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TITRE SECOND : L'instauration d’un nouvel ordre constitutionnel dans le monde arabe et en Europe de l’Est

A- L’Etat sans religion en Pologne et en Roumanie

En Pologne et en Roumanie, les Constitutions postcommunistes347 instaurent une séparation entre la religion et l’État. Elles ne connaissent aucune religion d’État. Elles instaurent une autonomie et indépendance réciproque entre le politique et le religieux. En Pologne, l’État ne peut obliger des citoyens à déclarer leurs « convictions religieuses »348 et

« la désignation de l’État a été changée en même temps : la République populaire de Pologne est abandonnée au profit d’un nom dont la tradition est séculaire »349.

En Pologne et en Roumanie, il ne s’agit pas d’ignorer la religion, mais de définir ses rapports avec la République. On ne peut ignorer une part importante350 de la vie de ses citoyens. L’absence des règles claires qui encadrent le rapport entre la politique et la religion entrainerait un vide qui pourrait profiter aux plus opportunistes des deux côtés. La religion pourrait devenir un moyen d’accession au pouvoir ou de contrôle des pouvoirs. Plus claire que la Constitution roumaine de 1991, la Constitution polonaise de 1997 précise que la relation entre la République de Pologne et l’Église catholique est définie « par un traité conclu avec le Saint-Siège et les lois »351. Il ne s’agit pas non plus de privilégier une religion par rapport à une autre et donc créer ainsi une différence de traitement vis-à-vis de certains citoyens. Et la Constitution polonaise de 1997 affirme que « les Églises et autres unions confessionnelles jouissent de droits égaux. Les pouvoirs publics de la République de Pologne font preuve d’impartialité en matière de convictions religieuses »352. L’État polonais a signé avec les

347 Il s’agit de la Constitution roumaine de 1991 et celle de 1997 pour la Pologne.

348 Article 53 de la Constitution de 1997.

349 KRUK Maria, « Progrès et limites de l’Etat de droit », Pouvoirs, n°118, 2006, p. 73.

350 Même si c’est une part privée.

351 Article 25 de la Constitution polonaise de 1997.

352 Article 25 de la Constitution polonaise de 1997.

114 autres confessions des accords qui définissent le cadre de leurs rapports. En ce sens, la Constitution de 1997 souligne que « les rapports entre la République de Pologne et les autres Églises et unions confessionnelles sont définis par des lois fondées sur des accords conclus entre le Conseil des ministres et leurs représentants compétents »353. Le président du Tribunal constitutionnel polonais, M. Safjan, a estimé que, dix ans après l’entrée en vigueur de la loi sur l’audiovisuel, « le pluralisme idéologique et la neutralité religieuse des médias publics ont été sans aucun doute respectés »354. Contrairement à la Pologne, la Roumanie n’a pas signé des conventions avec les confessions religieuses parce que « la liberté de pensée et d’opinion, ainsi que la liberté de religion ne peuvent être limitées sous aucune forme »355. Dans ces États de l’Europe de l’Est, toutes les religions sont égales devant la République. En Pologne, le pluralisme religieux instauré par la Constitution de 1997 a conduit l’Église catholique à se trouver au même rang que les autres confessions malgré son passé d’opposant face au pouvoir communiste356.

En Roumanie, la Constitution de 1991 instaure une séparation entre les religions et l’État.

En ce sens, la Constitution de 1991 affirme clairement que « les cultes religieux sont autonomes par rapport à l’État »357 même si elles bénéficient du soutien de l’État quand il s’agira de « donner une assistance religieuse dans l’armée, dans les hôpitaux, dans les établissements pénitentiaires, dans les asiles et dans les orphelinats »358. La Constitution polonaise de 1997 affirme que « les rapports entre l’Etat et les Églises et autres unions confessionnelles se fondent sur le principe du respect de leur autonomie et de leur indépendance mutuelle dans leurs domaines respectifs »359. En Pologne, l’intervention de l’Église dans la vie politique va desservir les hommes qu’elle soutient. Selon Patrick Michel,

« en intervenant directement dans le champ politique, l’Église a pris le risque du désaveu : à partir de 1993 vont se succéder des résultats électoraux contraires à ses vœux »360. En Roumanie, en vertu de la Constitution de 1991, la liberté religieuse est illimitée et personne ne

353 Article 25 de la Constitution polonaise de 1997.

354 SAFJAN Marek, « La liberté de parole : les standards conventionnels et constitutionnels et la jurisprudence de la Cour suprême et du Tribunal constitutionnel de Pologne », Revue de justice constitutionnelle Est-européenne, numéro spécial Colloque, 2003, p. 213.

