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Cette précision étant faite, il est alors possible d’avancer que la substance du droit peut

Partie 2. Un mécanisme de protection des droits

B) Une démonstration pratique

46. Cette précision étant faite, il est alors possible d’avancer que la substance du droit peut

être appréhendée sous deux angles : d’une part, la dignité (A), d’autre part, la systémie ou surdétermination (B), tentant d’en discerner la trace dans la jurisprudence européenne.

138 Tels, E. BAURA, « El «contenido esencial» del derecho constitucional al matrimonio », op. cit., p. 713, rappelant la thèse de Fernando GARRIDO FALLA ; M.HOTTELIER, « Le noyau intangible des libertés », op. cit., p. 73 ; J.-P.MÜLLER (dir.), Éléments pour une théorie suisse des droits fondamentaux,op. cit., p. 152, évoquant

notamment la garantie du « libre échange d’informations et d’opinions dans l’Etat et la société » comme idée « centrale » (liée à la protection classique des droits fondamentaux) dont il faut se rappeler lors de la détermination du noyau intangible.

139 Rappelons qu’au sens des doctrines du contrat social, les libertés, naturellement illimitées, sont susceptibles de restrictions, soit « d’atteintes » par l’Etat (voir, généralement, J.ANDRIANTSIMBAZOVINA,H.GAUDIN,J.-P. MARGUENAUD,S.RIALS,F.SUDRE (dir.), Dictionnaire des droits de l’homme, op. cit., p. 656 ; spécifiquement, O.DE FROUVILLE, L’intangibilité des droits de l’Homme en droit international…, op. cit., p. 62), bien que ces dernières ne soient elles-mêmes pas inconditionnées, sans borne (voir ibid., pp. 66-67).

140 Voir notamment E.BALLOT, Les insuffisances de la notion de droits fondamentaux, op. cit., pp. 437-438 ; C.-A.MORAND, « Le noyau intangible des droits constitutionnels », op. cit., pp. 53-54.

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¿ ÀLe critère de la dignité142, à l’aune de la jurisprudence européenne ?

47. LA DIGNITE AU CŒUR DES DROITS DE LHOMME. Le premier critère, et également le plus largement reconnu par la doctrine, quel que soit le système juridique en cause, n’est autre que la dignité. Clé de voûte des mécanismes de protection des droits de l’homme, émergeant en réaction aux atrocités de la Deuxième guerre mondiale, cette notion renvoie à la source des droits subjectifs, inhérents à l’homme, et constitue le fondement de leur indivisibilité143 ; elle représente donc le cœur des droits et libertés garantis par ces instruments, internationaux, ou nationaux144. C’est en cela que Patrice MEYER-BISCH affirme que le « noyau intangible » constitue un « seuil qualitatif, au sens hégélien, qu’en deçà de ce seuil (dont l’interprétation mais non l’existence, varie selon les cultures) la dignité humaine n’a plus de sens »145. Celui-ci préCelui-cise encore que « c’est l’indivisibilité des caractères de la dignité humaine qui se joue dans le noyau intangible »146.

L’exemple premier et le plus frappant de la place réservée à la dignité dans les instruments juridiques faisant suite à la Deuxième guerre mondiale est à trouver dans la Constitution allemande ou Loi fondamentale pour la RFA de 1949 qui, rappelons-le, constitue la « mère » notoire de la protection de la substance du droit, et plus largement, une référence dans la garantie moderne des droits fondamentaux. C’est ainsi que Hans RUPP note que la Loi fondamentale allemande est fondée sur un ordre des valeurs « de nature objective » ; elle « ne prétend pas à la neutralité, du point de vue éthique, de l’ordre qu’elle consacre », ce système de valeurs étant « centré sur le libre développement de la personnalité humaine au sein du groupe social et sur la dignité de celle-ci »147, qui innervent tous les autres domaines du droit.

