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Les critères du refus de crédit

Dans le document Le refus du banquier (Page 126-131)

L’EFFET PROTECTEUR DE LA LIBERTE DE REFUS DU BANQUIER

Paragraphe 2 : Le régime juridique du principe de liberté de crédit crédit

B. Les critères du refus de crédit

156. Parce que, comme nous l’avons déjà dit, le banquier prend des risques, l’appréciation de la demande de crédit reposera sur plusieurs critères qui permettront au banquier de déceler les bons et mauvais risques, mais également les risques intermédiaires qui complexifient sa tâche sans, toutefois, pouvoir l’obliger à accéder à la demande de crédit puisqu’aussi faibles soient-ils, ils concernent l’utilisation de fonds qui n’appartiennent, bien souvent, pas au banquier554. L’analyse du risque représenté par le client peut être présentée de façon assez simple mais repose en réalité sur différents facteurs qu’il lui faudra mettre en perspective selon le type de crédit sollicité.

a. Principe général d’appréciation des risques du crédit

157. Appréciation de la solvabilité de l’emprunteur. L’un des critères de l’octroi du

crédit résulte tout d’abord de l’appréciation de la solvabilité et des capacités de remboursement de l’emprunteur potentiel. Pour ce faire, le banquier doit d’abord se renseigner sur les ressources de

550 Banque et droit, mai-juin 2004, p. 50, note T. Bonneau ; D. 2004, jur. 1149, note C. Jamin

551 Contra : RD bancaire et fin. 2004, n° 2, p.134, note D. R. Martin

552 Com., 7 juillet 2009, pourvois n° 07-21803 et 08-14240 ; RD bancaire et fin. 2010, n°2, p.51, obs. F.-J. Crédot et T. Samin

553 R. Routier, op. cit., n° 311.22

126 l’emprunteur ainsi que sur l’existence de crédits, si possible, afin de déterminer son taux d’endettement. Le banquier devra ensuite mener une étude plus approfondie des revenus de l’emprunteur potentiel afin d’anticiper sa situation financière après l’octroi du crédit. En particulier l’information portant sur l’existence d’incidents bancaires ou d’éventuelles mesures d’interdiction bancaire, notamment une interdiction de chèque dont le candidat au crédit pourrait faire l’objet555 peut constituer un signal concernant la solvabilité de l’emprunteur ou encore concernant son comportement voire sa moralité556, même si l’existence d’une telle mesure ne poussera pas nécessairement le banquier à refuser l’octroi du crédit. Par ailleurs, la banque est également libre dans son appréciation des garanties qui lui sont présentées, notamment de la pertinence d’une garantie sur un bien nécessaire à l’exploitation de l’entrepreneur individuel557.

158. Utilité du scoring. Parallèlement, le banquier va pouvoir réaliser un scoring,

c’est-à-dire analyser la combinaison de différents éléments dans un calcul automatisé qui lui permettra de faire ressortir le niveau de risque présenté par l’emprunteur et de lui attribuer une note. Afin de déterminer cette note, différents critères vont être pris en compte, tels que des éléments personnels : l’âge, le sexe, la profession, le statut matrimonial, le statut de propriétaire, la nationalité de l’emprunteur, le département de résidence, le type d’habitat ; des éléments économiques et financiers : la nature et le montant des revenus, des charges, du patrimoine ; des éléments bancaires comme les soldes de comptes bancaires, l’encours de l’épargne, les produits financiers détenus, les moyens de paiement et de crédit, les autres prêts et les incidents de paiement ; des éléments propres aux personnes économiquement liées à l’emprunteur ; et des éléments propres à l’opération de crédit envisagée tels que le type, le montant et la durée du crédit, l’apport personnel, les garanties, l’assurance et le bien financé558.

En revanche, si le scoring peut faciliter l’obtention de cette note, le refus de crédit ne pourrait être fondé exclusivement sur celle-ci559, la décision finale devant résulter d’une appréciation humaine560. Et, en effet, bien que la solvabilité soit très souvent un critère important aux yeux du banquier, il n’est donc pas le seul dès lors que le banquier prend également en considération le

555 Art. 74, al. 6, décret-loi du 30 octobre 1935

556 RTD Com. 1994, p. 85, Cass. Com., 15 juin 1993, Andrieu C/UCB, note M. Cabrillac et B. Teyssié

557 Art. 47, 1 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle ; Lamy Droit du financement 2010, n° 3175

558 R. Routier, op. cit., n° 581.22

559 Art. 2, al. 2 de la loi du 6 janvier 1978 ; R. Routier, op.cit., n°311-11

127 comportement de l’emprunteur, sa personnalité et ses compétences ainsi que le projet ou le bien à financer561, tout n’est donc pas affaire de données objectives.

Pourtant, un refus de financement peut avoir certaines conséquences sur l’activité et les relations commerciales du client évincé, ce qui peut être synonyme de difficultés562. Il ne pourrait pourtant pas être reproché au banquier d’avoir agi dans son intérêt exclusif. Au reste, le banquier n’est, de toute façon, pas tenu de motiver sa décision, qu’il s’agisse d’un établissement de crédit privé ou public, tous deux étant régis par le principe de l’autonomie de gestion en ce qui concerne leurs relations avec la clientèle, ce qui leur laisse entière liberté dans leurs décisions en matière de prêts563.

b. Les risques spécifiques à certains types de crédits aux entreprises

159. Variation des éléments d’appréciation des risques. Si le principe de liberté est de

portée générale, les moyens d’exercer cette liberté diffèrent en fonction de certains crédits s’adressant essentiellement aux entreprises. De façon générale, dans le cas des crédits aux entreprises, l’appréciation de la solvabilité nécessitera de décrypter la structure financière des capitaux propres et de son passif, autrement dit la personnalité financière de l’entreprise, mais également, parfois, de réaliser un audit de l’entreprise et de ses besoins en financement. Toutefois, les éléments permettant de déterminer la solvabilité et le risque d’insolvabilité seraient susceptibles de varier selon le type de crédit envisagé.

