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III- Analyser le texte juridique et le contexte dont il est issu en Europe de l’Est et dans le monde arabe après les révolutions

2) La méthode et les objets de notre étude

L’analyse d’un droit qui est en train de se faire, s’agissant des deux États arabes, dans un univers mouvant et changeant post-révolution n’est pas facile. Néanmoins, 28 ans après la chute du mur de Berlin, la situation des pays de l’Europe de l’Est est beaucoup plus stable.

Dans le cadre de cette étude, nous allons examiner, analyser et comparer le constitutionnalisme en Europe de l’Est et dans le monde dans la limite géographique que nous avons définie. Notre objectif principal est d’étudier le constitutionnalisme dans les deux révolutions dans une démarche comparatiste. Essentiellement, on va s’interroger, dans une approche comparative, sur les points communs et les singularités du constitutionnalisme dans

87 DURANDIN Catherine, « À la poursuite de l'histoire en Roumanie depuis 1989 », In : Vingtième Siècle, revue d'histoire, n°36, octobre/décembre 1992. Dossier : Identités d'Europe Centrale après le communisme. p. 61 ; http://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1992_num_36_1_2605.

88 BOUILLON Pierre, « Roumanie, décembre 1989 : Révolution démocratique ou coup d’État communiste ? », Bulletin de l'Institut Pierre Renouvin1 2011/1 (N° 33), p. 66. DOI 10.3917/bipr.033.0065.

89 MILACIC Slobodan, De l’âge idéologique à l’âge politique : l’Europe post-communiste vers la démocratie pluraliste, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 126.

90 Voir DURANDIN Catherine, La mort des Ceausescu : la vérité sur un coup d’État communiste, Paris, Bourin, 2009, 213 p.

32 ces deux régions. En étant conscients que la transition constitutionnelle n’est jamais linéaire, nous allons essayer de comprendre les transformations dans le monde arabe et en Europe de l’Est. Pour cela, nous allons non seulement utiliser les textes constitutionnels, mais également les contextes qui ont conduit à leurs adoptions, car comme le constate Marie-Claire Ponthoreau, « maintes études comparatives sont concentrées sur les règles, mais les règles ne peuvent pas être totalement comprises si elles sont isolées de leur contexte »91. Un comparatiste doit nécessairement tenir compte des contextes et de l’histoire des pays. Il s’agira par exemple pour l’Europe de l’Est le contexte de la guerre froide. La confrontation entre l’Est et l’Ouest a déterminé le choix de beaucoup de ces États. Ils fuyaient l’un pour aller vers l’autre avec plus ou moins de réussite. Cette situation géopolitique et de confrontation internationale était absente des révolutions arabes. Lors de ces révolutions, le peuple dénonçait « la misère et les conditions sociales désastreuses adossées à un climat généralisé de corruption ainsi qu’un désir ardent de changement politique incarné sur les calicots par l’impératif “Dégage” adressé aux dirigeants en place au nom de liberté par trop niées »92. Il n’existait pas un monde bipolaire qui a précédé les révolutions arabes. En revanche, les révolutions arabes étaient confrontées à des contextes internes tels que la confrontation entre les partis à référents islamiques et ceux dits laïques.

Selon Marie-Claire Ponthoreau, « le comparatiste vise à proposer un autre regard sur son propre droit à la différence du spécialiste d’un droit étranger. Il peut aussi faire d’autres choix ; privilégier soit une comparaison intégrative qui accentue les similarités soit, au contraire, une comparaison différentielle qui insiste sur les différences ou encore essayer d’identifier des principes communs aux systèmes juridiques comparés »93. Notre point de départ n’est ni la recherche de la différence ou la similitude, mais de constater, à la suite de l’analyse, la situation du constitutionnalisme dans ces pays. Par conséquent, il ne sera posé aucun postulat de départ. On étudie deux événements et on aboutira sur leurs différences ou leurs points communs.

Concrètement, nous analyserons en premier lieu le processus révolutionnaire, c’est-à-dire les mouvements révolutions en Europe de l’Est et dans le monde arabe et la période

91 PONTHOREAU Marie-Claire, « Le droit comparé en question(s). Entre pragmatisme et outil épistémologique », Revue internationale de droit comparé, n°1, 2005, p. 14.

