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La Reichsbank , Schacht, l’endettement intérieur et la politique étrangère

Parcours d‘un financier (1877–1929)

C. Schacht et la République de Wei mar jusqu’en

2. La Reichsbank , Schacht, l’endettement intérieur et la politique étrangère

Face à ce cercle vicieux, Schacht critique fortement les finances publiques, d‘une part et,

d‘autre part, mène une politique de crédit visant à limiter et à contrôler l‘endettement de l‘Allemagne.

a. Les finances du Reich, des communes et des Länder

L‘opposition de Schacht à la gestion des finances du Reich, des communes et des Länder est parallèle à sa contestation de l‘évolution de l‘État et de son interventionnisme en matière so-

ciale (Sozialstaat), rejoignant en cela une grande partie des milieux économiques et finan- ciers. De manière générale, les communes ont les mêmes problèmes que le Reich ou les Län-

der : de grandes dépenses sans revenus adéquats, impliquant un appel à l‘emprunt134. En con- séquence, les créanciers deviennent suspicieux et le prêt politique très risqué. De plus les mi- lieux économiques critiquent les finances du Reich. Ils montrent du doigt la masse instable de

dettes publiques pour favoriser les récriminations contre l‘État et exercer une sorte de chan-

tage contre les emprunteurs.

tional en 1910-1913 et 24 % en 1925. Les réformes Erzberger de 1919-1920 instaurent un

nouveau régime fiscal qui encourage les dépenses et l‘accroissement du nombre de fonction-

naires. Si l‘hyperinflation a permis de résoudre la question de l‘endettement intérieur du

Reich contracté pendant la Grande Guerre, le budget s‘est cependant fortement accru. Hans

Luther, ministre des finances en 1924, propose un plan prévoyant d‘une part l‘augmentation

des impôts pour éviter un nouvel endettement et d‘autre part une diminution des dépenses de l‘État et de son budget en général135

. Il initie ainsi une diminution des dépenses budgétaires. La hausse des impôts provoque néanmoins une plainte de la part du Reichsverband der deut-

schen Industrie (RDI), qui n‘a pas cessé sous la République de Weimar et qui est associée à une contestation de la République elle-même. À partir de 1926-1927, les dépenses reprennent et le nombre de fonctionnaires s‘accroît à nouveau, au point que le Reich connaît une crise du crédit en 1927. Dans cette opposition entre industriels et gouvernement, Schacht et la Reichs-

bank soutiennent le RDI dans ses revendications136.

Les Länder connaissent le même type de problème et de contestation137. L‘un des ennemis les plus acharnés des Länder fut la Reichsbank, comme le montre l‘exemple de la Prusse :

« Il y a eu alors une longue série d‘interventions de la Reichsbank dans les af- faires de Prusse pour discréditer le gouvernement prussien. Le prédécesseur de Luther, Schacht, était un maître dans ce domaine. En 1927, il a utilisé ses con- tacts américains pour empêcher la Prusse d‘émettre un emprunt américain avec

l‘aide de Harris Forbes. En janvier 1929 il a empêché un plan pour financer la

dette prussienne à court terme et a offert à la place une aide à court terme de la

Reichsbank : cette méthode séduisait Schacht parce qu‘elle permettait de tenir

les Prussiens au collet. »138

Les Communes sont cependant la cible principale de Schacht. De nombreuses villes, à la suite

de la loi créant le Grand Berlin, s‘agrandissent. Le travail essentiel de la Reichsbank est alors

de limiter au maximum les emprunts extérieurs des communes. En 1924, la banque centrale

134

Harold James, The German Slump… op. cit., p. 92

135

Ibidem, p. 41

136

Ibidem, p. 53

137 Voir par exemple l‘action de Hans Luther à la tête d‘une organisation qu‘il a lui-même fondée et

qui a été surnommée le Lutherbund. Ce dernier mène œuvre de propagande en faveur d‘une plus forte centralisation du Reich.