142 Dans le cadre de son étude intitulée « La quête du noyau intangible » (op. cit., p. 14), Jean-Bernard MARIE

commence notamment par s’interroger sur ce « critère » d’identification : la notion de dignité apporte-t-elle précision, cohérence et permanence souhaitée dans la détermination de la substance d’un droit ?

143 Sur la question, voir : – généralement, dans la doctrine, la thèse doctorale de B.MAURER, Le principe de

respect de la dignité humaine et la Convention européenne des droits de l’homme, Paris, La documentation

française, coll. « Monde européen et international », 1999 ; et spécifiquement, P.MEYER-BISCH,« Le problème des délimitations du noyau intangible des droits et d’un droit de l’homme », op. cit., p. 98 ; F.SUDRE, « Droits intangibles et/ou droits fondamentaux… », op. cit., p. 381 ; ÁS [Zsl[Â~\Ts ‡\~SQZWQsX\[s ‰Y~\ÃQYTsQ‚ZYX[ˆˆQZ X‚ Cour EDH, 22 novembre 1995, S. et W. c/ Royaume-Uni, req. n° 20166/92, § 44 (aussi, Cour EDH, 29 avril 2002, Pretty c/ Royaume-Uni, req. n° 2346/02, § 65 ; Cour EDH, Gde ch., 11 juillet 2002, Christine Goodwin c/

Royaume-Uni, req. n° 28957/95, Recueil des arrêts et décisions 2002-VI, § 90 ; GACEDH, 7e éd., n° 49, pp. 555-563).

144 D’où la proximité entre le noyau intangible des droits de l’homme et la dignité, voir par exemple C.KATZ, « Pour la proclamation par la Communauté internationale d’un noyau intangible des droits de l’homme », RTDH, 1996, n° 28, p. 544.

145 P. MEYER-BISCH,« Le problème des délimitations du noyau intangible des droits et d’un droit de l’homme »,

op. cit., p. 102. 146 Ibid., p. 107.

147 H.G. RUPP, « Objet et portée de la protection des droits fondamentaux. Tribunal constitutionnel fédéral allemand », in L.FAVOREU (dir), Cours constitutionnelles européennes et droits fondamentaux, op. cit., p. 245.

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_6=D;=_5 d5 dignité, inscrit à l’article 1er de la Loi fondamentale (1er alinéa), tel qu’il est majoritairement perçu par la doctrine, et dans une certaine mesure par la Cour de Karlsruhe, détient un rôle primordial dans ladite Constitution148.

Parallèlement, toujours en réponse aux horreurs perpétrées par le régime nazi, le constituant allemand a choisi d’offrir « des garanties expresses contre les empiètements sur l’irréductible » des libertés149, et notamment, la protection de la substance de chaque droit, intangible.

48. UN LIEN INTRINSEQUE ENTRE LA DIGNITE ET LA SUBSTANCE DU DROIT PROTEGEE. A la lumière de cette double perspective, il apparaît nettement que le concept de dignité humaine et l’idée de substance du droit, découlant d’une origine commune, sont unis par une logique ou raison d’être identique, officiant à deux niveaux différents, celui de l’humain pour le premier, celui du droit, pour la seconde. Selon BertrandPETER, les articles 79-3 (interdisant la modification de l’organisation et principes du système fédéral, et des principes garantis aux articles 1 et 20 de la Loi fondamentale) et 19-2 de la Loi fondamentale (interdisant l’atteinte à la substance du droit), « sont l’expression « juridico-éthique » d’une conception de la liberté non pas immuable, mais dont l’aménagement est soumis à modification sous réserve de la protection de la dignité humaine. »150. Dès lors, il apparaît ici que la dignité est assimilée à la substance du droit151, de laquelle cette dernière découle ; elle n’est, dans la pensée de Günter DÜRIG, que « la formulation abstraite du contenu minimum des droits fondamentaux » et celui-ci devient « accomplissement de valeurs » lorsqu’il est compris dans cette perspective152.

