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Cette remarque générale étant faite, il faut dès lors préciser ce qu’on entend par

Partie 2. Un mécanisme de protection des droits

B) Une démonstration pratique

57. Cette remarque générale étant faite, il faut dès lors préciser ce qu’on entend par

critères relevant d’une « micro perspective » œuvrant dans l’identification de la substance du droit. Si plusieurs éléments de détermination sont concernés par cette qualification, il semble pertinent de proposer, pour plus de lisibilité, un angle double : il s’agira, dans un premier temps, d’analyser la notion d’indérogeabilité des droits (A), et dans un second temps, un ensemble d’éléments participant de la spécificité propre, voire de l’identité d’un droit (B). Dans les deux cas, il faudra se demander si ces facteurs structurant la substance hors des

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76 V DE=t65a dFd6 V=E ;V D>5DE=V DD5 C pourraient trouver un écho, tacite, dans la jurisprudence du juge de Strasbourg.

A) Le « critère » de l’indérogeabilité, à l’aune de la jurisprudence européenne ? 58. UN RAPPROCHEMENT FREQUENT A LA SUBSTANCE DU DROIT. De tous les « critères » instruisant la substance du droit, celui de l’indérogeabilité a été le plus largement étudié. Nombreux auteurs dans la doctrine s’intéressant aux mécanismes – nationaux et plus encore, supra-nationaux – de protection des droits de l’homme ont rapidement établi un lien entre le régime de protection des droits de l’homme au sein des divers instruments concernés, et la substance du droit. Généralement, cette réflexion est intervenue dans le prolongement de l’étude d’un « noyau intangible » ou « noyau dur » des droits de l’homme176. La logique sous-jacente à cette réflexion était la suivante : puisque les mécanismes, nationaux, régionaux, ou internationaux des droits de l’homme fixent un régime de protection des droits qu’ils garantissent, n’est-ce pas là que l’on doit chercher en premier lieu le signe d’une protection absolue de la substance du droit ? Et par suite, n’est-ce pas dans cette notion qu’il faut voir l’expression de celle de substance du droit protégée ?

59. UNE PRESENTATION DU CONCEPT. Sans entrer dans des détails inutiles à notre étude, il semble important de commencer par définir et présenter cette catégorie juridique, celle de l’indérogeabilité. Elle renvoie en réalité à plusieurs termes variablement assimilés par la doctrine : l’intangibilité des droits177 ; le caractère absolu de leur protection178 ; et bien sûr, l’indérogeabilité même179. Frédéric SUDRE précise que « la présence formelle dans les conventions à portée générale d’une clause interdisant expressément toute dérogation à certains droits est un critère objectif permettant de distinguer, au sein de la catégorie des

176 Voir, par exemple, l’ouvrage de P.MEYER-BISCH (dir.),Le noyau intangible des droits de l’homme…, op. cit. ¹ÆÆ

Quant à cette notion dans le champ du système conventionnel, voir F.SUDRE, « Droits intangibles et/ou droits fondamentaux… », op. cit. Il s’agit, selon l’auteur, de droits qui, contrairement aux droits conditionnels, « ne

sont pas passibles de ces limitations [restrictions et/ou dérogations], ce sont des droits absolus, applicables à toute personne, en tout temps et en tout lieu » (ibid., p. 382). Voir, également, L.HENNEBEL, « Les droits intangibles », in E.BRIBOSIA etL.HENNEBEL (dir.), Classer les droits de l'homme, op. cit., pp. 195-218.

178 Terminologie usitée, par exemple, par M.DELMAS-MARTY, Le relatif et l'universel…, op. cit., p. 128 ; voir, encore, A.GEWIRTH, « Are there any absolute rights ? », The philosophical Quarterly, 1981, vol. 31, n° 122, pp. 1-16.

179 – MireilleDELMAS-MARTY rappelle que cette notion traduirait, sur le plan juridique, la « quintessence des

valeurs » propres à notre communauté humaine (au sens du secrétaire général de l’ONU, lors de la conférence de

Vienne) ; en cela, elle constituerait le prolongement de la notion d’absolue protection, l’auteur avançant toutefois la limite de l’identité des deux notions (notamment au regard du droit prévu à l’article 2 de la CEDH) (M. DELMAS-MARTY, Le relatif et l'universel…, op. cit., p. 128). – Dans la même logique, quant à la limite de l’identité des notions d’intangibilité et d’indérogeabilité, voir M.AFROUKH, La hiérarchie des droits et libertés

dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, op. cit., p. 66 ; P.MEYER-BISCH,« Le problème des délimitations du noyau intangible des droits et d’un droit de l’homme », op. cit., pp. 100-101, contestant la conception citée ci-après.

