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Crise autrichienne et crise allemande

De la démission au ministère de

B. Schacht, Brüning et la crise financière de

3. Crise autrichienne et crise allemande

Après ces discours sur la Fin des réparations et contre le plan Young, Brüning estime que les déclarations de Schacht deviennent trop dangereuses et risquent d‘encourager encore la fuite des capitaux qui frappe l‘Allemagne et exerce une pression sur la monnaie et les réserves de la Reichsbank. Il essaye de mêler l‘ancien Président de la Reichsbank à sa politique en matière de réparations492. Ces contacts entre Brüning et Schacht ne sont appréciés ni par certains membres du gouvernement ni par Hindenburg qui estime que Schacht a quitté son poste lors-

que l‘Allemagne était le plus en danger493

. Mais Brüning veut lier Schacht, pour éviter que

son comportement n‘entrave son action. Cette tactique échoue au cours des mois de juillet et d‘août 1931 car Brüning ne peut donner suffisamment de garanties d‘indépendance à Schacht.

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BARCH Berlin Deutsche Reichsbank, R2501/3404, Berliner Börsen-Courier, 30 avril 31

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Harold James, The German slump… op. cit.

491

Alfred Wahl, L’Allemagne de 1918 à 1945. Cursus histoire. Armand Colin, Paris, 1993, p. 69

492

Heinrich Brüning, Mémoires op. cit., p. 171.

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a. Le déroulement de la crise

L‘Allemagne est confrontée à des difficultés financières depuis les succès de la NSDAP et des

communistes aux élections de septembre 1930. 700 millions de RM de crédits sont dénoncés à la suite de ces élections et la Reichsbank perd un milliard de RM de réserves494. Pour faire face à la situation, les autorités allemandes acceptent un crédit de la banque Lee-Higginson de 125 millions de dollars. Il doit endiguer la peur allemande et permettre au Reich de payer les réparations en décembre 1930. Mais les retraits des capitaux allemands continuent et des cré- dits représentant globalement 400 millions de RM sont dénoncés au premier trimestre 1931. Le 8 mai 1931, le Creditanstallt sis à Vienne annonce un bilan avec un passif de 140 millions de schillings. Cette banque contrôle 80 % de l‘industrie du pays. Son capital étant aux mains

de grands groupes étrangers, c‘est le système financier international qui est menacé. L‘annonce provoque une panique bancaire débouchant au début du mois de juin 1931 sur la fermeture de l‘établissement. Les répercussions en Allemagne sont rapides : dans les deux

dernières semaines de mai, 300 millions de RM de crédits à court terme sont abrogés. À Brême, la Norddeutsche Wollkämmerei fait faillite en juin. Or, cette entreprise avait bénéficié

d‘avances hasardeuses de la part de deux des plus importants établissements bancaires du

pays : la Danat et la Dresdner Bank. La panique des créanciers provoque une perte pour la

Reichsbank de 1,3 milliards de RM de devises en juin 1931. L‘institut d‘émission accepte

alors un crédit de réescompte de 100 millions de dollars, accordé par la Banque de France, la

Banque d‘Angleterre, la Réserve Fédérale des États-Unis et la BRI. Le paiement des répara- tions est remis en cause. Mais le sommet de la crise n‘est atteint qu‘en juillet 1931. La Danat et d‘autres banques sont en situation d‘incapacité de paiement. Nous sommes le 12 juillet. Le gouvernement se réunit. Schacht est convoqué d‘urgence à Berlin à la demande de Brüning.

b. Schacht, Brüning et la crise

Le 12 juillet 1931, les dénonciations de crédits par les créanciers étrangers ont mis la Danat et la Dresdner Bank en difficulté. La Reichsbank est à la limite du minimum légal de couverture du Reichsmark, soit 40 %. Brüning soumet alors au cabinet une ordonnance d‘urgence pour protéger les petits dépôts par une garantie du Reich495. Les discussions portent alors sur le

montant de la garantie, sur l‘application de l‘ordonnance à la seule Danat ou à l‘ensemble des

banques allemandes et sur la fermeture des guichets de la Danat. Le chancelier veut égale-

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ment choisir un expert pour gérer la Danat. En réalité, il s‘agit de définir les fondements

d‘une intervention gouvernementale directe dans la crise car les discussions avec les banques n‘ont pas eu de résultats satisfaisants. Le cabinet est partagé sur ces questions.