148 Voir notamment Th. MEINDL, La notion de droit fondamental dans les jurisprudences et doctrines

constitutionnelles françaises et allemandes, op. cit., p. 420.

149 C.-A. MORAND, « Le noyau intangible des droits constitutionnels », op. cit., p. 54. Voir, également, M. HOTTELIER, « Le noyau intangible des libertés », op. cit., p. 68, soulignant les « rapports extrêmement étroits

qu’entretient la notion de noyau des libertés avec les atrocités commises et institutionnalisées sous le IIIe Reich ».

150 B.PETER, Des droits fondamentaux en République fédérale d'Allemagne…, op. cit., p. 350.

151 Ainsi GünterDÜRIG,au sein une partie de la doctrine allemande, envisage le noyau d’un droit fondamental comme une « parcelle » ou « partie » de dignité humaine, limite au pouvoir de révision de la LFA (Th.MEINDL,

La notion de droit fondamental dans les jurisprudences et doctrines constitutionnelles françaises et allemandes, op. cit., pp. 420-421 ; 429). – Voir également, concernant la correspondance dans la jurisprudence suisse de la

garantie de la dignité et du noyau (celui de la garantie de la dignité elle-même, et des autres droits fondamentaux, dont elle est l’origine), T.ZIMMERMANN, « Le noyau intangible des droits fondamentaux… », op.

cit., pp. 310-311.

152 B. PETER, Des droits fondamentaux en République fédérale d'Allemagne…, op. cit., pp. 391-392. Voir, également, E.BAURA, « El «contenido esencial» del derecho constitucional al matrimonio », op. cit., pp. 704-705, évoquant la ligne dans laquelle s’inscrit Günter DÜRIG, ainsi qu’un auteur italien spécialiste du droit constitutionnel allemand (GerardoMORELLI), qui consiste à considérer que « el contenido esencial de un

derecho fundamental viene determinado, desde una perspectiva fundamental, por la dignidad humana, y, desde un punto de vista positivo, por la definición que sobre el derecho fundamental da el ordenamiento jurídico. ».

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¢`6 `=CC 5F6ac ;e rapprochement entre la dignité humaine et la substance du droit, considérées toutes deux comme particulièrement protégées, a été rapidement établi par la Cour constitutionnelle fédérale, notamment dans son arrêt « Elfes »153 de 1957. Aussi, le critère de dignité quant à l’identification de la substance du droit se retrouve également, principalement par ricochet du droit allemand, dans une partie de la doctrine suisse154, s’appuyant sur la Constitution fédérale qui prévoit la garantie de la dignité humaine, notamment en son article 7. Enfin, il faut noter sa présence au sein de la doctrine espagnole155.

49. LA PORTEE LIMITEE DE LA DIGNITE COMME CRITERE DIDENTIFICATION. Complétons l’analyse de la dignité humaine, en tant qu’élément d’identification de la substance du droit, en opérant deux remarques critiques nuançant la portée de ce premier critère. Commençons par un grief d’ordre pratique, plus bénin pour le cœur de notre étude, bien que gênant quant au rôle de la dignité dans l’identification de la substance du droit. Il s’agit d’évoquer brièvement ici les critiques d’impraticabilité et de subjectivité qui ont pu être opposées à ce concept, notamment telle que conçu par GünterDÜRIG. En effet, BertrandPETER constate qu’il s’agit là plutôt d’une « directive que d’une théorie applicable à la réalité juridique »156. En ce qui concerne la subjectivité à laquelle conduit la conception, en termes de valeurs, de la substance du droit de GünterDÜRIG,BertrandPETER remarque qu’elle est d’une part contraire à l’esprit de la Loi fondamentale allemande (les normes constitutionnelles étant seules « décisives dans la détermination du contenu substantiel »), et d’autre part, dangereuse dans le pouvoir qu’elle laisse au juge dans l’interprétation éthique d’un droit fondamental157.

