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La non-évocation de la notion durant le contrôle

Partie 2. Un mécanisme de protection des droits

A) La non-évocation de la notion durant le contrôle

283. PREMIER FACTEUR DE LIMITE. Il est incidemment ressorti des analyses propres à cette Section, et notamment des plus récentes, l’invisibilité du contrôle de l’interdiction d’atteinte à la substance dans de nombreux arrêts (1). En présence d’une solution de non-atteinte, il serait toutefois permis de supposer que la Cour exerce un examen implicite, au résultat négatif (2).

521 Cour EDH, Platakou c/ Grèce précité (note n° 376), § 39.

522 Cour EDH, Blandeau c/ France précité (note n° 376), § 31.

523 Cour EDH, Düzova c/ Turquie précité (note n° 411), §§ 97-103.

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ˆ¼ú’absence de contrôle explicite d’atteinte à la substance du droit

284. UNE PRATIQUE GÉNÉRALISÉE. Il nous a été donné de remarquer la faible inclinaison de la Cour de Strasbourg à exercer un contrôle explicite et détaillé s’agissant de l’interdiction d’atteinte à la substance du droit ; et ce, même lorsqu’elle en ré-invoquait le principe en amont. Une telle abstention semble concerner indistinctement les arrêts débouchant sur un constat d’atteinte, ou non, à la substance.

285. L’EMBARRAS DES CAS SPÉCIFIQUES DATTEINTE À LA SUBSTANCE. Notablement, l’imperceptibilité du contrôle de l’interdiction d’atteinte à la substance du droit concerne la plupart des arrêts sus-cités présentant une solution positive525 ; reconnaissant, en d’autres termes, l’atteinte à la substance. A l’inverse, très rares sont les arrêts témoignant d’un contrôle plus ou moins express au résultat positif526. Cette absence de contrôle explicite apparait d’autant plus dérangeante lorsque la Cour européenne rappelle en amont le principe d’interdiction d’atteinte à la substance du droit, absolument conçu, et conclut à ce titre. Ainsi, nonobstant l’hypothèse d’un examen prioritaire implicite de ladite interdiction, la lecture de tels jugements procure indiscutablement l’impression d’un « blanc » à l’étape de sa mise en œuvre. Finalement, on ne peut que se demander à quoi ce principe fait référence, en pratique, pour le juge de Strasbourg. Aussi, l’abstention prétorienne est certainement problématique puisqu’elle laisse envisager la vacuité concrète de l’interdiction d’atteinte à la substance. A tout le moins, elle semble indubitablement révéler un manque d’engagement ou d’adhésion profonde de la Cour européenne à l’égard de la conception absolue de la protection de la substance du droit.

286. Quant aux cas se finalisant par un constat de respect de la substance du droit, ne se précèderaient-ils pas d’un examen implicite ?

2) Un contrôle implicite-négatif d’atteinte à la substance du droit ?

287. PRESENTATION DE LHYPOTHESE. Face à des arrêts retenant l’absence d’atteinte à la substance d’un droit, alors que la Cour de Strasbourg reste muette par ailleurs dans le corps du contrôle, on peut supposer la réalisation d’un examen implicite résultant en une solution négative manifeste, que la Cour dépasserait sans même évoquer. Certaines affaires semblent

525 Voir, notamment, supra Section 2, §I, B), les affaires relatives à l’article 6 CEDH. – S’agissant de la question, voir S.VAN DROOGHENBROECK, La proportionnalité dans le droit de la Convention européenne des droits de

l’homme…, op. cit., pp. 446-447.

526 Ont pu être distingués à cet égard les arrêts Lithgow et autres c/ Royaume-Uni précité (note n° 241), §§ 195-196, ou encore Stubbings et autres c/ Royaume-Uni précité (note n° 241), § 52.

