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La portée du principe

Dans le document Le refus du banquier (Page 119-126)

L’EFFET PROTECTEUR DE LA LIBERTE DE REFUS DU BANQUIER

Paragraphe 2 : Le régime juridique du principe de liberté de crédit crédit

A. La portée du principe

145. Si le principe d’une liberté de refuser le crédit est posé, encore faut-il savoir ce que recouvre qu’il recouvre. L’analyse de l’arrêt « Tapie » démontre que le champ d’application du

508 Ibid.

509 P.-Y. Gautier, Pas de « droit au prêt » : la catégorie des droits discrétionnaires reprend du service, RTD Civ. 2007, p. 148

510 F.-X. Lucas, Responsabilité bancaire : l'arrêt de l'assemblée plénière dans l'affaire Tapie, du baume au cœur du banquier, Bulletin Joly sociétés, 2007, p. 57

119 principe est extrêmement large, qu’il s’agisse de la notion de crédit elle-même ou des circonstances couvertes par le principe.

a. La notion de crédit

146. Le banquier est « de proposer ou de consentir un crédit […], de s’abstenir ou de refuser de le faire », les situations assimilables à l’octroi de crédit. Tout d’abord, outre le cas

évident de l’octroi d’un nouveau crédit, cette liberté de refus du banquier préside lorsqu’il est déjà engagé dans des contrats de crédit, les liens anciens existant entre le banquier et son client ne faisant pas naître un droit au crédit au profit de ce dernier511. Par conséquent, il ne saurait lui être reproché, tout d’abord, de refuser d’augmenter le montant du crédit512mais il ne saurait encore lui être reproché d’avoir accordé un nouveau type de crédit à un client tout en refusant d’en porter le montant au même niveau que le crédit consenti jusqu’alors513.

Le banquier n’a pas non plus l’obligation de renégocier les conditions financières des prêts qu’il consent à ses clients, notamment en cas de baisse générale des taux d’intérêt514. De la même façon, la restructuration d’un prêt n’entre pas dans les obligations du banquier 515 bien que l’éventualité de faire peser sur la banque une obligation de moyen, c’est-à-dire l’obligation d’engager des négociations sans pour autant contraindre à ce qu’elles aboutissent, ait été discutée516. Hors le cas où son refus serait préjudiciable au débiteur ou à sa caution, le banquier ne pourrait se voir reprocher d’avoir refusé le rachat d’un crédit pour un montant inférieur à sa créance517.

Enfin, bien que de nombreux pourvois en cassation aient tenté d’assimiler le refus de nouveau crédit ou le refus de renouvellement de crédit à la rupture abusive de crédit, la liberté de refuser un crédit permet au banquier de refuser son renouvellement et, de façon évidente, de refuser un nouveau prêt518. Il importe peu alors que le crédit ait déjà été renouvelé à plusieurs reprises ou que le banquier

511 D. 2006, p.2525, note X. Delpech

512

Cass. Com., 13 janvier 1998, pourvoi n° 95-13976 ; RD bancaire et bourse 1998, p.104, obs. F.-J. Crédot et Y. Gérard ; Lamy Droit du financement 2010, n° 3175

513 CA Paris, 24 juin 2003, RG n°02-02623, SCI Pilon c/Entenial

514 CA Paris, 15e ch. B, 24 novembre 2006, RG 05/11884, SCI de la Souche c/Crédit Foncier de France ; JCP E 2007, 1679, n° 20, obs. N. Mathey ; CA Paris, Pôle 5, Ch. 6, 12 mai 2011, n°09/16335 ; RTD Com. 2012, p. 174, obs. D. Legeais ; Cass. Com., 18 septembre 2012, pourvoi n° 11-21790 ; Banque et droit 2012,n°146, p.27, obs. T. Bonneau ; JCP E 2013, 1282, obs. N. Mathey ; RTD Com. 2013, p.121, obs. D. Legeais; RJDA 2013, n° 64

515 CA Aix-en-Provence, 8e ch. C, 26 octobre 2006, RG 2006/607, Bianco c/ Lyonnaise de banque

516 JCP E 2007, 1679, n° 20, obs. M. Mathey

517 Cass. Civ. 2e

, 18 mars 2004, pourvoi n°02-11898, Sté MDC c/ Crédit immobilier de France Rhône-Ain ; Gaz. Pal., 26 août 2004 n° 239, P. 17 ; RLDA 2004, n°4567, obs. D. Chemin

120 en ait augmenté le montant, dès lors que la relation entre le banquier et son client n’est pas de nature à faire croire à la reconduction du contrat519.