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ÇÈ ­¬«É ¬®Ç ¬Ê¬ÇË©ÌÉ Í Ì©É ÇÈ ­¬ «É ¬®«Î ®Ï¬Ð Ì©É Ç©É ÎË «È©É ÇÈ­¬«É »180. Autrement dit, il s’agit de proclamer l’intouchabilité (négative) du droit en cause. Notons que la distinction entre droits indérogeables ou non se fonde notamment sur la théorie des circonstances exceptionnelles. « En vertu de cette théorie, un État ayant ratifié une convention en matière de droits de l’homme peut, en respectant certaines conditions, suspendre la jouissance et l’exercice des droits proclamés en cas de guerre ou de danger public exceptionnel menaçant la vie de la nation »181.

Au-delà des différences inhérentes à chaque mécanisme, l’ensemble des conventions internationales de portée générale (à l’exception de la Charte africaine des droits de l’homme) présentent, d’une part, une liste de droits indérogeables, et d’autre part, « une convergence remarquable » quant aux droits choisis182. Il faut noter que, dans le cadre du système conventionnel, sont considérés comme indérogeables le droit à la vie (article 2), le droit à ne pas être torturé ou soumis à des traitements inhumains ou dégradants (article 3), le droit de ne pas être mis en l’esclavage et en servitude (article 4), le droit à la non-rétroactivité de la loi pénale (article 7), la règle de non bis in idem (article 4 du Protocole 7), et enfin l’abolition de la peine de mort (Protocole n° 13)183.

60. UNE INDEROGEABILITE MULTI-FACETTES. Ces éléments généraux ayant été rappelés, il faut dorénavant revenir à la question qui intéresse cette étude : est-il possible de dégager la substance du droit, concrète, de la catégorie des droits indérogeables ? Comment le critère de l’indérogeabilité peut-il nous informer directement quant à l’identification de la substance du droit ?

Commençons par une considération préalable d’importance. Il faut immédiatement souligner que la thématique de l’indérogeabilité renvoie pour la notion sujet de cette étude à plusieurs idées et angles d’analyse, subtilement enchevêtrés. Ainsi, il parait nécessaire de distinguer, d’une part, les réflexions liées à l’indérogeabilité en tant qu’elle vise une catégorie de droits intouchables, et d’autre part, celles se rapportant plutôt à la notion prise en son contraire, autrement dit, à la dérogeabilité de la plupart des droits ; l’ensemble formant un couple « indérogeabilité/dérogeabilité » qui interviendra à plusieurs étapes de la présente recherche.

180 F.SUDRE, Droit européen et international des droits de l'homme, op. cit., p. 198.

181 L.HENNEBEL, « Les droits intangibles », op. cit., p. 195. – En ce qui concerne le système de la CEDH, voir R. ERGEC, Les droits de l’homme à l’épreuve des circonstances exceptionnelles. Etude sur l’article 15 de la

Convention européenne des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, Éditions de l’Université de Bruxelles, coll. «

Collection de droit international », 1987.

182 F.SUDRE, Droit européen et international des droits de l'homme, op. cit., p. 198. – Voir également, sur la question de la hiérarchisation des droits au sein des mécanismes internationaux de protection, M.DELMAS -MARTY, Le relatif et l'universel…, op. cit.,, pp. 126 et s.

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uVi _6=a5aous son second angle, l’analyse porte principalement sur la délimitation du champ d’application de la protection de la substance du droit selon le type de mesure étatique, et subséquemment, la nature de cette protection et/ou l’étendue de la substance. Aussi, cette manifestation du couple « indérogeabilité/dérogeabilité », bien qu’elle soit susceptible d’impacter indirectement la substance, est, du fait de son orientation en direction de la protection, à distinguer de celle observée ici-même, au stade de l’étude de la substance du droit en tant qu’absolu ; elle se verra donc traitée ultérieurement, notamment dans le deuxième Chapitre184. Qui plus est, la théorie défendant l’existence d’une substance différente – plus restreinte – en cas de circonstances exceptionnelles vise la modulation de celle-ci mais ne semble pas permettre de connaître davantage les critères l’identifiant.

