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L’acte III de la fondation de la BR

Parcours d‘un financier (1877–1929)

C. Une démission ratée ?

1. L’acte III de la fondation de la BR

Les représentants des Banques centrales concernées par la fondation de la BRI se réunissent à

Rome les 26 et 27 février 1930, afin de signer l‘acte constitutif de la BRI, qui naît officielle- ment le 5 mars.

La discussion de Rome porte notamment sur les postes à pourvoir à la BRI. Depuis la réunion du COBRI, Schacht ne veut nommer aux postes importants, notamment la direction générale,

que des ressortissants de pays « neutres »406. Or, si la présidence de la banque est attribuée au

405

Müller II, Band 2, n° 425« Fraktionsführerbesprechung vom 27. Januar 1930, 17 Uhr im Reichstag ».

406

banquier américain Gates McGarrah, à la grande satisfaction du Président de la Reichsbank407, la candidature du Français Pierre Quesnay au poste de directeur général est contestée. Cet emploi donne la maîtrise du recrutement du personnel à celui qui l‘occupe. Son attribution est

laissée à l‘appréciation du Conseil d‘Administration (Board of directors) de la BRI mais Schacht tente de dissuader ses collègues de choisir le Français.

Schacht a fait connaître son opposition à la candidature de Quesnay lors du voyage de ce der- nier en septembre 1929 à Berlin. Il a renouvelé ses propos au COBRI et dans une lettre adres- sée à Montagu Norman408. Pour Schacht, Quesnay ne se préoccupe que des intérêts français409

et sa désignation s‘oppose à l‘« esprit » du plan Young car elle introduit une inégalité entre la France et l‘Allemagne. Enfin, cette décision pourrait renforcer, pour Schacht, l‘hostilité de l‘opinion publique allemande à la BRI. Les manœuvres de Schacht contre Quesnay se soldent

par un échec. Outre le soutien évident de Moreau à la candidature de son directeur des études générales, celui-ci peut compter sur Montagu Norman et Owen Young410. Après la démission

de Schacht, le Conseil d‘Administration de la BRI a finalement accepté la candidature de

Pierre Quesnay.

Peu de temps après la réunion de Rome, l‘Allemagne s‘apprête à ratifier le plan Young411

. Un événement « sensationnel » marque alors les débats parlementaires : la démission du Prési- dent de la Reichsbank.

2. La démission

À la fin du mois de février, la démission de Schacht, évoquée régulièrement depuis les tra- vaux du Comité des experts, devient inévitable. Le 20 février, il envoie un télégramme à Owen Young412. Il y déplore la clause de sanction prévue par le plan adopté à La Haye. Le Président de la Reichsbank écrit également à Paul von Hindenburg le 3 mars et le rencontre le 6. Schacht refuse de porter la responsabilité d‘une aggravation des conditions d‘application du

nationalen Zahlungsausgleich an den Reichskanzler. Baden-Baden, 1. November 1929 »

407

BARCH Koblenz, Nachlaß Schacht, N/1294/3, Schacht à McGarrah, copie à Norman, 13 février 1930

408

BARCH Koblenz, Nachlaß Schacht, N/1294/3, Schacht à Norman, 13 novembre 1929, Baden-Baden

409

BARCH Koblenz, Nachlaß Schacht, N/1294/3, Schacht à Norman, 19 février 1930

410

BARCH Koblenz, Nachlaß Schacht, N/1294/3, Schacht à Norman, 13 février 1930.

411

Müller II, Band 2, n° 459 « Besprechung mit dem Reichsbankpräsidenten. 4. März 1930, 11.30 Uhr »

412

plan Young413. Entre-temps, le 4 mars, le cabinet discute du télégramme envoyé par Schacht à

Young qui l‘a transmis au gouvernement allemand. Schacht démissionne le 7 mars 1930, en

forçant la main aux directeurs de la banque centrale. En effet, la presse est prévenue avant eux : il leur devient alors difficile de s‘opposer à ce départ414, même si formellement Schacht a besoin de leur accord415.

Schacht a exposé les raisons de sa démission devant le Zentralausschuß et dans une lettre au directoire de la banque centrale416. Il y estime que le plan Young, dans sa version adoptée à La Haye, met la monnaie allemande en danger. Il ne peut se résoudre à la nomination de Pierre Quesnay à la direction générale de la BRI et considère en outre que la Reichsbank a dû

concéder une limitation de souveraineté inacceptable, par la loi la forçant à participer à la BRI. Certains arguments du mémoire de décembre 1929 sont remis en avant, comme l‘accord avec

la Pologne où le Reich renonce à l‘indemnisation des Allemnds expropriés.

Deux motifs officieux de la démission de Schacht doivent être avancés avec la plus grande prudence. En premier lieu, la ratification de l‘accord de La Haye est en cours et le Zentrum

n‘est pas certain de l‘accepter417

. La première lecture a eu lieu au début de février 1930. Lors- que Schacht démissionne, la seconde lecture n‘a pas encore eu lieu. A-t-il essayé de peser sur la décision du parti catholique ? Müller a cependant obtenu un vote favorable en menaçant de démissionner et le plan Young est officiellement entré en vigueur le 17 mai. En second lieu, Schacht a probablement tente de faire chuter le gouvernement. Il demande toutefois à Gott- fried Treviranus (DNVP) à la fin du mois de mars ou au début du mois d‘avril pourquoi per-

sonne ne lui a dit que Brüning allait devenir chancelier : Schacht n‘a pas prévu qu‘un chan- gement de gouvernement allait intervenir après la ratification du plan Young418.

Malheureusement pour Schacht, le gouvernement du Reich a largement maîtrisé les remous

413

Hjalmar Schacht, 76 Jahre… op. cit., p. 326

414

BRI, MCG3, Papiers McGarrah, « Translation – Confidential – Berlin, March 7, 1930. 10 :40 PM –

Hagen, Mendelssohn, Remshard, Urbig, Warburg, Wassermann à Pr. Bruins, Hotel Esplanade, Ber- lin »

415

Idem

416

BARCH Berlin, Deutsche Reichsbank, R2501/3351 et 3391, pour une revue de presse détaillée sur la démission de Schacht, BRI, MCG3, Papiers McGarrah, « Translation – Confidential – Berlin, March 7,

1930. 10 :40 PM – Hagen, Mendelssohn, Remshard, Urbig, Warburg, Wassermann à Pr. Bruins, Hotel Esplanade, Berlin » pour un résumé du Zentralausschuß et de la lettre au directoire de la banque cen- trale.

417

Doris Pfeiderer. Deutschland und der Youngplan… op. cit., p. 285

418

provoqués par sa démission, à tel point que l‘on ne peut pas parler de crise419

. Les effets que Schacht pouvait escompter de sa démission sont largement annulés par le choix de son suc-

cesseur, qui n‘a posé aucun problème420

. Hans Luther est proposé par Mendelssohn, Président du Generalrat, en accord avec le gouvernement421. À la BRI, le Président McGarrah approuve sans réserve ce choix422. Luther, ancien chancelier, ancien ministre des finances, préside en mars 1930 le Lutherbund, une association militant en faveur de la centralisation du Reich. Il

s‘impose pour son expérience des réparations, des finances du Reich et sa renommée à l‘étranger. Il a en outre l‘avantage d‘être à la fois un homme politique, conformément au sou-

hait de la SPD, et un technicien, ce qui correspond aux vœux des autres partis qui soutiennent

la République de Weimar. Le 13 mars, la crise est close.

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