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La médiation modérée : l'effet de la norme de nouvelle laïcité L'hypothèse

PRÉFÉRENCES D’ACCULTURATION PERÇUES DES GROUPES MINORITAIRES ET DISCRIMINATION : LE ROLE

4.4. Étude 6 : Perception d’Adoption, Perception d’Identification et Norme de Nouvelle Laïcité – Quels Effets sur la Discrimination ?

4.4.2.3. La médiation modérée : l'effet de la norme de nouvelle laïcité L'hypothèse

principale de cette étude était que l'effet indirect de la perception d’adoption de la culture dominante sur la discrimination par la perception d’identification au pays d’accueil est modéré par la perception d’une norme de nouvelle laïcité (H3). Plus précisément, nous supposons que perception d’une forte norme de nouvelle laïcité accentue la relation entre la perception d’identification au pays d’accueil et discrimination. Pour tester cette hypothèse de médiation modérée, nous avons effectué un test bootstrap (n boots = 5000) en utilisant le modèle 14 de la macro PROCESS SPSS fournie par Hayes et Preacher (2013). Cette analyse a montré que l'interaction entre la perception d’identification au pays d’accueil et la perception d’une norme de nouvelle laïcité a un effet significatif sur la discrimination : B = -.26, t(248) = -3.14, p = .002, IC 95% [-.42 ; -.10]. Cette analyse (voir Figure 4.6.) a également montré que l'effet de la perception d’adoption de la culture dominante sur la discrimination, médiatisé par l'interaction entre la perception d’identification au pays d’accueil et la perception d’une norme de nouvelle laïcité est significatif, -.12, IC 95% [-.20 ; -.03]. Une analyse plus approfondie indique que l'effet indirect de la perception d’adoption de la culture dominante sur la discrimination par la perception d’identification au pays d’accueil est significatif uniquement pour les personnes qui perçoivent une forte norme de nouvelle laïcité (+1 SD par rapport à la moyenne) : -.16, IC 95% [-.25 ; -.07]. Cet effet indirect est non significatif pour les personnes percevant une faible norme de nouvelle laïcité (-1 SD par rapport à la moyenne), -.01, IC 95% [-.09 ; .10]. Nous avons ensuite effectué une analyse de régression linéaire multiple (utilisant la méthode de décomposition des interactions de Aiken, West, & Reno, 1991) incluant la perception d’identification au pays d’accueil et la perception d’une norme de nouvelle laïcité comme prédicteur et contrôlant pour l’effet de la perception d’adoption de la culture dominante.

Figure 4.6. Médiation par l'interaction entre la perception d’identification au pays d’accueil et

la perception d’une norme de nouvelle laïcité de l'effet de la perception d’adoption de la culture dominante sur la discrimination dans l’étude 6.

Note. ** : p < .01 ; *** : p < .001

Cette analyse a pour but de confirmer le sens de la modération de l’effet de la perception d’identification au pays d’accueil sur la discrimination par la perception d’une norme de nouvelle laïcité. Les résultats ont effectivement montré que l’effet de la perception d’identification au pays d’accueil sur la discrimination est significatif pour les personnes percevant une forte norme de nouvelle laïcité (+1 SD par rapport à la moyenne) : B = -.42,

t(248) = -3.90, p < .001, IC 95% [-.63 ; -.21] et non significatif pour les personnes percevant

une faible norme de nouvelle laïcité (-1 SD par rapport à la moyenne) : B = .05, t(248) = .56, p = .573, IC 95% [-.13 ; .23]. En d’autres termes, seules les personnes qui perçoivent une forte norme de nouvelle laïcité dans leur environnement font le lien entre perception d’identification au pays d’accueil et discrimination. Pour les personnes ne percevant pas une forte norme de nouvelle laïcité, il n’y a aucun effet de la perception d’identification au pays d’accueil sur la discrimination. Ce résultat est conforme à notre H3.