138

« Then there had been a long history of the Reichsbank intervening in Prussian affairs in order to discredit the Prussian Government. Luther‘s predecessor Schacht was a master of this game. In 1927 he had used his American contacts to stop Prussia issuing an American loan through Harris Forbes. In January 1929 he had stopped a plan to fund the prussian short-term debt and had offered short-term Reichsbank facilities instead : this proceeding attracted Schacht because it meant keeping the Prus- sians on a very short leash. » in Ibidem, p. 80

obtient la création d‘une Beratungsstelle, où sont représentés le Reich, la Reichsbank, les

Länder mais pas les communes. Cet office est chargé d‘approuver les emprunts et travaille

nettement contre les villes139. Malgré cette institution et l‘arrêt des emprunts publics en 1927, les communes allemandes ont une large responsabilité dans l‘endettement allemand.

Schacht reproche aux dirigeants des communes de ne pas avoir compris que les prêts étran- gers affluant en Allemagne devaient être placés dans des investissements productifs et non

dans des dépenses d‘équipement140. D‘après lui, en préférant les dépenses d‘équipement, les

communes ont freiné la production allemande de biens finis, branche industrielle stratégique pour assurer le plein-emploi. De plus, les emprunts sont fournis en devises stockées à la

Reichsbank mais les investissements sont libellés en marks. Le plan Dawes exigeant de

l‘Allemagne un paiement de deux milliards de marks par an en devises, celles-ci ont été prises

sur les réserves de la Reichsbank. Ainsi, les emprunts libellés en monnaies étrangères mais convertis en marks ont permis le paiement des réparations. Le Président de la Reichsbank se

plaint que ses avertissements contre ce phénomène n‘aient été entendus, ni en Allemagne, ni à l‘étranger.

De plus, la Beratungsstelle encourage de fait les communes à emprunter à court terme sur les marchés extérieurs, car ces dettes ne tombent pas sous son contrôle et celui de Schacht. Dans les années 30, Maurice de Saint-Jean explique :

« Schacht, en stabilisant le mark et en le maintenant avec une énergie farouche à sa parité, provoqua involontairement l‘endettement allemand à

l‘extérieur »141

.

La conséquence en est d‘une part une augmentation de la dette extérieure de l‘Allemagne à

court terme et d‘autre part la contraction d‘un marché allemand déjà très étroit142.

Si le contrôle de l‘emprunt des corporations publiques par la Reichsbank, demandé par Schacht, n‘est obtenu qu‘après son départ, la Reichsbank a pu utiliser d‘autres moyens pour

freiner la demande de crédits des communes. Ainsi, en 1925, Schacht s‘attaque publiquement à des prêts étrangers accordés à Berlin et à Cologne, dont le maire est Konrad Adenauer. Ap- puyé par Parker Gilbert, il prévient le Département d‘État qui demande à ses citoyens d‘être

139

Ibidem, p. 94

140

Hjalmar Schacht, 76 Jahre… op. cit., p. 271

141

Maurice de Saint Jean, La politique économique et financière du Dr. Schacht, Société Française d'imprimerie et de librairie, Poitiers, 1936, p. 69

142

prudents143.

Cependant, la politique de la Reichsbank a pu avoir des effets fragilisant le système bancaire

allemand. Ainsi, la consolidation des dettes des caisses d‘épargne, demandée par les com-

munes qui les contrôlent mais sont aussi souvent leur premier client, n‘a pu se faire qu‘au prix

d‘une diminution des liquidités des caisses et donc d‘un accroissement du risque. Un plan

ambitieux de consolidation de la dette à court terme est ainsi bloqué par la politique de la

Reichsbank qui refuse d‘accorder des avances sur nantissement pour ces dettes, afin d‘éviter

tout risque inflationniste144.

b. Crédits

L‘endettement des Länder, des Communes et de l‘État n‘est qu‘un aspect de l‘endettement de l‘Allemagne qui concerne également, en raison du cercle vicieux évoqué plus haut, l‘économie privée. La Reichsbank a mené une politique de crédit dont le but a été de limiter

cet endettement extérieur et intérieur.

