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CHAPITRE 4 CONCLUSION-OUVERTURE « Connais-toi toi-même » : la préservation de

1. La notion de « risques psychosociaux »

1.4. Contours du stress et définitions

1.4.1. Détresse émotionnelle : stress, burnout-épuisement, anxiété, dépression,… :

Ces dernières années suite à la vague de suicides au travail en France, ont émergé de nombreux travaux (Inserm, 2011) mobilisant les concepts de stress, de burnout, d’épuisement, d’anxiété et de dépression au travail. Initialement et en résumé, le stress

a été défini comme une réponse physiologique de l'organisme à une situation épuisante, dangereuse ou angoissante pour lequel le corps produira en réaction des hormones spécifiques. Cette notion a été ultérieurement étendue à tout état de perturbation (pas nécessairement pathologique) provoqué par la confrontation avec un danger, une menace physique ou psychique, un environnement difficile.

Les notions d’anxiété et de dépression lui sont souvent associées et d’autres encore ayant en commun de renvoyer à de la détresse émotionnelle, souvent précurseur de difficultés psychologiques. La psychopathologie la plus fréquente dans le monde est la dépression et l’OMS estime que d'ici 2020, son impact économique sera supérieur à celle des maladies courantes telles que les maladies infectieuses et cardio-vasculaires. Des études ont démontré que le niveau de stress et d'anxiété sont des facteurs qui contribuent de façon significative au développement de la dépression et ce dès l’âge de la construction de la future vie d’adulte.

En outre, défini par Veil (1959), une des conséquences les plus importantes du stress est le burnout (« to burn oneself out » dont en terme japonais, un sens équivalent serait « karoshi »). Le mot anglais burnout, littéralement, carbonisation psychologique (Girault, 1989), désigne « l’état de l’individu vidé de toute son énergie, comme s’il avait été victime d’un incendie intérieur » (Freudenberger, 1985). Ce terme désigne un état d’extrême fatigue. C’est un syndrome d’épuisement physique, émotionnel et mental, impliquant le développement d’images négatives de soi-même et des attitudes défavorables envers le travail.

Freudenberger a formulé ce concept au regard de son expérience dans les établissements médicaux coopératifs. L’épuisement professionnel (ou épuisement au travail, traduction de burn out) serait lié à la pratique de fonctions caractérisées par un grand idéal social de départ mis à rude épreuve de sollicitations multiples, éventuellement contradictoires et donc de grandes exigences. Si le modèle du stress était traditionnellement appliqué au monde de l’industrie, les travaux sur l’épuisement professionnel se sont concentrés sur les services sociaux du tertiaire et le malaise de leurs employés ; l’épuisement professionnel a principalement été étudié dans des milieux professionnels où l’activité première relevait d’un contact étroit avec un public-client, c’est-à-dire notamment les professions de santé, de l’hôtellerie, l’aide sociale, l’enseignement, la sécurité, la protection, la gestion…

Désignant un état psychologique, émotionnel et physiologique résultant de l’accumulation de stresseurs professionnels variés se répétant continuellement et s’inscrivant ainsi dans la durée, il est vu comme une phase d’aboutissement, de conséquence de réactions de stress quotidiens qui finissent par user et épuiser la personne et dans le champ du travail, par sa permanence prolongée de stress lié aux impératifs d’ajustements à des contraintes lourdes, aux difficultés organisationnelles dans et/ou à l’adaptation à de nouvelles procédures qu’ils imposent.

Précisément, il est un « état de fatigue chronique, de dépression et de frustration apporté par la dévotion à une cause, un mode de vie, ou une relation, qui échoue à produire les récompenses attendues et conduit en fin de compte à diminuer l’implication et l’accomplissement du travail. En quelque sorte, l’étape à partir de laquelle il existerait un décalage entre l’image idéalisée que les travailleurs se font d’eux-mêmes et ce qu'ils perçoivent dans leur quotidien professionnel, les déconnectent avec leur soi véritable et les mettent face à une incapacité à atteindre les objectifs qu'ils se sont fixés.

Dans cette approche, les facteurs individuels se voient attribuer un rôle important dans le développement du syndrome d’épuisement professionnel, en raison de leur engagement et cette dévotion1à une cause, appelé la « maladie du battant » ou que nous appelons dans notre travail « le chevalier blanc » dans son rôle de « sauveur du monde » (dont on pourraient questionner : lésions ou liaisons dangereuses ?).

D’après Freudenberger H. J. et Richelson G., (1981) le syndrome d’épuisement professionnel se développe quand les individus ont une image idéalisée d’eux-mêmes, se perçoivent dynamiques, charismatiques, particulièrement compétents et finissent par perdre le lien avec leur soi véritable. Et selon Levinson (1996), l’épuisement professionnel se caractérise par un constat : l’individu qui en est victime ne pourra plus jamais faire ce qu’il a fait.

