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La formation de l’attraction lors des premières rencontres

EXPLORATION THEORIQUE DE LA PREMIERE RENCONTRE MEMORABLE

Section 2 – Une revue pluri-disciplinaire des travaux sur la première rencontre

2.1 La première rencontre en psychologie des relations interpersonnelles

2.1.2 La formation de l’attraction lors des premières rencontres

L’étude de l’attraction est sans doute le point névralgique de l’étude des relations interpersonnelles (Berscheid, 1985), en particulier au stade de la ou des premières interactions entre individus, pour des raisons théoriques et pratiques. Du point de vue théorique, étudier l’attraction lors de la première interaction semble essentiel puisque celle-ci est souvent considérée comme la première motivation à initier, développer et maintenir une relation, dès lors que l’on est dans le cadre d’une relation non contrainte. Par ailleurs, du point de vue méthodologique, comme nous l’avons souligné précédemment, l’attraction a souvent été étudiée dans le cadre d’expériences de laboratoire au cours desquelles des individus étrangers les uns aux autres sont mis en relation artificiellement. Berscheid (1985) illustre ce point en précisant que plus des deux tiers des études menées sur l’attraction entre 1972 et 1976 se centraient sur l’impression formée par un individu sur un autre après une brève rencontre. Indirectement, l’ensemble de ces travaux nous renseigne donc sur un phénomène central de l’analyse de la première rencontre, le déclenchement de l’attraction.

Dans un premier temps, nous examinerons la théorie proposée par Lott et Lott (1960, 1974) pour expliquer la formation initiale de l’attraction, théorie qui orientera par la suite notre recherche. Dans un second temps, nous passerons en revue les travaux sur les antécédents de l’attraction interpersonnelle.

2.1.2.1 La théorie du rôle des récompenses dans la formation de l’attraction (Lott et Lott, 1960, 1974)

Si de nombreuses théories peuvent être convoquées pour contribuer à expliquer la formation de l’attraction, en particulier les théories sur la motivation comme évoqué précédemment (Heider, 1958 ; Thibaut et Kelley, 1959), Lott et Lott proposent une théorie spécifique à l’étude de l’attraction. Ils conçoivent l’attraction comme une attitude positive à l’égard d’autrui. L’hypothèse sous-jacente à leur approche des antécédents de l’attraction est que celle-ci « est la résultante des récompenses (bénéfices) expérimentées dans les conditions dans lesquelles l’individu se trouve en présence de l’autre personne». En d’autres termes, plus le moment d’interaction entre les deux parties aura procuré de bénéfices, plus l’attraction sera importante. Les bénéfices procurés par l’interaction peuvent provenir de plusieurs origines. La première est liée à la personne rencontrée elle-même, qui peut générer des bénéfices du fait de ses caractéristiques personnelles (ex. le plaisir esthétique associé à sa beauté physique…), du fait de ce qu’elle procure directement à l’individu (ex. de l’argent..), ou de manière instrumentale, du fait de son expertise, de sa compétence. La seconde est liée à la situation, qui, bien que potentiellement indépendante de la personne rencontrée, va lui être associée, cette dernière devenant un élément de renforcement du bénéfice expérimenté. Ainsi ce sont à la fois des mécanismes instrumentaux et des mécanismes classiques de conditionnement qui sont à l’œuvre dans le déclenchement d’une attitude favorable.

Au-delà de l’aspect instrumental mis en avant (ce que d’autres théories auraient également pu faire), c’est l’aspect de conditionnement qui est original dans la théorie de Lott et Lott. Ils parviennent à le valider dans différents travaux expérimentaux. Ainsi, ils montrent par exemple (Lott et Lott, 1968) que les enfants qui sont systématiquement récompensés par leur professeur augmentent leur niveau d’attraction pour les autres élèves de la classe en comparaison de ceux qui auront été traités de manière indifférente ou négative. Griffit et Veitch (1971) montrent que des attitudes négatives à l’égard d’inconnus sont exprimées par des individus installés dans des conditions inconfortables, une salle surchauffée et surpeuplée. Par ailleurs, Isen (1970) montre que l’humeur dans laquelle se trouve un individu au moment d’une rencontre influence les sentiments ressentis à l’égard de la personne.

Ce double système d’influence de l’attraction, instrumental du fait de la personne rencontrée elle-même et par conditionnement du fait du contexte de rencontre semble être un élément clé pour comprendre l’attraction au cours de la première interaction.

2.1.2.2 Les autres antécédents de l’attraction interpersonnelle lors des premières interactions

De nombreux travaux se sont intéressés aux déterminants de l’attraction durant les premières interactions entre individus. Trois groupes de facteurs sont apparus importants : l’attractivité physique de la personne rencontrée, la similarité perçue entre les deux individus et le degré auquel l’individu suppose que l’autre l’apprécie ou non. Nous pourrons constater que bien qu’apparemment spécifique aux relations interpersonnelles, on peut aisément bâtir un pont avec des recherches d’ores et déjà abouties en marketing, du moins dans le cas des deux premiers antécédents.

