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Relations aux objets et anthropomorphisation de la marque, la perspective du consommateur

EXPLORATION THEORIQUE DE LA PREMIERE RENCONTRE MEMORABLE

Section 1 – Origines et fondements du paradigme de la relation marque consommateur

1.2 Relations aux objets et anthropomorphisation de la marque, la perspective du consommateur

relationnel ?

1.2 Relations aux objets et anthropomorphisation de la marque, la perspective du consommateur

Le recours à la métaphore relationnelle pour caractériser la relation marque-consommateur trouve ses fondements dans deux domaines théoriques : celui de la relation à l’objet en général et celui, plus spécifique aux marques, de la personnification ou anthropomorphisation des marques, qui s’appuie en particulier sur les théories de l’animisme.

Des travaux en philosophie et en psychologie montrent que la relation des individus aux objets est bien plus riche qu’une relation à un simple bien matériel, car elle incarne de nombreuses fonctions symboliques. L’objet peut être un objet transitionnel chez l’enfant, c’est-à-dire qu’il vise à combler le manque de la présence maternelle (peluche, etc…) et ainsi être objet d’attachement (Champy et Véricourt, 1990). Plus largement, la relation entre l’individu et l’objet peut-être envisagée comme un prolongement des relations interpersonnelles, en tant que pis-aller dans lequel investir tout ce qui n’a pu l’être dans la relation humaine. L’objet étant au cœur de la structure familiale, il contribue en effet à personnifier les relations humaines au sein de la famille (Baudrillard, 1968). Yankelovitch (1981) reprend le point précédent dans le contexte de la consommation en précisant que les produits peuvent se comprendre comme l’extension ou le substitut symbolique de relations interpersonnelles, en particulier dans les sociétés matérialistes. Ces relations visent à nourrir

le « soi vide » auquel prédispose l’abandon de la tradition et de la communauté dans les sociétés postmodernes (Cushman, 1990).

Enfin, reprenant les travaux de Sirgy (1982) sur la congruence entre l’image de soi et l’image du produit, Belk (1988) montre que l’objet contribue à la construction de l’identité de l’individu en jouant le rôle d’une extension de soi (« extended self »). Dans une perspective élargie à l’ensemble du champ social, les objets servent ainsi de signes émis à autrui pour exprimer notre personnalité. Au-delà d’être un substitut aux relations interpersonnelles, l’objet devient ainsi un moyen de communication entre les individus, un acteur facilitant les relations interpersonnelles.

Ces différentes perspectives sont une première base pour comprendre en quoi les relations aux objets sont plus riches qu’il n’y paraît et s’apparentent parfois par effet de transfert aux relations interpersonnelles. L’objet peut donc être, au-delà de ses fonctions utilitaires, lieu de création de liens affectifs, identitaires et symboliques. Par voie de conséquence, les produits marqués peuvent également être dotés de telles propriétés qui rendent la métaphore relationnelle pertinente.

En parallèle de cette conceptualisation de la relation à l’objet, Fournier (1998) a été la première à proposer une justification de la capacité des individus à anthropomorphiser les marques. Elle note que les publicitaires et responsables marketing eux-mêmes facilitent la démarche en adoptant des stratégies de personnification des marques : recours à une mascotte (Bibendum Michelin, le Géant de géant vert…), humanisation des produits dans la publicité (ex. Twingo), anthropomorphisation des objets grâce au design (flacons Le Mâle de JP. Gaultier, ou Organza, fantôme d’Acrobat de Président…) ou utilisation de porte paroles avec lesquels l’association systématique de la marque permet un transfert des caractéristiques ou de la personnalité (ex. Elsève et Cindy Crawford). Il semblerait que les consommateurs n’éprouvent pas de difficultés à attribuer des caractéristiques de personnalité à des objets inanimés, ou à penser aux marques comme si elles étaient des célébrités ou des figures historiques célèbres (Plummer, 1985 ; Rook, 1985 ; Solomon, 1985).

Le fondement commun à cette pratique repose sur les théories de l’animisme (Gilmore, 1919). Le plus haut degré de l’animisme correspond au fait qu’un objet inanimé soit possédé par l’esprit « flottant » d’un être humain. Le second type d’animisme implique

l’anthropomorphisation d’objets de la nature et le transfert de traits de personnalité (Gilmore, 1919). Dans ce cas, l’objet est encore regardé comme un individu, à qui l’on prête des émotions, des sentiments, des désirs et une capacité d’agir. Dans le troisième type d’animisme, l’on dote l’objet de certaines qualités anthropomorphes, même s’il n’est pas considéré comme entièrement humain.

Si l’on essaie de bâtir un rapprochement avec l’anthropomorphisation de la marque, on constate que la première modalité d’animisme, celle où l’objet incarne un esprit « flottant » est relativement similaire à l’effet recherché par l’association à un porte parole de la marque (McCracken, 1989). Lorsque l’association est ancienne et exclusive, le lien entre la marque et le porte parole peut subsister bien après la fin du contrat. Cette modalité d’animisme se retrouve également à l’échelle de l’individu lorsqu’une marque évoque pour lui une personne chère ou une personne détestée. Le second type d’animisme implique une complète anthropomorphisation de l’objet grâce à un transfert d’émotions humaines. Il est sans doute plus difficilement manipulable à l’échelle d’une marque, à l’exception de quelques marques au capital affectif particulièrement fort (exemple du Bibendum Michelin dans le livre Parlez- nous de lui. Bibendum vu par…Paris, Textuel, 1998, cité par Heilbrunn, 2001). Dans la troisième forme d’animisme, la marque n’est pas dotée de pensées, mais de qualités humaines qui lui sont attribuées. Traditionnellement, certains objets comme les instruments, les moyens de transport, la nourriture, certaines boissons ainsi que les vêtements et les armes ont été dotés de propriétés animistes.

L’ensemble de ces théories justifiant la possibilité de personnifier une marque ont été mises à l’épreuve du terrain dans le courant de recherche sur la personnalité des marques (Aaker, 1997 ; Ferrandi et Valette-Florence, 2002 ; Ambroise, 2006). Ferrandi et Valette-Florence (2002) définissent la personnalité de la marque comme « l’ensemble des traits de personnalité humaine associés à une marque ». Ces travaux montrent à nouveau, non seulement qu’il est naturel pour le consommateur d’attribuer des qualités humaines aux objets, mais également que la personnalité des marques contribue à expliquer une grande part de l’attachement à la marque et de l’intention d’achat (Ambroise, 2006).

Au-delà de cette capacité des marques à être dotées de qualités humaines, nous verrons dans la section suivante que la marque, bien qu’immatérielle, est plus qu’un objet inanimé et peut être considérée comme un membre actif de la relation.

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