147. La limite du refus de maintien du crédit. Précisons, tout d’abord, que le refus du

maintien de crédit s’analyse en une rupture de crédit. Eu égard à la prohibition des engagements perpétuels que nous évoquions supra, la liberté de rompre devrait être le principe, tout du moins, en ce qui concerne les crédits à durée indéterminée. Pour autant, il en va différemment dans le cas du contrat de crédit. Contrairement à l’octroi du crédit qui reste empreint de liberté, tout comme l’ouverture du compte bancaire, la rupture du crédit est strictement encadrée et se différencie alors de la clôture du compte bancaire. Cette différence tiendrait à la combinaison de deux facteurs, selon nous. En premier lieu, le contrat de crédit comporte, nous l’avons vu, davantage de risques financiers que la convention de compte bancaire. Il serait, de ce fait, logique, de privilégier la protection et, partant, la liberté du banquier qui prend ces risques. Cependant, l’existence de ces risques expliquent que dans un contexte économique difficile, les banquiers soient tentés de couper les crédits, qu’il s’agisse de crédits existants ou non.

Par conséquent, il faut également tenir compte du rôle essentiel du crédit dans la société520 et de l’importance des difficultés que rencontreraient les acteurs économiques si les financements, outre leur rareté, devenaient incertains. Il semble nécessaire alors de protéger ces acteurs économiques, au prix de la liberté du banquier. Aussi, s’il est difficile, mais, nous le verrons, pas tout à fait inenvisageable, de forcer le banquier à octroyer des crédits, il a semblé au législateur qu’une réglementation de la rupture des crédits était plus accessible.

La nécessaire combinaison de ces deux facteurs a donc conduit à un encadrement, plus ou moins strict selon les situations, de la liberté du banquier de rompre un crédit, à un point tel qu’il est difficile, aujourd’hui, de parler de liberté totale et discrétionnaire. En effet, la rupture de crédit est soumise au respect de conditions de forme, une notification écrite et le respect d’un délai de préavis, et, parfois, de fond, certains textes imposant une motivation de la décision. Dès lors, nous ne détaillerons pas cette question ici, la protection du cocontractant ayant vraisemblablement pris le pas sur la protection du banquier.

148. Le banquier est libre d’octroyer un crédit « quelle qu’en soit sa forme ». La

Dumoulin

519 Cass. Com., 21 septembre 2004, pourvoi n°03-11528 ; RD bancaire et fin. 2004, p.400, n°229, obs. F.-J. Crédot et Y. Gérard ; Lamy Droit du financement 2010, n° 3175 ; Cass. Com., 19 juin 2007, pourvoi n° 06-11065 ; JCP E 2007, 2377, n° 39, obs. L. Dumoulin

121 généralité des termes de l’arrêt permettent, ici encore, d’appliquer le principe à toutes les variétés de crédits, du prêt immobilier à l’ouverture de crédit en passant par le crédit-bail, ce qui se vérifie, au demeurant, au regard des faits de l’arrêt. En effet, la généralité des termes de l’arrêt contraste avec la spécificité de l’espèce qui portait sur des prêts à recours limité propres aux financements de projets, a

priori.

b. Les circonstances du refus

149. L’arrêt de la Cour de cassation du 6 octobre 2006 précise, également, dans son attendu que la décision du banquier de refuser l’octroi d’un crédit est toujours libre « hors le cas où il est tenu par un engagement antérieur »521. Les circonstances de la décision de refus sont donc essentielles à analyser.

150. La rupture des pourparlers. Tout d’abord, l’existence de négociations en vue de

l’octroi d’un crédit n’engage pas la responsabilité du banquier s’il est amené, par la suite, à refuser ce crédit522. Une rupture des négociations ne pourra pas davantage lui être reprochée. En effet, la rupture de pourparlers précontractuels fait partie intégrante de la liberté contractuelle et il est évident que tant que le contrat n’est pas conclu, chaque partie dispose d’un droit de rupture unilatérale des pourparlers contractuels. Cela étant, la rupture de pourparlers doit rester loyale car si « la liberté de rompre est absolue […] son exercice peut être fautif »523. Ainsi, la rupture de négociations deviendra fautive si elle est empreinte de mauvaise foi ou de brutalité.