De retour à l’analyse du critère de l’indérogeabilité, entendu selon le premier angle, évoquons la proposition d’AugustinMACHERET185, de prendre appui sur le droit international public offrant des « lignes directrices et des critères pour déterminer le noyau intangible » du droit suisse, et notamment par l’observation des droits insusceptibles de dérogation et du jus cogens. Il apparaît donc que sans s’en expliquer clairement l’auteur établisse un pont entre « noyau intangible d’un droit » et « noyau intangible des droits ». Au niveau du droit constitutionnel suisse, ce rapprochement pourrait trouver sa source dans les articles 10-1 (2ème

phrase, interdisant la peine de mort), 10-3 (interdisant la torture), ou 17-2 (interdisant la censure) de la Constitution186. Selon Gerold STEINMANN, ces « points de repères » à la délimitation du « domaine du noyau intangible » ou de « l’essence des droits fondamentaux » garantis par la Constitution suisse font écho aux articles prévoyant des droits indérogeables (au sens de l’article 15, § 2 CEDH) au sein du système conventionnel187.

61. L’EXAMEN DE LA JURISPRUDENCE CONVENTIONNELLE. Ceci nous permet de préciser que ce rapprochement du caractère indérogeable d’un droit et de la substance du droit – quant à l’identification de cette dernière en particulier – a également été mis en lumière par la

184 Voir, à titre préliminaire, l’analyse de J.-B.MARIE, « La quête du noyau intangible », op. cit., p. 13.

185 A.MACHERET, « Le noyau intangible des droits de l’homme… », op. cit., pp. 36 et s. – Indiquons, avant lui, J.-P.MÜLLER (dir.), Éléments pour une théorie suisse des droits fondamentaux,op. cit., pp. 153-155, opérant un

parallèle avec le système conventionnel. – Enfin signalons, toujours dans l’ouvrage relatif au VIIe Colloque interdisciplinaire sur les droits de l’homme de Fribourg des 23-25 novembre 1989, la réfutation par Patrice MEYER-BISCH de la thèse de la délimitation du noyau intangible des droits de l’homme par le biais du critère de l’indérogeabilité, telle qu’elle s’exerce aujourd’hui (P.MEYER-BISCH,« Le problème des délimitations du noyau intangible des droits et d’un droit de l’homme », op. cit., p. 101), et son soutien parallèle à l’extension de cette catégorie, passant par des progrès de définition des droits et de bornage du droit de dérogation (ibid., pp. 111-113). Aussi, l’identification de la substance du droit procède, de fait, pour l’auteur, d’une observation des droits dérogeables et de leurs différentes délimitations.

186 G. STEINMANN, « Les critères de la limitation des droits de l’homme dans la pratique de la justice constitutionnelle… », op. cit., p. 176.

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dV;E 6=D5 conventionnelle188. Au regard de la jurisprudence conventionnelle, il semble possible de remarquer que la Cour s’est gardée de faire mention d’un tel parallèle, ne renvoyant qu’extrêmement rarement189 à la substance du droit sur le terrain des droits considérés comme indérogeables. Quant à ces derniers, elle se réfère plus fréquemment au « noyau dur » ou au caractère « intangible », mais ceci à l’échelle de la Convention en général, renvoyant en d’autres termes à un noyau dur des droits de l’homme190.

62. BILAN DE LANALYSE. Si le caractère indérogeable gagnerait à être étendu le plus largement possible aux droits de l’homme (pour ne pas dire à tous), assurant ainsi la protection intangible d’un noyau ou substance déterminée au sein de chacun d’entre eux, il semble a contrario que le critère de l’indérogeabilité nous mène à une impasse en matière d’identification de la substance. A nouveau, lorsqu’elle désigne alors une catégorie de droits intouchables, l’indérogeabilité renvoie plus directement à la protection dont ils jouissent – assimilant leurs « statuts », sans « régler » la question de l’identification de ladite substance (sauf à considérer qu’elle comprend le droit entier dans le cas des droits indérogeables). C’est ce qu’exprime Sébastien VAN DROOGHENBROECK concernant le système conventionnel lorsqu’il affirme qu’« il va de soi, et la doctrine n’a du reste pas manqué de le faire observer, que l’idée d’un injustifiable en soi ne pourrait recevoir affirmation plus explicite que dans la garantie d’indérogeabilité qui se trouve associée aux droits consacrés par les articles 2, 3, 4, 7, premier du sixième protocole additionnel et 4 du septième protocole additionnel »191.

Une fois le cas de la notion d’indérogeabilité examiné, il faut conclure cette présentation des critères de détermination concrète de la substance du droit par une brève étude, pêle-mêle, des autres éléments de perspective interne au droit, pouvant concourir à la mise en lumière de sa substance.

