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Effet la norme de nouvelle laïcité sur le lien acculturation-discrimination.

PRÉFÉRENCES D’ACCULTURATION PERÇUES DES GROUPES MINORITAIRES ET DISCRIMINATION : LE ROLE

4.3. Etude 5 : La perception de l’acculturation des minorités a-t-elle systématiquement un effet sur la discrimination ? Le rôle des normes

4.3.2.3. Effet la norme de nouvelle laïcité sur le lien acculturation-discrimination.

Selon notre hypothèse, le niveau de discrimination devrait être plus élevé dans la condition « faible adoption / identification » que dans la condition « forte adoption / identification », pour les participant.es de la condition norme de nouvelle laïcité (H1). Afin de tester cette hypothèse, nous avons réalisé une ANOVA 2 (Adoption / Identification : Faible vs. Forte) x 2 (Norme Culturelles : Laïcité Historique vs. Nouvelle Laïcité) sur le score obtenu à la tâche de l’organigramme. Les résultats de cette analyse ont révélé un effet d’interaction marginalement significatif entre les deux variables : F(1, 139) = 3.03, p = .084, η2 = .02. Étant donné que nous avons formulé une hypothèse a priori supposant un effet de la condition d’adoption / identification dans la condition « nouvelle laïcité » et non dans la condition « laïcité historique », nous avons tout de même décomposé cette interaction19.

Nous avons pour cela utilisé l’approche « group code » (Aiken, Stein, & Bentler, 1994). La variable « Normes d’intégration », initialement codée de façon centrée (-1 = nouvelle laïcité ; 1 = laïcité historique), a ainsi été recodée en deux variables différentes. La première variable permettait de tester l’effet de la condition « adoption/identification » dans la condition de nouvelle laïcité (0 = nouvelle laïcité ; 1 = laïcité historique) et la seconde permettait de tester l’effet de la condition « adoption/identification » dans la condition de laïcité historique (0 = laïcité historique ; 1 = nouvelle laïcité). Cette analyse n’a révélé aucune différence significative entre les conditions d'adoption / identification dans la condition « laïcité historique ».

19

Il convient de noter que, lorsque le contact intergroupe est contrôlé dans l'analyse (ce que nous considérons comme important dans un contexte de grande diversité culturelle comme à celui dans lequel cette étude a été menée, voir Allport, 1954; Brown & Hewstone, 2005; Pettigrew & Tropp, 2006), l'effet de cette interaction sur la discrimination semble être plus important: F(1, 137) = 3.56, p = .061, η2 = .03.

Autrement dit, les participant.es de la condition « forte adoption / identification (M = 2.89, SD = 0.46) ne discriminaient pas plus que ceux et celles de la condition « faible adoption / identification » (M = 2.86, SD = .71) : t(68) =. 20, p = .843, IC 95% [-.26 ; .22]. Cependant, comme prévu, dans la condition « nouvelle laïcité », les participant.es ont présenté des comportements discriminatoires plus importants lorsque minorités étaient présentées comme faiblement identifiées au groupe national et n'ayant pas adopté la culture dominante (M = 3.18,

SD = .51) que lorsqu’elles ont été présentées comme hautement identifiées au groupe national

et ayant adopté la culture dominante (M = 2.87, SD = .57) : t(71) = -2.43, p = .018, IC 95% [- .55 ; -.05]. La structure des résultats est présentée à la figure 4.3.

Il convient de noter qu’une ANOVA testant l’effet des conditions expérimentales sur les préjugés n’a montré aucun effet d’interaction Normes x Adoption/Identification : F(1, 139) = 1.21, p = .312, η2 = .01, aucun effet principal de la condition de Normes : F(1, 139) = .31, p = .581, η2 = .00 et aucun effet principal de la condition Adoption/Identification : F(1, 139) = .42, p = .517, η2 = .00.

Figure 4.3. Pattern de résultats obtenus en testant l’effet d’interaction entre normes culturelles

d’intégration et adoption/identification des minorités sur la discrimination dans l’étude 5.

4.3.3. Discussion.

L’étude 5 avait pour but de tester l’hypothèse selon laquelle un facteur de discrimination généralement considéré comme universel (i.e. l’acculturation des minorités au sein de la société majoritaire) pouvait en réalité dépendre du contexte culturel. Plus précisément, nous avons