À 18 heures 15, le comité économique du gouvernement se réunit. Les discussions tournent autour de la personnalité à choisir pour se charger de la Danat. Le secrétaire d‘État Trende- lenburg propose le Staatsfinanzrat Köbner. Luther voudrait que le gouvernement choisisse son prédécesseur, Schacht.

Un quart d‘heure plus tard, le gouvernement se réunit avec les représentants des grandes

banques. La réunion est décevante pour Brüning. En effet, les interlocuteurs du gouvernement proposent uniquement une fusion entre la Dresdner et la Danat. De plus, ils estiment que

l‘ordonnance risque de provoquer une panique bancaire. La priorité des banquiers est de maintenir le système de crédit à flot. Pour le gouvernement, il s‘agit de sauver le Reichsmark.

Pour Luther, les banquiers doivent prendre conscience que la Reichsbank est allée aux fron- tières du possible, et ne pourra éviter des mesures restrictives. Les réserves ne sont plus que

de 650 millions et risquent d‘être réduites à néant dès le lendemain.

À 21 heures 15, Schacht arrive. En sa présence, le Chancelier lit un aperçu de leur entretien

téléphonique. Schacht s‘y est prononcé pour une protection des petits déposants, grâce à un

transfert de leurs comptes vers une banque sûre. Cette garantie pourrait être effective pour les dépôts inférieurs à une somme se situant entre 10 000 et 30 000 Reichsmark. Elle devrait évi- ter une panique bancaire. Pour les grands comptes qui sont en partie ceux des créanciers étrangers, il est nécessaire de placer la Danat sous surveillance. Une garantie plus générale ne devrait pas empêcher une panique bancaire. Il propose comme représentant du gouvernement auprès de la Danat le Staatsfinanzrat Köbner. Après la lecture de cette lettre, Luther et Dreyse précisent qu‘ils ont eu un entretien avec des représentants de la Dresdner qui leur ont dit que

leur banque n‘était pas en cessation de paiement.

Lors de ces entretiens avec le gouvernement, Schacht se prononce clairement contre une or- donnance sur les devises car personne ne voudrait plus en apporter à la Reichsbank, entraînant un danger pour la couverture de la monnaie allemande. Schacht pose ensuite une série de questions. De quelle ampleur serait la responsabilité du Reich pour la garantie générale pour la Danat ? Quand la garantie serait-elle honorée ? Le gouvernement n‘est pas encore en me-

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sure de lui répondre précisément.

Schacht se demande s‘il est pertinent de soutenir les entreprises dépendantes de la Danat.

Pour Trendelenburg, le commissaire le déciderait. Schacht pense qu‘il y a danger d‘étatisation de la Danat et des entreprises qui en dépendent. C‘est pourquoi il propose de liquider le com- plexe en entier. Il remarque ensuite que la garantie de tous les comptes de la Danat peut pro- voquer de fortes pertes pour le Reich. Puis la session se termine.

À 23 heures 15, le cabinet se réunit à nouveau. Il se prononce désormais pour une fermeture des comptoirs de la Danat le lendemain, le lundi 13 juillet 1931, et une publication de

l‘ordonnance en cours de journée. Cette décision est communiquée aux banquiers.

Peu avant une heure du matin, Schacht et Luther sont de retour à la chancellerie. Le cabinet décide de publier un communiqué annonçant la garantie du Reich sur les dépôts de la Danat,

afin d‘éviter une panique. Le vice-chancelier évoque ensuite la possibilité pour le Reich de

permettre la faillite de la Nordwolle, l‘une des premières entreprises touchées par la crise ban- caire. Schacht objecte que cette décision mettrait la Danat dans l‘impossibilité de rouvrir. La réunion se clôt à 2 heures du matin, décision étant prise de laisser au Reich les mains libres pour la Nordwolle et de mettre en place une garantie pour les grands créanciers de la Danat ne se limitant pas aux effets temporaires. Il reste à s‘assurrer de l‘accord du gouvernement.

