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Les révolutions dominées par le rejet du communisme totalitaire en Pologne et en Roumanie

Section I : les contours des mouvements révolutionnaires en Europe de l’Est et dans le monde arabe

A- Les révolutions dominées par le rejet du communisme totalitaire en Pologne et en Roumanie

Les peuples de l’Europe de l’Est ont vécu « presque un demi-siècle sous un système idéologique, c’est-à-dire totalitaire »175. À partir de 1989, ils se battaient contre le communisme devenu totalitaire. Staline a fait de l’Union des républiques socialistes soviétiques un État centralisé et totalitaire. Pourtant, au départ, sous Lénine176, l’URSS est un État fédéral. Également, sous Staline, l’économie passe sous le contrôle de l’État et par conséquent toutes les entreprises sont nationalisées. En 1928, il adopte le premier plan quinquennal qui devait être appliqué sur cinq ans sous peine de déportation. La priorité est accordée à l’industrie lourde telle que la sidérurgie, l’armement et l’énergie. Entre 1928 à 1941, il lance trois plans quinquennaux. L’URSS devient, avec 12 % de la production mondiale, l’une des grandes puissances industrielles. En 1929, il met en place des exploitations agricoles collectives (kolkhozes) et des fermes d’État (sovkhozes) en regroupant des exploitations agricoles privées. La nationalisation forcée des terres agricoles privées par l’État va entrainer une résistance acharnée des paysans. Ils seront alors déportés. Staline met en place un État avec une économie planifiée.

Le but de Staline était de mettre en place un État centralisé et fort au profit de la

175 MILACIC Slobodan, « La nouvelle normalisation des pays ex-communistes. De la norme idéologique à la norme juridique par le « fondu-enchainé » culturel », Revue d’études politiques et constitutionnelles Est-européennes, Numéro Spécial, 2008, p. 14. En Ligne.

176 Lénine crée, en décembre 1922, un Etat fédéral qui est l’URSS.

59 Russie. Quand Staline devient Secrétaire général du parti communiste de l’Union soviétique177, il élimine ses adversaires politiques. Ainsi, Trotski, chef de l’Armée Rouge, l’un de ses adversaires farouches, sera déporté. Toute opposition à Staline et ses idées entraînent une déportation au Goulag. Il va utiliser la discipline et l’unité du parti communiste pour imposer sa vision. Comme le rappelle Slobodan Milacic, « le discours du pouvoir socialiste se référait à la seule normalité possible – celle de la Vérité officielle du régime ; celle du parti, concrètement, diffusée par les voies et les moyens de l’État. Le « reste » n’était que pathologie s’exprimant à travers les différentes attitudes »178. En Europe de l’Est, il n’existait qu’une vérité officielle qui est celle du parti communiste soviétique et du communisme. Selon Hannah Arendt, « quand Staline décide de réécrire l’histoire de la révolution russe, la propagande en faveur de la nouvelle version consista à détruire, en même temps que les livres et documents anciens, leurs auteurs et leurs lecteurs »179. Les intellectuels et les artistes doivent glorifier le régime et son dirigeant. L’art devient un outil de la propagande officielle180. Comme le souligne Slobodan Milacic, « les dictatures idéologiques… apportent, en plus de la force et de la contrainte matérielle et psychologique (police, prisons, armée), une promesse idéologique. Selon l’auteur, la vocation première de celle-ci est la conviction et surtout la séduction, et qui, en tant que promesse politique, voire historique (“le sens de l’Histoire” égalitaire assuré ou accéléré), à des titres et des degrés divers peut toucher, au moins au début, les populations concernées »181. La constitution de 1936 va officialiser et constitutionnaliser le contrôle du parti communiste sur tous les organismes de l’État. Pour Hannah Arendt, « la promulgation de la Constitution fut le signal de la gigantesque purge, qui en presque deux ans, liquida l’administration en place, effaça toute trace de vie normale et annula le redressement économique opéré au cours des quatre années qui avaient suivi l’élimination des koulaks et la collectivisation forcée de la population rurale »182. La police politique, le NKVD, veille à écarter et réprimer toute opposition. Les syndicats dépendent du parti qui est implanté dans chaque entreprise et chaque quartier. C’est avec la « grande terreur » que le régime stalinien atteint le sommeil du totalitarisme. Staline met en place une

177 PCUS.

178 MILACIC Slobodan, « La nouvelle normalisation des pays ex-communistes. De la norme idéologique à la norme juridique par le « fondu-enchainé » culturel », Revue d’études politiques et constitutionnelles Est-européennes, Numéro Spécial, 2008, p. 9. En Ligne.

179 ARENDT Hannah, Le système totalitaire, Seuil, 2005, p. 92.

180 Staline met en place la propagande grâce au cinéma, aux affiches, aux journaux.

181 MILACIC Slobodan, « La nouvelle normalisation des pays ex-communistes. De la norme idéologique à la norme juridique par le « fondu-enchainé » culturel », Revue d’études politiques et constitutionnelles Est-européennes, Numéro Spécial, 2008, p. 8. En Ligne.