Nous avons également émis l’idée que la médiation de l’effet de la perception d’adoption de la culture dominante sur la discrimination par la perception d’identification au pays d’accueil ne serait pas affecté par la perception d’une norme de laïcité historique. Afin de savoir si les données vont dans le sens de cette idée, nous avons donc conduit une analyse de médiation modérée (PROCESS, Hayes & Preacher, 2013, modèle 14) identique à celle que nous venons de présenter, mais incluant la perception d’une norme de laïcité historique comme modérateur (et non la perception d’une norme de nouvelle laïcité). Cette analyse a montré que le lien entre perception d’identification au pays d’accueil et discrimination n’est pas modéré

par la perception d’une norme de laïcité historique : B = .11, t(248) = 1.37, p = .172, IC 95% [- .05 ; .27]. De plus, l’indice de médiation modéré testant la modération de l’effet indirect de la perception d’adoption de la culture dominante sur la discrimination via la modération entre la perception d’identification au pays d’accueil et la perception d’une norme de laïcité historique s’est également révélé non significatif : .03, IC 95% [-.05 ; .10]. Ces données vont donc dans le sens d’une absence de lien entre la perception d’une norme de laïcité historique et la perception de la manière dont les minorités s’intègrent dans la société d’accueil.

4.4.3.4. Test d’un modèle alternatif. Pour renforcer notre argument selon lequel la perception d'une norme de nouvelle laïcité modère le lien entre la perception d’identification au pays d’accueil et la discrimination, nous avons testé l’adéquation des données avec un modèle alternatif. Ce modèle a examiné l’hypothèse selon laquelle la perception d’une norme de nouvelle laïcité modèrerait les liens entre (1) la perception d’adoption de la culture dominante et la discrimination et (2) entre la perception d’adoption de la culture dominante et la perception d’identification au pays d’accueil. Pour ce faire, nous avons effectué un test bootstrap (n boots = 5000) en utilisant le modèle 59 de la macro PROCESS SPSS (Hayes & Preacher, 2013). Cette analyse n’a révélé aucun effet significatif de l’interaction entre perception d’une norme de nouvelle laïcité et perception d’adoption de la culture dominante, que ce soit sur l'identification au pays d’accueil perçue, B = .00, t(248) = .04, p = .969, IC 95% [-.12; .13], ou une discrimination, B = .05, t(248) = .66, p = .526, IC 95% [-.10; .19].

4.3.3. Discussion.

De précédents travaux ont montré que, lorsque les membres de la majorité perçoivent

les membres de minorités comme n’adoptant pas la culture dominante, ils perçoivent également ces membres de minorités comme ne s’identifiant pas au pays d’accueil, ce qui amène la majorité à exprimer plus de préjugés envers les minorités (Roblain et al., 2016). Cependant, l’étude 5 a montré que les normes culturelles d’intégration perçues importantes dans un contexte culturel donné pouvaient influencer la façon dont la majorité perçoit l’acculturation des minorités. Dans ce cadre, l’étude 6 avait pour but de préciser l’action des normes culturelles sur l’effet la perception d’adoption de la culture dominante sur la discrimination via la perception d’identification au pays d’accueil. Nous avons formulé l’hypothèse (1) que la perception d’adoption de la culture dominante par les minorités aurait un effet sur la discrimination (H2), (2) que cet effet serait médiatisé par la perception d’identification des minorités au pays d’accueil (H3) et (3) que l’effet de la perception d’identification sur la discrimination serait modéré par la perception d’une norme de nouvelle laïcité (H4). Ces trois hypothèses ont été confirmées par les résultats de la présente étude. De plus, des analyses