92 TOUZEIL-DIVINA Mathieu, « Printemps et Révolutions arabes : un renouveau pour la séparation des pouvoirs ? », in La séparation des pouvoirs, Pouvoirs, n°143, 2012, p. 33.

93 PONTHOREAU Marie-Claire, « Le droit comparé en question(s). Entre pragmatisme et outil épistémologique », Revue internationale de droit comparé, n°1, 2005, p. 10. Pour plus de détail voir PONTHOREAU Marie-Claire, Droits (s) constitutionnel (s) comparé (s), Economica, 2010, 389 p.

33 transitoire. Il s’agira entre autres d’observer les acteurs de ces deux périodes. En effet, l’analyse portera sur le moyen utilisé pour gérer les mouvements révolutionnaires. On étudiera également les actes juridiques qui régissent la période transitoire et qui sont mis en œuvre pour aboutir à une Constitution. Comme le souligne le Professeur Jean-Pierre Massias, les transitions sont « des révolutions axiologiques, politiques et sociales dans lesquelles le droit rempli une fonction spécifique : celle d’exprimer, de structurer et de rationaliser le discours et le comportement des acteurs dominants. La Constitution participe à la formalisation du discours transitionnel, elle devient un instrument de sa réalisation et fourni à ses analystes un certain nombre de paramètres permettant la vérification des affirmations démocratiques »94. En somme, notre étude portera principalement sur le moyen juridique mobilisé pour canaliser les mouvements révolutionnaires en Europe de l’Est et dans le monde arabe. Pour comprendre les rapports de force qui ont abouti à ces textes, nous allons étudier les acteurs du processus révolutionnaire et la préparation des textes constitutionnels.

En second lieu, nous allons examiner l’identité du régime mis en place par les Constitutions post-révolutions dans ces États, car « le droit consigne les compromis (consensuels ou majoritaires) sur les valeurs et organise les procédures stables et formelles de leur mise en œuvre »95. Nous allons également observer la conséquence de l’identité de l’État sur son organisation et sur son droit. Par la même occasion, nous allons étudier l’organisation et le fonctionnement des différents pouvoirs étatiques.

En troisième lieu, nous allons étudier le texte constitutionnel lui-même en observant la garantie que les Constitutions post-révolutions offrent dans le cadre de la limitation des pouvoirs étatiques et de la protection des droits fondamentaux des individus. Nous allons ici analyser la réalité du constitutionnalisme dans les Constitutions de ces pays. Ainsi, ces deux mouvements nous permettront d’analyser l’encadrement de l’exercice du pouvoir politique dans ces États.

En outre, nous pensons qu’il faudra associer tous les citoyens, y compris les acteurs politiques de l’ancien régime, pour une réussite durable et démocratique des nouvelles institutions. Dans le monde arabe et en Europe de l’Est, les acteurs politiques de l’ancien régime ont été impliqués dans les travaux de la transition politique. En Égypte, l’armée est un

94 MASSIAS Jean-Pierre, « Pacification sociale et transition constitutionnelle : Réflexion sur les limites de l’autosatisfaction positiviste », in Mélanges en l’honneur de Slobodan Milacic : Démocratie et liberté : tension, dialogue, confrontation, sous la direction de Jean du Bois de Gaudusson, Philippe Claret, Pierre Sadran, Brigitte Vincent, Bruylant, 2008, p. 166.

95 MILACIC Slobodan, « Rapport introductif : l’Etat post-communiste entre l’histoire, le droit et le marché », in La réinvention de l’Etat : démocratie politique et ordre juridique en Europe centrale et orientale, sous la direction de Slobodan Milacic, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 23.

34 acteur incontournable et depuis son retour au pouvoir avec le Maréchal Al Sissi, la réussite des nouvelles institutions dépendra d’elle. En Tunisie, le président Beji Caid Essebsi n’est pas un novice en politique. Il a été sous Habib Bourguiba député, ministre et ambassadeur. En Pologne, également, la « Table ronde » organisée entre les révolutionnaires et les dirigeants communistes, l’admission des ministres de l’ancien régime dans le gouvernement post-révolution illustrent bien qu’il fallût rassembler pour réussir la transition politique.

IV-La compatibilité de l’idée de l’internationalisation du constitutionnalisme avec les

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