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Relativisme, absolutisme et universalisme : implications théoriques et méthodologiques.

CHAPITRE 1 – INTRODUCTION GÉNÉRALE

1.1. Facteurs individuels et contextuels de la discrimination

1.1.2. Relativisme, absolutisme et universalisme : implications théoriques et méthodologiques.

Le relativisme met en avant la specificité de chaque contexte culturel. Chaque culture

serait différente et il serait essentiel de comprendre les cultures pour ce qu’elles sont et d’éviter de juger une culture en fonction de nos propres schèmes de pensée. Cette approche met l’accent sur l’étude de chaque culture de manière isolée et sur la nécessité de saisir les différences entre les cultures et ce qui caractérise en propre chacune d’elle. Sur le plan méthodologique, cette approche rend difficile la mise en place d’études comparant les cultures entre elles, puisqu’elle suppose qu’aucune conclusion ne saurait en être tirée. Il s’agit plutôt de développer ce que l’on nommerait une psychologie culturelle, au sens où chaque culture aurait une psychologie qui lui est propre. Cette approche, bien qu’intéressante, pose cependant certains problèmes. Elle rend notamment inutile toute recherche empirique, tout débat d’opinion, puisque tout se vaut et tout est relatif. On peut cependant penser qu’il existe en réalité des valeurs, des principes qui sont universellement reconnus. Si le relativisme appliqué aux attitudes et aux pratiques est une notion importante, il est donc potentiellement peu informatif d’appliquer cette approche sans distinction à toutes les valeurs culturelles.

L’absolutisme, contrairement au relativisme, suppose que les phénomènes

psychologiques sont essentiellement les mêmes quelle que soit la culture. Méthodologiquement, cette posture implique que les comparaisons interculturelles ne posent aucun problème. En effet, puisque les processus étudiés sont considérés comme identiques dans toutes les cultures, il est inutile de chercher à adapter les concepts et les instruments de mesure d’une culture à l’autre. Cette position a longtemps été l’orientation prédominante de la psychologie scientifique, et peut encore l’être actuellement (voir Hodson & Dhont, 2015). Ainsi, comme le souligne Guimond (2010), « les manuels ou les cours de psychologie générale, de psychologie cognitive, ou même de psychologie sociale présentent les résultats d’expériences en laboratoire menées auprès d’étudiants occidentaux, comme des faits scientifiques établissant les principes du fonctionnement psychologique de l’être humain. » (p.

qui sont ainsi devenus partagés par ceux qui avaient la possibilité de communiquer entre eux grâce à une langue commune » (Triandis, 1994, p.22).

32). Si des méthodes récentes de diffusion des enquêtes permettent de toucher des échantillons de personnes plus diversifiés (telles que le recours à Prolific ou MTurk), il n’en reste pas moins que 74% des études publiées dans les journaux édités par la Society of Personality and Social Psychology (l’une des plus importantes associations de psychologie sociale) en 2016 présentent des échantillons uniquement composés de participant.es provenant de la classe moyenne, blanche, résidant aux Etats-Unis (Cooper, 2018). Adopter l’absolutsime en toutes circonstances, sans avoir vérifié la non-influence des variables culturelles, peut cependant conduire à négliger certains facteurs pourtant potentiellement déterminants dans les processus étudiés. Il est donc nécessaire de trouver une posture qui allie absolutisme et relativisme.

L’universalisme se situe à mi-chemin entre l’absolutisme et le relativisme et suppose

que les processus psychologiques fondamentaux sont les mêmes pour tous les êtes humains, mais que leurs manifestations sont susceptibles d’être influencées par la culture (Sedikides, Gaertner, & Toguchi, 2003). Ainsi, la diversité des pratiques dissimulerait une similitude sous- jacente des fonctionnements psychologiques. Sur le plan méthodologique, cette approche utilise les comparaison interculturelles comme moyen de discerner les fonctionnements qui sont spécifiques à une culture, des fonctionnements qui se retrouvent de façon identique chez tous les êtres humains. Cette posture recquiert néanmoins la plus grand prudence au cours de ces comparaisons, notamment quant aux instruments de mesure, qui doivent nécessairement être adaptés d’une culture à l’autre. Cette posture est soutenue par des cherchers.euses tels que Amir et Sharon (1987), qui ont notamment montré qu’un même effet peut être présent dans une culture et pas dans une autre (voir également Chiu & Hong, 2006). Dans ce cadre, les cherchers.euses en psychologie interculturelle ont souvent distingué les facteurs « émiques » et « étiques » (Berry, 1989; Smith, Bond, & Kâğıtçıbaşı, 2006). Les facteurs étiques se concentrent sur l’universalité des processus psychologiques et du comportement humain tandis que les facteurs émiques analysent les particularités des concepts et des phénomènes dans des contextes culturels spécifiques. Selon une approche universaliste, il conviendrait donc de tenir compte de ces deux types de facteurs dans l’étude des phénomènes psycho-sociaux. Cette idée est en accord avec l’argumentation très récente de Thomas Pettigrew (2018), l’une des personnalités majeures de l’étude des préjugés en psychologie sociale, en réaction aux conclusions émises par les cherchers.euses du projet OSC (2015). À la suite de la crise de réplicabilité, Pettigrew souligne l’importance de développer une psychologie sociale contextuelle, qui prendrait en compte les spécificités culturelles des environnements dans lesquels les études sont réalisées.

thèse. Nos travaux se distinguent en effet (1) de l’absolutisme, car nous avançons qu’il est impossible de prétendre mettre en avant des lois universelles du comportement humain sans tenir compte des variables culturelles et (2) du relativisme car notre objectif est également de mettre en avant des processus fondamentaux qui se retrouvent d’une culture à l’autre. Nous appliquons l’approche universaliste à l’étude des relations intergroupes, et plus précisément de la discrimination. De précédents travaux montrent en effet que cette variable est susceptible d’être influencée par des variables culturelles.

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