182 ARENDT Hannah, Le système totalitaire, Seuil, 2005, p. 174.

60 terreur organisée, publique et légalisée avec des procès truqués183.

À la mort de Staline en 1953, l’URSS ne devient pas une démocratie. Le système continue de semer la terreur et utilise la propagande au service des régimes politiques. Selon Hannah Arendt, « dans les pays totalitaires, propagande et terreur sont les deux faces d’une même médaille »184. La société était contrôlée et endoctrinée notamment par la propagande.

En ce sens, Hannah Arendt, pour nous montrer l’importance de la propagande dans un État totalitaire, affirme que le contenu de la propagande totalitaire « n’est plus un problème objectif à propos duquel les gens peuvent avoir une opinion, mais est devenu dans leur vue un élément aussi réel et intangible que les règles de l’arithmétique »185. C’est un outil d’un système totalitaire, en plus de la terreur, non négligeable pour assoir son idéologie. En URSS, tout était sous le contrôle d’un parti unique, tout était au service de l’idéologie communiste.

Le contrôle politique est exercé par la police politique. Le contrôle économique était fait à l’aide de la nationalisation des entreprises et à la collectivisation des fermes.

Lors des révolutions est-européennes, le peuple refusait quarante-cinq d’idéologie et de la terreur. L’Union soviétique était un régime totalitaire qui reposait « sur une violence directe de gouvernement organisée par des institutions spécifiques et légitimée par une propagande omniprésente »186. En 1989, en Europe de l’Est, le peuple rejette ce totalitarisme de l’Union soviétique et les dirigeants locaux qui imposent cette idéologie avec brutalité. Les pays de l’Europe de l’Est faisaient partie d’un bloc d’idéologie communiste et d’une Union soviétique. Ils formaient un seul État avec l’Union soviétique jusqu’à ce qu’elle éclate.

Slobodan Milacic rappelle que « si certains de ces régimes, grosso modo “satellites”, se mettent à dévier de “la ligne du parti” – un guide international, l’URSS, s’accordait jusqu’au droit d’intervention militaire, comme en Tchécoslovaquie en 1968, pour corriger la déviation du “Printemps de Prague”. L’intervention en Tchécoslovaquie est officiellement qualifiée de l’“opération de normalisation” et ce “concept” devait être bien assimilé par tous les pays frères »187.

183 Il s’agit des procès de Moscou entre 1936 et 1938.

184 ARENDT Hannah, Le système totalitaire, Seuil, 2005, p. 91.

185 ARENDT Hannah, Le système totalitaire, Seuil, 2005, p. 125.

186 MASSIAS Jean-Pierre, « Pacification sociale et transition constitutionnelle : Réflexion sur les limites de l’autosatisfaction positiviste », in Mélanges en l’honneur de Slobodan Milacic : Démocratie et liberté : tension, dialogue, confrontation, sous la direction de Jean du Bois de Gaudusson, Philippe Claret, Pierre Sadran, Brigitte Vincent, Bruylant, 2008, p. 170.

187 MILACIC Slobodan, « La nouvelle normalisation des pays ex-communistes. De la norme idéologique à la norme juridique par le « fondu-enchainé » culturel », Revue d’études politiques et constitutionnelles Est-européennes, Numéro Spécial, 2008, p. 10. En Ligne.

61 L’association de la terreur et de l’idéologie qui distingue le totalitarisme de la simple dictature qui accorde le pouvoir absolu à une personne qui prive son peuple des libertés.

Comme l’explique Raymond Aron, « le totalitarisme est une tentative en vue d’exercer sur les hommes une domination totale qui les déshumanise, soit qu’ils soient livrés aux camps de concentration, soit que, dans la société dite normale, ils soient soumis à la propagande obsessionnelle et aux décisions mystérieuses des autorités, se réclamant elles-mêmes de lois cosmiques ou historiques »188. En Roumanie, comme le souligne Alain Gélédan, dans le régime dictatorial de Ceausescu, « le pouvoir policier est assez fort pour faire taire les citoyens révoltés et affamés, encore trop inorganisés. La peur, la désorganisation et la terreur policière l’emportent sur la colère légitime des roumains »189.

Si elles n’ont pas combattu un même ennemi, ces révolutions ont les mêmes objectifs. La différence majeure est qu’en Europe de l’Est c’est l’idéologie communiste, qui a longtemps promis l’égalité et le paradis, qui était rejetée alors que dans le monde arabe le peuple n’était guidé par aucun rejet d’une idéologie quelconque. Ils cherchaient à se débarrasser d’un dictateur assoiffé de pouvoir, à recouvrer leurs libertés politiques et à manger à leur faim. Si les aspirations de la population révolutionnaire arabe de 2011 et celle de l’Europe de l’Est des années 89 sont analogues, la liberté, l’égalité, la démocratie et la république, les contextes dans lesquels elles se sont développées ou permutées sont différents.

B- Le rejet d’une dictature sans idéologie lors des révolutions de 2011 en Egypte

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