355 Article 29 de la Constitution roumaine de 1991.

356 MICHEL Patrick, « L’église et le catholicisme polonais à l’épreuve du pluralisme », Pouvoirs, n°118, 2006, p. 91.

357 Article 29 de la Constitution roumaine de 1991.

358 Article 29 de la Constitution roumaine de 1991.

359 Article 25 de la Constitution polonaise de 1997.

360 MICHEL Patrick, « L’église et le catholicisme polonais à l’épreuve du pluralisme », Pouvoirs, n°118, 2006, p. 92.

115 peut être contraint à épouser de force une religion361. La Constitution roumaine de 1991 protège la liberté des cultes religieux et ces derniers « s’organisent conformément à leurs propres statuts, dans les conditions fixées par la loi »362. Mais, le Constituant roumain prévient que dans le rapport entre différents cultes, tous conflits religieux sont interdits. En Pologne, comme en Roumanie, l’État ne se mêle pas de la religion. L’indépendance entre l’État et la religion est mutuelle. Toutefois l’Etat encadre la liberté religieuse qui peut faire l’objet, notamment en Pologne, « des restrictions nécessaires à la protection de la sécurité de l’État, de l’ordre public et de la santé, de la morale ou des libertés et des droits d’autrui »363. Et l’intervention des médias catholique dans la politique est critiquée par l’épiscopat polonais et le Vatican. Selon Aleksander Smolar, le rapprochement entre le parti Droit et Justice au pouvoir et l’Église va susciter « une inquiétude au sein même de l’épiscopat, qui perçoit les dangers d’une politisation de l’Église et sa scission potentielle. Cela explique notamment les prises de position fermes de l’épiscopat polonais contre l’engagement politique de Radio Maryja, mais aussi, de cette façon, contre le gouvernement qui utilise cette radio comme un instrument de pouvoir (accentuant les tensions au sein de l’Église et menaçant son unité) » et l’auteur explique que « la lettre du Vatican poursuivait sans doute le même but, en exigeant la résolution du problème de l’engagement politique de médias catholiques – une démarche perçue par tous comme une critique de Radio Maryja et de la frange de l’Église liée à elle »364.

Selon la Constitution polonaise de 1997, plusieurs conséquences qui découlent de la liberté religieuse doivent être respectées. En vertu de la Constitution polonaise de 1997, la liberté religieuse implique la liberté « d’adopter la religion de son choix et la liberté de manifester sa religion, individuellement ou en commun, en public ou en privé, par le culte, la prière, l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement. La liberté de religion implique aussi la possession de sanctuaires et autres lieux de culte suivant les besoins des croyants et le droit de toute personne de bénéficier de l’assistance religieuse dans le lieu où elle se trouve »365. Au nom de la liberté religieuse, on est libre de pratiquer ou non une religion et « nul ne peut être contraint à participer ou à ne pas participer à des pratiques

361 Article 29 de la Constitution roumaine de 1991.

362 Article 29 de la Constitution roumaine de 1991.

363 Article 53 de la Constitution de 1997.

364 SMOLAR Aleksander, « Les radicaux au pouvoir et la transformation de la Pologne », Pouvoirs, n°118, 2006, p. 110.

365 Article 53 de la Constitution polonaise de 1997.

116 religieuses »366.

En Roumanie, l’État reconnait et garantit « aux personnes appartenant aux minorités nationales le droit de conserver, de développer et d’exprimer leur identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse »367. Mais la Constitution roumaine de 1991 précise, toujours dans son article 6, que « les mesures de protection prises par l’État pour la conservation, le développement et l’expression de l’identité des personnes appartenant aux minorités nationales, doivent être conformes aux principes d’égalité et de non-discrimination par rapport aux autres citoyens roumains ». Également, en Pologne, l’État reconnait les identités religieuses de ses citoyens et garantit la liberté religieuse. La Constitution polonaise de 1997 affirme que chacune « a droit à la liberté de conscience et de religion »368. Il ne nie pas leurs différences religieuses et admet ainsi que l’État polonais est composé des citoyens des différentes confessions. Pourtant, comme en Égypte, il existe une religion majoritaire qui est la religion catholique. Cette dernière a en plus activement participé à la lutte contre les communismes. Elle en a subi des répressions. Bien que « l’Église a contribué à permettre à la société polonaise d’accoucher d’une démocratie »369 devant la République polonaise, toutes les religions, minoritaires et majoritaires, sont égales370. La Constitution polonaise de 1997 reconnait que « les minorités nationales et ethniques ont le droit de créer leurs propres institutions d’éducation, institutions culturelles et institutions servant la protection de leur identité religieuse et la participation à la prise de décisions dans le domaine de leur identité culturelle »371.

En Roumanie et en Pologne, l’enseignement religieux est autorisé par leurs Constitutions respectives. En Roumanie, l’enseignement religieux est autorisé si les parents ou les tuteurs le souhaitent372. Dans ces deux États, l’enseignement religieux est même admis dans les écoles publiques. La Constitution roumaine de 1991 assure dans son article 32 que « l’État assure la liberté de l’enseignement religieux, conformément aux nécessités spécifiques de chaque culte.

Dans les écoles publiques, l’enseignement religieux est organisé et garanti par la loi ».

Comme en Roumanie, en Pologne également, la religion pourrait être enseignée à l’école. La Pologne autorise l’enseignement religieux et les parents peuvent assurer à l’enfant une

366 Article 53 de la Constitution de 1997.

367 Article 6 de la Constitution roumaine de 1991.

368 Article 53 de la Constitution polonaise de 1997.

369 MICHEL Patrick, « L’église et le catholicisme polonais à l’épreuve du pluralisme », Pouvoirs, n°118, 2006, p. 90.

370 Article 25 de la Constitution polonaise de 1997.

371 Article 35 de la Constitution polonaise de 1997.

372 Article 29 de la Constitution roumaine de 1991.

117 éducation qui soit « conforme à leurs convictions »373 à condition de prendre en compte « sa liberté de conscience, de religion et de ses convictions »374. Plus précise que la loi fondamentale roumaine de 1991, la Constitution polonaise de 1997 affirme que « la religion d’une Église ou d’une autre union confessionnelle à statut juridique régulier peut être enseignée à l’école, ce qui ne peut porter atteinte à la liberté de conscience et de religion d’autrui »375. En Roumanie, en ce qui concerne le mariage, s’il n’est pas interdit, le mariage religieux doit être célébré après le mariage civil. La Constitution de 1991 rappelle que « le mariage religieux ne peut être célébré qu’après le mariage civil »376.

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