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Une refondation fondamentale des régimes politiques en Pologne et en Roumanie : le bannissement du communisme et son héritage

Section I : les contours des mouvements révolutionnaires en Europe de l’Est et dans le monde arabe

Paragraphe 2 : Les différentes solutions apportées par les révolutionnaires en Europe de l’Est et dans le monde arabe par rapport à leurs passés

A- Une refondation fondamentale des régimes politiques en Pologne et en Roumanie : le bannissement du communisme et son héritage

Le rejet de l’idéologie sur laquelle est fondé le régime politique implique une rupture totale. En Europe de l’Est, les révolutionnaires rejetaient le totalitarisme c’est-à-dire l’autoritarisme et l’idéologie qu’il sert. Selon Slobodan Milacic, « le discours totalitaire vise alors à masquer les faits bruts en leur donnant un sens idéologiquement conforme et en cherchant à conditionner le système des représentations pour imposer le discours du pouvoir comme le fait premier. C’est d’un véritable travail d’aliénation intellectuelle ou même

206 ALLAL Amin, « Retour vers le futur. Les origines économiques de la révolution tunisienne », Pouvoirs : la Tunisie, n°156, 2016, p. 23.

66 psychologique qu’il s’agit »207. Pour Elizabeth Zoller, « le totalitarisme est une tyrannie en ce qu’il lui emprunte ses moyens de gouvernement (terreur, délation, cynisme, violence). Mais il est plus que cela. Le principe du totalitarisme est tout différent en ce qu’il est soumis à une loi impitoyable, celle de l’idéologie, laquelle est plus qu’une idée, mais plutôt la logique d’une idée à laquelle on a attribué une capacité d’explication universelle de l’histoire. Il en résulte qu’à la différence du tyran ou du despote qui s’attache essentiellement à l’oppression et à la répression des comportements, l’État totalitaire s’attache d’abord au refaçonnage et au remodelage des esprits et des consciences »208. Le système soviétique de l’URSS était soutenu par une idéologie communiste qui va devenir totalitaire sous Staline. Sous l’URSS, le régime politique cherchait à priver les citoyens des droits et libertés, mais également à les formater idéologiquement. Par conséquent, la disparition d’un tel régime nécessite une refondation totale c’est-à-dire, il faut débarrasser le nouveau système politique de tout ce qui est en rapport avec l’ancien régime.

En Europe, la période postcommuniste a été marquée par des controverses sur les stratégies à adopter. En Premier lieu, il fallait éviter de redevenir les pays satellites de la Russie, héritière de l’URSS.

En Pologne, les lois de lustration209 illustrent parfaitement ce souhait d’une rupture totale avec l’ancien régime en Pologne et en Roumanie. La lustration, c’est-à-dire la purge de la vie politique, signifiait la décommunisation de la vie politique polonaise. La loi du 11 avril 1997 dite « loi de lustration » va mettre en place un Tribunal de lustration. La seconde loi de lustration du 18 octobre 2006 va plus en obligeant « toute personne exerçant une fonction publique, et née avant le 1er août 1972, de s’adresser à l’Institut de la mémoire nationale (IPN) pour que celui-ci atteste si elle était ou non agent des services secrets »210. Un employeur peut rompre un contrat de travail d’un agent qui a été agent des services secrets communistes. Le Tribunal constitutionnel polonais s’est prononcé sur la lustration lors de l’examen de la constitutionnalité de la loi de lustration du 15 mars 2007. Dans son arrêt du 11 mai 2007, le juge constitutionnel a estimé que « la lustration doit servir uniquement à la démocratie, elle ne peut pas être utilisée comme un instrument de vengeance, elle doit servir à

207 MILACIC Slobodan, « La nouvelle normalisation des pays ex-communistes. De la norme idéologique à la norme juridique par le « fondu-enchainé » culturel », Revue d’études politiques et constitutionnelles Est-européennes, Numéro Spécial, 2008, p. 8. En Ligne.

208 ZOLLER Elizabeth, Droit Constitutionnel, PUF, coll., « Droit fondamental », 2ème édition, 1999, p. 16.

209 La première loi de lustration a été promulguée le 11 avril 1997, la seconde loi du 18 octobre 2006 et la troisième loi a entrée en vigueur le 15 mars 2007.

210 ULLA Malgorzata « le processus de lustration dix-huit ans après la chute du régime communiste en Pologne », Revue d’études politiques et constitutionnelles Est-européennes, Numéro Spécial, 2008, p. 41. En Ligne.

67 la justice et respecter les droits de l’homme ». En outre, il a précisé que « en luttant contre les reliques du régime totalitaire, l’Etat doit appliquer les règles de l’Etat de droit démocratique, dans le cas contraire il ne serait pas meilleur que l’Etat totalitaire »211. La lustration était devenue un moyen pour débarrasser le système politique des héritiers du communisme.