Par ailleurs, une autre observation doit être faite concernant la ou les thèses établissant la dignité humaine comme constitutive de la substance du droit. S’il pouvait, de prime abord,

– Rappelons, par ailleurs, que GünterDÜRIG est « le champion de la théorie subjective » précédemment étudiée, perspective dans laquelle s’inscrit son appréhension du « contenu substantiel » (B. PETER, Des droits

fondamentaux en République fédérale d'Allemagne…, op. cit., p. 385).

153 Arrêt « Elfes » précité (note n° 102).

154 Voir, notamment, C.-A.MORAND, « Le noyau intangible des droits constitutionnels », op. cit., pp. 56-57, précisant qu’il y a « une ligne directrice générale qui peut servir à définir le contenu du noyau de chaque droit (…), c’est le minimum qui permet d’assurer la dignité humaine » ; J.-P.MÜLLER (dir.), Éléments pour une

théorie suisse des droits fondamentaux,op. cit., p. 152, invitant, afin de déterminer le « noyau intangible », à

« se rappeler l’idée centrale liée à la protection classique des droits fondamentaux », comprenant le fait d’ « assurer à chaque personne un traitement « humain » au sein de la collectivité » (sans que le vocable de dignité ne soit cependant explicitement employé) ; G.STEINMANN, « Les critères de la limitation des droits de l’homme dans la pratique de la justice constitutionnelle. Rapport du Tribunal fédéral suisse », RUDH, 2005, vol. 17, n° 5-8, p. 176, évoquant, parmi les « points de repères » constitutionnels suisse pour délimiter le « noyau intangible », la dignité humaine.

155 Voir E.BAURA, « El «contenido esencial» del derecho constitucional al matrimonio », op. cit., pp. 713-714 ; M.LORENZO RODRIGUEZ-ARMAS, « El problema del contenido esencial... », op. cit., pp. 44 ; 76.

156 B.PETER, Des droits fondamentaux en République fédérale d'Allemagne…, op. cit., p. 392.

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a5i ŽC5r envisageable de présenter la dignité humaine comme critère général – positif – d’identification d’une substance du droit en tant que telle, une autre façon d’appréhender la question paraît prédominer au sein des différentes analyses, et étouffer la première. Selon cette seconde perspective, la dignité humaine n’intervient, au regard de la thématique de la substance du droit, que « lorsque l’homme concret est ramené par l’Etat au rang d’objet, au statut de simple moyen » ; autrement dit, lorsque le principe de dignité est méconnu, au sens de Günter DÜRIG 158. Aussi, la dignité humaine est analysée comme un « étalon » à ne pas dépasser, ayant pour but de protéger un contenu minimum la recouvrant159. Cette logique est donc proche de celle précédemment étudiée avec le couple « jouissance/exercice ». Elle vise à protéger un élément nommé « substance du doit » qui n’est invoqué qu’en cas d’atteinte au droit, et se formule dès lors négativement160, ce qui amène une relativité dans l’énonciation de cette substance.

50. L’EXAMEN PRATIQUE DANS LA JURISPRUDENCE EUROPEENNE. Observons maintenant, à la lumière des précédentes analyses, l’impact de cette notion dans la jurisprudence du juge strasbourgeois. Dans le prolongement de ce qui a été précédemment constaté, il est tout d’abord possible de signaler le lien opéré par MichelHOTTELIER entre les critères de liberté et de dignité quant à la détermination de la substance du droit, au sens du système conventionnel161. Principe d’interprétation matriciel, la dignité dispose d’une place essentielle dans ce système, bien que cette notion soit absente de son instrument, et employée avec précaution par la Cour162. A la lecture attentive de la jurisprudence de la Cour, il faut observer que la dignité humaine ne ressort pas, directement ou indirectement, des hypothèses de mise

158 Ibid., p. 391 ; voir, également, Th. MEINDL, La notion de droit fondamental dans les jurisprudences et

doctrines constitutionnelles françaises et allemandes, op. cit., p. 420.

