 Management et prévention des risques psychosociaux chez les aides- soignants en formation : données, méthodologies, éthique et résultats

Chapitre 3

Etudes de cas 2 Management et prévention des risques psychosociaux auprès d’étudiants en première année d’université de la filière des sciences de l’éducation :

données, méthodologies, éthique et résultats

« Si tu veux profiter de ta vie, apprends à profiter de ta simple journée. » Confucius

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Introduction

Si le management du stress doit être envisagé de manière plurielle, les travaux précédents montrent qu’il dépend déjà des ressources propres de la personne, de ses caractéristiques. Précisément dans les métiers émotionnels, son capital émotionnel peut- il expliquer son mode de management du stress ? Est-il explicatif des différences individuelles de management du stress ? C’est ce que nous allons étudier dans le cadre d’une recherche intervention dans une seconde partie. L’objectif principal de cette recherche action est de tester les effets de la démarche de la pleine conscience, de l’acceptation et de l’engagement ACT’et de management de projet PIA2 sur le développement du capital émotionnel d’apprenants aide-soignants et de futurs personnels éducatifs et son impact sur la gestion et régulation des risques psychosociaux, particulièrement du stress.

Approche expérientielle de la modification du comportement, la thérapie d’acceptation et d’engagement emprunte, s’inspire de plusieurs courants intellectuels et modèles thérapeutiques distincts. Elle partage avec les programmes entre autres de la thérapie de réduction du stress, la thérapie cognitive, Mindfulness based cognitive therapy ou une approche de la conscience et de ses troubles, que l’on trouve dans les thérapies cognitivo-comportementales, thérapies dites de pleine conscience ou de mindfulness (Chiesa et Malinowski, 2011). Le but premier de cette méthode n’est pas la réduction des symptômes ni l’élimination des événements psychologiques sources de souffrance. Elle vise plutôt l’augmentation de la flexibilité psychologique, définie comme « la capacité à ne pas agir uniquement dans le but de modifier les expériences psychologiques désagréables » (Hayes, Strosahl et Wilson, 1999 ;

Son objectif est de mettre en adéquation les comportements avec les valeurs, en s’appuyant directement sur le langage comme outil adaptatif, pour entrer en contact avec des conséquences distantes, en diminuant certaines formes de contrôle verbal. Pour ce faire, elle va travailler sur les processus du langage qui interfèrent avec la flexibilité. Dans le cadre de notre travail, comme de récents travaux le montrent, travailler à développer la pleine conscience participe d’une meilleur management de soi, facilitant la résilience, l’apaisement et une paix intérieure, conditions pour s’adapter aux changements et innover. Agir en pleine conscience et pleine présence contribuerait au développement d’un management responsable au sein des entreprises que cela soit du collaborateur au manager. Vivre pleinement l’instant présent peut aider à prendre du recul et contribuer à vivre différemment les situations rencontrées dans la vie professionnelle : nous ne pouvons pas changer un événement, par contre, nous pouvons changer notre réaction et notre comportement par rapport à celui-ci. La pleine conscience ou mindfulness aiderait à agir de façon plus consciente, choisie, délibérée, et à répondre de manière moins automatique aux situations rencontrées. Par conséquent, elle peut contribuer à agir de façon mieux adaptée, plus créative. Elle permet de réduire le stress, de prendre du recul, de contribuer à de meilleures compétences communicationnelles, d’accepter ses émotions et de faire preuve de bienveillance envers nous-mêmes et les autres. Pour ce faire, nous avons procédé à deux études de cas, la première, une population d’apprenants aide-soignant et la dernière, deux populations étudiantes de première année en sciences de l’éducation dont nous rentrons compte des résultats et livrerons ce qu’ils donnent à penser.

CHAPITRE 1 Objectifs et hypothèses

Dans ce chapitre, nous nous attacherons à rendre compte des objectifs de ce travail et des hypothèses générales que nous nous proposons de tester, traduites en hypothèses opérationnelles au regard des échelles et mesures mobilisées.