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La notion de « rencontre » en marketing

EXPLORATION THEORIQUE DE LA PREMIERE RENCONTRE MEMORABLE

Section 1 – La première rencontre explorée par la recherche en marketing

1.1 La notion de « rencontre » en marketing

Les premiers à avoir introduit le terme de « rencontre » (« encounters ») dans le domaine du marketing sont les chercheurs en marketing des services (Surprenant et Salomon, 1987 ; Bitner, 1990). Selon Surprenant et Salomon (1987), « la rencontre de service correspond à l’interaction dyadique entre un consommateur et un prestataire de service ». Pour Bitner (1990), la rencontre de service est « la période de temps pendant laquelle un consommateur interagit directement avec le service », sans préciser s’il s’agit d’une interaction de nature interpersonnelle ou autre (interaction médiatisée par une technologie de self-service, Meuter, Ostrom, Roundtree, Bitner, 2000).

Ainsi, partant d’une définition large de la rencontre comme un épisode plus ou moins long, plus ou moins satisfaisant, impliquant, émouvant, et d’une définition large des services envisageant tous les secteurs possibles, ce courant de recherche vise, tout en variant les méthodologies utilisées (méthodologies qualitatives interprétatives, Arnould et Price, 1993 ; méthode des incidents critiques, Bitner, Booms, Mohr, 1994 et Meuter, ostrom, Roundtree, Bitner, 2000, observation participante, Price, Arnould, Deibler, 1995) à étudier successivement différentes problématiques et variables caractérisant la rencontre et ayant une influence sur la satisfaction, la performance perçue du service ou des comportements relationnels : bouche à oreille, comportement de plainte, etc…

A titre d’exemple, Surprenant et Salomon (1987) s’intéressent à l’effet de la personnalisation sur la satisfaction, l’évaluation du prestataire et de l’organisation du service. Bitner (1990) étudie l’impact de l’environnement physique (organisé ou non) et des réponses des employés sur la satisfaction, la qualité perçue et les comportements relationnels. Arnould et Price (1993) décrivent de manière qualitative les phénomènes à l’œuvre durant une rencontre de service de longue durée et à forte teneur expérientielle : une descente en rafting. Enfin, Meuter et al. (2000) s’intéressent aux causes de satisfaction et insatisfaction résultant des rencontres de service médiatisées par une technologie de self-service.

Ainsi la rencontre de service dans sa large acception est le thème central de ce vaste courant de recherche, les différents travaux investiguant successivement les angles d’attaque possibles du phénomène.

En parallèle de ces travaux sur la rencontre de service, une autre recherche en marketing, isolée pour sa part, porte spécifiquement sur la première rencontre entre vendeur et acheteur (« initial sales encounter ») et l’impact de la première impression du vendeur à l’égard de son client sur l’efficacité immédiate de la rencontre (vente conclue ou non), la satisfaction et la construction de leur relation (Evans, Kleine, Landry, Crosby, 2000). Les auteurs mobilisent les recherches en psychologie sociale, les recherches sur la première impression et les biais de confirmation associés à cette première impression pour justifier l’impact de la première impression sur le contenu et les résultats des rencontres interpersonnelles. Plus précisément, ils étudient cette première impression sous un angle spécifique : l’impact des structures cognitives du vendeur, c’est-à-dire de la catégorisation initiale du client dans un type donné, sur l’efficacité de la rencontre et sa capacité à créer la relation. Traditionnellement en effet dans la démarche de vente, le vendeur, soit par des informations existantes (dossier client…), soit du fait d’une première interaction, infère des caractéristiques disponibles sur le client l’appartenance de ce dernier à une catégorie pré-définie de clients (résultant de sa formation et de son expérience), à laquelle correspondent des besoins et une démarche de vente spécifique. Les auteurs montrent ainsi que les caractéristiques du système de catégorisation général du vendeur (nombre de catégorie, similarité des catégorie) n’ont pas d’impact sur l’efficacité d’une rencontre donnée, mais qu’en revanche, les caractéristiques de la catégorie à laquelle est alloué le client lors de la première impression ont un effet important. Les effets sur l’efficacité court terme de la vente (vente conclue) et la satisfaction des clients semblent être opposés à ceux sur la construction de la relation (mesurée par des items proche de l’engagement et l’amitié). Ainsi, si la simplicité de la catégorie d’affectation (faible nombre d’attributs descripteurs), la confiance dans la catégorisation, la plus faible préférence pour la catégorie de clients semble avoir une influence positive sur la conclusion de la vente et la satisfaction, elle contribue négativement à la construction de la relation sur le long terme. Ainsi une impression forte, typée et caricaturale semble produire de bons résultats à court terme, mais une impression plus faible, plus complexe, plus ambiguë, plus riche en

descripteurs est plus efficace dans la construction d’un engagement, d’une amitié à moyen terme.

Au-delà de ces résultats intéressants dans ce contexte spécifique, la méthodologie quasi- expérimentale utilisée est à souligner. Les auteurs sont parvenus à constituer 116 dyades vendeurs–couples acheteurs composées de réels couples acheteurs et de réels vendeurs issus du secteur de l’assurance et disposant d’un nombre d’années d’expérience très différent d’un individu à l’autre. Seul le scenario de vente (besoin des acheteurs, liste des produits à proposer…) est manipulé et ne correspond pas nécessairement aux besoins réels du couple en question, pour des raisons de contrôle de l’interaction de vente. La mesure de la structure catégorielle des vendeurs est réalisée avant l’interaction de même que l’affectation initiale à une catégorie sur la base d’un descriptif des clients. Les résultats de la rencontre sont évalués a posteriori. La qualité, la robustesse d’un protocole aussi ambitieux est à souligner.

Dernière occurrence d’étude de la première rencontre en marketing, les travaux de Heilbrunn (2001) concernant la relation marque-consommateur, et précisément l’attachement à la marque. Heilbrunn (2001) conçoit la relation comme une « chaîne de valeurs », c’est-à-dire comme « un processus temporel sélectif par lequel le consommateur choisit et organise des stimuli provenant de l’objet, de la marque ou de l’environnement en une séquence qui fait sens pour lui ». Il utilise ensuite le recours à la sémiotique, et en particulier au schéma narratif pour décrire les étapes de cette chaîne sur la base de données qualitatives. Il s’arrête en particulier sur l’une des étapes qu’il appelle « occasions de rencontre ». Il insiste sur le fait que pour comprendre le processus d’attachement, « il convient de mettre à jour les conditions qui permettent une mise en contact de l’individu et de la marque ». Il souligne déjà la diversité des situations de rencontre : l’habituation progressive par la consommation familiale, les vacances, le travail… Il découvre également l’importance du cadeau, en écho avec les travaux de Belk (1988), celui-ci contribuant à projeter sur l’objet une valeur symbolique particulière et une valeur interpersonnelle par laquelle l’objet acquiert la fonction de substitution symbolique d’une personne chère. Différents phénomènes importants semblent à l’œuvre dans cette rencontre : la projection affective sur l’objet d’une relation interpersonnelle, la fétichisation de l’objet marqué, un sentiment d’affiliation communautaire. Sans développer plus le sujet qui n’est pas l’objet central de sa recherche, Heilbrunn (2001) confirme l’intérêt pour l’étude de cette problématique dans le cadre de la relation marque- consommateur.

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