188 Il convient de pointer, parmi la doctrine propre à cet angle d’examen, la lecture de Jonas CHRISTOFFERSEN de la jurisprudence européenne, considérant qu’il ressort des chevauchements entre droits absolus et relatifs garantis par la CEDH une substance absolue ; pour synthétiser, « the absolute right in that case provides a measure of

absolute protection within the scope of the relative right », comme c’est le cas de l’interdiction de la torture et

des traitements inhumains et dégradants dans le contexte de la protection du droit à la vie privée et familiale ou à la liberté et sûreté en général (J.CHRISTOFFERSEN, Fair Balance …, op. cit., pp. 155 et s.).

189 Par exemple, dans l’arrêt peu instructif à notre égard, Siliadin c/ France précité (note n° 53), § 89, par lequel la Cour assimile manifestement la notion de substance du droit avec celle de contenu du droit, au sein du contrôle de l’applicabilité de l’article 4 de la CEDH.

190 À titre indicatif, quant au premier cas, Cour EDH, Gde ch., 4 février 2005, Mamatkoulov et Askarov c/

Turquie, req. n° 46827/99 ; 46951/99, Recueil des arrêts et décisions 2005-I, § 108 ; comm. G. COHEN -JONATHAN, RGDIP, 2005, n° 109-2, pp. 421-434 ; quant au second, Cour EDH, 22 octobre 2009, Norbert

Sikorski c/ Pologne, req. n° 17599/05, § 158.

191 S.VAN DROOGHENBROECK, La proportionnalité dans le droit de la Convention européenne des droits de

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ÑÀLe critère de l’identité, à l’aune de la jurisprudence européenne ?

63. DES FACTEURS HETEROGENES DIDENTITE. Au titre d’une « micro perspective » s’agissant de l’identification, il faut finalement se demander si la substance concrète d’un droit ne correspondrait pas tout compte fait à l’identité ultime de celui-ci. Il convient tout d’abord de définir ce potentiel critère de l’identité : comment dégage-t-on l’identité d’un droit ? Il est nécessaire de faire état des éléments, rencontrés dans le droit comparé, participant de la spécificité ou de l’identité d’un droit, en tant qu’ils donneraient des indications sur l’identification de la substance. Loin de prétendre à l’exhaustivité, il s’agit de présenter certaines perspectives doctrinales ou jurisprudentielles qui, mises en transparence de la jurisprudence de Strasbourg, s’avéreront peut-être éclairantes pour notre étude.

La substance du droit étant découverte ou mise au jour à l’égard d’un droit en particulier, elle procède d’une démarche « droit par droit »192. Dès lors, pour accéder à l’identité dont il est ici question, il semble pertinent d’observer très précisément le droit en cause, tout particulièrement quant aux différents aspects et contextes de culture juridique, historique, politique, socio-économique193 qui entourent sa reconnaissance dans un instrument juridique.

64. LES ENSEIGNEMENTS DU DROIT COMPARE. C’est ainsi que le juge constitutionnel espagnol, dans sa décision précitée de 1981, propose de recourir à « la naturaleza jurídica o el modo de concebir o de configurar cada derecho », ou encore aux « intereses jurídicamente protegidos como núcleo y médula de los derechos subjetivos »194. Des deux voies complémentaires suggérées par le Tribunal constitutionnel, il ressort nettement que la substance concrète est à rechercher dans le sens et le contenu – autrement dit, dans les caractéristiques, propriétés et démembrements – généralement admis, singularisant le droit. Aussi, il faut comprendre la substance comme ne coïncidant pas parfaitement avec le contenu

192 Voir, concernant notamment le droit constitutionnel espagnol, L.PAREJO ALFONSO, « El contenido esencial de los derechos fundamentales en la jurisprudencia constitucional… », op. cit., p. 185 ; G. PECES-BARBA

MARTINEZ, Théorie générale des droits fondamentaux, op. cit., p. 434.

193 Sur la contextualisation de la notion générale de substance du droit, conditionnant dans une certaine mesure la détermination particulière de celle-ci, voir – quant au droit allemand,M.-L.PAVIA,«Eléments de réflexions sur la notion de droit fondamental », LPA, 1994, n° 54, pp. 6-13 ; – quant au droit suisse, J.-P.MÜLLER (dir.),

Éléments pour une théorie suisse des droits fondamentaux, op. cit., p. 158 ; et – quant au droit espagnol, L.

SUAREZ, « La determinación de los límites a los derechos fundamentales en la constitución española de 1978 »,

revista de la facultad de ciencias jurídicas, 2011/12, nº 16/17, p. 212, traitant de la conception évolutive – au

regard du contexte social – du noyau intangible.