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288. L’EXEMPLE DE LARRET EDIFICACIONES MARCH GALLEGO S.A. Sur le terrain du droit à un tribunal, on peut mentionner l’arrêt Edificaciones March Gallego S.A.527, relatif à l’opposition de la société requérante à la procédure en paiement de lettre de change. A cette occasion, la Cour, aux suites d’un rappel classique du modèle Ashingdane528, n’a pas éclairci le contrôle pratiqué en l’espèce, et pourtant conclu que « la société requérante n’a pas subi d’entrave à son droit d’accès à un tribunal et que, dès lors, il n’y a pas eu atteinte à la substance de son droit à un tribunal »529. Néanmoins, il émane de son examen d’une part, l’existence d’une négligence pour l’erreur commise dans la mention de l’auteur du recours, conduisant à son irrecevabilité, erreur qui était « évitable » ; d’autre part, la teinte proportionnaliste de la logique de contrôle à l’œuvre. Il est dès lors possible de supposer la considération tacite d’un défaut d’atteinte à la substance, eu égard au fait que la société requérante a elle-même (par l’intermédiaire de son administrateur) été responsable de l’irrecevabilité, d’après la Cour.

289. Pour autant, au-delà des arrêts globalement inexplicites quant à la teneur du contrôle

effectué, certains sont caractérisés par un examen relativement direct et immédiat des conditions classiquement observées, à l’exclusion toujours de l’interdiction d’atteinte à la substance du droit. Ces affaires invitent, plus encore, à s’interroger sur une absence totale d’examen de l’interdiction d’atteinte à la substance, plutôt que d’envisager un contrôle implicite négatif.

527 Cour EDH, Edificaciones March Gallego S.A. c/ Espagne précité (note n° 399), §§ 34-37. Voir, similairement (mais sans évocation de la notion étudiée dans la solution), Cour EDH, 11 octobre 2001, Rodriguez Valin c/

Espagne, req. n° 47792/99, §§ 22 ; 28 ; Cour EDH, Nedzela c/ France précité (note n° 235), §§ 45 ; 56-58.

528 Voir supra, n° 224-226.

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ÑÀ Le recours visible aux autres instruments sur le terrain du contrôle

290. SECOND FACTEUR DE LIMITE. L’évocation des cas marqués par l’usage, sur le plan du contrôle, d’autres outils que l’interdiction d’atteinte à la substance vient clore notre analyse des limites. La Cour concentre, consécutivement à l’énonciation des modèles principiels, plus ou moins explicitement le contrôle sur les conditions de légitimité et de proportionnalité (1), ce qui ne l’empêche parfois pas de conclure en invoquant l’atteinte – ou non – à la substance (2).

1) La mise en œuvre explicite des autres conditions de la clause d’ordre public renouvelée

291. UNE SUPREMATIE IMMEDIATE DANS LEXAMEN. Sans qu’ils justifient de façon évidente un test implicite (négatif) de l’atteinte à la substance et qu’un tel contrôle puisse être entrevu au sein de l’arrêt, certains cas rendent manifestement compte d’un contrôle commandé par les conditions classiques d’examen. Aussi, nonobstant le rappel du principe d’interdiction d’atteinte à la substance à l’occasion du rappel des règles applicables, la Cour entame immédiatement l’examen à l’espèce des autres conditions de légitimité et proportionnalité, sans ne jamais faire référence à l’interdiction d’atteinte à la substance. Rien ne peut donc permettre de conclure qu’un examen – même implicite – de celle-ci a été réalisé.

292. DES ILLUSTRATIONS RELATIVES AU DROIT A UN TRIBUNAL (ARTICLE 6, § 1 CEDH). Encore une fois, c’est le domaine de l’article 6, paragraphe 1, qui offre des illustrations significatives de ce cas de figure. Par exemple, dans l’affaire Cordova (n° 1) c/ Italie530, du 30 janvier 2003, concernant l’immunité bénéficiant à un sénateur faisant l’objet de poursuites pénales pour outrage à officier public et entrainant le non-lieu de l’action initiée suite à la plainte du requérant, le résultat d’un potentiel test de respect de la substance du droit à un tribunal n’allait pas nécessairement de soi. Ainsi, en l’absence de tout constat général de disproportion à l’égard des immunités parlementaires531, le juge de Strasbourg a néanmoins remarqué que le requérant ne disposait en l’espèce « d'autres voies raisonnables pour

