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L’atteinte au principe d’intangibilité du contrat

Dans le document Le refus du banquier (Page 150-154)

LES FONDEMENTS DE L’ENCADREMENT DU REFUS

B. L’atteinte au principe d’intangibilité du contrat

189. Si ce principe de force obligatoire des contrats peut renforcer l’atteinte portée à la liberté contractuelle par le protectionnisme contractuel, il peut également participer à un affaiblissement global du principe d’autonomie de la volonté et, par conséquent, de la liberté contractuelle, lorsque, dans le cadre d’un contrat librement consenti, des restrictions lui sont apportées, de sorte que la volonté des parties n’est plus respectée.

a. Principe d’irrévocabilité du contrat

190. Limites du principe de révocation par consentement mutuel. Le contrat, créé par le

consentement mutuel des parties, ne devrait pouvoir être révoqué que par le consentement mutuel des mêmes parties et, par conséquent, une volonté unilatérale ne devrait pas permettre de sortir du contrat670.

Toutefois, si l’autonomie de la volonté a subi des atteintes à différentes reprises par l’œuvre du législateur quant à la formation du contrat, d’autres atteintes sont venues également la diminuer quant à l’exécution du contrat et l’alinéa 2 de l’article 1134 le prévoit, du reste, quand il autorise la révocation pour les « causes que la loi autorise ». Or, si certains contrats resteront irrévocables, même en présence d’un consentement mutuel des parties, d’autres contrats seront révocables par acte unilatéral. Ce principe de résiliation unilatérale est, par ailleurs, justifié. En effet, il serait socialement inconcevable d’imposer aux parties un engagement perpétuel comme il résulterait des contrats à durée indéterminée ou encore d’imposer aux parties la poursuite de leur engagement malgré le comportement grave d’un cocontractant, qu’il s’agisse de contrats à durée déterminée ou indéterminée671. En considération de ces arguments, la Cour de cassation a admis que les contrats à

669 L. Aynès, Le contrat, loi des parties, op. cit.

670 P. Malaurie, L. Aynès, P. Stoffel-Munck, op. cit., n° 756

150 durée indéterminée puissent être résiliés de façon unilatérale, sans motif ni formalité672.

b. Principe d’immutabilité du contrat

191. Premières limites au principe d’immutabilité du contrat. Le contrat fait office de

loi pour les parties, de façon évidente, mais également pour le juge qui est tenu par la volonté commune des parties sauf à ce qu’une loi impérative ne s’y oppose. Ce constat lui interdit, notamment, de modifier les conditions d’exécution du contrat, quand bien même celles-ci lui paraîtraient déséquilibrées673, ou d’interpréter des clauses lorsqu’elles sont claires et précises au risque de dénaturer le contrat674.

Ce principe d’immutabilité du contrat peut devenir problématique lorsque les circonstances qui existaient lors de la conclusion du contrat changent, ou que les circonstances diffèrent de celles que les parties avaient prévues lors de la conclusion du contrat675. C’est ce qu’on a appelé la révision pour imprévision. Or, bien que la théorie de l’imprévision ait été justifiée, tour à tour, par la clause tacite rebus sic stantibus676, par la théorie de la cause677, ou encore pour des raisons de justice et d’utilité économique et sociale, le juge ne dispose pas, dans ce cadre contractuel, du pouvoir de modifier les conventions, quand bien même le contexte économique du contrat aurait changé678. Compte tenu de ces conclusions, certains auteurs considèrent que des clauses devraient alors être stipulées au contrat afin de permettre une révision, en cours d’exécution, des prestations prévues au contrat679.Toutefois, la recherche d’un équilibre contractuel va, ici encore, se traduire par une limitation de la force obligatoire du contrat, notamment en ce qui concerne l’exécution des obligations qui en découlent680.

Aussi, l’on peut remarquer que la force obligatoire des contrats a été soumise, dans un premier

Civ. 1re, 20 févr. 2001, Fanara c/ Société Europe Expertise

672 M. Fabre-Magnan, L’obligation de motivation en droit des contrats, in Le contrat au début du XXIe siècle : études offertes à Jacques Ghestin, LGDJ 2001, p.306, n°9 s.

673 P. Malaurie, L. Aynès, P. Stoffel-Munck, op. cit., n° 753

674

C. Larroumet, op.cit., n° 115

675 P. Malaurie, L. Aynès, P. Stoffel-Munck, op. cit., n° 757

676 Issue de l'analyse traditionnelle proposée pour les traités internationaux, cette clause prévoit la caducité de la convention en cas de circonstances imprévues ; P. Malaurie, L. Aynès, P. Stoffel-Munck, op. cit., n° 760

677 Puisque l'équilibre contractuel est rompu, l'une des prestations n'a plus de cause, la contre prestation n’étant plus équivalente ; P. Malaurie, L. Aynès, P. Stoffel-Munck, op. cit., n° 760

678 Cass. Civ., 6 mars 1876, De Galliffet c/ Commune de Pélissanne, dit « Canal de Craponne » ; D. 1876. 1. 193, note Giboulot