160. Crédits de mobilisation de créances. A priori, ce type de crédit offre davantage de

sécurité au banquier dès lors que l’assise économique repose sur les créances mobilisées et non plus seulement sur les ressources financières du client comme c’est le cas dans les types de crédits les plus classiques564. Aussi, dans ce type de crédit, les éléments d’appréciation du risque de crédit diffèrent dès lors que la solvabilité est analysée tant à l’égard du crédité que du débiteur de la créance cédée. En outre, les créances mobilisées sont expressément prévues au contrat et sont donc librement choisies par le banquier, particulièrement dans le cadre des cessions Dailly ou d’affacturage. Le banquier pourrait donc fonder son refus sur la qualité médiocre de la créance, notamment sur son montant, ou sur la qualité du débiteur de la créance cédée.

561 J. Matouk, Systèmes financiers français et étrangers : instruments, institutions et gestion bancaires, Tome I, Banques, Dunod, 1991, n°15.1

562 R. Routier, op.cit., n°311.11

563 Réponse ministérielle publiée au JOAN Q du 30 septembre 1996, p. 5173

128 En particulier, dans le cadre des crédits de mobilisation de créances commerciales565 qui permettent de financer un ensemble de créances commerciales individualisées après leur facturation, le billet à ordre souscrit par le fournisseur à l’ordre du banquier est représentatif d’un lot de créances sous forme de factures à échoir dans une période déterminée et qui devront être recouvrées directement par le fournisseur. Il s’agit, en l’espèce, d’une mobilisation économique des créances qui nécessite toute la confiance du banquier en la capacité financière de l’emprunteur, comme le serait un crédit personnel566 mais qui n’implique pas directement un risque de non-paiement des factures supporté par le banquier.

En revanche, cette nécessité de confiance sera plus nuancée dans les opérations de mobilisation économique et juridique des créances qui opèrent un transfert de propriété des créances, selon que ce transfert est porteur d’une garantie du crédit ou non. D’une part, dans le cas des cessions de créances professionnelles par bordereau Dailly, le cédant transfère la propriété des créances professionnelles à un cessionnaire à titre d’escompte ou de garantie. Cette configuration participe à sécuriser le contrat de financement et la cession peut même être qualifiée de sûreté lorsque la cession Dailly intervient en propriété à titre de garantie567. D’autre part, la technique de l’affacturage qui repose sur l’achat par la banque « factor » à un commerçant ou industriel de factures à court terme sur des commerçants, fait, quant à elle, supporter le risque de non-paiement des factures à la banque qui garantit la bonne fin du recouvrement568. De la même façon, le transfert de propriété de titres de créances que constituent les opérations d’escompte d’effets de commerce suppose le paiement du montant des créances au porteur du titre et, partant, lui fait également supporter le risque de non-paiement569. Aussi, dans le cadre de ce type de crédit de mobilisation de créances, la qualité des créances semblerait alors être un critère plus pertinent que la capacité financière du client dans ce cadre précis.

161. Contrats de crédit-bail570. Les contrats de crédit-bail sont particulièrement utiles aux entreprises qui souhaitent investir dans du matériel à usage professionnel sans engager de trésorerie puisqu’ils consistent à faire acquérir le matériel par la banque qui le louera au client avec promesse de vente à un prix résiduel après déduction des loyers. Dans le cadre de ces contrats, il semble naturel que

565 C. Gavalda et J. Stoufflet, Droit bancaire, op. cit., n°684 s.

566 C. Gavalda et J. Stoufflet, Ibid.

567 T. Bonneau, Droit bancaire, op. cit., n°722

568 C. Gavalda et J. Stoufflet, op. cit., n°693

569 T. Bonneau, Droit bancaire, op. cit., n°722

129 ce soit avant tout le critère de la rentabilité de l’investissement qui prime dans la décision du banquier puisque ce contrat présente l’avantage de fournir une garantie réelle et efficace au banquier bailleur qui reste propriétaire du matériel loué571.

162. Financement de projets. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les crédits à recours

limité ou sans recours qui ont fait l’objet de l’arrêt « Tapie ». Ce type de crédits porte sur des montants relativement importants et leur remboursement dépend essentiellement des retours sur investissement, ce qui rend l’opération aléatoire572. Le banquier, exposé à des pertes conséquentes, analysera alors scrupuleusement la rentabilité du projet avant tout autre élément.

163. Contrats de crédit international. Dans le contexte particulier du crédit international,

les risques à analyser sont différents et variés. En effet, la particularité de la situation commande au banquier de prendre en compte les risques financier particuliers comme le risque provisoire ou définitif d’insolvabilité des acquéreurs étrangers et de non-paiement des créances sur l’étranger, mais également les risques politiques, catastrophiques ou encore économiques573. Il en va ainsi, notamment, du crédit fournisseur, crédit à l’exportation qui consiste à financer les crédits commerciaux consentis par les exportateurs à leurs acheteurs étrangers574.

Ces nuances permettent alors de déterminer précisément les risques que comporte l’opération de crédit envisagée et c’est seulement à ce prix, que le banquier sera en mesure d’exercer sa liberté de refus.

571 C. Gavalda et J. Stoufflet, op. cit., n°825

572 H. Causse, Droit bancaire et financier, Direct droit 2014, n°1387

573 C. Gavalda et J. Stoufflet, op. cit., n°937

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