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La première rencontre de Hjalmar Schacht et de Montagu Norman

Parcours d‘un financier (1877–1929)

B. Schacht, commissaire de la monnaie au Reich et Président de la Reichs-

III. Schacht et l’ordre financier international dans les années

1. La première rencontre de Hjalmar Schacht et de Montagu Norman

Trois sujets essentiels sont discutés à Londres en janvier 1924 : la tentative de mise en place

d‘une banque d‘émission rhénane, la mise en place de la Golddiskontbank et la coopération

entre les banques centrales.

a. La tentative de mise en place d’une banque d’émission rhénane

Lors de l‘occupation de la Ruhr, les séparatistes rhénans reprennent une activité en sourdine

depuis 1919. Après une réunion de la Rheinische Volksvereinigung à la fin du mois de mars

1923, la création d‘une « monnaie rhénane » et l‘établissement d‘un Conseil rhénan suscep-

tible de remplacer l‘administration prussienne sont proposés. Les séparatistes rhénans sont discrètement soutenus par le Président de la Haute Commission interalliée des Territoires rhé- nans, Tirard. Les 20 et 21 octobre à Aix-la-Chapelle, l‘industriel Léo Deckers proclame une république indépendante. Les autorités belges, qui occupent la ville, désavouent cette initia- tive et expulsent Deckers. À Coblence, occupée par les Français depuis 1923, un aventurier, Matthes, fait une sorte de coup d‘État au nom du mouvement Freies Rheinland. Avec

l‘Allemand Dorten, ils deviennent « plénipotentiaires ». Puis, le 1er

décembre 1923, Dorten est proclamé chef du gouvernement provisoire de la République rhénane. Pour éviter

l‘introduction du Rentenmark, il met au point un projet de Rheinische Staatsbank ayant privi- lège d‘émission. Le projet échoue : Konrad Adenauer, maire de Cologne, et Louis Hagen,

banquier de la même ville, légalistes, proposent un autre projet à Poincaré qui ne soutient pas

Dorten. Le Président du Conseil français accepte la proposition d‘Adenauer car il pense que

celui-ci est proche des Anglais, mais Poincaré échoue à gagner les Britanniques à une auto- nomie rhénane107. Parallèlement, la stabilisation du mark favorise l‘échec de ces tentatives séparatistes.

Schacht, tout juste nommé Président de la Reichsbank, part alors à Londres pour discuter prio- ritairement des projets de banque rhénane. Montagu Norman a reçu une lettre de Paribas qui veut prendre contact avec des banques britanniques désirant participer à ce projet de banque centrale rhénane108. Aucune banque anglaise n‘a accepté l‘offre de Paribas et la Banque de Hollande a de plus signifié son opposition à Norman. Schacht convainc son homologue bri- tannique, conscient du danger de domination française en Rhénanie, que le gouvernement allemand a la ferme volonté de faire échouer le projet rhénan109.

Le 2 janvier, Schacht insiste auprès de Norman : il ne peut que s‘opposer à la création d‘une

banque d‘émission rhénane qui casse l‘unité allemande. L‘après-midi, il rencontre le banquier

Tjarks, le Président de la Lloyds Bank Beaumont Pease et le baron Schröder. Il informe les

deux premiers de la situation rhénane, afin qu‘ils soutiennent Norman. La discussion avec

Schröder est d‘une tout autre nature, car le neveu du baron est impliqué dans la mise en place

de la banque rhénane. Schacht espère l‘influencer par l‘intermédiaire de son oncle. Schröder

propose de créer une banque rhénane mais avec la coopération des Britanniques et d‘inviter ensuite les banquiers français à y participer. Toutefois, lors d‘une nouvelle rencontre avec Norman, le projet de banque rhénane échoue définitivement. Le gouverneur de la Banque

d‘Angleterre montre à Schacht la réponse qu‘il s‘apprête à poster à Paribas et commente :

106

Hjalmar Schacht, 76 Jahre… op. cit., p. 244

107

voir sur ce sujet Stanislas Jeannesson, Poincaré, la France et la Ruhr (1922-1924). Histoire d’une

occupation, Presses Universitaires de Strasbourg, « Les mondes germaniques », 1997, 432 pages, p.