suggéré que les membres de la société majoritaire n’exigent pas systématiquement des groupes minoritaires qu’ils adoptent la culture dominante et s’identifient au pays d’accueil, comme cela a pu être avancé par de précédents travaux (Maisonneuve & Testé, 2007 ; Matera et al., 2012 ; Roblain et al., 2016 ; Van Oudenhoven et al., 1998). Nous pensons que la façon dont le groupe majoritaire va évaluer le comportement d’acculturation des groupes minoritaires va dépendre des normes culturelles d’intégration. Au cours de la présente étude, nous avons formulé l’hypothèse selon laquelle, en France, l’effet de la perception de l’acculturation des minorités sur la discrimination au sein du groupe majoritaire ne serait présent que si une norme de nouvelle laïcité (i.e. une norme exclusive) a été auparavant induite (H1), et non si une norme de laïcité historique (i.e. une norme inclusive) a été auparavant induite. Les résultats de l’étude 5 vont dans le sens de cette hypothèse. En effet, nos analyses suggèrent que, lorsque les participant.es sont exposé.es à une norme de nouvelle laïcité, ils et elles discriminent davantage les personnes d’origine immigrée si celles-ci n’ont pas adopté la culture française et ne s’identifient pas à la France que si ces personnes déclarent s’être assimilées. Cet effet n’est pas présent lorsque les participant.es ont été exposé.es à une norme de laïcité historique : dans ce cas, le niveau de discrimination reste bas quelle que soit l’acculturation choisie par les minorités. Ces observations montrent une fois de plus l’importance de prendre en considération le contexte culturel dans lequel les études sont réalisées, et de ne pas considérer les résultats obtenus dans certaines cultures comme universels. En effet, il semble que le fait que les minorités choisissent de ne pas adopter la culture dominante et de ne pas s’identifier au pays d’accueil ne soit pas perçu comme problématique dans un contexte valorisant une norme inclusive. Nous pensons que cet effet pourrait être répliqué dans un pays possédant une forte norme de multiculturalisme, comme par exemple au Canada, en induisant une norme en adéquation avec les perceptions des habitant.es du pays. Ces résultats nous éclairent également concernant les mécanismes d’action des normes culturelles d’intégration. En effet, l’influence de ces normes sur la manière dont les membres du groupe majoritaire perçoivent l’acculturation choisie par les minorités confirme notre idée selon laquelle ces normes visent spécifiquement les comportements des membres de groupes minoritaires à l’encontre de la majorité. Les normes culturelles d’intégration permettent donc de légitimer ou non certains comportements d’acculturation. Selon cette hypothèse, les normes inclusives permettraient ainsi aux membres de minorités peuvent choisir la manière dont ils s’intègrent dans la société d’accueil, et notamment choisir d’intégrer ou non les coutumes et valeurs du pays d’accueil à leur mode de vie et à leur identité. En revanche, les normes exclusives rendraient obligatoire cette intégration de la culture du pays d’accueil, sous peine de sanctions sociales (comme la discrimination).

De façon intéressante, l’étude 5 suggère également que les questions de laïcité en France ont dépassé les considérations purement religieuses. En effet, comme nous l’avons mentionné auparavant, ces dernières années, la médiatisation et la récupération politique de principe, permettant de légitimer une discrimination subtile à l’encontre des populations maghrébines et musulmanes, laissaient penser que, dans l’esprit des Français.es, religion et culture étaient désormais en partie confondues. Dans ce cadre, le maintien privé de la religion définissant la nouvelle laïcité serait également synonyme de maintien privé de sa propre culture et de l’adoption de la manière de vivre à la Française. La laïcité historique serait, elle, associée à une liberté à la fois de croyance mais aussi de culture. Nos résultats vont dans le sens de cette idée. En effet, ils montrent que la non adoption de la culture française et la non identification à la France semblent perçues comme incompatibles avec une norme de nouvelle laïcité (et non avec une norme de laïcité historique). En ce sens, les résultats de cette étude suggèrent que le double sens actuel de la laïcité traduit en fait deux positions différentes envers la diversité en général, et non seulement la diversité religieuse (comme cela avait déjà été suggéré par Baubérot, 2012; Kamiejski et al., 2012; Pena-Ruiz, 2006; Roebroeck & Guimond, 2016; Zoia, 2012).

Cette étude comporte néanmoins plusieurs limites. Elle ne permet notamment pas de différencier les deux principales formes d’acculturation mise en avant par Snauwaert et al. (2003) : l’adoption (ou non) de la culture dominante et l’identification (ou non) au pays d’accueil. Afin de mieux comprendre les mécanismes d’action des normes de laïcité sur le lien entre acculturation (sous ses deux formes) et discrimination, nous avons choisi dans l’étude suivante de mesurer ces deux variables. De plus, l’étude 5 a été menée auprès d’une population particulière. Tou.te.s nos participant.es étaient effet inscrit.es en première année de psychologie à l’université de Nanterre. Or cette université possède une histoire politique très chargée et est fortement associée à des mouvements progressistes. Cette université est également connue pour être très multiculturelle. Afin de tester nos hypothèses sur une population plus diversifiée, nous avons menée l’étude suivante auprès d’un échantillon tout venant.

4.4. Étude 6 : Perception d’Adoption, Perception d’Identification et Norme

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