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Les manifestations principales de substances d’espèce

Partie 2. Un mécanisme de protection des droits

A) Les manifestations principales de substances d’espèce

163. UN ANGLE PLUS FLORISSANT EN MATIERE DE DROIT AU PROCES EQUITABLE (ARTICLE 6 CEDH). Cet examen – qui ne se saurait se prétendre exhaustif en raison du caractère négatif et/ou indirect, donc précaire, de l’identification – est révélateur d’un terrain d’élection du juge européen s’agissant de notre sujet d’étude : le droit au procès équitable. Nous avions gardé du §I une vision décevante s’agissant de l’article 6. Qu’en est-il d’exemples plus fugaces et implicites d’identification de la substance ? A ce titre, plusieurs illustrations propres au droit à un tribunal (1), et aux droits de la défense (2) peuvent être soumises.

1) Les illustrations propres au droit à un tribunal

164. UN TRIPLE EXEMPLE DE SUBSTANCES PONCTUELLES. Notons, au préalable, que le choix d’un examen chronologique des illustrations distinguées au titre du droit à un tribunal376 (ou

376 Mentionnons, à titre indicatif, deux illustrations (fortement) hypothétiques des arrêts Cour EDH, 10 juillet 2008, Blandeau c/ France, req. n° 9090/06, §§ 30-32 et Cour EDH, 30 juillet 1998, Aerts c/ Belgique, req. n° 25357/94, Recueil 1998-V, § 60. – Dans la première affaire, concernant l’absence de notification d’ordonnances de rejet quant à l’octroi de l’aide juridictionnelle, l’hypothèse d’une identification, particulièrement tacite, de la substance dans le droit de se voir notifier toute décision de justice prise à son égard ne résiste pas à une mise en perspective par la jurisprudence antérieure (Cour EDH, 11 janvier 2001, Platakou c/ Grèce, req. n° 38460/97,

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“ ˜ droit d’accès plus spécifiquement) permettra éventuellement la mise en lumière d’une trame dans le développement a priori distinct et fragmenté de la jurisprudence.

Le premier arrêt susceptible de se voir cité est l’arrêt Philis c/ Grèce377, du 27 août 1991, relatif à l’accès du requérant à des juridictions civiles pour recouvrer des honoraires dus par des clients, organismes publics notamment, au titre la conception d’une série de projets. Concluant son contrôle au titre de l’article 6, paragraphe 1, la Cour a affirmé dans cette affaire que « le requérant, faute d’avoir pu agir, de manière directe et indépendante, pour demander à ses clients le versement - même à la T.E.E., à un premier stade - des honoraires qui lui étaient dus, a subi une atteinte à la substance même de son "droit à un tribunal", que nul recours offert par le droit grec ne pouvait effacer » (nous soulignons). Il semble possible d’en déduire que la substance en question correspond, pour le juge européen, au droit d’agir de manière directe et indépendante devant les tribunaux en vue de la défense de ses droits et obligations de caractère civil. Il s’agirait donc d’une formulation négative et indirecte de la substance du droit à un tribunal.

A l’occasion de l’arrêt Brumarescu378 de 1999, concernant le refus de la Cour suprême nationale de reconnaître aux tribunaux la compétence pour juger d’une action en revendication de propriété, un autre aspect ou manifestation de la substance semble apparaître, porté par la Commission. Selon cette dernière, « le droit d’accès à un tribunal exige une voie judiciaire permettant de revendiquer des droits civils. Dès lors, l’annulation du jugement du 9 décembre 1993, au motif que les tribunaux ne peuvent pas connaître d’une telle action, a porté atteinte à la substance même du droit d’accès à un tribunal au sens de l’article 6 § 1 » (nous soulignons). A l’opposé du précédent exemple fourni, nous nous voyons ici confrontés à une expression positive, bien qu’indirecte toujours, de substance, tenant dans le droit ou l’exigence d’une voie judiciaire permettant de revendiquer des droits civils. Plus générale que la première forme, cette substance du droit d’accès à un tribunal se confond également davantage avec le contenu de l’article 6, paragraphe 1.

Recueil des arrêts et décisions 2001-I, §§ 39 ; 49), suggérant l’association à un contrôle de proportionnalité implicite, et une substance du droit indéterminable car symbolique (à notre connaissance, jamais ré-invoquée). – Le même constat final émerge de l’arrêt Aerts, concernant le refus d’une demande d’assistance judiciaire empêchant de fait un pourvoi devant la Cour de cassation belge, eu égard au caractère relatif, circonstanciel de la substance supposément identifiée dans l’impératif ou droit d’obtenir une assistance judiciaire lorsque le besoin financier et l’exigence procédurale (représentation d’un avocat devant une juridiction suprême) le requièrent. Aussi, la Cour a pu reconnaitre dans la décision d’irrecevabilité Debeffe c/ Belgique (9 juillet 2002, req. n° 64612/01) que la Belgique s’était dotée d’un système offrant des garanties substantielles aux individus, de nature à les préserver de l'arbitraire, condition de l’atteinte (ou non) à la substance du droit.

