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Le refus de délivrer un chéquier

Dans le document Le refus du banquier (Page 105-108)

L’EFFET PROTECTEUR DE LA LIBERTE DE REFUS DU BANQUIER

SECTION 1 : LA LIBERTE DE REFUS DANS LE CADRE DE LA CONVENTION DE COMPTE BANCAIRE

A. Le refus de délivrer un chéquier

121. Le chèque, pour le définir, est un « écrit par lequel une personne, appelée tireur, donne l’ordre à un établissement de crédit, appelé tiré, de payer à vue un certaine somme à un troisième personne, appelée bénéficiaire, ou à son ordre»425. Il s’agit d’un instrument de paiement particulier et c’est cette particularité qui justifie la liberté d’en refuser la délivrance.

a. Spécificité du chèque

122. Notion du chèque. Le chèque correspond à la définition de l’effet de commerce. Il

s’agit d’« un titre négociable qui constate au profit du porteur une créance de sommes d’argent et sert à son paiement »426, à la différence que le chèque n’a pas de caractère commercial, qu’il est rarement négocié voire négociable et ne constitue pas un instrument de crédit, mais seulement un titre de paiement, la provision devant exister au moment de la création du chèque et non pas au moment de son échéance427.

Il s’agit donc d’un titre de banque qui sera tiré sur un établissement de crédit. La délivrance et le traitement de cet instrument appartiennent aux services de caisse rendus par le banquier qui effectue pour le compte de son client paiements et encaissements428.

123. Régime juridique du chèque. D’abord apparu au Royaume-Uni, chèque arrive en

France à partir de 1865 avec la loi du 14 juin 1865 qui le définit comme « l’écrit qui, sous forme de mandat de paiement, sert au tireur à effectuer le retrait, à son profit ou au profit d’un tiers, de tout ou partie des fonds portés au crédit de son compte chez le tiré et disponibles ». Eu égard aux avantages qu’il présente en matière de preuve et de transport de numéraire, les paiements par chèque se sont développés grâce aux pouvoirs publics, le caractère de monnaie scripturale leur permettant, en outre, d’avoir connaissance des transactions et de pouvoir, le cas échéant, les taxer429. Néanmoins, ce développement s’est, inéluctablement, accompagné d’incidents de paiement et a nécessité un encadrement du régime du chèque ainsi que la mise en place de sanctions430.

425 R. Bonhomme, op. cit., n° 293

426 ibid.

427 ibid. ; M. Jeantin,, P. Le Cannu et T. Granier, Droit commercial, Instruments de crédit et de paiement, titrisation, 7eéd., Dalloz 2005, n° 7

428 R. Bonhomme, op. cit., n° 294 ; J.-L. Rives-Lange et M. Contamine-Raynaud, op. cit., n° 280

429 R. Bonhomme, ibid.

430M. Jeantin, P. Le Cannu et T. Granier, op. cit., n° 8 ; Loi du 2 avril 1917 qui a mis en place des sanctions pénales pour émission de chèques sans provision ; Loi du 12 août 1926 qui a alourdi les sanctions pénales

105 Le droit du chèque est finalement issu du décret-loi du 30 octobre 1935 transposant en droit français la loi uniforme sur le chèque issue de la Convention internationale de Genève des 11 et 19 mars 1931431. Depuis, le droit du chèque a souvent été amélioré, notamment en ce qui concerne la répression des infractions en matière de chèques et la prévention des chèques sans provision432, bien qu’aucune de ces modifications n’ait réussi à maîtriser la croissance des incidents de paiement433.

A ce titre, le tiré doit nécessairement être un établissement de crédit ou assimilé434 alors que le tireur, premier signataire du titre, doit émettre un consentement valable, avoir la capacité ainsi que les pouvoirs propres à cette qualité. Le tiré fournit alors gratuitement les formules de chèques ordinaires au tireur435. Ces formules doivent être normalisées, c’est-à-dire qu’elles doivent être enliassées dans un carnet à souches et affectées d’un numéro de série afin de permettre un traitement magnétique436, même le respect de cette norme demeure sans conséquence sur la validité du chèque. Aussi, le chèque doit porter un certain nombre de mentions obligatoires au nombre desquelles, le nom du tireur, le numéro de téléphone de l’agence où le chèque est payable et l’adresse du titulaire du compte. Mais, là encore, le défaut de l’une de ces mentions n’a aucun effet sur la validité du chèque437.

