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Directe ou Conceptuelle : Quelle Réplication en Psychologie Sociale ?

LE POUVOIR DES NORMES CULTURELLES : LA DISCRIMINATION EST FAÇONNÉE PAR LE CONTEXTE

3.4. Étude 4 : Laïcité Historique, Laïcité Nouvelle : Quel(s) Effet(s) sur la Discrimination ?

3.5.2. Directe ou Conceptuelle : Quelle Réplication en Psychologie Sociale ?

Les résultats des études 3 et 4 apportent également une contribution au débat actuel concernant la réplication en psychologie, en particulier en psychologie sociale. En effet, depuis la crise de réplicabilité qui a fait suite au projet OSC (2015), de nombreux.ses chercheurs.euses ont débattu pour savoir quel type de réplication (directe ou conceptuelle) était la plus appropriée en fonction des domaines de recherche. Alors que certain.es soutiennent que seule la réplication directe peut confirmer l'existence d'un effet (Zwaan, Etz, Lucas, & Donnellan, 2018), d'autres auteur.es ajoutent que certaines disciplines traitent de sujets qui sont sensibles au contexte social et culturel ; il serait donc nécessaire de prendre en compte ce contexte lors des réplications potentielles (Van Bavel et al., 2016). Notre étude apporte à ce débat des données

expérimentales, qui manquaient jusqu'à présent à notre connaissance dans la littérature. Nos différentes études suggèrent que les événements qui ont modifié le paysage socio-culturel français au cours de notre expérience ont bouleversé le sens de la principale norme d’intégration française : la laïcité. Cela signifie que, en ce qui concerne les expériences de psychologie sociale, les éléments contextuels qui surviennent en dehors du laboratoire peuvent influencer les manipulations effectuées en laboratoire. Ceci pose la question de la fiabilité de la réplication directe, dans la mesure où il suffit que cette réplication s'effectue dans un contexte sensiblement différent (dans un autre pays, dans une autre langue, à un moment différent ou, comme c'est le cas pour nos études, après des événements significatifs) pour que les résultats soient modifiés. Si la réplication directe, ne tenant aucunement compte du contexte social, politique ou culturel, est généralisée en psychologie sociale, cela pourrait conduire à des conclusions erronées, et en particulier à considérer par erreur certains effets comme inexistants. De plus, l'idée que la réplication directe est le seul moyen de mettre en évidence des effets forts tend à discréditer certaines branches de la psychologie dont l'objet est justement d'étudier l'influence du contexte sur le comportement (par exemple la psychologie interculturelle).

L'idée selon laquelle les processus étudiés en psychologie sociale dépendent du contexte n'est pas nouvelle. Amir et Sharon (1987), s'appuyant sur six études publiées dans quatre revues majeures de psychologie sociale, ont par exemple soutenu le besoin de réplications interculturelles. Ils ont reproduit chacune de ces études sur deux échantillons israéliens, l'un semblable à celui de l'étude originale et l'autre différent à certains égards. Leurs résultats indiquent qu'une partie significative des effets mis en évidence par les études originales ne sont pas reproduits dans un échantillon sensiblement différent. L’importance de la réplication conceptuelle se retrouve également chez les défenseurs et défenseuses du courant de la psychologie universaliste (voir Sedikides, et al., 2003). En accord avec ces chercheurs.euses et sur la base des études présentées ici, nous pensons qu’il est essentiel, lors de la conception des études de réplication en psychologie sociale, de reproduire au plus près le contexte dans lequel s’est déroulée l’étude originale. Ce type de réplication « psychologiquement identique » (et pas seulement « identique ») permet de s’assurer que le phénomène observé dans l’étude de base est bien réplicable dans un contexte similaire. Si l’effet n’est pas répliqué, alors la probabilité que cet effet n’existe pas dans la réalité est beaucoup plus grande. Nous pensons donc que la réplication conceptuelle devrait s’imposer comme une procédure scientifique de choix pour une discipline comme la psychologie sociale.

Les études 3 et 4 permettent de mettre en avant l’effet direct du contexte socio-culturel sur les comportements de discrimination et ce, de différentes manières. Premièrement, nos résultats montrent que, conformément à nos hypothèses, l’exposition à des normes relatives à l’intégration des minorités culturelles et religieuses influence les comportements de discrimination. Cependant, dans ce cadre, toutes les normes ne se valent pas. Pour que l’exposition à une norme ait un tel effet, cette norme doit en effet être perçue comme typique et distinctive du milieu culturel dans lequel l’exposition a lieu. Ainsi, bien que très étudiées en psychologie sociale, les normes d’assimilation et de multiculturalisme n’ont aucun effet sur la discrimination en France, contrairement aux normes de laïcité (nouvelle et historique). De plus, les normes relatives à la laïcité en France peuvent augmenter la discrimination à l’encontre des minorités culturelles ou religieuses (quand elles font référence à la nouvelle laïcité) mais peuvent également les réduire (quand elles font référence à la laïcité historique). Deuxièmement, ces recherches montrent que des événements survenus en dehors du laboratoire, dans le paysage socio-culturel « réel », peuvent influencer les manipulations expérimentales réalisées en laboratoire. En effet, la survenue d’attaques terroristes pendant nos recherches a considérablement changé nos résultats et ce, de façon persistante (le même pattern de résultats étant retrouvé après les attentats de Janvier et de Novembre 2015). Les résultats de ce chapitre corroborent donc l’idée selon laquelle il est fondamental de prendre en compte le contexte culturel dans l’explication de la discrimination et des phénomènes psycho-sociaux.

Les résultats obtenus avec les études 3 et 4 permettent ainsi d’ouvrir de nombreuses pistes de recherche concernant l’effet des normes culturelles d’intégration sur les relations intergroupes. En effet, au-delà de leur effet direct sur les comportements discriminatoires, on peut imaginer que ces normes influencent également la manière dont les membres du groupe majoritaire perçoit les personnes d’origine immigrée. Cette hypothèse se base sur la définition même des normes culturelles d’intégration, qui indique que celles-ci définissent la manière correcte de s’adapter à un pays et à sa culture (Guimond et al., 2013). Cette définition implique la question suivante : l’exposition aux normes culturelles d’intégration peut-elle influencer les

exigences du groupe majoritaire en ce qui concerne les comportements d’adaptation des membres de groupes minoritaires ? Cette question sera abordée par les études 5 et 6 du chapitre

CHAPITRE 4 –

PRÉFÉRENCES D’ACCULTURATION PERÇUES DES

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