377 Cour EDH, Philis c/ Grèce, 27 août 1991, req. n° 12750/87 ; 13780/88 ; 14003/88, A 209, § 65.

378 Cour EDH, Gde ch., Brumarescu c/ Roumanie précité (note n° 203), § 59 ; voir, pour parallèle, la jurisprudence Crisan c/ Roumanie précitée (notes n° 361).

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_ ˜ ”¡  ‘› ›‘’—ž  ‘— ‘s–š‘ ’  ‘ •˜  ‘ “”•–— “ •Å—‘ ’ –” ˜’ ™˜š‘›‘’ — “¡³ –’ –— –³ “Ÿ ’ ˜’‘ affaire qui paraît être associé à la substance de ce droit. Il en est ainsi dans l’arrêt Marini c/ Albanie379, du 18 décembre 2007, s’agissant du grief d’absence d’accès à la Cour constitutionnelle dans des procédures faisant suite à un litige avec le Gouvernement albanais, en raison d’un partage des voix. La Cour européenne des droits de l’homme y a précisé que « le fait que la Cour constitutionnelle n'a pas pu se prononcer à la majorité sur les solutions proposées a privé le requérant d'un jugement définitif sur son affaire et, partant, a porté atteinte à son droit d'accès à un tribunal dans sa substance même. Il y a donc eu de ce fait violation de l'article 6 § 1 de la Convention. » (Nous soulignons). Cette solution d’espèce contiendrait donc une expression négative et indirecte de la substance.

165. Après avoir exposé les exemples, les plus nombreux, tenant au droit à un tribunal,

concluons par une expression ponctuelle propre au terrain des droits de la défense. 2) Une illustration propre aux droits de la défense

166. L’EXEMPLE DIFFUS SOUS LARRET IMBRIOSCIA. Dans le cadre de cette étude, on peut mentionner l’opinion dissidente du juge DE MEYER sous l’arrêt Imbrioscia c/ Suisse380, du 24 novembre 1993, s’agissant des droits de la défense couverts par les paragraphes 1, et 3 c) de l’article 6. Celle-ci est, en effet, remarquable en ce que le juge s’y réfère à l’arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis du 13 juin 1966, Miranda v/ Arizona, afin de rappeler les « principes » participant de la substance du procès équitable 381 , s’agissant plus particulièrement de la situation d’interrogatoire pendant la détention. Sans énumérer directement ces nombreux principes, il est possible d’en extraire l’essence globale, qui réside dans l’information préalable de la personne détenue relative à son droit de garder le silence, ainsi que dans l’assistance d’un avocat avant et/ou pendant l’interrogatoire. Il en découle que les informations communiquées ne peuvent être retenues contre lui que s’il a été dûment informé de ces « droits-substance ».

379 Cour EDH, 18 décembre 2007, Marini c/ Albanie, req. n° 3738/02, § 122.

380 Cour EDH, 24 novembre 1993, Imbrioscia c/ Suisse, req. n° 13972/88, A275 ; voir, avant dans cette même affaire, l’opinion dissidente du juge LOUCAIDES sous Com. EDH, (rapport), 14 mai 1992, I. c/ Suisse, req. n° 13972/88.

381 La notion de procès équitable, et les droits que celui-ci comprend, a régulièrement été rapprochée par les juges à la Cour de termes synonymes de notre objet d’étude, tels – le « noyau dur » (voir l’opinion dissidente du juge BONELLO, à laquelle se rallient les juges ZUPANCIC etGYULUMYAN, sous Cour EDH, Gde ch., 3 décembre 2009, Kart c/ Turquie, req. n° 8917/05, Recueil des arrêts et décisions 2009 ; chron. E. DECAUX et P. TAVERNIER, JDI, 2010, n° 3, pp. 970-972) ; – le « cœur » (voir l’opinion concordante du juge CABRAL BARRETO

sous Cour EDH, 10 mars 2009, Bykov c/ Russie, req. n° 4378/02, §§ 3.3 ; 3.4, bien que le terme vise en réalité à distinguer les droits matériels, par opposition aux droits procéduraux, eu égard à la sévérité du contrôle – et du poids de la sanction – relatif à l’obtention de preuves litigieuses versées à un procès).

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1`ah Si les illustrations relatives à un terrain renvoyant généralement à la conception

absolue offrent certainement les meilleurs enseignements, il semble cependant pertinent de puiser dans la jurisprudence propre aux droits dont cette conception est communément étrangère, afin d’apprécier les manifestations de substances d’espèce qui paraissent s’en dégager.

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