Il est, effectivement, de jurisprudence constante que la bonne foi doit présider aux relations commerciales et donc aux pourparlers précontractuels524. Dès lors, un comportement déloyal, tel que le fait de laisser durablement et légitimement croire au demandeur de crédit que la banque lui fournira les crédits nécessaires, pouvant se matérialiser par un certificat d’emprunt525, puis de rompre unilatéralement les négociations en refusant d’accorder le crédit ou en refusant de l’accorder aux conditions qui avaient été convenues526, sera considéré comme fautif. Il pourra alors être sanctionné527

521 Cass. Ass. Plén., 9 octobre 2006, pourvois n° 06-11056 et 06-11307 précités

522

C. Gavalda, J. Stoufflet, op. cit., n° 534

523 P. Chauvel, Rupture des pourparlers contractuels, la question de la perte de chance, Droit et patrimoine 2007, n°157, p.26

524 Art. 1134 al.3, Code civil ; Cass. Com., 22 avril 1997, pourvoi n° 94-18953 ; D. 1998, jur. 45, note P. Chauvel

525 CA limoge, 30 avril 1998, Kacimi c/ CE du Limousin ; RTD Com. 1999, p.478, note M. Cabrillac

526 Cass. Com., 31 mars 1992, pourvoi n° 90-14867 ; JCP E 1993, I, 302, n° 11, obs. C. Gavalda et J. Stoufflet ; RTD Civ. 1992, p. 557, J. Mestre

527 Cass. Com., 8 novembre 2005, pourvoi n° 04-12322, SCI le pont d'or c/Société Générale ; RD bancaire et fin., janvier-février 2006, p. 13, obs. F.-J. Crédot et T. Samin ; JCP E 2006, 1850, n°36, p. 963, obs. L. Dumoulin ; CA Paris, 15e ch. B, 6 juin 2003, RG n°02/01632,

122 car l’apparence créée lors des pourparlers semble donner naissance à un droit pour le demandeur que seul le contrat conclu aurait pu lui donner528 Pour autant, la rupture fautive des pourparlers ne pourra donner lieu à réparation que si le demandeur est en mesure de justifier son préjudice, préjudice qui ne pourra consister dans la perte d’une chance d’obtention du crédit, en l’absence d’accord ferme et définitif, seuls les frais et les conséquences dommageables occasionnés par la négociation pouvant être pris en compte529.

151. L’existence d’un accord de principe. Si la bonne foi doit présider aux relations

précontractuelles, elle intervient encore davantage lorsqu’il existe un accord de principe entre le banquier et le demandeur. Ce terme d’accord de principe a, par ailleurs, posé certaines questions quant à ses effets. S’il est vrai que l’accord de principe contient un engagement, il ne s’agit pas d’un engagement ferme ni d’un contrat définitif, la référence au « principe » laissant subsister la possibilité d’un revirement de situation530. Aussi, s’il matérialise la volonté des parties de parvenir à la conclusion d’un contrat, il ne garantit pas l’avènement d’un consentement définitif et, par conséquent, ne constitue pas une offre de prêt531. En conséquence, l’existence d’un accord de principe ne sera pas nécessairement un obstacle rédhibitoire au refus du banquier, lorsqu’il a été donné sous réserve532 et qu’ainsi les conditions du crédit restent à préciser. L’existence d’un tel accord n’oblige alors le banquier qu’à la poursuite, de bonne foi, des négociations, cette obligation pouvant être considérée comme intensifiée533.

152. L’existence d’une promesse de crédit. En revanche, le banquier engage sa

responsabilité dès lors qu’il refuse un crédit pour lequel il a d’ores et déjà formulé une promesse de crédit534. En effet, lorsque ce refus cause un préjudice au demandeur de crédit, la responsabilité du

Legeais ; CA Riom, 10 juin 1992 ; RTD civ. 1993, p. 343, obs. J. Mestre ;

528 RTD Civ. 1992, p. 557, J. Mestre

529 Cass. Com., 26 novembre 2003, n° 00-10243 et 00-10949, Société Alain Manoukian c/ Thierry Wajsfisz ; D. 2004, Jur. 869, note A.-S. Dupré-Dallemagne ; ibid. somm. 2922, obs. E. Lamazerolles ; RTD Civ. 2004, 80, note J. Mestre et B. Fages ; Rev. Sociétés 2004, 325, obs. N. Mathey

530 I. Najjar, L'accord de principe, D. 1991, p. 57

531

Cass. Civ. 3e, 7 novembre 2007, pourvoi n° 06-17413 ; D. 2007, p. 3002, obs. C. Rondey ; JCP G 2008, I, p. 19, obs. Y.-M. Serinet; JCP N 2007, n° 751, p. 4 ; RLDC 2008/45, n°2805, obs. S. Doireau; Defrénois, 30 décembre 2007 n° 24, P. 1744, obs. S. Savaux ; Gaz. Pal., 26 janvier 2008 n° 26, P. 27 ; Petites affiches, 5 février 2008 n° 26, P. 6, obs. D. Houtcieff ; Revue des contrats, 1e avril 2008 n° 2, P. 356, obs. D. Fenouillet