Également, la Roumanie a été marquée par le souhait de rompre avec le régime Ceausescu. En Roumanie, « l’opposition principale binaire-discursive d’après 1989 a été, sans doute, celle entre les “anticommunistes” et les “néo-communistes” »212. La période qui a précédé la chute du régime Ceausescu était marquée par la confrontation entre les anciens communismes au pouvoir tels qu’Ion Iliescu et les anticommunistes. Contrairement à la Pologne, la Roumanie sera gouvernée, comme la Tunisie après Ben-Ali, par Ion Iliescu, membre du comité central du parti communiste. Comme le souligne Alexandru Gussi, « les nouveaux dirigeants ne veulent pas définir officiellement le moment 1989 en opposition au passé communiste et comme étant le résultat d’un mouvement anticommuniste »213. Dans ces conditions, avec un gouvernement communiste chargée de la transition démocratique, il sera plus compliqué de réaliser des lustrations. Néanmoins, l’affrontement entre les communistes et leurs antagonistes existaient bien.

Également, pour échapper aux communismes et éviter de retourner dans le juron de la Russie, héritière de l’URSS, les pays de l’Europe de l’Est vont décider d’intégrer l’Europe occidentale. La réponse au communisme était donc l’européanisation. Comme le souligne Slobodan Milacic, « l’anti discours de la dissidence, avec sa promesse de la libération par la libéralisation et du bien-être par l’européanisation montait en puissance, parallèlement à la décomposition du discours partisan établi »214. Pour réussir cette intégration, il est apparu nécessaire de réadapter l’ancien système économique hérité du communiste. Les pays de l’Europe de l’Est ont fait le choix du capitalisme contre le communiste. Dans ces pays, en effet, « deux stratégies ont été suivies pour aller vers le marché : la thérapie de choc, qui consistait à introduire le plus vite possible le maximum de réformes, et le gradualisme, qui

211 Wojciech Czuchnowski, Pawel Wronski « Lustracja to nie zemsta », Gazeta Wyborcza, 12/05/2007 cité par ULLA Malgorzata « le processus de lustration dix-huit ans après la chute du régime communiste en Pologne », Revue d’études politiques et constitutionnelles Est-européennes, Numéro Spécial, 2008, p. 45. En Ligne.

212 MISCOIU Sergiu, « L’illusion du peuple et la réalité de la représentation indirecte. Comprendre les deux premières décennies de la transition post-communiste roumaine », Revue Est-Europa, Numéro Spécial, 2016-2, p. 201. En Ligne.

213 GUSSI Alexandru, « Que reste-t-il de la « Révolution roumaine » ? Usages politiques d’un symbole », Revue Est-Europa, Numéro Spécial, 2016-2, p. 148. En Ligne.

214 MILACIC Slobodan, « La nouvelle normalisation des pays ex-communistes. De la norme idéologique à la norme juridique par le « fondu-enchainé » culturel », Revue d’études politiques et constitutionnelles Est-européennes, Numéro Spécial, 2008, p. 12. En Ligne.

68 préconisait, comme son nom l’indique, une démarche plus progressive »215. Il fallait la rupture politique et la rupture économique. La rupture économique implique que Les États de l’Europe de l’Est rejoignent le libéralisme. La rupture politique a conduit à se débarrasser de l’URSS et son idéologie communiste.

Pour se séparer définitivement du communisme, politiquement et économiquement, la Pologne et la Roumanie ont adhéré à des organisations régionales telles que l’UE et le Conseil de l’Europe. La première permet d’intégrer une économie libérale aux antipodes de l’économie communiste. Elle compte également des conventions qui protègent les droits et libertés d’individu. La seconde s’intéresse exclusivement à la question des droits et libertés des individus et la démocratie. Le Conseil de l’Europe et l’UE disposent des juridictions pour faire respecter les textes qu’elles énoncent. La Cour de justice de la communauté européenne est chargée au sein de l’UE de veiller au respect des règles édictées par les instances de l’UE.

La Cour européenne des droits de l’Homme est chargée de faire respecter la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales216, le texte principal du Conseil de l’Europe en matière des droits de l’Homme.

En Pologne et en Roumanie, si la rupture politique avec les communistes n’est pas totale du fait de la présence des partis communistes, de gouvernement communiste, la rupture économique, du fait de l’influence de l’Europe occidentale, a été intégrale. Aujourd’hui, les deux anciens États de l’URSS ont intégré pleinement l’économie libérale et du marché.

B- Un changement de pratique politique et de mode de gouvernance en Tunisie et

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