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Évolution économique et financière de la République de Weimar (1924-1929)

Parcours d‘un financier (1877–1929)

C. Schacht et la République de Wei mar jusqu’en

1. Évolution économique et financière de la République de Weimar (1924-1929)

Pendant longtemps, les années 1925-1929, censées être caractérisées par une prospérité éco- nomique, ont été opposées à la crise commencée en 1929, jugée responsable de l‘arrivée au pouvoir de Hitler. Knut Borchardt a cassé cette opposition en démontrant que le surendette-

ment de l‘économie allemande qui a marqué les années 1920 et surtout les conflits de réparti-

tion entre État, patronat et syndicats ont supprimé toute marge de manœuvre une fois la crise en phase aiguë131. En conséquence, le déroulement de la crise à partir de 1929 ne dépend pas de la politique conjoncturelle mais est fonction des développements économiques et finan- ciers de la période de prospérité ou de stabilisation132.

L‘économie allemande dans les années 1920 est marquée par un chômage structurel massif et

une croissance faible. Cette dernière résulte de causes internes et internationales. Detlev Peu- kert fait référence à trois ensembles de causes internationales133. En premier lieu, il y a un

changement de phase dans l‘évolution de l‘économie capitaliste. D‘un cycle à long terme de croissance et d‘innovation, l‘Europe passe à un cycle de crise : le modèle économique d‘avant-guerre a atteint ses limites. En second lieu, la division du travail telle qu‘elle existait

avant-guerre a fait son temps sur le marché mondial et de nouveaux concurrents apparaissent

130

Ibidem, p. 276

131

Knut Borchardt, « Wirtschaftliche Ursachen des Scheiterns der Weimarer Republik » in Weimar :

Selbstpreisgabe einer Demokratie : eine Bilanz heute. K. D. Erdmann et H. J. Schultz, F. Thyssen-

Stiftung. Düsseldorf, Droste, p. 211-249.

132 C‘est ce qu‘Albrecht Ritschl appelle la « thèse Borchardt I » : l‘économie allemande une fois en

crise est handicapée par l‘absence de réelle solution au conflit entourant la redistribution pendant les années 20. Il pointe notamment les augmentations salariales démesurées pendant les années 1920. in Albrecht Ritschl, Deutschlands Krise und Konjunktur 1924-1934. Binnenkonjunktur, Auslandsver-

schuldung und Reparationsproblem zwischen Dawes-Plan und Transfersperre, Akademie-Verlag,

Berlin, 2002, 297 pages, p. 14.

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sur des marchés traditionnellement enlevés par les Européens. De plus, le marché agricole

mondial rencontre un grave problème structurel et l‘offre est massivement excédentaire. En

troisième lieu, le système financier international est ébranlé et ne donne pas la possibilité de surmonter les déséquilibres structurels. Les dettes interalliées et les réparations amplifient le problème de l‘insuffisance du crédit et des transferts. Sur ce point, on peut préciser que

l‘étendue de l‘endettement international n‘a jamais été aussi importante. Le savoir-faire pour

répondre aux problèmes posés par cet endettement n‘existe pas encore.

Les problèmes économiques de l‘Allemagne sont aussi conséquence de facteurs internes. En 1919, l‘indice de la production industrielle allemande n‘est que de 38 % comparé à 1913. Il

augmente ensuite jusqu‘en 1922, favorisé par l‘inflation, retombe en 1923 au moment de

l‘occupation de la Ruhr, remonte à partir de 1924, s‘affaiblit lors de la petite crise écono-

mique de 1926, puis dépasse légèrement celui de 1913 pendant trois ans. Dès le milieu des années 1920 toutefois, les symptômes de la crise se multiplient. L‘Allemagne est particuliè- rement frappée par l‘offre excédentaire du marché mondial, alors que son industrie est dépen- dante du commerce extérieur et que le traité de Versailles, dans ses dispositions économiques,

entame la compétitivité allemande. La surcapacité industrielle s‘accroît, du fait de la rationali- sation de l‘industrie allemande. Malgré la nécessité d‘améliorer le rendement de l‘économie,

les investisseurs ne prennent pas de risques et l‘État, en augmentant ses dépenses, entraîne soit un accroissement des coûts de production, soit un renchérissement du crédit.

L‘État assure en effet un rôle de plus en plus important, par l‘augmentation des dépenses so-

ciales, la construction de logements, les prestations communales, l‘accroissement du nombre

de fonctionnaires et d‘employés des services publics. Les charges sociales s‘alourdissent en

conséquence et chaque conflit portant sur les dépenses de l‘État remet en cause la légitimité du système. Cette évolution économique provoque des affrontements directs entre les patrons et syndicats sur les conflits de répartition. De plus, les patrons visent non seulement les syndi-

cats mais aussi l‘État.

Enfin, dans le domaine agricole, la dépression mondiale se manifeste particulièrement en Al-

lemagne, à l‘est de l‘Elbe principalement. Les grands propriétaires terriens de l‘Est, affaiblis

par la chute de Guillaume II et la suppression de leurs privilèges, perdent des marchés

d‘exportation traditionnels et contractent des dettes plutôt que de se moderniser. Les aides importantes de l‘État sont inefficaces et la crise agricole affecte autant les agriculteurs que les

Malgré ces dysfonctionnements, l‘Allemagne rattrape globalement les retards économiques accumulés pendant la guerre et l‘après-guerre, bien que certains secteurs importants ne par-

viennent pas à revenir aux niveaux de 1913. Entre 1926 et 1929, par exemple, l‘Allemagne représente 11,6 % de la production internationale industrielle. Si ce chiffre place le Reich de- vant la France (6,6 %) et le Royaume-Uni (9,4 %), il est en revanche en retrait par rapport à 1913 (14,3 %) et largement derrière les États-Unis (42,2 %). De plus, les importations sont en

moyenne en excédent sur les exportations et l‘Allemagne s‘endette fortement vis-à-vis de l‘étranger.

Dans ce cadre de croissance faible, alors que des symptômes de crise marquent l‘économie

allemande et que les problèmes de répartition mettent en cause la légitimité du régime poli- tique du Reich, le plan Dawes permet à l‘Allemagne d‘utiliser des capitaux américains pour

financer une stabilité de court terme. Mais, à moyen terme, un cercle vicieux s‘instaure, cons-

titué de crédits américains, de réparations allemandes, de remboursements de crédits effectués par les anciens Alliés et de nouveaux crédits américains.

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