532 Pour un accord de principe à l'octroi d'un prêt « sous les réserves d'usage » : Cass. Com., 10 janvier 2012, pourvoi n° 10-26149, Lyonnaise

de banque c/ G. ; JCP E 2012, 1349, n° 12, obs. N. Mathey

533 Cass. Com., 2 juillet 2002, pourvoi n° 00-13459 ; RTD Civ. 2003, 76, obs. J. Mestre et B. Fages ; Montpellier, 2e ch. A, 28 septembre 2004, Agence Sarrail c/ Crédit mutuel de Carcassonne ; RD bancaire et fin., septembre-octobre 2005, p. 15, obs. F.J. Crédot et Y. Gérard

123 banquier pourra être recherchée, qu’il s’agisse d’un refus de prêt promis535 ou d’un refus de mise à disposition des fonds suite à une acceptation d’ouverture de crédit536.

153. Néanmoins, la question s’est posée de savoir si cette responsabilité du banquier pouvait se résoudre en exécution forcée ou seulement en dommages et intérêts puisque l’on sait qu’une obligation de faire se résout nécessairement en dommages et intérêts537 alors que, par opposition, une obligation de donner pourra donner lieu à exécution forcée.

La réponse à cette question résulte d’un raisonnement en deux temps.

154. Reconnaissance du caractère consensuel du contrat de prêt. Notons, tout d’abord,

que le contrat de prêt, était, traditionnellement, considéré comme un contrat réel, c’est-à-dire formé par la remise de la chose prêtée à l’emprunteur538, de sorte qu’avant la remise de la chose, il ne s’agissait que d’une promesse et qu’après la remise de la chose, ce contrat était unilatéral, la seule obligation étant celle de restitution de l’emprunteur539. Cette conception du contrat de prêt, justifiée par le risque pris par le banquier540, lui permettait d’être à l’abri de toute exécution forcée de la promesse de prêt ne comportant qu’une obligation de faire.

Cependant, la Cour de cassation, à la faveur d’une évolution consumériste, a reconnu le caractère consensuel des crédits régis par le Code de la consommation541, y compris l’ouverture de crédit, d’abord, puis elle est venue, en 2000542, exclure tous les prêts consentis par des professionnels du crédit de la catégorie des contrats réels. Cette précision a alors permis de transformer les promesses de prêts en des contrats consensuels tirant leur force obligatoire de l’échange des consentements et non plus de la remise de la chose qui constitue désormais un acte d’exécution du contrat. L’exécution

535 Cass. Com., 18 décembre 1986 pourvoi n° 85-12098 ; Gaz. Pal. 1987, 1, Pan 51 ; Cass. Com. 24 novembre 1992, pourvoi n°90-21600 ; JCP E 1993 II, 402, obs. D. Vidal

536 Com. 21 janvier 2004, pourvoi n° 01-01129 ; D. 2004, AJ 498, obs. V. Avena-Robardet ; ibid., jur. 1149, note C. Jamin ; RTD Com. 2004, 352, obs. D. Legeais ; LPA, 9 février 2004 n° 28, p. 5, rapp. M. Cohen-Branche ; Banque et droit, mai-juin 2004, p. 50, note T. Bonneau ; JCP G 2004, II 10062, note S. Piédelièvre ; JCP E 2004, 649, p.720, note O. Salati ; ibid., 736, p.814 obs. J. Stoufflet; RD bancaire et fin. 2004, n°2, p.134, note D. R. Martin ; RJDA 07/2004, p.731, chron. Y. Tchotourian ; RJDA 06/2004, n°744 ; RTD Com 2005, p. 29, note S. Sabathier

537 Cass. Civ.1e, 20 juillet 1981, pourvoi n° 80-12529 ; RTD civ. 1982, p. 427, obs. P. Rémy ; Gaz. Pal. 1982, jur., p. 93, note J. Dupichot; Art. 1142, Code civil

538 Cass. Civ. 1ère, 20 juillet 1981, n° 80-12529 précité

539 LPA 9 février 2004 n° 28, p. 5, rapp. M. Cohen-Branche

540 F. Grua, op. cit.,n°347

541 Art. L.311-2 et s., Code de la consommation ; Cass. Civ. 1ère, 27 mai 1998, pourvoi n° 96-17312 ; D. 1999, p.194, obs. M. Bruschi ; Defrénois, 15 janvier 1999 n° 1, P. 21, obs. S. Piédelièvre ; Defrénois, 15 septembre 1998 n° 17, P. 1054, obs. P. Delebecque ; Petites affiches, 16 juillet 1999 n° 141, P. 23, note V. Depadt-Sebag

