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CHAPITRE 4 CONCLUSION-OUVERTURE « Connais-toi toi-même » : la préservation de

1. Emotions, origines, fonctionnement et rôles

1.5. Emotions, stress et traitements cognitivo-émotionnels

Si nous venons de voir les implications des processus physiologiques sur la cognition et son impact sur le traitement de l’information (dont on peut imaginer les perturbations possibles sur l’évaluation des informations à valence émotionnelle et l’impact sur leur régulation), le modèle cognitif exigences/autonomie («Demand/Control model») peut être intéressant pour permettre de décrire les processus physiologiques pouvant altérer la santé selon les travaux de recension du BIT (1998) repris en synthèse. La réaction physiologique est de plus en plus souvent comprise comme une réponse systémique complexe. La physiologie de la réaction humaine au stress, dans le comportement de fuite ou de lutte1, correspond à une combinaison intégrée de plusieurs modifications : débit cardio-vasculaire, régulation par le tronc cérébral, interaction respiratoire, contrôle limbique de la réponse endocrinienne, activation corticale générale et circulation périphérique. Le concept de stress est celui qui s’appliquerait le mieux aux systèmes complexes impliquant de multiples sous-systèmes interactifs et une causalité multiforme2. Parallèlement à cette nouvelle perspective de la dynamique des systèmes en physiologie, de nombreuses maladies ont été définies comme des dérèglements systémiques et différents travaux ont étudié la traduction des ajustements multifactoriels et chronodépendants dans l’équilibre systémique ou, à l’inverse, l’absence de tels ajustements («chaos»). Au prisme de ce modèle, le stress recouvre un déséquilibre du système dans son ensemble, même si certaines parties peuvent rester fonctionnelles. Tout organisme doit avoir des mécanismes de contrôle pour coordonner les actions des différents sous-systèmes (cerveau, cœur et système immunitaire). Le stress dans le cadre professionnel (tension au travail) serait une surcharge du système de contrôle de l’organisme lorsque celui-ci tente de maintenir un fonctionnement intégré face à des défis trop nombreux (exigences élevées) et que la capacité du système d’assurer un contrôle intégré de ses sous-mécanismes est défaillante (forte tension). Pour rétablir l’ordre dans cet environnement chaotique, les systèmes internes de contrôle

1Comportement de fuite et d’évitement qui est travaillé dans la démarche de l’acceptation et de l’engagement et pour

s’orienter vers une troisième voie possible, l’acceptation ou, son orientation psychologie positive par une ré- évaluation, en lien avec les modèles de Lazarus et Folkman (1984), fondée sur la capacité d’adaptation de l’individu par réinterprétation atténuante de la perception de la situation, dans un sens moins menaçant et réduisant le stress ressenti.

2Dans les modèles de stress, les relations causales sont plus complexes qu'une simple relation univoque de cause à

effet, comme c'est les cas dans les sciences pures: il peut exister de nombreuses causes qui s'accumulent pour produire un seul effet, mais une cause unique (facteur de stress) peut ainsi avoir de multiples effets ou conséquences à retardement.

physiologique doivent faire en sorte de maintenir une régularité physiologique coordonnée (par exemples, une fréquence cardiaque constante, une respiration régulière comme pratiqué dans la partie corporel de l’approche pleine conscience et acceptation et engagement), malgré des exigences contextuelles irrégulières. Lorsque la capacité de contrôle de l’organisme est épuisée au terme d’un travail d’«organisation» excessif, toute exigence supplémentaire entraîne une fatigue extrême ou une tension invalidante. Par ailleurs, tout organisme doit mettre périodiquement ses systèmes de contrôle au repos pendant les périodes de sommeil ou de relaxation (mobilisé dans l’approche thérapeutique de la pleine conscience et ACT par la pratique d’exercice de lâcher-prise) pour être capable de faire face aux prochaines tâches de coordination. Lorsqu’un schéma d’action optimal ne peut être suivi, le processus de coordination du système ou ses tentatives de relaxation peuvent se voir inhibés, c’est-à-dire lorsque le système ne peut se contrôler lui-même ou trouver un équilibre interne satisfaisant. Dès lors, la diminution de la capacité qu’a l’organisme de mobiliser l’ensemble de ses mécanismes adaptatifs pour maintenir un équilibre physiologique face aux exigences, peut renvoyer à une absence de contrôle, conduisant à long terme à une surcharge et à une atteinte à la santé et son risque de maladie.