530 Cour EDH, 30 janvier 2003, Cordova c/ Italie (n° 1), req. n° 40877/98, §§ 54 et s. ; semblablement, Cour EDH, 30 janvier 2003, Cordova c/ Italie (n° 2), req. n° 45649/99, §§ 55 et s. (Voir, dans le sens opposé, Cour EDH, Gde ch., McElhinney c/ Irlande précité (note n° 326), §§ 34 et s., dans lequel la Cour, débutant également le fond de son contrôle d’espèce par la condition de légitimité du but poursuivi par l’Etat irlandais, puis examinant la condition de proportionnalité, quant à une mesure d’immunité souveraine accordée à l’Etat britannique pour une demande de dommages et intérêts, ne juge pas qu’elle donne lieu à une violation de la Convention, eu égard, notamment, à la présence d’un autre recours disponible en Irlande du Nord contre le ministre britannique de la Défense (§ 39), suivant la ligne jurisprudentielle Waite et Kennedy c/ Allemagne précitée (note n° 399), § 68).

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ýÈ ­«eÏ©È©  ¬ªÎª©þ© ®«É©ÉÇÈ ­its garantis par la Convention »532, cela – ajouté au dépassement de la stricte fonction parlementaire des actions du sénateur, dont l’immunité parlementaire a alors rompu le « juste équilibre » entre l’intérêt général et individuel – justifiant la sanction de l’Etat italien pour violation. Similairement, l’arrêt Tinnelly & Sons LTD et autres et McElduff et autres533, concernant la délivrance de certificats ministériels valant preuve irréfragable quant aux contestations des requérants en matière de non-obtention de contrats publics, ne laisse aucun signe d’un éventuel contrôle tacite de l’interdiction d’atteinte à la substance. Suite au rappel du modèle Ashingdane534, le juge européen a précisé la situation factuelle et juridique d’espèce – le défaut de contrôle indépendant par les organes d’enquêtes appropriés, d’une part, et juridictionnel complet, d’autre part, pour mieux l’apprécier à la lumière des ?J =B3 4 3J => B6 Eg|34 3G34g 6 4 B6 I5JIJ54 3J ==<E34g B6 E< G6>A56 6= ?<A >6ƒ ‰A|6<=4 ‡A6 Š le

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293. BILAN DE LANALYSE. A la lecture de telles affaires, tout porte à croire que la Cour européenne n’exerce en réalité aucun contrôle de l’interdiction d’atteinte à la substance du droit, malgré son évocation sur le plan des principes applicables. Cette conclusion ne peut qu’être corroborée par l’étude de cas qui, additionnellement à la dernière configuration, font référence à la notion au terme de l’examen prétorien.

2) Une solution paradoxale au titre de l’interdiction d’atteinte à la substance du droit

294. UNE CONFIGURATION SYMPTOMATIQUE. Hormis l’hypothèse d’un contrôle implicite au résultat manifestement négatif, particulièrement délicate à évaluer, la mise en œuvre de l’interdiction d’atteinte à la substance dans le type d’arrêts finalement visé doit être jugée principalement inadéquate. Tout d’abord, la constatation de l’atteinte à la substance du droit aux suites d’un contrôle silencieux quant à la première étape du modèle Ashingdane et centré sur les autres conditions de la clause d’ordre public renouvelée est problématique536. De

532 Cour EDH, Cordova c/ Italie (n° 1) précité, § 65.

533 Cour EDH, Tinnelly & Sons LTD et autres et McElduff et autres c/ Royaume-Uni précité (note n° 242), §§ 72 et s.

534 Voir#‹Œ', n° 224-226.

535 Cour EDH, Tinnelly & Sons LTD et autres et McElduff et autres c/ Royaume-Uni précité, § 77.

536 Voir, pour illustration, Cour EDH, 31 octobre 2006, Jelicic c/ Bosnie-Herzégovine, req. n° 41183/02, Recueil des arrêts et décisions 2006-XII, §§ 39 et s. Rajoutons l’exemple particulier de l’arrêt Barrenechea Atucha c/

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295. BILAN GENERAL DES ANALYSES. Ainsi, la difficulté majeure de ces arrêts n’est autre que l’incrédulité qu’ils engendrent quant à l’accomplissement par la Cour européenne d’un véritable contrôle implicite d’interdiction d’atteinte à la substance – lequel, en tout état de cause, se devrait d’être formulé expressément. Il semble falloir admettre, réalistement, que le juge remplace cet examen par celui des autres conditions, et assimile fictivement leur résultat à la notion qui nous intéresse. Aussi, le constat par lequel s’achève l’examen de la mise en œuvre à l’espèce de l’interdiction d’atteinte à la substance du droit, au sens absolu, touche au paroxysme des ambivalences et limites relevées dans la jurisprudence en la matière. Ensemble, ces analyses génèrent une impression d’inabouti quant à l’expression de la protection absolue, et celle de vacuité quant à l’usage concret de ladite interdiction.