Le lendemain, le cabinet accepte l‘ordonnance. Schacht refuse néanmoins de s‘occuper de la

Danat, jugeant que la Reichsbank et son Président devaient la prendre en charge. En consé-

quence, Schacht ne pouvait accepter l‘offre du gouvernement qu‘en échange d‘un retour à la

tête de la banque centrale.

*

Brüning estimait Schacht pour ses compétences financières mais il ne pensait pas pouvoir faire confiance en son caractère, et ses offres ont été limitées. Brüning ne pouvait cependant rompre tout lien avec le Président honoraire de la Reichsbank. Ce dernier lui est utile : il a obtenu grâce à lui des informations sur la DNVP qui projetait de créer deux monnaies, une ex- terne, une interne ou de rattacher le mark à la livre. Schacht sert aussi à Brüning dans ses né- gociations avec les Français, notamment lors de la visite de Laval à Berlin. Il est alors un re- poussoir dans les négociations entre les deux pays car Brüning sous-entend que s‘il échoue, il

devra négocier avec des hommes comme Schacht, Hugenberg ou Hitler496. Les Français ont toujours à l‘esprit le comportement de Schacht depuis la fin de la conférence sur le plan Young. Enfin, Brüning peut mettre sous pression Luther, réputé mou. Une anecdote permet

d‘illustrer à quel point Schacht était un épouvantail pour les Français. Au printemps, Norman

propose pour la banque nationale autrichienne et le Creditanstallt que des personnalités soient nommées pour redresser leur situation. Parmi les individus proposés, le gouverneur de la

Banque d‘Angleterre cite Schacht. La réaction des Français, qui reprochent à l‘ancien Prési-

dent de la Reichsbank son comportement à la conférence de La Haye de janvier 1930, est im- médiate et violente : il doit être exclu des affaires autrichiennes497. Brüning peut également utiliser Schacht pour exploiter la vieille rivalité opposant la Banque de France et la Banque Royale.

Mais la situation est inconfortable pour Hjalmar Schacht. Son refus de prendre en charge la

Danat, dont il a déjà été directeur au début des années 20, s‘explique probablement par le fait

qu‘il a réalisé que ce poste ne le mènerait pas à la présidence de la Reichsbank tout en le pri- vant d‘une certaine liberté d‘action. Le 23 septembre 1931, Schacht et Brüning se rencontrent

à nouveau et examinent ensemble la situation économique et financière. Schacht se prononce

en faveur d‘un rattachement du Reichsmark à la livre. Brüning refuse et note dans ses mé-

moires :

« Schacht ne prononça pas un mot qui a pu laisser entrevoir qu‘il avait déjà se- crètement conclu un pacte avec la droite »498.

Cependant, après cette entrevue, Schacht entre dans l‘opposition. L‘ambiguïté de ses rapports

avec le chancelier, manifeste depuis le voyage aux États-Unis un an auparavant, est levée. Contacté par la DNVP, Schacht accepte de participer au front de Bad Harzburg, le 11 octobre 1931. La tactique de Brüning pour lier Schacht a échoué, faute de pouvoir lui donner ce que le Président honoraire de la Reichsbank désirait : retrouver son poste. D‘après Detlev Peukert,

Brüning s‘est isolé de ses soutiens et de son entourage, car, entre autres raisons, il était trop

manipulateur et dissimulateur499. Sa relation avec Schacht en est une illustration. Désormais la « solution Hugenberg » est privilégiée par le financier.

496

Heinrich Brüning, Mémoires op. cit.,. p. 295

497

BRI MCG3, Papiers McGarrah, Norman à McGarrah, 5 juin 1931

498

Heinrich Brüning, Mémoires op. cit., p. 285

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