542 Cass. Civ. 1ère, 28 mars 2000, pourvoi n°97-21422 ; RD bancaire et fin. 2000, p.161, obs. F.-J. Crédot et Y. Gérard ; RTD Com 2001, p. 748, obs. M. Cabrillac

124 forcée de ces promesses de prêt, désormais qualifiées de contrats de prêts, devient donc possible puisqu’elles créent une obligation de donner alors que le contrat de prêt, dans sa conception réelle, n’était porteur que d’une obligation de faire tant que la chose n’avait pas été remise.

Or, une ouverture de crédit pourrait-elle être assimilée à un prêt et profiter, ainsi, d’une force exécutoire ?

155. L’hypothèse particulière de l’ouverture de crédit. Certains auteurs ont accueilli cet

arrêt avec ferveur et ont pensé qu’il était synonyme d’une assimilation entre prêt et ouverture de crédit, considérant que la promesse de prêt constituée par l’ouverture de crédit n’était pas moins parfaite que le contrat de prêt et devait, tout autant, générer une obligation de donner543.

Pour autant, si l’ouverture de crédit et le prêt sont tous deux constitués par une avance de fonds, promise ou immédiate, génératrice de risques544, et assimilés au sens de certaines règles545, certaines disparités les différencient encore. A cet égard, le moment du déblocage des fonds est immédiat dans le cas du prêt et sera différé, sur demande du client, dans le cas de l’ouverture de crédit546, le client conservant, par ailleurs, la liberté de s’engager ou de ne pas le faire547. Aussi, l’ouverture de crédit, se décomposant en deux phases, constitue d’abord un contrat unilatéral qui n’engage que le banquier et ne devient synallagmatique que lors de la levée d’option, matérialisant le consentement de l’emprunteur, ou dans le cas où elle donne lieu à la perception d’une commission d’engagement ou de confirmation par le banquier548.

La Cour de cassation est, alors, venue affirmer, dans un arrêt du 21 janvier 2004549, que l’ouverture de crédit constitue bien une promesse de prêt donnant naissance à un prêt à concurrence des fonds utilisés par le client. Autrement dit, l’ouverture de crédit est une promesse de crédit par laquelle le banquier s’est engagé à consentir une opération de crédit déterminée, peu important la nature du crédit, et à concurrence des fonds utilisés par le client, et a reconnu à son client un droit d’option dont la levée lui permettra de bénéficier de ce crédit Ainsi, c’est bien le consentement du

543

Ibid.

544 C. Gavalda et J. Stoufflet, op. cit., n° 528

545 Notamment en matière de procédures collectives (art. L.621-48 du Code de commerce), de TEG (art. 313-2 du Code de la consommation), de dénonciation des crédits consentis aux entreprises (art. 313-12 du Code monétaire et financier) et de prêts usuraires s’agissant des découverts (art. 313-5-1 du Code de la consommation).

546 J. Mestre, M.-E. Pancrazi, Droit commercial, LGDJ, 2003 ; JCP E 2004, 649, p.720, note O. Salati

547 RJDA 07/2004, p.731, chron. Y. Tchotourian

548 T. Bonneau, op. cit., n° 622

125 client lors de la levée d’option qui transforme la promesse en prêt et non pas la remise des fonds elle-même550, ce qui permet de conserver le caractère consensuel du prêt né de l’ouverture de crédit.

Ce faisant, il semble clair que l’ouverture de crédit, comme promesse de prêt, ne s’assimile pas au prêt et ne génère qu’une obligation de faire à la charge du banquier. Dès lors, si l’accord des volontés, aujourd’hui qualifié de contrat de prêt, autrefois qualifié de promesse avant la remise des fonds, pourrait désormais bénéficier d’une exécution forcée de sorte que le banquier ne pourrait se désengager, l’ouverture de crédit, toujours qualifiée de promesse, ne pourra se résoudre qu’en dommages et intérêts en cas de refus de mise à disposition des fonds551.

Il est à noter, tout de même, que le refus du banquier de verser les fonds résultant d’un contrat de prêt ou d’une ouverture de crédit dont la preuve sera rapportée552, est fautif et engage sa responsabilité. Le refus du crédit promis ne pourra, par ailleurs, que difficilement se fonder sur la modification des conditions initiales de prêt, la responsabilité du banquier pouvant être engagée si la modification n’est finalement pas rapportée553.

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