Après l‘inflation et la mise en place du plan Dawes, les entreprises allemandes cherchent des

financements. Les emprunts accordés par les banques deviennent la source essentielle de

fonds pour les entreprises. En effet, l‘autofinancement est faible, en raison de la taxation éle-

vée des bénéfices des entreprises. Ces dernière préfèrent aller sur le marché des capitaux, où elles lèvent des fonds qui viennent indirectement de l‘étranger dans une large proportion.

Schacht lutte contre certains signes d‘inflation dès 1924. La politique de réescompte de la

Reichsbank use d‘un taux inférieur au marché mais est très discriminatoire. Pour son Prési-

dent, l‘inflation est favorisée par des mauvais investissements et par la trop grande création de trusts dans l‘industrie lourde. Sans expérience de l‘industrie, il est suspicieux envers l‘organisation excessive, caractéristique du développement industriel et financier allemand. Il pense toutefois que l‘industrie et l‘agriculture « légitimes » ne peuvent souffrir de cette poli-

tique. En conséquence, il ne réescompte que les bons de certaines industries.

Cette politique pose néanmoins problème aux petites entreprises, très hostiles à Schacht car leur accès à la Reichsbank est restreint145. Le Reich fait pression sur la Reichsbank pour obte- nir une expansion modeste du crédit en 1925 et 1926. Elle est cependant rendue possible à

143

Ibidem, p. 96

144

l‘augmentation des facilités de crédit étranger et au plan Dawes. En 1927, la Reichsbank pro-

voque une chute des cours d‘actions à la bourse de Berlin pour décourager les acheteurs étrangers et cesse donc cette inflation du crédit. En effet, le 11 mai 1927, le Président de la

Reichsbank informe les banques qu‘il considère leurs réserves insuffisantes. Deux jours plus

tard, la Reichsbank cesse tout crédit (schwarze Freitag). Cette décision force les banques à

demander à leurs clients le paiement des crédits en cours. Ces clients, lorsqu‘ils ont investi les

sommes correspondantes en bourse, sont obligés de vendre leurs actions, ce qui provoque ce krach boursier et pousse certains à incriminer Schacht. Cette mesure de mai 1927 met en re-

lief l‘utilisation de crédits étrangers à des fins improductives. Le cours des actions a effecti-

vement chuté car des emprunts en devises ont été reconvertis en investissements spéculatifs.

Dans la deuxième moitié des années 1920, Schacht est conscient que l‘économie allemande vit à crédit et est ainsi dépendante d‘une crise économique ou politique naissant à l‘étranger. Dans les années 1920, Schacht s‘attelle également à la diminution de l‘endettement extérieur allemand. Il ne dispose cependant que de moyens limités, car l‘intervention directe de la

banque centrale sur les marchés financiers est prohibée par la loi. La Reichsbank ne peut ainsi

faire appel qu‘à la politique de réescompte, à la restriction du crédit ou à la gestion des facili- tés de crédit. Mais ces leviers de la politique monétaire n‘agissent pas correctement : en cas de hausse du taux d‘escompte ou de limitation des possibilités de crédit, les banques cher-

chent le crédit à l‘extérieur ; la diminution du taux d‘escompte et l‘élargissement du crédit sont alors les seules possibilités pour diminuer l‘endettement externe. Néanmoins, d‘une part, la Reichsbank est dans l‘impossibilité d‘abaisser son taux en dessous de 5 % et, d‘autre part, la réduction des taux a pour conséquence une telle augmentation de la demande de crédit qu‘il faut recourir aux emprunts étrangers pour la satisfaire. La Reichsbank ne peut alors ni empê- cher ni contrôler le fort endettement extérieur de l‘Allemagne146.

Parallèlement à ses responsabilités à la Reichsbank, Schacht lance quelques idées politiques. Le retour des colonies au Reich lui est particulièrement chère, car il permettrait, selon lui, de

fournir l‘industrie allemande en matières premières et d‘ absorber le « surplus » de population de l‘Allemagne147 . 145 Ibidem, p. 134 146

Karl-Erich Born,Die deutsche Bankenkrise… op. cit., p. 29-30. Il ne faut pas non plus oublier que

l‘on a pu se faire une idée précise de l‘endettement extérieur qu‘à l‘été 1931.

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