Tribunal suprême, puis rejeté plusieurs années plus tard pour irrecevabilité par le même Tribunal. Dans celui-ci, la Cour pourrait sembler expliciter l’exigence de primitivité du contrôle d’interdiction d’atteinte à la substance en énonçant que si elle « se penche normalement sur la proportionnalité de la limitation imposée par rapport

aux exigences de la bonne administration de la justice (…), au vu de l’ensemble des éléments de l’espèce, la Cour n’estime pas nécessaire d’examiner cette question » (§ 30), toutefois, il n’en est vraisemblablement rien.

Opérant un contrôle teinté de logique proportionnaliste, tout porte à croire qu’elle vise par sa formule à situer le litige au-delà de la simple restriction nécessaire à la bonne administration de la justice, sans pour autant exclure le test de proportionnalité.

537 Peut notamment être cité l’arrêt Cour EDH, Mottola et autres c/ Italie précité (note n° 399), §§ 27 et s ; complémentairement, bien que le contrôle paraisse généralement neutre, Cour EDH, 26 janvier 2017, Ivanova et

Ivashova c/ Russie, req. n° 797/14 ; 67755/14, §§ 42 et s. (notamment 51).

538 Voir, en guise d’illustrations, Cour EDH, Gde ch., Waite et Kennedy c/ Allemagne précité (note n° 399), §§ 59 et s. ; Cour EDH, Ernst et autres c/ Belgique précité (note n° 396), §§ 48 et s. ; Cour EDH, Forum Maritime

S.A. c/ Roumanie précité (note n° 399), §§ 88 et s. ; Cour EDH, (déc. irrecev.), 13 novembre 2008, Mazeas c/ France, req. n° 11270/04 ; Cour EDH, 28 mai 2009, Ilievi c/ Bulgarie, req. n° 7254/02, §§ 48 et s.

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¦ONCLUSION DU

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HAPITRE

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296. Etudiée sous l’angle pratique, la réalité de l’interdiction d’atteinte à la substance du

droit, au sens de la conception absolue, est à première vue indéniable ; à tout le moins sur le terrain de l’énonciation ou rappel des principes applicables au sein des arrêts de la Cour européenne. Il a pu ainsi être constaté un développement fructueux du principe d’interdiction d’atteinte à la substance, depuis les premières formulations exemplaires (et notamment le modèle Ashingdane) vers d’autres terrains propres aux droits susceptibles de limitations prétoriennement admises ; la formulation se voyant, pour chaque domaine, spécifiquement adaptée. Complémentairement à ces modèles encadrant durablement les modalités de restrictions, certains juges, mais aussi des parties à l’instance, ont recouru à l’outil. Les expressions des premiers se sont révélées particulièrement notables, compte tenu de leur originalité et lien à la conception absolue.

297. Cela étant dit, un tel instrument de contrôle n’a nulle vocation à rester uniquement

abstrait. Dès lors, il était particulièrement important de vérifier son application à l’espèce, s’avérant frustrante. Au-delà de certains cas témoignant manifestement d’une évaluation prioritaire de l’interdiction d’atteinte à la substance, nombreux sont apparus donner lieu à des expressions insuffisantes et insatisfaisantes, faisant douter de la réalisation d’un quelconque contrôle à son égard. Alors que les cas plausibles de mise en œuvre à l’espèce de l’interdiction d’atteinte à la substance du droit semblaient rares et fragiles, des limites profondes à notre examen empirique se révélaient. La tentative d’explication de son invisibilité, dans l’examen même d’une majorité d’arrêts, par le recours à l’hypothèse du contrôle implicite n’a pas réussi à convaincre pleinement, notamment lors du contrôle des autres conditions de la clause d’ordre public renouvelée. Aussi, non seulement les exemples d’application directement incorrecte de l’interdiction d’atteinte à la substance, au sens absolu, mais également les hypothèses de contrôle implicite ont conduit à la probable récusation de sa mise en œuvre, dans variété d’espèces. Ce, au profit d’une lecture bien plus prosaïque de la jurisprudence, tenant à la confusion s’agissant de notre notion.