159 B.PETER, Des droits fondamentaux en République fédérale d'Allemagne…, op. cit., pp. 351 ; 391-392.

160 Voir en guise de parallèle concernant le rapport dignité humaine et contenu des droits de l’homme en général, P.MEYER-BISCH, « Méthodologie pour une présentation systémique des droits humains », op. cit., p. 58.

161 Voir M.HOTTELIER, « Le noyau intangible des libertés », op. cit., p. 73, avançant que « le noyau intangible

résulte de la part de liberté qui subsiste lorsque les limitations aménagées par voie conventionnelle sont épuisées », la CEDH protégeant un dénominateur commun « fondé sur le respect inconditionnel de la dignité humaine ». Voir, également, J.CHRISTOFFERSEN, Fair Balance : Proportionnality, Subsidiarity and Primarity in

the European Convention on Human Rights, Leiden, Boston, Martinus Nijhoff, coll. « International studies in

human rights », 2009, pp. 142 et s., visant particulièrement ici le lien de la dignité humaine avec la substance de

la CEDH.

162 Voir spécialement B.MAURER, Le principe de respect de la dignité humaine et la Convention européenne des

droits de l’homme, op. cit., Introduction (notamment pp. 16-17 ; 22-23) ; et depuis cette étude, notammentM. AFROUKH, La hiérarchie des droits et libertés dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de

l’homme, Bruxelles, Bruylant, coll. « Droit de la CEDH. Thèses », 2011, pp. 181 ; 409-410 ; M. LEVINET, « La notion d’autonomie personnelle dans la jurisprudence de la CourEDH », Droits, n° 49, 2009, pp. 3-18 ; M. LEVINET, « Les présupposés idéologiques de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme »,

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163, cette notion infusant plutôt la logique générale de la protection des droits de l’homme.

51. BILAN DE LANALYSE. In fine, il semblerait que le concept de dignité humaine, tant dans son aspect théorique, que pratique, satisfasse difficilement la recherche de critère d’identification d’une substance « objet » déterminé du droit, dans le cadre conventionnel. Plus largement, ce constat permet, comme d’autres résultant de la présente étude, de prendre conscience des obstacles et limites d’une conception en tant que telle de la substance du droit. A côté de la dignité humaine, et souvent concomitamment164, il est proposé un critère systémique d’identification de la substance du droit, considérée alors dans sa surdétermination.

B) Le critère de surdétermination, à l’aune de la jurisprudence européenne ? 52. UNE PROPOSITION THEORIQUE VISANT LA REVALORISATION DES DROITS DE LHOMME. Le point de vue de la surdétermination, ou perspective systémique, dans l’identification de la substance du droit a été tout particulièrement développé par PatriceMEYER-BISCH165. Par-delà la mise en exergue d’une diversité de facteurs orientant son identification, l’approche vise à proposer un cadre méthodologique à la détermination du noyau des droits et d’un droit de l’homme. Celui-ci s’inscrit dans une meilleure valorisation théorique et pratique des droits de l’homme – dont le cœur réside notamment dans la dignité humaine – à travers l’importance conférée à leur indivisibilité, et ainsi à leur interdépendance. Il en découlerait d’après son auteur une progression tant de la définition des obligations étatiques intangibles minimales, soit l’extension de la non-dérogeabilité, ainsi que de la considération de l’unité des droits de

163 Notons, par extension, la référence de l’arrêt Rahimi c/ Grèce (5 avril 2011, req. n° 8687/08, § 86 ; chron. F. SUDRE, JCP G, 2011, doctr. 914, p. 1509) à des conditions de détention d’un mineur isolé si graves qu’elles portaient atteinte « au sens même de la dignité humaine », au titre de l’article 3, curieusement transformé dans l’arrêt Popov c/ France (19 janvier 2012, req. n° 39472/07 ; 39474/07, § 90 ; chron. E.DECAUX,P.TAVERNIER

etM.BOUMGHAR, JDI, 2013, n° 4, pp. 1283-1286 ; zoom F. SUDRE, JCP G, 2012, act. 221) en une atteinte « à

l’essence même de la dignité humaine ».

