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Analyse structurale de l’entretien de PP

André Gide

Section 2 Une analyse structurale des entretiens : exploration des logiques individuelles des rencontres avec les marques

2.3 Analyse structurale de l’entretien de PP

 Le ressort profond de la consommation de PP : la famille, et sa traduction dans

les rencontres avec les marques.

La relation aux marques de PP est intrinsèquement liée à la relation très forte qu’elle entretient avec sa famille, une famille d’origine aristocratique, avec des traditions familiales très importantes et en même temps une proximité tant affective que géographique importante. Ceci se traduit dans la façon dont elle rencontre bon nombre de marques, via des rencontres

« Wolford, c’est une marque qui compte vraiment beaucoup. […] La première impression, c’est via maman »

« une autre marque, c’est ancré dans mon enfance, c’est Mulino Bianco (en France, Barilla), c’est la marque de biscuits qu’on avait depuis que j’ai trois ans en Italie. […] C’est

ancré dans l’imaginaire, chaque fois que j’allais en Italie, j’avais cela, ma grand-mère me redonnait un paquet que je ramenais en France pour que j’ai à nouveau une fin de vacances

avec mon petit paquet de biscuits »

« je saurai pas dire depuis quand, mais assez tôt mon père nous a bien éduqués pour apprécier les beaux livres et j’avais commencé à 8 ou 9 ans une collection de Pléïade »

 Contrairement à CV pour qui le lien à la famille est comme un cocon affectif très douillet, la famille est ici un cadre plus formel, dans lequel le rituel et la tradition sont importants.

« il y a des choses qu’on faisait quand j’étais petite, comme aller à la Pagode au cinéma. Je continue d’y aller par ce que c’était notre sortie du dimanche, on y allait à pied… c’était tous

les dimanches, on allait voir le film de la Pagode »

« chaque fois que mes grands-parents italiens venaient, comme on voulait manger italien, c’était toujours chez Pastavino […] De mes 4 ans à mes 16 ans, c’était associé à chaque fois qu’ils venaient, tous les 2 mois… on allait systématiquement dans ce restaurant et il n’y avait

aucune variation possible »

 Le rituel et la tradition s’incarnent dans un certain formalisme, correspondant à des dates clés : Noël, anniversaires, fête des mères…

« ma mère a essayé de maintenir la tradition dans la cuisine donc on a à chaque fois un panettone à Noël… ce sont des gâteaux italiens consommés à des dates particulières et on les

a toujours eus… le panettone, c’est Baudi »

Au sujet des livres de la Pléïade, «j’avais instauré à chaque Noël qu’on m’en offre trois » « je suis très fidèle à Kenzo […] le premier, c’est ma sœur, à chaque anniversaire, elle

m’offre un parfum, donc toujours Kenzo, elle alterne… »

Au sujet de la marque Wolford « j’ai toujours vu mon père, sachant que ma mère aimait cette marque, chaque fois qu’on faisait un cadeau d’anniversaire, de fête des mères « on va aller

lui acheter quelque chose »

La tradition, le formalisme, le rituel rendent presque incontournables les marques introduites par la famille, « pour faire plaisir »

« Baileys, c’était un été à X, il y a 7 ans, on avait invité un cousin qui lui en prenait, donc on s’est dits « soyons polis et gentils, faisons lui plaisir, et on avait acheté une bouteille de

Bailey’s. […] « On n’a qu’à prendre cela » et finalement, c’était un petit rituel » Là encore soulignons la fréquence des références à des actants familiaux : grand-mère, père, mère, sœur, cousin.

 Une disjonction avec des tentatives de « révolution » dans les marques familiales Quelques récits traduisent au contraire une volonté de « révolution » dans la consommation familiale, ce qui n’est pas toujours chose aisée. Ceci implique de s’opposer ouvertement.

Au sujet d’une boutique de quartier vendant des tenues habillées « c’était l’âge, je devais avoir 18 ans, où je suis passée des robes de soirée supra classiques que je détestais à..cette boutique… au début ma mère me disait « non, ça fait vulgaire parce que c’est vrai que c’est des robes de créateur…quelquefois, il y avait des trucs inmettables en vitrine et je sais qu’à l’époque mon rêve était d’avoir une robe de soirée de cette boutique..au final, j’ai réussi à obtenir une robe de cette boutique en montrant que dans tout l’ensemble de l’offre, il y avait

des choses créateur mais très mettables »

Ou encore avec le coiffeur familial « Cela fait 8 ans que je vais chez le même coiffeur et cela a été un changement clé parce qu’avant précisément j’étais très insatisfaite, j’allais chez les coiffeur qui coiffait toute la famille, Mods’Hair, qui me coiffait super mal […] je me trouvais horrible et j’avais payé super cher… j’avais dit à maman « vraiment, plus jamais » »

Hormis la rareté de ces comportements de « révolution », il faut souligner la façon dont elles se résolvent systématiquement pour rétablir l’unité familiale : PP finit par convertir sa famille à la nouvelle marque pour laquelle elle a réalisé sa « révolution ».

Concernant la boutique créateur « finalement, avec l’évolution qu’ils ont adopté de rendre les choses un peu plus adaptées au quartier, un peu moins provocateur, même ma mère achète pour elle des pulls de belle qualité un peu griffés donc j’ai dit « quelquefois, il y a des choses

bien » »

De même pour le nouveau coiffeur Jean-Louis David « Cela fait dix ans que j’y vais à fréquence super élevée parce que c’est mon petit plaisir… et progressivement toute la famille

Au-delà de cette stratégie visant à rétablir l’harmonie familiale, il est à noter que les rencontres avec les marques en opposition se font dans un cadre limitant la transgression : ce sont souvent des rencontres sur point de vente, « dans le quartier » qui demeure une référence.

 Les effets de ces rencontres sur la relation à la marque. Ces deux registres de rencontres, familiales, ou « par révolution » se traduisent in fine par une grande fidélité, soit par respect familial soit parce que l’entreprise de conversion de la famille est si difficile qu’il ne mérite pas d’être réalisé trop souvent : Wolford « c’est une marque à laquelle je suis très fidèle », « je suis très fidèle à Kenzo », Baileys « j’en achète de temps en temps », « je rachète cycliquement une bouteille de Martini ».

 Les attributs des marques qui retiennent l’attention de PP réconcilient typiquement ses ambivalences : des lignes esthétiques, épurées, au confluent d’un certain classicisme et d’une modernité innovatrice (attributs soulignés chez Wolford, Erès, la Pléïade…)

En synthèse, voici le schème décrivant PP.

Tableau 4.2 – Synthèse de l’analyse structurale de l’entretien de PP PP – 28 ans – célibataire – étudiante

19 récits de rencontres Motivation profonde

vs. la consommation

Forte implication identitaire dans les actes de consommation. Ambivalence identitaire traduite par la disjonction :

Tradition  Révolution

Registres de

rencontres

Rencontres influencées par la famille sous la forme de :

- rencontres familiales

(Mulino Bianco, Baudi, Wolford…) - rencontres naturalistes avec contexte familial (Cartier, Kenzo, Bailey’s, Pléïade)

Rencontres seule sur point de vente du quartier : boutique de vêtements créateurs, coiffeur Jean-Louis David, centre esthétique

Attributs attirant l’attention

Attributs de l’ordre de l’esthétique - épurés

Registre des relations aux marques

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