194 Arrêt « Droit de grève » précité (note n° 84), fondement juridique 8 ; voir P. BON, F. MODERNE, Y. RODRIGUEZ, La justice constitutionnelle en Espagne, op. cit., pp. 245-246 ; G. PECES-BARBA MARTINEZ,

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;V DaE=EFE=V DD5 Cd:;C`6: c_uisque sa détermination dépend de la culture juridique encadrant ce droit195.

Jörg-PaulMÜLLER, précise, dans le domaine du droit public suisse, que « pour déterminer le noyau intangible, il faut également tenir compte des points de vue qui servent à concrétiser les droits fondamentaux : analyse des raisons historiques qui ont motivé la formulation du droit fondamental en cause, réflexion philosophico-critique sur sa signification, son importance pour l’épanouissement personnel de chaque individu et ses effets potentiels ainsi que ses fonctions dans la réalité sociale actuelle »196.

Enfin, BertrandPETER, dans le cadre du système constitutionnel allemand, fait référence au « noyau permanent » d’un droit fondamental, constitué des « particularités qui résultent de sa nature et de sa substance fondamentale », et dépendant du but du droit en cause197.

Il semble particulièrement intéressant d’avoir à l’esprit ces différents aspects susceptibles d’orienter la recherche de la substance concrète propre à chaque droit, à l’étude de la jurisprudence européenne.

65. L’EXAMEN DE LA JURISPRUDENCE EUROPÉENNE. A la lumière des précédentes analyses, il est tout d’abord permis de s’interroger sur les éléments ou facteurs, concourant à la signification primaire d’un droit, qu’est susceptible d’observer le juge européen lors de l’identification de cette composante fondamentale dénommée substance. Sans doute se fonde-t-il sur une conception – culturelle, sous l’angle juridique notamment, historique, politique, voire économico-sociale – européenne commune de la substance du droit 198 , soit naturellement concordante, soit à défaut « formée » par le juge européen, à la manière des notions autonomes199 qu’il a dégagées sur le terrain de l’applicabilité des droits ? La Cour est certainement guidée dans la détermination spécifique de la substance par ses méthodes aujourd’hui classiques d’interprétation, et notamment l’interprétation finaliste et évolutive du

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Voir L.PRIETO SANCHIS, Estudios sobre derechos fundamentales, op. cit., pp. 143-144.

196 J.-P.MÜLLER (dir.), Éléments pour une théorie suisse des droits fondamentaux,op. cit., pp. 152-153.

197 B.PETER, Des droits fondamentaux en République fédérale d'Allemagne…, op. cit., pp. 390-391. – Voir aussi, dans la doctrine suisse, quant au but d’un droit fondamental comme critère d’identification, L.WILDHABER, « Limitations on human rights in times of peace, war and emergency… », op. cit., p. 47.

198 Voir, pour exemple, la démarche de l’avocat général JÄÄSKINEN observant l’évolution de la protection internationale et nationale du droit fondamental ne bis in indemaux fins d’identification de son contenu essentiel au sens de la Charte des droits fondamentaux de l’UE (CJUE,Gde ch., 27mai 2014, Zoran Spasic, aff. C̻129/14 PPU, conclusions JÄÄSKINEN,ECLI:EU:C:2014:739, point 88).

199 La définition de celles-ci donnée par FrédéricSUDRE est particulièrement intéressante relativement aux présents propos : il s’agit d’une « méthode de formation d’un droit commun, qui vient pallier l’imprécision des

termes conventionnels et l’absence d’homogénéité des droits nationaux et permettre une définition uniforme des engagements étatiques. » (F.SUDRE, Droit européen et international des droits de l'homme, op. cit., p. 244).

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d6V=t conventionnel200, au plus près des buts et de l’objet des dispositions prévues par ledit instrument, à la lumière des conditions actuelles. Indirectement, on peut aussi en déduire que lorsqu’il reconnaît à l’égard d’un droit une (ou plusieurs) composante(s) principale(s), tenant à l’identité même de ce droit, le juge de Strasbourg nous informe sur sa substance.

Cela étant dit, la jurisprudence européenne témoigne-t-elle d’une forme de référence à l’identité propre d’un droit comme substance dudit droit ? Notons qu’une telle recherche est rendue plus ardue par le caractère limité, précédemment signalé, des manifestations concrètes d’identification (notamment directe) au sein de la pratique jurisprudentielle. Néanmoins, rien n’interdit de continuer de soutenir l’hypothèse de départ d’une substance du droit comme « objet » en soi, au regard des analyses de ce Chapitre. Débutons par une réponse spéculative à la question posée, pour ensuite tenter d’en poursuivre la recherche sur le terrain strictement empirique.

66. LA PROPOSITION FICTIVE DUNE SUBSTANCE DU DROIT A LINSTRUCTION. Face aux

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