De manière générale, le terme « stress » sera utilisé dans ce travail dans un sens large, renvoyant au sens d’un état de perturbation provoqué par une agression, des agents, facteurs de stress, ou stresseurs. Dans ce travail, il s’agit du stress dans le cadre et lié à l’activité de travail, le stress du travail (Inserm, 2011). Aussi, l’incapacité à gérer le stress, un management non efficace du stress ou l’exposition à un stress excessif lié à l’activité de travail peut entraîner toute une série de problèmes de santé. Selon les situations de travail, ces facteurs de stress ont une importance variable et peuvent interagir entre eux, en se neutralisant ou au contraire en se renforçant et s’inscrivent dans un processus progressif marqué par des étapes dans l’intensité et la nature de la détresse jusqu’à son escalade, le burnout ou l’épuisement professionnel. Enfin, si plusieurs modèles de stress ont ainsi été proposés pour intégrer cette complexité, ce que nous verrons dans ce qui suit, il importe au préalable de définir les contours de la notion de stress relativement à d’autres notions

1Dans le monde du soin, elle était associée au fait que c’était des nonnes qui s’en occupaient et qu’ensuite

progressivement la laïcisation des métiers du soin, a amené des femmes dont les qualités recherchées énoncées dans les textes étaient entre autres, dociles, besogneuses, dévouées… Les métiers du soin sont le point de rencontre entre la !"#$%&'()*+#*,'-.!%/.*.&*+01&#&- Providence. Jusqu’au XVIe siècle, le personnel de soin, majoritairement des femmes (héritage de l’époque des nonnes) ne sont pas seulement dévouées aux malades mais aussi à tous ceux qui sont dans la pauvreté et la misère. C’est dans ce contexte que Foucault a décrit le grand enfermement (Foucault, 1972). Ce n’est qu’après la révolution que la médecine entre enfin véritablement à l’hôpital, créant par le même coup une vision différente : celle de guérir une maladie organique précise, alors que les infirmières, présentes jusque-+23* -#/4* l’institution, avaient davantage comme objectif de soutenir et aider un malade dans sa déchéance (Dubet, 2002).

1.4.2. Anxiété : traits et états

Le terme d’anxiété se distingue du terme plus général de stress. Le concept d’anxiété tire son origine du terme latin !"#$%&!' qui renvoie à un état d’agitation, d’inquiétude ou d’angoisse. L'anxiété est distinguée selon son origine psychologique nécessitant une prise en charge psychothérapeutique ou celle organique liée à une lésion de l'organisme nécessitant une prise en charge médicale. Ici, dans nos travaux le lien avec le stress renvoie à l’anxiété d’origine psychologique. Définie comme un état émotionnel désagréable, à un moment donné, se caractérisant par des sentiments de tension, d’appréhension, de nervosité, d’inquiétude, Spielberger (1993) distingue les traits d’anxiété (anxiété-trait) ou par opposition à l’état d’anxiété (anxiété-état), pour expliquer les différences interindividuelles qui seraient stables dans la propension à l’anxiété. L'état d'anxiété est la réponse comportementale dérivant de la perception de la menace, et le trait d'anxiété renvoie à disposition durable, une constance comportementale, de la personnalité, définie comme une prédisposition à percevoir certaines situations comme plus ou moins menaçantes et à y répondre par des états d'anxiété plus ou moins élevés. Selon Spielberger, les sujets à haut trait d'anxiété percevront plus souvent les situations comme menaçantes, et/ou répondront à une situation menaçante par des états d'anxiété plus élevés. Cette distinction permet de caractériser les sujets qui présentent un haut niveau de trait d’anxiété de manière générale et donc probablement des niveaux d’états d’anxiété élevés, des sujets qui d’une manière générale ne présentent pas un niveau haut de trait d’anxiété, mais peuvent présenter un haut niveau d’état d’anxiété face à telle situation particulière1. Cette approche est dans la lignée des approches cognitivistes des relations entre personnalité et comportement : le comportement n'est pas déterminé en soi, de façon mécanique, par les traits de personnalité, mais par l'interaction entre personnalité et caractéristiques de la tâche, par le biais des cognitions et représentations du sujet (Roberts, 1991). Dans le cadre de notre travail, nous mobilisons des échelles de stress au sens large qui renvoient à trois dimensions, le stress, l’anxiété et la dépression2 que nous décrivons dans les annexes. Le stress, dans cette perspective est moins considéré comme un trait fixe de la personnalité que comme un mode de traitement transitoire, appliqué à une situation. Enfin, le mot stress renvoie à des perspectives théoriques fort différentes. De l’idée d’une force, ou tension, à celle du stimulus externe et les conséquences biologiques, psychiques et sociales des stresseurs, le stress peut être également étudié d’un point de vue de ses processus et de sa dynamique à la fois externe et interne à la personne et de son traitement cognitif.

1Cependant dans notre travail, nous n’utilisons pas l’échelle Spielberger ; la validité d'un trait global d'anxiété, c'est-

à-dire la possibilité de prédire d'une manière générale les réactions d'anxiété des sujets à partir d'une seule variable de personnalité a été remise en cause pour opter pour des approches différentielles afin de différencier de manière plus spécifique l'anxiété-trait, en fonction des caractéristiques des situations générant le sentiment de menace. L’échelle Dépression, Anxiété, Stress (DASS) a été retenue dans notre travail. est une évaluation de la santé mentale utilisée pour mesurer le degré de sévérité de la dépression et de l'anxiété. Ici, l'échelle de dépression renvoie au manque d'initiative, aux sentiments de désespoir, à l’incapacité à éprouver le plaisir, être pessimiste, une humeur dépressive et croire que leur vie n'a pas de valeur.

2L’anxiété renvoie à une réaction cérébrale (le sujet anticipe,– généralement négativement – voire imagine une

difficulté ou un danger suscitant une peur ou une réaction exagérée sans cause), le stress dans une version restrictive et médicale est une réaction hormonale de l'organisme face à un danger. Dans nos travaux, nous lui retiendrons une