 L’attractivité physique du partenaire

De nombreuses études se sont intéressées à l’impact des caractères morphologiques, et en particulier de l’attractivité physique sur l’attraction ressentie entre deux personnes, la première datant de 1966 (Berscheid, 1985). La littérature sur ce déterminant est l’une des plus importantes part de celle sur l’attraction. Elle montre unilatéralement qu’indépendamment de son sexe, de sa race, de sa religion, un individu perçu comme physiquement attractif recevra un traitement plus favorable, et ce à compter de l’enfance. L’attractivité physique est un puissant déterminant de l’attraction car elle induit spontanément et automatiquement des inférences favorables sur d’autres traits de personnalité.

Extrapolant ce déterminant au cas de l’attraction entre marque et consommateur, on peut également supposer, mais ceci est presque tautologique, que l’attirance physique pour une marque, pour ses codes, son identité visuelle, pour la dimension « physique » de son identité au sens de Kapferer (1998) exercera une influence importante sur l’attraction ressentie lors de la première rencontre.

 La similarité perçue du partenaire avec soi

C’est Byrne (1971) qui le premier formule l’hypothèse d’une relation similarité perçue- attraction entre deux individus. Il pose le problème de manière linéaire en montrant que l’attraction est la résultante d’une combinaison linéaire du degré de similarité perçu sur tous les attributs susceptibles d’être évalués, ou du rapport entre combinaison linéaire des

similarités et combinaison linéaire des points de dissimilarité. Cette similarité peut être appréciée en termes de caractéristiques réelles partagées ou d’attitudes partagées.

Différentes raisons peuvent justifier la proposition de Byrne (1971). Le fait qu’un partenaire relationnel présente des attitudes similaires à l’individu joue un rôle de renforcement du concept de soi de l’individu et agit comme une sorte de récompense, de validation de soi. La recherche de récompense motivant les relations (Heider, 1958) et déclenchant l’attraction (Lott et Lott, 1974), on en déduit facilement le lien entre similarité et attraction. Une autre raison peut être invoquée : le fait que le partenaire présente une similarité d’attitude permet de réduire l’incertitude le caractérisant, de prédire si cet agent sera bénéfique ou au contraire néfaste à la personne, cette prédiction étant l’enjeu majeur des premières interactions comme nous l’avons vu précédemment.

Là encore, si l’on fait le lien avec la relation entre un consommateur et une marque, on peut aisément faire l’analogie entre le concept de similarité et celui de congruence perçue entre la marque et le concept de soi (travaux de Sirgy, 1982). Ainsi, dans le cadre de la relation à la marque, l’effet de la congruence perçue entre les deux partenaires de la dyade est supposée générer une préférence supérieure, une attitude plus favorable à la marque. On retrouve donc dans la littérature sur la marque une forte similitude avec les travaux sur les relations interpersonnelles.

 Le degré d’appréciation du partenaire pour l’individu

Différents travaux montrent que l’attraction est souvent un phénomène impliquant une certaine réciprocité : un individu est d’autant plus susceptible d’apprécier une personne qui semble lui-même l’apprécier. L’attraction, ou les signes d’appréciation d’un partenaire, génèrent donc l’attraction réciproque. Dans le cadre de la relation marque-consommateur, il suffirait donc que la marque témoigne beaucoup d’attention et manifeste son intérêt et son appréciation pour le consommateur pour être appréciée en retour. Or le phénomène ne semble en l’occurrence pas aussi simple. Les travaux en psychologie ont en effet montré que l’acceptation de ces témoignages d’affection s’effectuait en examinant de manière scrupuleuse l’authenticité, la sincérité et la motivation sous-jacente de l’autre partie (Jones, 1964). Jones (1964) montre ainsi le paradoxe du flatteur : plus le partenaire est dépendant de l’individu et doit stimuler son attraction, et moins, paradoxalement, ses témoignages

d’appréciation auront de poids. Dans le cadre de la relation commerciale et donc de la relation marque-consommateur, il est fort à parier que le mécanisme décrit par Jones soit à l’œuvre, annulant ainsi l’effet d’un tel antécédent sur l’attraction.

En synthèse, trois groupes d’antécédents à l’attraction durant les premières interactions apparaissent dans la littérature sur les relations interpersonnelles, dont deux d’entre eux semblent pertinents pour la marque et ont même été indirectement validés dans le cadre de la relation à la marque : l’attractivité physique et la similitude perçue.

La limite de ces approches, comme le souligne Berscheid (1985) réside dans le fait qu’elles ne s’intéressent qu’aux facteurs émanant du partenaire relationnel et ne s’intéressent pas assez aux facteurs contextuels, qu’elle nomme environnement physique Ep et environnement social Es, susceptibles d’influencer l’attraction. En cela, elle rejoint la vision de Lott et Lott (1960, 1974).

Après avoir fait ce rapide tour d’horizon des concepts permettant de décrire la première rencontre dans le cadre des relations interpersonnelles, nous allons examiner maintenant les travaux réalisés dans d’autres domaines.

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