124. Types de chèques concernés par la liberté de refus. Bien que la délivrance et

l’utilisation du chèque soient encadrées, la remise d’un carnet de chèques peut toujours entraîner certains abus synonymes de risque pour le banquier. De manière évidente, l’on peut penser au tirage de chèques sans provision mais également au risque de réputation que pourrait occasionner le comportement frauduleux d’un client auquel il a été délivré des formules de chèques438. Par conséquent, cette liberté de refuser la délivrance de chéquier ne concerne pas les formules de chèques de retrait ou de chèques certifiés. En effet, les chèques de retrait, établis à l’ordre du tireur lui-même, ne lui permettent que de retirer des fonds à la caisse du banquier tiré et les chèques certifiés font l’objet d’une vérification systématique et immédiate de l’existence de la provision entraînant son blocage pendant huit jours afin d’assurer le paiement. Ces deux types de chèques ne font donc courir

431 R. Bonhomme, op. cit., n° 295 ; M. Jeantin, P. Le Cannu et T. Granier, op. cit., n° 9

432

R. Bonhomme, ibid. ; Loi n°72-10 du 3 janvier 1972 modifiée par la loi n° 75-4 du 3 janvier 1975 ; Loi n° 91-1382 du 30 décembre 1991

433 M. Jeantin, P. Le Cannu et T. Granier, op. cit., n° 9

434 Art. L. 131-4, Code monétaire et financier

435 Art. L. 131-71, al. 2, Code monétaire et financier ; Cette gratuité, souvent contestée par la profession, a été imposée par le législateur afin de favoriser l'usage du chèque (Art. 1er de la loi du 1er février 1943) ; M. Cabrillac, Le chèque et le virement, 5e éd., Librairies techniques, 1980, n° 13

436 Arrêté du 5 août 1970 ; M. Jeantin, P. Le Cannu et T. Granier, op. cit., n° 50 ; M. Cabrillac, op. cit., n° 12

437 M. Cabrillac, op. cit., n° 12 ; Cass. Com. 30 mai 1962, n°289 ; Banque 1962, 550, obs. X. Marin ; D. 1962, somm. 135

106 aucun risque au banquier ni aux tiers, et ne sauraient justifier un libre refus de délivrance de la part du banquier439.

En revanche, pour les autres chèques, l’existence d’un risque pousse le banquier à sélectionner ses clients qui doivent être des clients connus, sinon concernant leurs antécédents, au moins dans leur identité, leur profession, leur honorabilité, leur capacité et leur adresse440. Cette condition semble, a priori, remplie puisque la délivrance de formules de chèques suppose l’ouverture d’un compte bancaire et les obligations de vérification qu’elle comporte. Mais, outre ces informations visant la connaissance du client, le banquier est également tenu de vérifier certaines informations propres, cette fois, à prévenir le risque d’émission de chèques sans provision. Aussi, le banquier doit consulter le fichier central des chèques impayés de la Banque de France afin de s’assurer que son client ne fait pas l’objet d’une interdiction bancaire ou judiciaire d’émettre des chèques441. Des vérifications insuffisantes ne permettant pas la détection d’une anomalie avant la délivrance d’un carnet de chèques, peuvent avoir de sérieuses conséquences sur la responsabilité du banquier442.

b. La liberté de refuser la délivrance d’un chéquier

125. Une décision libre mais motivée. S’il est permis au banquier de refuser la délivrance

de formules de chèques, autres que de retrait ou certifiés, au titulaire du compte bancaire, sa décision doit obligatoirement être motivée443. En revanche, le refus de renouveler des carnets de chèques ne saurait être assimilé à une rupture de crédit et, partant, n’est soumis à aucun délai de préavis, même s’il peut être opportun d’avertir son client avec un délai raisonnable. En effet, « si les formules de chèques habituellement délivrées par les banques à leurs clients représentent l’un des moyens de faire fonctionner le compte, et, par conséquent, de disposer du crédit, elles ne constituent cependant pas le seul [moyen] »444. Toutefois, il convient de tempérer cette affirmation et de relever que cette décision peut porter de graves conséquences pour les clients concernés, le refus de renouvellement des chéquiers pouvant être interprété comme un signal d’alerte par les fournisseurs et ainsi aggraver une situation déjà délicate445. La décision de refuser le renouvellement des formules de chèques, au même

439 R. Bonhomme, op. cit., n° 298

440 Gaz. Pal., 1958. 2. 343, Tribunal de commerce de la Seine, 24 juillet 1958, Sciaky c/ CNEP

441 Art. L. 131-72, L. 163-6 et L. 131-81, Code monétaire et financier ; R. Bonhomme, op. cit., n° 299

442 G. Ripert et R. Roblot, op. cit., n°2290-2

443 Art. L. 131-71, Code monétaire et financier

444 Cass. Com., 6 mai 1997, époux Deschamps et autres c/Sté Banco Di Roma ; RTD Com. 1997, p. 488, obs. M. Cabrillac ; JCP E 1997 II, 996, note D. Legeais

107 titre que le refus de délivrance des formules de chèques, doit donc être justifiée.

En outre, le banquier a également le droit, discrétionnaire cette fois, de demander la restitution des formules de chèques détenues par le client. Bien que le texte n’exige pas de motivation446, les auteurs s’accordent pour dire que ce droit peut être susceptible d’abus447. Aussi, ce constat impliquerait, de manière implicite, qu’une obligation de motivation soit également mise à la charge du banquier en cas de demande de restitution448. En conséquence, la clause de la convention de compte relative à la demande de restitution du chéquier doit prévoir la motivation de la décision, notamment les raisons et l’urgence de la mesure, pour ne pas se voir qualifier de clause abusive449.

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