353-357.

108

Ibidem, p. 249

109

BARCH Koblenz, Nachlaß Schacht N/1294/3, p. 2, un document sans titre daté du 1er janvier 1924

« J’ai tué la banque rhénane110». Il y refuse le soutien anglais à l‘initiative française.

b. Les négociations sur la Golddiskontbank

L‘autre but poursuivi par Schacht lors de ce voyage est de préparer la voie à une monnaie fondée sur l‘or en remplacement du Rentenmark. Le Président de la Reichsbank veut faire

revivre la vie économique allemande en lui fournissant du capital pour financer ses besoins internationaux. Ceci implique du crédit reposant sur une monnaie-or stable. Il projette ainsi de créer une banque fondée uniquement sur ce métal précieux, la Golddiskontbank. Elle accorde-

rait des crédits contre du change pour aider les industries d‘exportation. Son capital, libellé en

devises étrangères, serait de 200 millions de marks, dont la moitié viendrait d‘Allemagne et

l‘autre de la Banque d‘Angleterre. Cette seconde partie prendrait la forme d‘un crédit accordé

à la Reichsbank, qui serait ainsi actionnaire de la moitié du capital de la nouvelle banque111. Lors de diverses rencontres avec des banquiers anglais, comme Robert Kindersley de la banque des frères Lazard, Schacht et son projet se heurtent à une certaine méfiance, bien que leurs interlocuteurs soient conscients de la nécessité d‘agir pour stabiliser le mark. Parmi eux, McKenna, de la City and Midland Bank, est obnubilé par le risque d‘une intervention fran-

çaise violente dans l‘économie allemande. Il propose que les dépôts de la nouvelle banque soient stockés à l‘étranger pour empêcher les Français de les saisir, car il considère que ceux-

ci négligent le droit de propriété. McKenna insiste pour que le capital de la banque soit à 50 % étranger et à 50 % allemand, car l‘Allemagne n‘a pas les moyens de la financer dans sa

totalité d‘une part et, d‘autre part, car la présence de capitaux étrangers engendrerait une cer-

taine confiance dans la banque.

À la fin des entrevues entre Norman et Schacht, le premier accepte le projet du Président de la

Reichsbank, dont les détails sont encore flous. Cet accord marque le début d‘une coopération,

sujet informel et imprévu de la visite de Schacht.

c. Les discussions autour de la coopération entre les banques centrales

Le soir du 1er janvier, après une visite sans résultats auprès de Neville Chamberlain, chance-

110

« I killed the Rheinisch Bank »

111

lier de l‘Échiquier, Schacht dîne avec Norman et Niemeyer, directeur financier du Trésor. Pour Norman, une grande partie de la reconstruction de l‘Europe peut être menée par les

banques centrales contre l‘avis du Foreign Office. Il donne en exemple la réorganisation au- trichienne et la mise en place de la banque de Danzig. Il met en cause Havenstein, prédéces- seur de Schacht, qui avait refusé de participer à l‘assainissement de la Pologne. Schacht re- nouvelle ce refus mais pour des questions politiques : les problèmes frontaliers avec la Po- logne sont trop importants. Il se dit prêt, par contre, à collaborer avec la Banque d‘Angleterre en Tchécoslovaquie. Ensemble, ils abordent également le sujet de l‘adhésion de l‘Allemagne à la Société des Nations. Schacht ne l‘estime possible qu‘avec une entrée conjointe du Reich et des États-Unis. Niemeyer répond qu‘une entrée de ces derniers dans le Comité financier suffirait car la coopération entre les banques centrales et le comité financier sont les deux éléments importants pour la reconstruction européenne. Cette idéologie technocratique s‘est

exprimée régulièrement dans l‘entre-deux-guerres. Elle met en avant les banques centrales et

des institutions comme le Comité financier de la SDN,considérées comme plus compétentes

que les hommes politiques européens. La mise en place de la Banque des Règlements Interna-

tionaux en est une mise en œuvre concrète112

.

2. La création de la Golddiskontbank et la coopération entre la Reichsbank et la Banque

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