approfondies ont montré que le lien entre perception d’identification et discrimination n’est significatif que pour les personnes percevant une forte norme de nouvelle laïcité dans le contexte français. Cette étude permet de mieux comprendre les résultats obtenus dans l’étude 5. En effet, l’étude 6 a permis de différencier la perception d’adoption et la perception d’identification. Des analyses corrélationnelles ont d’ailleurs montré que, bien que ces deux variables soient fortement corrélées, seul un quart environ de leur variance est commune. Elles semblent donc distinctes dans l’esprit de la majorité. Ces résultats descriptifs corroborent l’idée selon laquelle ces deux variables constituent deux formes différentes d’acculturation, l’une étant considérée comme une forme plus aboutie et donc moins répandue au sein des minorités (l’identification, voir Snauwaert et al., 2003). En accord avec cette idée et contrairement à l’interprétation de Roblain et al. (2016), nous avons ainsi supposé qu’en France, le lien entre perception d’adoption et perception d’identification ne serait pas modéré par les normes culturelles d’intégration, dans la mesure où les deux concernent un comportement ou un choix réalisé par les minorités (ou perçu comme tel), indépendant des préférences majoritaires.

Cette hypothèse a été confirmée par nos résultats. En effet, la perception d’une norme de nouvelle laïcité influence bien le lien entre perception d’identification et discrimination, et n’influence pas le lien entre perception d’adoption et perception d’identification. Ce constat confirme l’idée selon laquelle, dans certains contextes, la non identification à la France n’est pas systématiquement perçue comme un motif de discrimination. En revanche, il est intéressant de constater que le lien entre perception d’adoption et discrimination n’est pas modéré par la norme de nouvelle laïcité, alors qu’il reste significatif lorsque la perception d’identification est contrôlée. Cette observation semble indiquer que le prototype de citoyen.ne créé par la norme de nouvelle laïcité ciblerait davantage l’identification nationale que l’adoption de la culture dominante. Autrement dit, dans un contexte culturel mettant en avant la nouvelle laïcité comme manière acceptable de s’intégrer, il serait attendu des membres des minorités qu’ils et elles s’identifient au pays d’accueil. Cette observation est très intéressante car elle permet de mieux cibler les implications de la norme de nouvelle laïcité dans l’esprit de la majorité Française. Dans l’étude 5, nous avons en effet postulé que l’influence des normes de laïcité avait dépassé les simples considérations religieuses et concernait plus généralement des problématiques relevant de la culture. L’étude 6 nous permet de détailler davantage cette interprétation majoritaire de la nouvelle laïcité dans le sens où cette norme valoriserait un engagement envers le pays d’accueil encore plus important que la « simple » adoption de la culture dominante. Cette hypothèse serait à tester de façon expérimentale avec de futures recherches.

Cette étude montre également que la norme de laïcité historique n’influence pas l’effet de la perception d’adoption sur la discrimination via la perception d’identification. Ce constat pourrait sembler cohérent avec les résultats mis en avant par l’étude 5, qui montrent que, dans un contexte mettant en avant la norme de laïcité historique, l’acculturation des minorités n’est pas reliée à la discrimination. Cependant, cette absence d’effet de la laïcité historique pourrait également être due au fait que celle-ci n’est pas perçue comme normative dans le contexte de l’étude. En effet, les statistiques descriptives réalisées dans cette étude montrent que les participant.es perçoivent une norme de nouvelle laïcité très au-dessus de la moyenne de l’échelle, alors que la perception d’une norme de laïcité historique n’est pas significativement différente de la moyenne de l’échelle. De plus, la perception d’identification des minorités au pays d’accueil semble toujours prédire la discrimination pour les personnes qui perçoivent une forte norme de laïcité historique. Il est néanmoins difficile prioriser l’une ou l’autre de ces deux hypothèses dans la mesure où la perception des normes est ici mesurée et non manipulée. Ainsi, certaines personnes peuvent à la fois percevoir une forte norme de nouvelle laïcité et une forte norme de laïcité historique. Afin de départager ces deux hypothèses, il conviendrait de mesurer la perception d’une norme de laïcité historique dans d’autres pays et de comparer ces scores à ceux obtenus en France, comme nous l’avons fait au chapitre 2 concernant l’égalité colorblind et la nouvelle laïcité. Une réplication de cette étude qui manipulerait les normes de laïcité au lieu de les mesurer serait également nécessaire.

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