679 P. Malaurie, L. Aynès, P. Stoffel-Munck, op. cit., n° 762

151 temps, au respect de l’ordre public et des bonnes mœurs, l’article 1134, alinéa premier, du Code civil intéressant les conventions « légalement formées ». Dans un second temps, il peut être relevé que la loi peut mettre à la charge des contractants des obligations autres que celles prévues par le contrat puisque l’article 1135 du Code civil dispose que, outre les obligations voulues par les parties, la convention les oblige «à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature » 681. Ces dérogations ouvrent alors la voie à un nouveau dirigisme contractuel émanant du législateur ou même du juge, et justifié, non plus par un déséquilibre économique, mais par un déséquilibre contractuel.

192. Le dirigisme contractuel du législateur. Dans ce contexte, c’est encore le droit de la

consommation qui va poser certaines limites à la force obligatoire des contrats en vue de protéger les consommateurs, la restriction la plus significative étant la réglementation des clauses abusives. Ainsi, une clause abusive est celle qui a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat682. Ces clauses sont réputées non écrites.

De la même façon, une certaine législation de lutte contre les clauses abusives dans les rapports entre un professionnel et son partenaire commercial a été mise en place par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 sur une base similaire quant à la définition du caractère abusif des clauses visées683. Toutefois, dans ce cadre précis, les clauses ne sont pas réputées non écrites, mais l’auteur de la clause qui aura soumis ou tenté de soumettre un partenaire à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties verra sa responsabilité engagée, l’obligeant à réparer le préjudice en résultant.

Le législateur limite encore la force obligatoire des contrats dans le cadre de la théorie de l’imprévision, évoquée supra, puisqu’il va tantôt réviser les contrats en cours d’exécution lorsque les changements de circonstances économiques et sociales le justifient, tantôt donner au juge le pouvoir de réaliser une telle révision684.

Le dirigisme contractuel du juge. Si le juge est, en principe, tenu par la loi contractuelle

dans son évaluation des droits et obligations de chacun685, il dispose du pouvoir d’interpréter le contrat

681 P. Malaurie, L. Aynès, P. Stoffel-Munck, op. cit., n° 753

682 Art. L. 132-1, Code de la consommation

683 Art. L. 442-6, I, 2°, Code de commerce

684 P. Malaurie, L. Aynès, P. Stoffel-Munck, op. cit., n° 763

152 ou de sanctionner son inexécution. Il lui est ainsi permis d’intervenir, en cas de litige entre les parties, afin de déterminer le contenu implicite du contrat lorsque les clauses sont totalement imprécises. Pour ce faire, le juge pourra, selon les cas, se référer davantage à l’économie du contrat qu’à la volonté commune des parties, c’est-à-dire interpréter les clauses en fonction de l’utilité que doit remplir le contrat, ce qui peut impliquer la création d’obligations implicites que le contrat aurait dû raisonnablement comporter selon l’avis du juge686.

Enfin, le juge dispose d’un pouvoir modérateur qui lui permet de modifier les clauses contractuelles lorsque celles-ci seraient excessives ou abusives687. Ces clauses, qui résultent d’un abus de puissance de l’un des cocontractants entraînant un profit illégitime à son profit688, se rencontrent, principalement, dans les relations entre professionnels et consommateurs et ont été, nous l’avons vu, réglementées et sanctionnées par le Code de la consommation. En outre, suite à un arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes qui mettait à la charge du juge une obligation de « soulever d’office le caractère abusif d’une clause afin de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel »689, le Code de la consommation a élevé le pouvoir qu’il donnait au juge jusqu’à présent, au rang de devoir690.

193. Atteinte générale portée à l’autonomie de la volonté. Si ces atténuations à la force

obligatoire des contrats visent un rééquilibrage de ces contrats, elles ne permettent, néanmoins, pas d’assurer son adaptation lorsqu’elle est nécessaire. En outre, si ce dirigisme contractuel renforce le principe d’exclusion du refus du banquier en matière d’exécution du contrat, il n’en demeure pas moins qu’en portant atteinte à la force obligatoire des contrats, il porte atteinte au principe d’autonomie de la volonté et renforce d’autant l’atteinte portée à la liberté contractuelle ab initio. A cet égard, un certain droit unilatéral a été laissé à chaque partie. Toutefois, ce pouvoir unilatéral n’est pas sans limite puisque les cocontractants sont tenus de respecter un principe de bonne foi dans l’exécution des conventions691.

686 C. Larroumet, op. cit., n° 140 s. ; L. Aynès, op. cit.

687 P. Malaurie, L. Aynès, P. Stoffel-Munck, op. cit., n° 753

688 P. Malaurie, L. Aynès, P. Stoffel-Munck, op. cit., n° 754

689 CJCE, 4 juin 2009, aff. C-243/08

690 Art. L. 141-4, Code de la consommation ; Art. 81, loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation

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SECTION 2 : LA RECHERCHE DE MORALISATION DES

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