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¦ONCLUSION DU

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2

298. L’entreprise de ce second Titre visait à évaluer l’effectivité de l’emploi de la

protection de la substance du droit, au sens général, par la Cour européenne des droits de l’homme. Aussi, la constatation première d’une moindre et précaire identification de la substance a été décourageante. Alors même que cette étape devrait constituer le préalable indispensable de la démarche absolue, légitimant la découverte du juge, il n’en est souvent rien. Plusieurs propositions ont été soumises afin d’expliquer le rapport essentiellement implicite, indirect et pour ne pas dire illusoire de la jurisprudence européenne à l’égard de la substance elle-même. Ainsi, au-delà de l’impression d’un renvoi à une composante concrète, tangible en tant que telle, la substance désignerait principalement pour la Cour une expression, manifestant le plus souvent une atteinte extrême (en intensité et/ou durée) au droit en cause.

299. Par ailleurs, sur le plan de la protection, en particulier, bien que le juge se montre plus

consistant et volontaire à rappeler le respect du principe d’interdiction absolue de la substance du droit, la mise en œuvre pratique de son contrôle a également généré des écueils et insatisfactions. Dès lors, malgré quelques jurisprudences corroborant le postulat de départ, la plupart des arrêts de la Cour témoignent d’une autre réalité. Là aussi, les silences et l’implicite sont nombreux, quant à une condition dont on ne sait si elle est ou non examinée. Par-delà les conjectures possibles, ce sont finalement les indications matérielles, et notamment celles provenant des autres instruments du contrôle qui doivent permettre de nous positionner. Or, de telles marques issues de la jurisprudence en la matière appuient sans conteste le doute en la sincère mise en œuvre de la notion, et convoient vers l’influence d’une autre conception à son égard, résolument relative.

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¦ONCLUSION DE LA

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ARTIE

1

300. En rapprochant la notion générale de protection de la substance du droit d’un idéal, il

était suggéré tant la sous-jacence dans la jurisprudence européenne d’un axe d’appréhension parfait à son égard, que la difficulté plus ou moins extrême d’en trouver une manifestation pratique et concrète dans le contrôle du juge.

301. Cela dit, la présentation de l’idéal s’est elle-même avérée délicate. Plus encore

concernant la substance que sa protection, en particulier, les éléments suffisamment tangibles en la matière, explicités par la Cour européenne, sont apparus bien rares. Il a, ainsi, fallu reconstituer l’idéal, le parachever sur la base des prémices posés par le juge, avec la part d’exagération que cette démarche peut comporter au regard de l’interprétation de l’auteur même de la jurisprudence. Aussi, si la notion générale de protection de la substance du droit donne l’impression de renvoyer à une substance matérialisée, l’amplification de la conception absolue qui en émane n’a pas résisté aux défaillances de définition, générale et propre, d’une telle substance. Dans une moindre mesure, l’observation de la protection, en particulier, sous l’angle de l’absolu a similairement mis à jour des lacunes d’encadrement théorique, à l’égard notamment de l’impact et de la mise en œuvre de cette protection.

302. Cependant, c’est sans conteste sur le plan de l’usage concret, au cours du contrôle, de

la protection de la substance du droit, en général, que l’idéal s’est vu spécialement émietté, et compromis. Finalement, malgré les nombreuses lectures, propositions et conjectures, et toutes autres tentatives de trouver dans l’implicite et les non-dits de la jurisprudence une résonnance effective à la substance du droit et sa protection absolues, seules les formulations principielles de l’interdiction d’atteinte à la substance ont semblé résisté à la désillusion pratique. A défaut d’identification spécifique de l’essentiel, et de mise en œuvre à l’espèce de l’interdiction d’atteinte à la substance du droit, des indications croissantes d’une autre conception de la notion en général ont été relevés. Ils convergent vers une appréhension diamétralement distincte de celle-ci, la tenant pour un pur concept, entendu pour et en tant qu’instrument.

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2. U

N MECANISME DE PROTECTION DES DROITS

303. LA CONCURRENCE REALISTE. A l’opposé de la perception de l’objet général d’étude découlant d’un certain idéal juridique et philosophique, l’invocation de la protection de la

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