Egalement, l’Inserm (2011) dans un rapport sur le stress au travail focalisé sur les travailleurs indépendants, met en évidence les mécanismes généraux relationnels entre émotion, stress et cognition. L’analyse qui en découle est ici reprise et peut-être généralisée et applicable au monde salarié. Les sciences du comportement, avec leurs aspects neurobiologiques et psychologiques, établissent dans les années 60, un certain nombre de principes toujours actuels dont un qui met en avant le fait que les processus cognitifs qui procèdent de l’évaluation ne peuvent être séparés des processus émotionnels. Dans les modèles transactionnels (Lazarus et al., 1984), les agents de stress (ou stresseurs), comme évènements externes ayant des caractéristiques propres dont l’évaluation, en fonction de l’importance de l’effet, va jouer un rôle essentiel dans la transaction entre l’environnement potentiellement stressant et l’individu, seront classées selon deux mécanismes : une évaluation de la situation (du stresseur) ou la mise en place d’ajustements (le coping). Ces mécanismes expliquent les différences individuelles quant à l’évaluation des effets dont certaines ont des origines sont génétiques et acquises et peuvent expliquer certaines vulnérabilités potentielles. Ces mécanismes sont encore appelés mécanismes d’évaluation et d’ajustement cognitivo- émotionnels : l’ajustement étant intrinsèquement lié à l’évaluation de la nocivité du stresseur et aux moyens disponibles pour y faire face. Autrement dit, les processus cognitifs qui procèdent de l’évaluation ne peuvent être séparés des processus émotionnels. Ces derniers sont d’un intérêt majeur dans les sciences biologiques et sociales : ils font passer d’un concept étroit et indifférencié (le stress) à un concept plus pertinent cliniquement, l’émotion.

Les travaux de l’Inserm (2011) montrent que dans les situations de nouveauté, d’imprévisibilité, d’incertitude, de perte de contrôle et de menace de l’ego, les mécanismes mentaux, cognitifs et émotionnels mobilisés vont impacter les mécanismes biologiques mentionnés ci-dessus et expliquent les différences interindividuelles. Mécanismes que l’on peut retrouver en oeuvre dans l’analyse de la situation des aides- soignants ou enseignants débutants faisant face au « choc de la réalité » du métier dans son apprentissage à la fois des gestes et du milieu ; inversement, l’homéostasie répond aux principes de familiarité et de prévisibilité.

Qu’elle soit « physique » ou « psychique », seule l’évaluation par le sujet et son système nerveux donnera à la menace potentielle, le statut de stresseur ; stresseur qui trouve ses

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sources dans l’environnement social et sociétal. D’où le terme « psychosocial » qui rend compte du développement psychologique de la personne en relation avec le milieu ou la culture dans lesquels il a vécu et, plus largement, de ses interactions avec l’environnement social, en particulier à l’interface du monde du travail. Le terme « risque » psychosocial en découle, remplaçant le terme de stresseur et ses conséquences. Le stresseur a des qualités objectives à partir desquelles il est possible de lui attribuer une dangerosité générale pour la population qui le subit. Cependant, la nature des représentations mentales du stresseur est au cœur du processus de stress et est à l’appréciation de la personne et de sa construction, donc subjectif. En effet, chaque sujet « personnalise » ce qu’il évalue, interprète, éprouve et ressent, ceci en fonction de sa personnalité, de son histoire, de ses croyances, de sa culture et des possibilités d’ajustement, de ses potentialités génétiques et des ressources sociales. De l’évaluation et de l’interprétation ainsi que des mécanismes cognitifs-émotionnels en jeu, il en ressort un état dit « subjectif », donc propre à un sujet en interaction avec son environnement. Selon l’Inserm (2011), la subjectivité est configurée par les structures universelles des facultés mentales de l’espèce et, quoique différenciée, n’est en rien incommunicable et peut entrer en relation avec d’autres subjectivités ; les subjectivités pouvant se construire les unes par rapport aux autres, que les représentations soient fidèles ou non à la réalité objective du stresseur. Il ne peut pas y avoir de représentation mentale propre à un sujet pensant sans distorsion par rapport à ce qui est représenté et la narration qui en est faite. La médecine et la psychiatrie montrent que cette configuration subjective avec sa charge d’affectivité est le reflet d’un état neurobiologique et démontre comment un évènement donné devient et peut devenir stresseur. Ce que l’on retrouve dans une citation de Confucius « Ce n’est pas tant ce qui arrive qui importe,

mais plus la façon dont on le vit ». Ainsi s’instaureront les processus neurobiologiques

et neuroendocriniens du stress. La « subjectivité - stress » s’objective et s’authentifie par son versant biologique. Les chercheurs s’appuyaient alors sur une approche psychobiologique pour établir l’existence du processus de stress, déviance autour de l’équilibre homéostatique des différentes constantes physiologiques, retour à la normalité ou passage à la pathologie. Le stresseur aura des effets différents selon les sujets (processus de stress, maîtrise de l’homéostasie, capacités d’ajustement, génétique, histoire personnelle, vulnérabilités potentielles) ; ce qu’illustrent des travaux cliniques et expérimentaux de chercheurs et que l’on retrouve également dans des travaux d’autres natures à partir de situations mêmes extrêmes (guerre, désastres, travaux de Cyrulnik sur les camps de concentration) travaux renvoyant à la résilience, référant au processus dynamique complexe d’adaptation suite à un traumatisme ou à une perturbation.

2.

Emotions,

Régulation,

intelligence

et

compétences