164 Voir par exemple dans l’étude de P.MEYER-BISCH, « Méthodologie pour une présentation systémique des droits humains », op. cit., pp. 47-85.

165 Au sein de deux publications notamment : P. MEYER-BISCH, « Le problème des délimitations du noyau intangible des droits et d’un droit de l’homme », op. cit. ; P. MEYER-BISCH, « Méthodologie pour une présentation systémique des droits humains », op. cit. Voir, complémentairement, C. KATZ, « Pour la proclamation par la Communauté internationale d’un noyau intangible des droits de l’homme », op. cit., pp. 545-548. – Notons, également, le rapprochement entre les dispositions de la CEDH (standard minimal) et le noyau intangible des droits fondamentaux du droit suisse opéré par Michel HOTTELIER, démarche relayant toutefois une appréhension relative du noyau puisque c’est « toute restriction qui ne s’avère pas conforme aux conditions

prescrites par la CEDH [qui] doit être considérée comme contraire au noyau intangible du droit incriminé »

(M. HOTTELIER, La Convention européenne des droits de l’homme dans la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Contribution à l’étude des droits fondamentaux, Lausanne, Payot, coll. « Collection Juridique Romande. Etudes

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·•››‘, par regroupements de droits en « familles », au-delà des catégorisations classiques. Cette perspective systémique, faisant émerger la substance d’un droit de sa surdétermination, se fonde sur un ensemble de critères, dont principalement ceux de cohérence (au tout et interne) et de complexité.

53. L’INTERCONNEXION DUN DROIT ET DES DROITS DE LHOMME PAR UNE SUBSTANCE COMMUNE. Selon cette thèse, le système entier des droits de l’homme est relié entre les droits166, mais également au niveau interne ou inférieur au droit. Pour PatriceMEYER-BISCH, « l’argument essentiel est qu’une hiérarchie des normes ne respecte l’indivisibilité que si elle est fondée, non pas sur un classement en deux catégories (les droits qui appartiennent et ceux qui n’appartiennent pas au noyau), mais sur un degré de liaison à la substance »167. Aussi, le noyau intangible des droits de l’homme renvoie au noyau intangible de chacun d’entre eux, soit, à une substance commune à tous168. « S’agissant d’une substance commune, chaque droit de l’Homme se voit, dans son essence, porteur de la détermination globale »169. Au travers le prisme de l’invisibilité, la substance du droit doit être identifiée selon l’auteur suivant les deux critères pré-énoncés, « le noyau intangible d’un droit ne [pouvant] être perçu que dans sa surdétermination, par la somme d’un grand nombre de critères concourants : il convient d’analyser les conséquences de cette violation pour les autres droits de l’homme »170.

Si la démarche a pour mérite de viser la détermination concrète de la substance171, la grande théoricité de cette présentation, au travers de la perspective complexe et systémique distinguant et rapprochant à la fois substance des droits et substance d’un droit, paraît en rendre l’appréhension mal aisée, en pratique.

54. L’EXAMEN PRATIQUE DANS LA JURISPRUDENCE EUROPEENNE. Qu’en est-il dans la jurisprudence européenne ? Cette théorie peut-elle être distinguée dans la détermination de la substance du droit, « objet » concret ? Au-delà du rapprochement observable dans la formule

166 « chaque droit [étant] un fragment de droit, ou segment d’une droiture composée » (P. MEYER-BISCH, « Méthodologie pour une présentation systémique des droits humains », op. cit., p. 54).

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